Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

La Française des jeux, dont la valeur est estimée à 3,8 milliards d'euros : adjugée, vendue pour 1,5 milliard d'euros.

L'activité énergie d'Alstom, incluant les turbines de centrales nucléaires ou les prototypes d'éoliennes en mer dont la France a tant besoin : adjugée, vendue par Emmanuel Macron à General Electric.

Les aéroports de Lyon, Nice et Toulouse, instruments stratégiques de notre souveraineté et du contrôle de nos frontières : adjugés, vendus respectivement à Vinci, à l'Italien Atlantia et surtout au Chinois Casil, lequel a revendu l'aéroport de Toulouse avec une petite plus-value de 200 millions d'euros.

Si vous pensiez qu'Emmanuel Macron était Président de la République, vous vous trompiez : il est commissaire-priseur. Il vend la France à la découpe, avec de larges rabais pour ses amis. Et quand il ne vend pas les biens stratégiques de l'État, il s'emploie à prolonger les concessions d'autoroutes, dont les seuls gagnants sont les mastodontes du BTP, à savoir Abertis, Eiffage et, bien sûr, Vinci, véritable sangsue de l'argent public.

Souvenez-vous : en 2015, quand il était ministre de l'économie dans le gouvernement de Manuel Valls, Emmanuel Macron a validé la prolongation des concessions pour cinq ans, sans publicité ni mise en concurrence, avec des augmentations automatiques aux péages chaque 1er février, de 2019 à 2023, soit un surcoût de 500 millions d'euros pour les usagers. Quel stratège ! Quel visionnaire pour la France ! Vous lui demanderiez d'élaborer une stratégie vaccinale pour le pays qu'il irait demander conseil à des cabinets privés étrangers… Ah, excusez-moi, c'est déjà fait, pour la modique somme de 25 millions d'euros, c'est-à-dire l'équivalent de 50 millions de masques FFP2 ou 85 000 capteurs de CO2.

S'il y avait une discipline du gaspillage d'argent public aux Jeux olympiques, le Gouvernement serait médaillé d'or. Collègues, ce gouvernement, dans la pure tradition néolibérale, vend notre pays à la découpe pour les seuls intérêts de quelques multinationales – ce que vous appelez la compétitivité des entreprises. Pour quel bilan, monsieur le ministre délégué ? Quel bilan ? Vous n'avez jamais fait celui de toutes les privatisations depuis la fin des années quatre-vingt, mais je peux vous le résumer très facilement : enrichissement des multinationales et des grands actionnaires, appauvrissement de l'État, augmentation des prix pour les usagers, creusement des inégalités d'accès à ces biens.

La gestion des autoroutes par des multinationales n'a pas diminué, comme par enchantement, le nombre de véhicules sur la route, ni résorbé le nombre d'accidents, et je suis à peu près certaine que nos concitoyens rouspètent au volant aussi fréquemment que lorsque l'État était à la manœuvre. La différence, c'est que les prix ont augmenté 22 % plus vite que l'inflation. Tout a été dit, ou presque, sur ce fiasco : l'État a cédé les autoroutes pour 14,6 milliards d'euros alors que la Cour des comptes en estimait le prix réel à 25 milliards d'euros ; un cadeau de 10 milliards aux multinationales, le premier d'une longue série. Surtout, l'État a concédé ses infrastructures autoroutières alors que leur exploitation commençait à rapporter de l'argent, ce qui aurait été bénéfique pour les finances publiques et aurait permis de ne pas augmenter les péages. Mais comment pourrait-il en être autrement, dès lors qu'on a décidé de privatiser des monopoles ?

Je rappelle un principe d'économie élémentaire – sans doute n'est-il pas enseigné à l'École nationale d'administration, mais il l'est dans toutes les facultés de France. Retenez votre souffle : privatisez des monopoles, et vous ferez automatiquement augmenter le prix du service. Un monopole livré au privé débouche mécaniquement sur la création d'une rente, laquelle n'existe pas lorsque le monopole est public. C'est pourquoi il est impossible, dans ce cas, que les prix baissent ou que l'entreprise soit incitée à améliorer le service. Regardez tous les exemples de monopoles privatisés, en France ou ailleurs : EDF, GDF, La Poste, les autoroutes, le train… Pour tous ces exemples, les prix ont-ils baissé ? Le service est-il toujours accessible au plus grand nombre ? La promesse de la magie du secteur privé qui ferait mieux que le secteur public a-t-elle été tenue ? La réponse est non, non et non. Le Royaume-Uni nous l'a encore démontré récemment, en annonçant renationaliser une partie de son réseau ferroviaire. Les privatisations, loin de stimuler l'économie ou d'offrir un meilleur service aux usagers, nous appauvrissent, nous dépossèdent de notre souveraineté, nous volent notre capacité de décider ensemble des orientations de notre économie. C'est un manque à gagner considérable pour l'État que vous vous sentez obligé d'aller rechercher dans les poches des chômeurs, des pauvres ou des retraités.

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