Voilà encore une catégorie de Français que ce quinquennat n'aura pas épargnée : les automobilistes, véritables vaches à lait, à qui l'on aura tout fait subir depuis des années, tout – passage aux 80 kilomètres par heure, explosion du prix de l'essence, augmentation des péages, sans oublier les zones à faibles émissions et une circulation devenue impossible dans certaines grandes villes comme Paris ou Lyon… Aujourd'hui, en France, pays de Nicolas Joseph Cugnot, créateur du premier modèle d'automobiles – cocorico ! –, être automobiliste est devenu un véritable enfer.
Il me semble difficile d'intervenir sur la nationalisation des autoroutes qui fait l'objet de cette proposition de loi sans évoquer globalement les problèmes que vivent au quotidien une grande partie de nos concitoyens. Je pense notamment à ceux de la France périphérique et rurale, véritables victimes de ce mandat ; je pense aussi aux citoyens des métropoles qui, parfois, n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule et qui vivent un parcours du combattant, entre bouchons, radars et problèmes de stationnement. Face à cela, les ressorts sont multiples, et la nationalisation des sociétés d'autoroute est une bonne idée. Cette proposition figure d'ailleurs dans le projet présidentiel de Marine Le Pen, qui veut rendre aux Français leur pays et leur argent.
Chers collègues, une fois n'est pas coutume – c'est assez rare pour le souligner –, nous sommes d'accord sur un sujet. Votre proposition de loi dresse un très juste constat : les autoroutes françaises sont l'histoire d'une véritable spoliation des Français. Permettez-moi un bref rappel historique. De Gaulle, dès 1955, voulait couvrir le territoire d'un circuit routier moderne, entretenu et performant ; il entreprend alors la création d'autoroutes, confiée à des sociétés concessionnaires qui amortissent le coût de l'investissement et de l'entretien par les recettes des péages. Ce modèle a permis de construire 75 % d'un réseau de 10 000 kilomètres autoroutiers de qualité, véritable atout pour notre pays et pour l'aménagement du territoire. Après les premières cessions sous Lionel Jospin, Dominique de Villepin estimait réaliser en 2006 « une bonne affaire » – je le cite – en cédant les sept principales concessions pour 14,8 milliards d'euros. Une si bonne affaire que la Cour des comptes, trois ans plus tard, a réestimé la valeur de ces sociétés autour de 25 milliards d'euros, soit une perte sèche de 10 milliards d'euros pour les Français ! Aujourd'hui, avec un taux de rentabilité de près de 25 %, on peut dire que les sociétés concessionnaires se gavent sur le dos des Français. C'est une véritable illustration de la captation d'un bien public au profit d'intérêts privés, dont les bénéfices hallucinants ne servent pas l'intérêt général.
En cette période de crise du pouvoir d'achat, chacun comprend les conséquences bénéfiques d'une nationalisation des autoroutes sur le portefeuille des Français. Dans notre vision des choses, cela permettrait de faire baisser de 10 à 15 % le prix des péages, lesquels, rappelons-le, ont augmenté de 20 % en dix ans et représentent un budget moyen de 300 euros par ménage et par an. Cette mesure, essentiellement financée par le rachat des dettes des sociétés, permettrait de rendre 1,5 milliard d'euros par an au budget de l'État, ce qui pourrait servir au lancement d'une politique de réaménagement du territoire. Ce serait, en somme, un contrat gagnant-gagnant avec les Français.
Ainsi, nous approuvons la proposition de loi, tout en émettant une réserve sur la façon dont elle est gagée, à savoir sur la diminution de l'exonération de la taxe carbone ; une légère différence de point de vue qui ne saurait nous empêcher de constater le bon sens de cette proposition.