Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Interdiction du glyphosate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Le modèle agricole français est depuis longtemps l'un des plus performants au monde. Mais, au-delà de sa productivité désormais bien acquise, un nouvel enjeu a évidemment émergé : le respect de l'environnement. La question des pesticides, plus particulièrement le glyphosate, cristallise naturellement une grande partie des débats. Nous avons d'ailleurs échangé longuement au sein de mon groupe sur la meilleure stratégie à adopter ; je dois dire que des nuances se sont exprimées sur l'objet de ce texte. Néanmoins, nous nous retrouvons tous sur les effets délétères de ces substances pour la santé et pour l'environnement, qui sont largement étayés, pour ne pas dire incontestables.

En ce qui concerne le glyphosate plus spécifiquement, le rapport publié au mois de juin 2021 par l'INSERM confirme le lien de causalité entre l'exposition au glyphosate et le développement de pathologies cancéreuses. C'était d'ailleurs ce que pressentait le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'OMS, lorsqu'il a classé l'herbicide en tant que cancérigène probable. Les preuves de son impact sur l'environnement sont pour leur part de plus en plus nombreuses. Parmi les effets négatifs, on trouve une baisse de l'incorporation des éléments nutritifs des sols, tels que le fer, le zinc et le manganèse. Les impacts non négligeables sont également à noter sur la faune, puisque les animaux qui y sont exposés connaissent une baisse de leur fertilité.

Au vu de ces éléments, nous sommes d'accord avec vous, il y a urgence à sortir de la dépendance au glyphosate. C'était également ce que défendait initialement le président Emmanuel Macron, nous nous en souvenons tous. Le 27 novembre 2017, le chef de l'État demandait au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans un délai de trois ans. Nous connaissons aussi la suite : à peine deux ans plus tard, un rétropédalage est intervenu.

Aujourd'hui, le Gouvernement renvoie aux instances communautaires la responsabilité d'interdire l'utilisation du glyphosate. Dans un grand marché ouvert, il n'est en effet pas incongru que la réglementation applicable soit la même partout en Europe. Cela tombe bien, la France vient de prendre la présidence de l'Union européenne et la licence de mise sur le marché du glyphosate sur le Vieux Continent expire à la fin de l'année 2022. Nous avons donc une chance unique de faire avancer le dossier. Une seule question demeure : la lutte contre les pesticides sera-t-elle l'une des priorités de l'agenda français ?

Mon opposition de principe au glyphosate n'est pas un aveuglement. Je suis conscient qu'en interdire immédiatement l'usage serait, dans certains cas, synonyme de champs envahis de mauvaises herbes et de baisse de rendement ; dans d'autres circonstances, cela se traduirait par l'utilisation d'herbicides autrement plus dangereux ; dans d'autres, enfin, ce serait un retour au labourage intensif. Finalement, ce sont autant de mauvaises nouvelles pour notre planète et pour nos agriculteurs. C'est pourquoi je défends un calendrier de sortie progressive et déterminée de l'herbicide.

Certains sur ces bancs souhaitent se borner à suivre les préconisations de l'ANSES en matière d'usage de l'herbicide. Pour ma part, je considère qu'elles ne sont pas assez ambitieuses. En 2020, les doses avec lesquelles les agriculteurs pourront traiter leurs cultures ont été réduites de 80 % pour la viticulture et de 60 % pour l'arboriculture et les grandes cultures. Cependant, force est de constater que les quantités utilisées en moyenne par nos agriculteurs sont souvent inférieures au nouveau plafond défini. Aussi, l'année 2021, première année où les restrictions de l'ANSES s'appliqueront, sera déterminante pour évaluer s'il y a réellement eu des changements de pratiques. Bien évidemment, j'espère qu'elle marquera une inversion de la tendance. Mais quoi qu'il advienne, je suis convaincu qu'il faudra mettre en œuvre de nouvelles restrictions pour aller vers une interdiction totale de l'usage du glyphosate.

Cette interdiction, justement, ne pourra se faire sans un accompagnement renforcé de nos agriculteurs afin qu'ils modifient leurs pratiques. Je reconnais que le Gouvernement a appliqué certaines mesures visant à inciter les exploitants à se passer de l'herbicide. Le plan France relance consacre des crédits au renouvellement des équipements ou à l'achat d'équipements de substitution. Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avons également voté un crédit d'impôt spécifique au bénéfice de certaines entreprises agricoles qui n'utilisent pas de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate.

Toutefois, ces diverses mesures restent largement insuffisantes pour permettre la transition de l'ensemble de la filière. À l'avenir, il faudra renforcer les aides pour permettre à ceux qui travaillent la terre de s'engager résolument dans un modèle de production respectueux de l'environnement et de la santé. En attendant que ces mesures soient appliquées et pour en revenir à l'objet du texte, les députés de mon groupe se détermineront en conscience. Pour ma part, vous l'aurez compris, je voterai pour la proposition de loi, en espérant qu'elle permette d'accélérer le calendrier de sortie du glyphosate.

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