Dans l'entretien qu'il a accordé le 4 janvier 2022, le Président de la République a affirmé : « Sur le glyphosate, je n'ai pas réussi. Certains agriculteurs m'ont dit que si on les obligeait à sortir rapidement, ils allaient mettre la clé sous la porte, parce que les concurrents espagnols ou italiens, eux, pouvaient continuer à produire. C'est l'erreur que j'ai commise en début de quinquennat : il faut agir sur ces sujets au niveau européen. Cela ne marche pas si on le fait tout seul. Je ne peux pas mettre des agriculteurs dans des impasses et sans solution ; l'on est à l'heure des solutions pratiques. »
Voilà qui fait écho à la proposition de loi que nous soumet aujourd'hui La France insoumise. Mais en toute logique, c'est une proposition de résolution européenne que vous auriez dû déposer, et je suis certain que le Parlement vous aurait suivi sur un texte qui demanderait au Gouvernement de redoubler d'efforts dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne pour convaincre nos partenaires européens de ne plus renouveler l'autorisation du glyphosate.
Mais non, comme à l'accoutumée, vous préférez vous enfermer dans une vaine gesticulation verbale qui n'a d'autre finalité que d'affoler la presse et d'embrouiller les esprits.
Je note cependant, et je l'ai dit en commission à notre rapporteur, que pour une fois vous avez soigné l'emballage. D'habitude, La France insoumise ne s'embarrasse pas de considérations juridiques pour décréter le bonheur universel à la place du peuple. Cette fois, notre collègue Loïc Prud'homme décortique soigneusement l'articulation entre la réglementation européenne et le droit national, entre les prérogatives qui sont celles de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil, celles des ministres français et le rôle incontournable de l'ANSES. Cela a au moins le mérite d'être pédagogique pour les insoumis qui suivent nos débats.
En effet, et c'est bien de le reconnaître, la France est engagée par des traités avec ses voisins européens. C'est une sage décision puisque nous avons une monnaie unique, dans un marché unique, dans un espace juridique commun qui garantit la libre circulation des biens et des personnes.
À l'occasion de la pandémie que nous traversons, cette Europe, que d'habitude vous dénoncez, a montré que non seulement elle nous permet de préserver notre économie et notre sécurité, mais qu'elle est également utile pour coordonner nos efforts afin de juguler le virus par l'acquisition et la diffusion de vaccins. Mais cet effort pédagogique tombe, comme souvent, dans le vide, puisque vous persévérez dans votre posture isolationniste en réclamant l'interdiction du glyphosate de façon unilatérale.
Cependant, ce qui me déçoit le plus, c'est que vous ignorez délibérément les travaux de l'Assemblée nationale durant les quatre dernières années. Vous ne mentionnez à aucun moment les travaux de la mission d'information commune présidée par notre collègue Élisabeth Toutut-Picard et dont les rapporteurs étaient Didier Martin et Gérard Menuel.
Dès avril 2018, le rapport a conclu que la question des produits phytopharmaceutiques ne pouvait pas déboucher sur une réponse simpliste, mais qu'il fallait une approche systémique en faveur du développement de l'agroécologie.
Vous prétendez que la France n'a rien fait. Pourtant, à ce jour, l'ANSES a retiré 131 autorisations de mise sur le marché du glyphosate sur les 201 qui existaient en début de législature, soit les deux tiers.
M. Prud'homme semble également ignorer les conclusions de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, présidée par notre collègue Julien Dive, dont les rapporteurs étaient Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit : elle n'a droit qu'à une note de bas de page. Pourtant, dès novembre 2019, cette mission a permis au Parlement de définir la ligne de crête pour une réduction progressive des usages du glyphosate. Il s'agit d'un rapport fouillé, et rarement le Parlement a déployé autant d'énergie sur une question, ce qui montre bien que l'Assemblée nationale attache à ce sujet l'importance qu'il mérite.
À la suite de ces travaux qui rappelaient que la SNCF est le premier utilisateur de glyphosate pour le désherbage des voies ferrées, la compagnie nationale vient d'annoncer qu'elle a trouvé une solution alternative et qu'elle renonce dorénavant à ce désherbant. Dans la vraie vie, il faut parfois du temps pour changer les méthodes de travail : plus de deux ans dans ce cas. La France insoumise préfère stigmatiser les paysans français et passer sous silence les pratiques des entreprises publiques où elle espère probablement récolter des suffrages.
Nous l'avons compris : cette proposition de loi n'a d'autre vocation que de mettre en lumière un totem de votre ligne politique. Elle en dit cependant long sur le mépris de La France insoumise pour le travail du Parlement et probablement pour la démocratie en général : pour vous, ce lieu n'est qu'une tribune pour clamer votre harangue.
Comme vous l'avez compris, le groupe Agir ensemble n'apportera pas de majorité à votre texte.