Intervention de Pierre-Henri Dumont

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Interdiction du glyphosate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont :

Je me fais le porte-parole de mon collègue Julien Dive qui nous rejoindra dans quelques minutes.

Tout a commencé en novembre 2017, par un tweet vengeur du Président de la République qui a fracturé l'opinion publique, en annonçant l'interdiction du glyphosate en France en 2021.

Calomniés, attaqués, accusés, les agriculteurs ont une fois de plus été la cible d'une annonce terrible pour leur quotidien déjà âpre, une pièce de plus dans le juke-box de l'agribashing.

S'en sont suivis des débats houleux lors de l'examen du projet de loi EGALIM en 2018, avec une proposition de loi du même nom que celle que nous étudions aujourd'hui, et la création d'une mission d'information parlementaire de vingt-quatre mois sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate en France.

Rappelons tout d'abord que la France est avant-gardiste sur ce sujet : depuis 2017, l'usage de l'herbicide glyphosate est interdit aux collectivités pour le traitement des espaces publics. Depuis 2019, sa vente est proscrite à tout particulier. Plus récemment, la SNCF, premier utilisateur individuel français avec 40 tonnes de glyphosate aspergées chaque année sur ses voies ferrées, annonce qu'elle le remplacera en 2022 par une solution à base d'acide pélargonique, dix fois plus cher, ce qui représente un montant de 110 millions d'euros, et qui nécessitera une quantité trois fois plus importante, puisqu'il faut utiliser seize litres contre cinq litres par hectare de glyphosate – dix fois plus que ce qu'utilise en moyenne un agriculteur. Je vous laisse imaginer l'impact sur les sols et surtout sur le revenu de nos exploitants.

Dans les faits, la sortie du glyphosate est bien réelle et nos agriculteurs n'ont pas besoin d'une énième injonction électoraliste pour bobos. Les préconisations d'usage ont été sévèrement modifiées par l'ANSES, qui l'a restreint aux situations où l'herbicide en question n'est pas substituable. Il est interdit entre les rangs de vigne, car des solutions mécaniques existent ; il en va de même dans les vergers. Quant aux grandes cultures, le glyphosate ne pourra plus être utilisé en complément du labour. Là aussi, c'est le bon sens qui prime pour préserver les techniques de conservation des sols comme le non-labour et éviter les situations d'impasse.

En réalité, l'enjeu de la ferme France est bien cerné par la profession. Il faut réduire l'application de produits phytosanitaires en supprimant les substances reconnues comme étant dangereuses et nocives. C'est le cas chaque année avec le retrait d'autorisations de mise sur le marché. Nous devons supprimer le superflu ou l'excès d'usage de produits phytosanitaires grâce aux techniques et aux outils de précision. Enfin, nous devons protéger le budget de l'exploitation, et donc le revenu de l'agriculteur. Personne n'utilise des produits phytosanitaires par pur plaisir, mais uniquement par nécessité. Cela représente un coût. Pour vous en convaincre, prenez l'exemple de l'engrais azoté dont le prix a été multiplié par trois en un an, faisant craindre des perspectives inflationnistes sur le blé en 2023 – on est bien loin de la baguette de pain à 29 centimes.

Les Républicains profitent de cette tribune pour vous alerter, monsieur le ministre. Nous dénonçons la manie du Gouvernement qui consiste à créer sans cesse de nouvelles plateformes numériques de délation des agriculteurs et de leurs pratiques, ce que vous appelez le name and shame, qui contribue à l'hystérisation du débat public. Cela a commencé en 2013, avec la création par Stéphane Le Foll de Phytosignal, un outil en ligne crée par l'État et mis à la main des régions ; deux d'entre elles viennent de s'en emparer.

Puis, en 2018, en plein débat sur le glyphosate, votre prédécesseur met en ligne glyphosate.gouv.fr pour mettre en avant les bonnes pratiques et donc, de manière détournée, pointer du doigt les mauvais élèves. Il aura fallu que mission parlementaire menée par Julien Dive, Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit s'en émeuve pour que le site soit retiré.

Enfin, il y a deux jours, la ministre de la transition écologique, votre collègue, soutenue par cette majorité, a annoncé le lancement de sites internet pour informer les riverains sur les agriculteurs qui pulvérisent des pesticides.

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