Je précise que la légalisation du cannabis ne conduit pas non plus nécessairement à un surcroît de trafic et de consommation d'autres drogues. Je fais référence à ce que l'on appelle la théorie de l'escalade, qui revient souvent dans le débat. Au contraire, en éloignant les usagers du cannabis des dealers qui sont susceptibles de vendre d'autres drogues, on peut mieux prévenir la consommation de drogues plus dures que le cannabis.
Vous aurez compris que, si la proposition de loi que je vous présente se réduit aux seuls aspects de la légalisation, afin de remplir les conditions d'une niche parlementaire, le texte s'inscrit dans un cadre plus global décrit dans l'exposé des motifs. Cette approche globale du sujet inclut une politique de santé ambitieuse, une politique de réinsertion sociale, mais aussi un redéploiement des forces de police vers une police de proximité – en deux ans, au Canada, le commerce illicite a baissé de 60 % –, et davantage de moyens donnés aux polices d'investigation et judiciaire pour démanteler les trafics.
Je voudrais conclure sur notre approche de la légalisation. La tendance mondiale en cours nous amènera inévitablement à la dépénalisation et à la légalisation. Sous quelle forme ? Voilà la question que je pose. En agissant à temps, en régulant ce commerce sous contrôle de l'État, nous parviendrons à éviter le développement d'un nouveau marché juteux et dangereux pour la santé, celui du Big Canna. Voilà pourquoi nous proposons une légalisation sous contrôle strict de l'État. Celui-ci aurait le monopole de la distribution du produit et des licences accordées à des producteurs et vendeurs en développant des modes économiques non capitalistes de type associatifs, ESS – économie sociale et solidaire –, cannabis social club.
Cette filière permettrait de reprendre le contrôle sur les produits en circulation, d'avoir une traçabilité, de s'assurer que le cannabis n'est pas coupé avec n'importe quoi comme c'est le cas aujourd'hui, et de contrôler le taux de THC, qui a littéralement explosé. Ce « commerce » s'appuierait sur une vente régulée, interdite aux mineurs. Il permettrait de créer des emplois licites mais également de faire rentrer des recettes dans les caisses de l'État, recettes qui pourront financer les dépenses de santé et de prévention des risques que j'ai déjà évoquées.
En cohérence avec le caractère transpartisan de cette proposition de loi, de plus en plus de Français se déclarent favorables à la légalisation. Les derniers sondages, dont celui commandé pour notre niche parlementaire, montrent même qu'une très large majorité se prononce en sa faveur. Une consultation citoyenne donne 80 % de votes en ce sens sur 250 000 avis exprimés, parce que les gens ont compris que si la légalisation ne réglait pas tout, la prohibition, elle, n'avait rien réglé, induisant, de fait, du trafic et une explosion de la consommation et des risques. Je vous propose aujourd'hui, chers collègues, que nous rejoignions la sagesse et la lucidité de nos concitoyens en adoptant cette loi.