La proposition de loi déposée par le député Éric Coquerel au nom du groupe La France insoumise porte sur un sujet de société majeur, l'un de ceux sur lesquels il est difficile de ne pas avoir une opinion, mais qui malheureusement s'accommode peu de nuances.
Je sais par ailleurs que c'est un sujet sur lequel votre assemblée s'est beaucoup investie, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, notamment dans le cadre de la récente mission d'information commune relative à la réglementation et l'impact de différents usages du cannabis. Le travail de ses rapporteurs a permis d'explorer les différentes facettes de ce dossier, en soulignant sa grande complexité. Je tiens, à mon tour, à saluer la contribution de ces travaux à la discussion.
Ces derniers mois, le cannabis n'a pas été absent de l'agenda du ministère des solidarités et de la santé, et nous pouvons collectivement être fiers d'avoir permis son usage médical, dans le cadre d'une expérimentation qui était attendue depuis très longtemps. Au-delà des opinions vagues et des convictions tranchées sur l'usage dit récréatif du cannabis, il y a des faits et un constat : la consommation de cannabis représente un véritable problème de santé publique. Les auteurs de la proposition de loi ne l'ignorent pas : ils mentionnent d'ailleurs explicitement dans son exposé des motifs « la réalité des dangers du cannabis ».
Les chiffres évoqués à l'appui de la légalisation, nous les connaissons tous. La prévalence de l'usage du cannabis est élevée en France. En population générale, en 2019, on comptait, cela a été dit, 5 millions de consommateurs dans l'année, 1,5 million de consommateurs réguliers et 900 000 consommateurs quotidiens. Ces 900 000 consommateurs quotidiens de cannabis sont potentiellement considérés comme ayant des usages problématiques liés à cette consommation.
Des résultats récents montrent toutefois une dynamique qui contredit l'idée, souvent répandue, que les niveaux de consommation ne cessent d'augmenter. La proportion des usagers dans l'année – 11 %, soit un adulte sur dix – n'a pas varié depuis 2014, et celle des usagers réguliers, qui consomment au moins dix fois dans le mois, apparaît même en léger recul, passant de 3,6 % en 2017 à 3,2 % en 2020.
En fonction des tranches d'âges, les observations sont contrastées. Les niveaux d'usage progressent légèrement parmi les adultes de plus de 35 ans, mais la baisse de l'usage parmi les 18-25 ans, amorcée depuis 2014, se confirme. Le cannabis est donc de moins en moins populaire au fil des générations nées depuis le milieu des années 1980.
Votre proposition de loi parle « d'échec de la politique prohibitive » ; je crois que cet échec est à nuancer dans la mesure où il semble que ce qui était subversif, rebelle et peut-être même branché, il y a quelques années, ne l'est plus tant que cela.
S'agissant des jeunes, l'OFDT a montré que, si la consommation des jeunes français de 16 ans restait, en 2019, une des plus élevées en Europe, elle est dans le même temps une de celles qui a connu la plus forte baisse entre 1999 et 2019, en comparaison avec les autres pays européens.
Nous devons qualifier ce dont nous parlons : le cannabis est une drogue dont le caractère nocif pour la santé humaine est clairement établi par la littérature scientifique française et internationale. La dangerosité du produit est accrue pour les adolescents et les jeunes adultes, parce que leur cerveau, en maturation jusqu'à 25 ans, peut être sérieusement affecté par la consommation de cannabis.
Face à cet enjeu de santé publique, mais qui concerne également l'ordre éducatif, ainsi que l'insertion sociale et professionnelle, nous cherchons tous à atteindre les mêmes objectifs : réduire les risques et prévenir le plus tôt possible l'entrée dans l'usage. Nous assumons vouloir que ce produit soit moins consommé en France, et que son image soit débanalisée.
Il s'agit également de lutter contre les trafics – M. le rapporteur l'a évoqué –, en s'attaquant aux réseaux criminels qui se cachent derrière ce que l'on considère parfois comme le petit trafic. C'est un enjeu à part entière qui est indissociable de la politique de prévention. Le Gouvernement s'est saisi de ce sujet ; nous agissons sur l'offre et sur la demande dans un même effort, et vous savez combien le ministre de l'intérieur est déterminé à mener la vie dure à ceux qui pourrissent la vie des quartiers en vendant de la drogue. La proposition de loi n'élude d'ailleurs pas ce phénomène, preuve que, si nos solutions diffèrent, nous faisons le même constat : la pratique est nocive non seulement pour la santé publique, mais également pour la tranquillité publique. Nous marchons sur deux jambes : la lutte contre les trafics et la prévention.