Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du vendredi 14 janvier 2022 à 15h00
Outils de gestion de la crise sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Nous pouvons débattre de l'efficacité du texte sur la vaccination des Français, mais reconnaissons que même si cette loi avait été promulguée avant le délai initial – pour tout dire intenable – du 15 janvier, elle n'aurait pas eu d'effet immédiat sur la vague cumulée omicron et delta. Et ce pour une raison très simple : la vague est déjà là depuis plusieurs semaines. Des mesures pour la freiner auraient pu être prises, mais elles auraient dû intervenir dès le mois de décembre. C'est ce que préconisait d'ailleurs le Conseil scientifique. Au lieu de cela, le pari a été fait de sauver Noël. Ce choix politique explique aussi la situation sanitaire actuelle.

Nous avons été convoqués à la dernière minute, dès le 29 décembre en commission, pour donner un nouveau tour de vis – avec une cible principale : les non-vaccinés. Nous pensons, à l'instar du Gouvernement, que la couverture vaccinale est très importante pour lutter contre l'épidémie. Mais il faut le reconnaître, les événements de ces dernières semaines nous conduisent à nuancer cette affirmation : la protection du vaccin est moins longue qu'espéré ; elle pâtit de l'apparition des variants ; elle n'empêche manifestement pas la contamination, même si elle réduit indéniablement les formes graves. Il faut donc, selon nous, miser sur une éthique de vérité et de responsabilité : cibler et convaincre. Nous le redisons sans équivoque : plus il y aura de personnes vaccinées, mieux nous pourrons lutter contre les formes graves du covid et plus nous pourrons alléger, du moins à court terme – car le problème demeurera –, la charge pesant sur le système de santé, qui est à bout de souffle.

Mais avec ce texte, le choix a été fait de cliver, de monter les populations les unes contre les autres. Pourtant, selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 40 % des non vaccinés le sont en raison de difficultés d'accès au vaccin ; seulement 60 % ne seraient donc pas vaccinés par choix. Qu'en déduisons-nous ? Qu'il faut renforcer les politiques ciblées et adaptées à chaque public et concentrer fortement les efforts en direction des publics âgés et de ceux à risques. Par exemple, comment se satisfaire de voir que les plus de 80 ans font partie, parmi les adultes, de la tranche d'âge la moins vaccinée ?

Enfin, le Conseil scientifique, dans son avis du 8 décembre, rappelle aussi et surtout qu'il n'existe pas de solution unique et miraculeuse, et que l'efficacité viendrait plutôt de la combinaison de plusieurs mesures. Nous répétons donc la nécessité d'en appeler au respect des gestes barrières et d'équiper les classes de détecteurs de CO2 et de purificateurs d'air. Reconnaissez-le : présenter la vaccination comme l'horizon indépassable de la lutte contre la pandémie et marteler que celle-ci allait vite s'arrêter ne pouvait que contribuer au relâchement des gestes barrières ; nous le savons tous.

Le texte que nous examinons est malheureusement muet sur cette dimension multifactorielle du combat à mener. Sa principale disposition concerne la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal. Si quelques-uns des membres du groupe Libertés et territoires y sont favorables, la majorité reste opposée à cette transformation, estimant qu'elle relève avant tout de l'affichage et entraîne une atteinte disproportionnée aux libertés publiques et des discriminations inacceptables à ce stade. Cependant, nous avons pris nos responsabilités et proposé des aménagements, s'agissant par exemple des mineurs ou de l'accès aux transports publics interrégionaux. Pour la Corse, nous avons obtenu en première lecture des garanties suffisantes que l'île ne serait pas isolée du continent. Nous serions encore plus près d'un accord si le certificat de rétablissement était inclus dans le passe vaccinal, si le projet de loi prévoyait des clauses de revoyure ou si la lutte contre la pandémie était plus territorialisée. Quelle peut être en effet son utilité dans les régions où plus de 97 % des personnes éligibles sont vaccinées ?

Autre problème, le fait de faire assurer des contrôles d'identité – car c'est bien de cela qu'il s'agit – par des personnes non assermentées. Il faut certes renforcer la lutte contre les faux passes – mon collègue Colombani est déjà intervenu sur ce point –, mais nous ne voulons pas faire porter cette responsabilité sur les restaurateurs : ce n'est pas leur rôle.

Un mot enfin sur le télétravail : l'obligation introduite en catastrophe s'appuie sur un protocole qui n'a pas de valeur législative ; cela interroge. Pourquoi ne pas avoir profité de ces derniers mois pour organiser la concertation avec les partenaires sociaux ? Au lieu de cela, nous nous retrouvons à légiférer dans l'urgence pour prendre des mesures bancales et non ciblées.

La situation sanitaire peut rendre légitime une limitation des libertés ; c'est le fil conducteur de notre réflexion. Mais de telles limites doivent être strictement proportionnées, circonscrites dans le temps et justifiées par leur efficacité dans le champ sanitaire. Il faut de la mesure en toute chose. En cette période incertaine, plusieurs vertus doivent selon nous guider l'action publique : anticipation, modestie, pédagogie, cohésion… Nous devons apprendre à lutter par des moyens normaux, ensemble et non les uns contre les autres.

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