Intervention de Monique Limon

Séance en hémicycle du lundi 17 janvier 2022 à 16h00
Réforme de l'adoption — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous examinons en nouvelle lecture la réforme attendue de l'adoption. Comme M. le secrétaire d'État l'a rappelé, elle est le fruit d'un travail préalable important que j'ai conduit avec ma collègue la sénatrice Corinne Imbert, avec qui j'ai rédigé un rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption. Donner une famille à un enfant », remis au Premier ministre en octobre 2019. C'est précisément ce rapport qui a inspiré le contenu initial des dix-huit articles de cette proposition de loi déposée le 30 juin 2020 à l'Assemblée Nationale.

Le texte a été enrichi, en première lecture, par notre Assemblée avec l'ajout d'un volet essentiel renforçant les garanties en matière d'adoption internationale. Nous avons notamment voté l'interdiction de l'adoption internationale individuelle, en instaurant un accompagnement obligatoire soit par un organisme autorisé pour l'adoption, soit par l'Agence française de l'adoption (AFA).

Le Sénat a adopté en première lecture cette proposition de loi le 20 octobre 2021, dans une version, hélas, modifiée et allégée de plusieurs dispositifs. Je regrette que nous ne soyons pas parvenus à nous mettre d'accord, avec nos collègues sénateurs, sur un texte de compromis lors de la réunion de la commission mixte paritaire du 4 novembre 2021. Je le regrette d'autant plus qu'avec la rapporteure Muriel Jourda, nous avions pourtant avancé sur de nombreux points. Malheureusement, la CMP a achoppé sur un seul article, l'article 9 bis .

Il nous était impossible de renoncer à cet article car notre majorité et le Gouvernement avaient pris des engagements fermes et réitérés pour apporter une solution aux difficultés rencontrées par les couples de femmes ayant eu recours à une AMP à l'étranger, avant l'entrée en vigueur de la loi relative à la bioéthique, dans les cas où la mère ayant accouché s'est opposée sans motif légitime à la reconnaissance conjointe et rétroactive de l'enfant par la mère d'intention. C'est pourquoi une nouvelle lecture a été rendue nécessaire.

La proposition de loi poursuivant son cheminement parlementaire, notre commission a examiné le texte adopté par le Sénat mercredi 12 janvier 2022. Elle l'a adopté après l'avoir modifié au moyen de plusieurs amendements qui sont revenus sur diverses modifications ou suppressions du Sénat.

Elle a pu ainsi rétablir l'article 9 bis permettant à une femme séparée d'obtenir l'adoption de son enfant lorsque son ex-femme qui a accouché s'oppose sans motif légitime à la reconnaissance conjointe et rétroactive de l'enfant. D'autres dispositions ont également été rétablies.

Ainsi, à l'article 2, qui ouvre l'adoption aux couples de concubins et aux couples pacsés, la commission a rétabli l'abaissement à 26 ans, au lieu de 28 ans, de la condition d'âge pour adopter, ainsi que la réduction à une année, au lieu de deux, de la condition de durée de vie commune pour l'adoption par un couple.

La commission a également rétabli à l'article 4, les extensions des cas autorisés d'adoption plénière des enfants de plus de 15 ans ; à l'article 6, la prohibition de la confusion des générations en matière d'adoption ; à l'article 9, le recueil du consentement de l'enfant de plus de 13 ans à l'adjonction du nom de l'adoptant simple à son nom de naissance ; à l'article 13, la nécessité d'un consentement exprès et éclairé des parents à l'admission de leur enfant dans le statut de pupille de l'État.

Sur ce dernier point, j'ai observé, comme M. le secrétaire d'État, que de nombreux amendements ont été déposés. Je souhaite que les débats en séance nous permettent de renforcer encore le dispositif en nous assurant du consentement éclairé des parents. J'aurai l'occasion de donner des avis favorables à des amendements qui vont dans ce sens.

Là encore, je tiens à rassurer. Il ne s'agit nullement d'écarter les parents du projet d'adoption, bien au contraire ; il s'agit, dans l'intérêt de l'enfant, d'éviter une situation dans laquelle nous aurions des difficultés à recueillir le second consentement en raison d'un désintérêt des parents. Voilà pourquoi nous tenons à ce que le consentement exprimé au stade de l'admission dans le statut de pupille de l'État soit éclairé et que les parents mesurent bien la possibilité qu'un projet d'adoption soit défini pour leur enfant. Le statut de pupille de l'État est un statut protecteur qui offre beaucoup de garanties et de droits pour les enfants. C'est un cadre parfaitement sécurisé et rassurant pour définir un projet d'adoption.

Je me réjouis d'ailleurs que nous puissions, à chaque étape de la discussion, améliorer le texte comme l'a fait la commission en modifiant plusieurs dispositions pour tenir compte des débats qui ont eu lieu durant la navette parlementaire. Tel est le cas de la définition de l'adoption internationale, à l'article 10 bis , qui intègre tous les couples, et pas seulement les époux. Tel est le cas également de la réforme du rôle et de la procédure de contrôle des OAA. Nous avons trouvé un point d'équilibre : ceux-ci pourront toujours intervenir en matière d'accompagnement des enfants à besoins spécifiques, mais ils ne pourront plus recueillir des enfants en France. Nous considérons en effet le statut de pupille de l'État comme plus protecteur.

La commission a aussi proposé une nouvelle version de plusieurs dispositions relatives à la composition du conseil de famille et à la formation de ses membres. À chaque renouvellement d'un conseil de famille des pupilles de l'État, les membres nouvellement nommés bénéficieront d'une formation préalable à leur prise de fonction.

Nous avons également prévu, à l'article 10, des réunions d'information pour les candidats à l'adoption. Les personnes qui demandent un agrément suivront une « préparation portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l'adoption, compte tenu de la réalité de l'adoption nationale et internationale ». De même, pendant la durée de l'agrément, des réunions d'information seront proposées aux parents adoptants. Le législateur envoie ainsi un signal fort sur l'importance de la formation et de la préparation dans un domaine aussi sensible que celui de l'adoption, domaine où, chacun le mesure, chaque situation est différente.

Je pense aussi aux personnes à qui l'ASE a confié un enfant, et qui souhaitent l'adopter. Le vote d'un amendement que j'ai présenté a rétabli l'ouverture d'une voie de recours en leur faveur, à l'encontre des décisions du conseil de famille, s'agissant du projet d'adoption.

Enfin, par un autre amendement présenté par le groupe La République en marche, la commission a supprimé l'écart d'âge maximal entre adoptant et adopté pour en faire un critère inséré dans l'agrément, assorti d'exceptions pour justes motifs. Là encore, le but est de considérer chaque situation dans toute sa singularité.

Au terme de ce long cheminement, la proposition de loi va nous permettre de réaliser des avancées essentielles ; nous avons abouti à un texte amélioré, équilibré et au service de l'intérêt des enfants, ce qui a été et doit demeurer mon unique boussole au cœur de ce travail.

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