Intervention de Constance Le Grip

Séance en hémicycle du lundi 17 janvier 2022 à 16h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip :

Je tiens tout d'abord à présenter les excuses de notre collègue Xavier Breton, orateur de notre groupe lors de la première lecture et aujourd'hui retenu par un motif impérieux dans sa circonscription.

Nous démarrons donc la nouvelle lecture de cette proposition de loi visant à réformer l'adoption. Comme nous l'avions déjà souligné en première lecture, avec l'adoption, nous nous emparons d'un sujet extrêmement sensible, qui touche à ce que nous avons de plus cher, la famille, et entre en résonance avec des parcours de vie faits d'attentes, d'espoirs, de rêves mais parfois aussi de déceptions et de souffrances. C'est pourquoi, dans tous nos propos, nous veillerons à ne pas froisser, à ne pas blesser ceux qui nous écoutent et qui peuvent être directement concernés par la question de l'adoption.

Si le sujet est aussi sensible, c'est aussi parce qu'il touche au droit de la filiation, droit qui s'est adapté au travers de décennies voire de siècles, et qu'il nous faut faire évoluer avec toute la prudence qui convient, afin que la famille – c'est en tout cas notre point de vue – demeure toujours la cellule de base de la société, là où se partagent l'amour et la solidarité, des moments forts et intenses comme de petites routines du quotidien ; là où se partagent une mémoire, une histoire, des projets d'avenir et parfois des épreuves.

Forts de ces constats, nous devons nous astreindre à un travail rigoureux et précis car, avec ce texte, il y va de l'avenir d'enfants et de leur famille. C'est pourquoi, je le redis, après Xavier Breton en première lecture, nous regrettons que ce texte soit une proposition de loi et non un projet de loi, ce qui nous prive de l'avis du Conseil d'État, lequel, s'agissant du droit de la filiation, aurait été précieux Cela n'enlève rien à la qualité du travail et à l'intensité de l'engagement de Mme Monique Limon, que je salue.

Le Sénat, dans sa sagesse et avec sa grande expérience, avait effectué un profond travail de réécriture de la proposition de loi, afin de la rendre juridiquement plus pertinente et plus conforme à l'intention qui doit nous animer : sécuriser la situation de l'enfant afin de protéger son intérêt supérieur. Refusant de procéder à une nouvelle rédaction globale de sections entières du code de l'action sociale et des familles, ce qui aurait nui à la lisibilité de la loi, il est revenu sur certaines dispositions, problématiques à nos yeux. Nous en citerons cinq.

Premièrement, l'abaissement des conditions d'âge et de vie commune s'imposant aux couples candidats à l'adoption. Vous avez décidé, en première lecture, d'abaisser ces seuils à 26 ans et à un an seulement de vie commune. Or l'exigence actuelle de deux ans de mariage au moins présuppose dans quasiment tous les cas que le couple est formé depuis plus longtemps : la vie commune débute en effet le plus souvent au moment même de la rencontre des partenaires, et la durée de vie commune, y compris dans le concubinage, est donc identique à la durée d'existence du couple.

Sachant que, selon les statistiques de l'Institut national d'études démographiques, ce sont les cinq premières années des unions cohabitantes qui sont les plus cruciales, l'argument selon lequel l'abaissement des conditions d'âge et de durée à 26 ans et un an de vie commune permettrait d'inscrire les règles de l'adoption dans l'évolution de la société ne nous convainc pas. En effet, selon nous, l'évolution de la société est plutôt marquée par le recul de l'âge auquel les femmes et les hommes ont leur premier enfant.

Deuxièmement, la suppression de l'intervention des organismes agréés pour l'adoption. Ces organismes agréés jouent, en quelque sorte, le rôle d'intermédiaires entre les enfants adoptables et les familles. Ils sont une alternative aux services sociaux et services publics qui nous semble tout à fait intéressante et que nous voudrions pouvoir sauvegarder, d'autant plus que le taux d'adoptions réussies dans ce cadre est très satisfaisant.

Troisièmement, la composition des conseils de famille. Le but du conseil de famille est de prendre des décisions pour les enfants, dans leur intérêt. Or, la proposition de loi prévoit qu'y siège une personne qualifiée en matière de discrimination, ce qui nous semble correspondre à une demande que vous ne justifiez pas vraiment. De notre point de vue, on voit difficilement en quoi cette mesure servirait l'intérêt supérieur de l'enfant.

Quatrièmement, sous couvert de simplification administrative, l'article 13, dont la rédaction nous semble extrêmement dangereuse, revient sur un droit fondamental, en vertu duquel la filiation d'un enfant ne peut être modifiée sans le consentement des parents ou du juge.

Enfin, ainsi que l'a précisé Mme la rapporteure, c'est sur l'article 9 bis , suite logique de la loi relative à la bioéthique, qu'a échoué la CMP, et nous ne pouvons que déplorer cet échec, dû à une disposition qui ne figurait pas dans le texte initial.

Bref, nous regrettons que, lors de l'examen en commission, la majorité ait décidé de revenir sur la plupart des modifications et avancées introduites par le Sénat, et nous espérons, au cours de ce débat, réussir à construire un consensus, un accord sans lequel nous ne pourrons voter la proposition de loi.

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