Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 17 janvier 2022 à 16h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

La présente proposition de loi entend corriger certaines lacunes du droit positif et renforcer la protection des enfants dont l'intérêt supérieur doit être garanti. Elle prévoit notamment d'ouvrir l'adoption aux couples non mariés mais dont la stabilité et l'intérêt des enfants en attente d'adoption imposent de leur accorder ce droit, de permettre l'adoption au sein des couples de même sexe des enfants issus de PMA à l'étranger en dépit de la séparation du couple, et de renforcer le statut de pupille de l'État et les droits des enfants dans leur famille adoptive.

L'ouverture de l'adoption aux couples pacsés ou en concubinage est une question d'égalité et de cohérence. En effet, la loi de 2013 ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe avait laissé de nombreux couples privés du droit de construire un projet parental. Il était donc nécessaire de corriger cette carence et de permettre aux couples non mariés d'adopter. Aucune raison valable ne peut justifier que l'adoption soit ouverte aux couples mariés et aux personnes seules, mais pas aux couples pacsés ou en concubinage. Les règles régissant l'adoption doivent correspondre à la réalité sociale. Or l'argument selon lequel le mariage est gage de stabilité ne peut plus prospérer. Aujourd'hui, en effet, un mariage sur deux se termine par un divorce et plus de la moitié des enfants naissent hors mariage.

Ce n'est pas le statut légal d'un couple qui garantit sa stabilité et, par conséquent, son aptitude à adopter. Dès lors, nous nous réjouissons que l'Assemblée ait rétabli l'article 2, supprimé par le Sénat, qui permet à tous les couples d'adopter en prenant pour seul critère la constance et l'aptitude de ses membres à élever un enfant. Car l'adoption est avant tout, pour reprendre l'expression du rapport Limon-Imbert « un moyen de protection de l'enfance lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné » et non un outil de reproduction d'un modèle familial cis-hétéro-patriarcal.

Le rétablissement de l'article 4 qui prévoit de faciliter l'adoption plénière des enfants après 15 ans est également une avancée significative. Aucun motif légitime ne justifie de priver un enfant de plus de 15 ans de la possibilité d'être adopté de façon plénière, d'autant que cette faculté est strictement encadrée par le texte. Cependant, nous souhaitons aller plus loin en matière d'adoption, considérant que les possibilités d'établir un lien juridique instaurant des droits et obligations comparables à ceux rattachés à la filiation doivent être davantage étendues. C'est la raison pour laquelle nous proposons, dans le débat public et parlementaire, d'instituer un nouveau statut, l'adoption sociale, qui permettrait à deux personnes d'établir entre elles un partenariat civil par lequel elles s'assurent mutuellement aide et assistance et dans lequel les règles de la filiation directe s'appliquent en matière d'héritage.

Pour les couples de même sexe, la proposition de loi permet, par ailleurs, à la femme qui n'a pas accouché de l'enfant issu d'une PMA à l'étranger d'adopter cet enfant malgré la séparation du couple. Là encore, l'Assemblée a rétabli une mesure essentielle de la proposition de loi initiale, qui avait été supprimée par le Sénat. Cette disposition est essentielle car il y a, dans les couples de femmes, la femme qui n'a pas porté l'enfant issu d'une PMA faite à l'étranger et qui ne peut établir de lien juridique avec celui-ci si le couple se sépare et que la mère porteuse refuse l'adoption. Cette rupture de la relation entre enfant et mère qui a conçu le projet parental porte atteinte au droit à la vie familiale. Par conséquent, il est heureux que l'Assemblée ait rétabli l'article 9 bis . Nous déplorons toutefois le caractère transitoire de cette mesure. Nous avons donc déposé un amendement pour garantir sa pérennité.

Nous souhaitions également aller plus loin dans la lutte contre les discriminations LGBT-phobes dans l'accès à l'adoption et dans l'établissement de la filiation. Nous avions ainsi proposé : de former les membres des commissions d'agrément et l'ensemble des personnes intervenant dans le processus d'adoption aux discriminations LGBT-phobes ; d'étendre la présomption de parentalité aux couples lesbiens mariés et l'établissement d'un lien de filiation par la reconnaissance de l'enfant par l'autre parent ; de permettre l'établissement de la filiation des personnes transgenres à l'égard de leurs enfants lorsqu'elles ont effectué une modification de la mention de leur sexe à l'état civil.

Enfin, si certaines avancées sont à signaler dans cette proposition de loi en matière de protection des droits des pupilles de l'État, nous déplorons que les dispositions sur le sujet n'aient pas été incorporées dans le projet de loi relatif à la protection de l'enfance et que la renationalisation de la compétence en matière d'aide sociale à l'enfance, seule à même de garantir l'égalité des pupilles devant la loi, ait été rejetée.

Nous voterons toutefois ce texte, en espérant que les débats continueront au Parlement et dans la société.

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