Monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas sans savoir qu'une enseigne de la grande distribution vient d'annoncer le gel du prix de la baguette à 29 centimes d'euro. Bien sûr, derrière ce fracas médiatique, le chef d'entreprise « Pas très clair » s'offre une campagne de communication pas chère. Ce buzz lui permet également de se draper de vertu en se proclamant défenseur des consommateurs. Quand son homonyme libérait avec courage la France et l'Orne, lui libère avec cynisme la duplicité dans un business déjà peu transparent. Personne n'est vraiment dupe de cet évangile de l'imposture qui vise à donner très peu d'une main pour reprendre beaucoup de l'autre.
Cette affaire pose un vrai problème tout autant moral que juridique et politique, car de nombreux Français sont roulés dans la farine, à commencer par les agriculteurs. Alors que la loi baptisée EGALIM 2 – visant à protéger la rémunération des agriculteurs – est censée s'appliquer aux négociations commerciales en cours, afin que les hausses du prix des matières premières soient répercutées sur les prix d'achat à nos agriculteurs pour mieux les rémunérer, cet exemple montre qu'elle est aussi inefficace que l'était EGALIM 1 – pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Sur le dos de qui ce gel du prix de la baguette à 29 centimes va pouvoir se faire, alors que le prix des céréales flambe ?
Les autres victimes de cette annonce, ce sont nos artisans boulangers. Alors qu'ils sont le cœur battant de nos villages et de nos centres-villes, alors qu'ils sont la fierté de la France grâce à leur savoir-faire reconnu à travers le monde, ils se trouvent soumis à la concurrence déloyale d'un système qui dévalorise leur travail.
Monsieur le Premier ministre, nous avons la chance d'avoir encore en France près de 30 000 artisans boulangers qui se lèvent tôt, qui aiment leur travail, qui structurent notre tissu local, qui fabriquent des produits de qualité. Face à la concurrence sauvage et débridée de ce distributeur pas clair, comment comptez-vous les protéger ? Comment comptez-vous les aider à se moderniser ? Ne pourriez-vous pas réactiver le FISAC – Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce – que vous avez supprimé et dont les commerces de proximité bénéficiaient ? Comment faire respecter un minium de transparence des prix, comme la loi EGALIM est censée le faire ?