Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 15h00
Augmentation du salaire minimum — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Cette proposition de loi vise à permettre à toutes les Françaises et à tous les Français de vivre décemment de leur travail. Le législateur s'était d'ailleurs donné le même objectif en adoptant la loi du 2 janvier 1970 portant réforme du salaire minimum garanti et création d'un salaire minimum de croissance. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, Pierre Herman, comptait faire du SMIC un salaire de croissance et de civilisation.

En soumettant cette proposition de loi à la représentation nationale, le groupe Socialistes et apparentés souhaite renouer avec le pacte que le législateur a scellé avec les travailleurs les plus modestes en 1970. En effet, comment peut-on penser qu'un travailleur rémunéré au SMIC, c'est-à-dire à hauteur de 1 269 euros net mensuels, dispose d'un pouvoir d'achat suffisant pour vivre décemment de son travail ? Supérieur d'à peine 150 euros au seuil de pauvreté, le salaire minimum n'est guère plus qu'un salaire de subsistance. Certes, des suppléments de revenus, comme la prime d'activité, viennent compléter son montant. Toutefois, le souhait de nombreux Français est de pouvoir vivre des revenus de leur propre travail.

Cette proposition de loi est née d'un constat sans appel : le montant du salaire minimum stagne depuis de nombreuses années alors que le montant des dividendes distribués atteint des niveaux sans précédent. Cette situation provoque une explosion des inégalités et constitue une menace pour notre cohésion sociale. La rente ne doit pas payer plus que le travail.

En l'absence de véritable revalorisation, le rythme de croissance du SMIC réel a été divisé par dix entre la décennie 2000 et la décennie 2010. En conséquence, le SMIC ne préserve plus de la précarité. Cette stagnation est d'autant plus incompréhensible que les dividendes, eux, ont très fortement augmenté : 51 milliards d'euros de dividendes ont été versés en 2021, ce qui représente une hausse de 22 % par rapport à 2020 et de 38 % par rapport à 2019.

La stagnation du SMIC est légitimée notamment par les recommandations émises par le groupe d'experts sur le SMIC. Depuis sa création en 2009, ce groupe remet chaque année un rapport aboutissant aux mêmes conclusions aux termes desquelles le SMIC ne doit pas être relevé ; il suggère même la suppression des mécanismes de revalorisation automatique. Je suis convaincu que la composition de ce groupe d'experts devrait être diversifiée : j'ai déposé un amendement pour y inclure notamment les partenaires sociaux.

La nécessité de lutter contre la précarité salariale semble largement partagée. En attestent les propositions que font un certain nombre de candidats aux élections présidentielles, pas seulement à gauche.

La volonté de lutter contre les bas salaires n'est pas nouvelle. Elle trouve toutefois une résonance particulière dans le contexte difficile que nous traversons. Vous le savez, la crise sanitaire a mis en évidence la différence entre la situation de toutes celles et ceux qui ont eu la possibilité de télétravailler et celle des travailleurs de première et deuxième lignes. Ces derniers ont dû continuer à se rendre sur leur lieu de travail et ont vu leurs conditions de travail, déjà difficiles, se détériorer.

L'ensemble de ces travailleurs, dont nous avons tous salué le caractère essentiel, attendent une juste contrepartie aux efforts qu'ils ont fournis. L'augmentation du SMIC est une mesure simple qui permettrait de reconnaître enfin ces métiers et de les rendre plus attractifs.

Pour revaloriser ces bas salaires, le groupe socialiste propose d'actionner deux leviers : l'article 1er vise à augmenter le SMIC de 15 %, tandis que l'article 2 prévoit en complément l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires.

Je souhaite revenir sur les principaux arguments qui ont été avancés en commission lors des débats sur l'article 1er .

Le premier, souvent mis en avant, consiste à dire que l'augmentation du SMIC n'est pas nécessaire, dans la mesure où un certain nombre de dispositifs pour améliorer le pouvoir d'achat des plus modestes existent déjà, à travers le système des primes. Or ce système ne permet ni de véritablement revaloriser les salaires ni de préparer une retraite digne, par des cotisations : après avoir fait des travailleurs pauvres, vous faites des retraités pauvres.

Le deuxième argument est que la hausse du SMIC affaiblirait la compétitivité de nos entreprises. Il ne tient pas la route puisque la plupart des entreprises qui participent à la compétition internationale offrent des rémunérations supérieures au SMIC.

Dernier argument : la hausse du SMIC détruirait des emplois. Or un tel lien n'est pas démontré : nulle étude récente ne met en évidence une corrélation entre augmentation du SMIC et destruction des emplois.

Du reste, l'augmentation des bas salaires est un instrument de relance de la demande reconnu. En Belgique, la revalorisation du taux horaire du salaire minimum, de 4,7 % en 2022, sera un outil de relance économique par la demande mais aussi de reconnaissance de certains travailleurs dont le rôle majeur a été mis en lumière par la crise sanitaire. Un grand nombre de recherches menées récemment aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays développés font état d'un effet très modéré des salaires minimaux sur l'emploi alors qu'ils permettent d'augmenter sensiblement les revenus des travailleurs peu rémunérés. De plus, un grand nombre de secteurs sont en tension et ont des difficultés à recruter. Afin de limiter autant que possible l'effet potentiel de la hausse de 15 % du SMIC sur l'emploi, j'ai déposé un amendement destiné à aider nos PME grâce à un crédit d'impôt prenant en charge près de 80 % du coût de cette hausse.

Venons-en à l'article 2, qui suscitera peut-être un consensus plus large que l'article 1er , madame la ministre déléguée.

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