La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Florence Lasserre.
Une nouvelle fois, notre assemblée est saisie d'une proposition de loi visant à lutter contre la désertification médicale par des mesures drastiques : conventionnement sélectif des médecins dans les zones sur-dotées et obligation d'exercice en zone sous-dense pour les jeunes médecins. Les mesures proposées ne sont pas nouvelles et elles reviennent régulièrement dans le débat ; elles découlent du constat unanime que notre pays connaît de sérieuses disparités territoriales en matière d'accès aux soins et aux professionnels de santé, aussi bien dans les zones rurales que périurbaines ou urbaines.
Face aux défis du vieillissement de la population et de l'augmentation des pathologies chroniques, les difficultés d'accès aux médecins généralistes et spécialisés s'aggravent mais, si nous nous accordons tous sur ce point, les solutions évoquées par le rapporteur ne semblent ni opportunes ni efficaces.
Tout d'abord, à l'heure où seulement 8 % des jeunes médecins s'installent en libéral, les obliger à aller là où ils ne veulent pas ne fera que réduire ce taux déjà très faible. Cette mesure coercitive, dont ni les étudiants en médecine ni les médecins ne veulent,…
…induirait des effets pervers, aux premiers rangs desquels un déconventionnement massif – et donc un surcoût pour nos concitoyens – et une médecine à deux vitesses. Par ailleurs, une telle disposition amplifierait le recentrage vers le salariat à l'hôpital et creuserait la concurrence déjà forte avec la médecine de ville.
Dès lors, quels sont les leviers pour agir ? En premier lieu, l'augmentation substantielle du nombre de médecins. Elle est d'ores et déjà engagée, depuis la suppression du numerus clausus, actée en 2019,…
…après des années d'immobilisme de la part des majorités qui nous ont précédés. Évidemment, il faudra du temps pour voir la démographie médicale se densifier, mais je ne crois pas qu'imposer des règles à des médecins qui n'existent pas encore soit très pertinent.
Il faut ensuite reconsidérer, réarmer, rendre plus attractive la médecine libérale, qui est le second pilier de notre système de santé. Des incitations financières, nombreuses et généreuses, ont été développées au cours des quinze dernières années ; nous les avons d'ailleurs simplifiées et regroupées dans le contrat de début d'exercice (CDE). Ces mécanismes incitatifs ont le mérite d'exister et, s'ils peuvent motiver certains jeunes médecins à s'installer en zone sous-dense, c'est une bonne chose. Néanmoins, on ne peut se contenter de ces seules incitations, qui rencontrent des limites, et nous sommes persuadés qu'il faut aller encore plus loin dans la territorialisation des initiatives, à travers la mise en place de mesures variées, diverses et adaptées.
Attirer des jeunes médecins dans nos campagnes mais aussi dans nos petites villes doit être le combat de tous, Gouvernement, parlementaires et élus locaux. Ainsi de nombreuses initiatives venues du terrain fonctionnent-elles autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des maisons de santé, dont le nombre ne cesse d'augmenter depuis trois ans.
Il nous faut donc persévérer dans le développement de l'exercice coordonné, indispensable pour libérer du temps médical. C'est dans cette logique que nous avons créé la fonction d'assistant médical : on en dénombre aujourd'hui près de 4 000, qui facilitent le quotidien des médecins et leur donnent plus de disponibilité pour mener leurs consultations.
Enfin, la question du partage des tâches et de la montée en compétences de toutes les professions médicales et paramédicales constitue une réponse utile et efficace, le dernier rapport de l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, consécutif à l'adoption de la loi, dite Rist, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, le démontre très bien. Le renforcement et l'élargissement de la pratique avancée pour les infirmiers doivent ainsi être soutenus et approfondis.
La désertification médicale ne peut se résumer à la problématique de l'installation du médecin mais doit être abordée sous l'angle de l'accès aux soins, au sens large ; elle doit être combattue par l'assouplissement des règles existantes, et non par leur durcissement. C'est d'ailleurs dans cette perspective que nous avons, dans le dernier budget de la sécurité sociale, facilité l'accès direct à certains professionnels de santé, tels que les kinésithérapeutes ou les orthophonistes.
Dans sa très grande majorité, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne soutiendra donc pas l'adoption de cette proposition de loi qui, si elle soulève de vrais problèmes, n'y apporte pas, de notre point de vue, de solutions efficaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Stéphanie Rist applaudit également.
La santé fait partie des principales préoccupations de nos concitoyens, et la question de l'accès aux soins en est un des éléments essentiels. Le sujet est donc d'une grande actualité, et même d'une grande urgence.
Des mesures ont été prises, souvent incitatives, parfois contraignantes, mais avec peu d'effets concrets jusqu'à présent pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas accès à un médecin généraliste ou spécialiste, à un médecin traitant, ou pour lesquels la question se posera prochainement.
Selon les données du Conseil national de l'Ordre des médecins, le nombre de médecins est en diminution, ce qui entraîne des difficultés croissantes d'accès aux soins, plus ou moins graves selon les territoires, les spécialités et, il faut le dire, selon les ressources des patients.
Les deux articles de la proposition de loi visent donc à poser un cadre cohérent pour l'installation des médecins en fonction des besoins de santé. Le constat sur lequel elle se fonde, au-delà de la question du difficile accès aux professionnels médicaux dans beaucoup de zones rurales et urbaines, est que, souvent, du point de vue de la gestion des ressources médicales, les activités de soins sont considérées avant tout comme des dépenses d'assurance maladie qu'il faut donc contraindre. Ce faisant, on sous-estime les besoins d'une population vieillissante et l'augmentation des pathologies chroniques, et on ne tient aucun compte de l'évolution des spécialités, de leur importance respective ni de leur répartition sur le territoire.
L'article 1er pose le principe d'un conventionnement sélectif par l'assurance maladie. Il prévoit un accord entre les pouvoirs publics et les professionnels ; c'est seulement dans un second temps, en cas d'absence d'accord, que la loi donnerait au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) le pouvoir de décider, en concertation avec les professionnels, qu'une nouvelle installation ne pourrait avoir lieu qu'en remplacement d'un praticien parti pour une autre zone. Le dispositif est donc subtil, ce qui ne l'empêche pas de susciter, de manière progressive, une rupture avec ce qui se fait actuellement.
Au-delà de ce mécanisme qui vise donc à flécher l'installation de médecins vers des zones sous-dotées, nous ne pourrons, à l'avenir, faire l'économie d'une réflexion sur les modalités d'installation et d'exercice des professionnels médicaux – je pense notamment au risque de voir se multiplier les professionnels non conventionnés –, sachant que le nombre de médecins ne fait pas tout. Dans certaines spécialités, par exemple, la prescription et la réalisation d'actes non pris en charge ou faiblement pris en charge constituent une part importante de l'activité.
L'article 2 prévoit de mieux reconnaître les internes et d'augmenter le nombre de stages réalisés chez des médecins de ville, généralistes ou spécialistes. Rappelons, s'il en est besoin, que les jeunes médecins doivent, au bout de six à sept années d'études, effectuer leur internat dans un centre hospitalier, pendant trois à cinq ans, en fonction de la spécialité choisie ; ils sont alors présents à l'hôpital entre soixante et cent heures par semaine, pour un salaire de 1 500 euros mensuels.
Nous devons avoir conscience qu'une bonne part de l'activité de soins dans nos établissements de santé repose sur les internes et que, pour ainsi dire, si l'hôpital fonctionne aujourd'hui, c'est grâce à des médecins payés comme des stagiaires ! Nous proposons donc de mieux reconnaître les fonctions d'interne.
En matière de stages, nous plaidons pour qu'ils soient davantage exercés en dehors de l'hôpital. Si la formation au lit du patient suppose des moyens hospitaliers, des médecins déjà formés et des soignants travaillant en interprofession, il faut aussi que des médecins de ville, généralistes et spécialistes, soient prêts à accueillir leurs jeunes confrères et consœurs et à les motiver. On le sait, les stages et leur qualité déterminent aussi l'installation à terme.
Ce texte a donc le mérite de proposer deux mesures infléchissant le cadre existant. Loin de se suffire à lui-même, il constitue surtout une invitation à avancer. Il devra, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, s'accompagner de mesures de nature à modifier le contexte d'ensemble : la qualité de la formation et la diversification de l'accueil dans et par la formation ; une meilleure reconnaissance des internes et de leur investissement au service des établissements ; une réflexion sur la priorité à donner aux soins et actes médicaux propres à améliorer la santé de nos concitoyens.
Cette proposition ne peut être envisagée comme un aboutissement. Elle est avant tout un signal envoyé en réponse à une demande générale, un premier pas raisonnable et mesuré, que nous vous invitons à franchir dès aujourd'hui, pour ne pas remettre à demain une avancée attendue depuis très longtemps.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – « Très bien ! » sur les bancs du groupe UDI-I.
Les déserts médicaux sont une problématique récurrente de ces deux dernières décennies. Ils ont fait l'objet de nombreuses missions d'information et de débats au sein de notre assemblée, mais le sujet a pris une ampleur encore plus préoccupante ces derniers mois, avec la crise sanitaire, sa gestion calamiteuse et l'interdiction d'exercer faite à de nombreux professionnels libéraux.
Le constat est implacable, incontestable : ces dernières années, la population rurale aurait perdu jusqu'à deux ans d'espérance de vie par rapport à la population des villes moyennes. Au total, 6 millions d'habitants – l'équivalent de 10 % de notre population – vivent à plus de trente minutes d'un centre de soins, si bien que les déserts médicaux ne sont plus seulement une réalité de nos campagnes, ils gagnent désormais les zones périurbaines et les villes moyennes.
Qui ne connaît pas ici un proche dont le médecin généraliste n'a pu être remplacé ? Qui ne s'est pas déjà vu refuser une consultation par un médecin qui ne pouvait pas prendre de nouveaux patients ? Entre 7 et 9 millions de nos compatriotes n'ont pas de médecin traitant !
Face à cette situation, devant ces chiffres, le Gouvernement s'entête, s'enlise dans une politique faite de mesures abstraites. Les ministres se gargarisent de la suppression du numerus clausus, qui augmentera le nombre de médecins dans huit ans seulement ; on nous parle de l'augmentation, de l' « explosion » du recours aux consultations de télémédecine soutenue par la campagne « Oui à la e-santé » et son slogan : « Pour que le numérique devienne le meilleur allié de notre santé ».
Dans quelle réalité vit donc ce gouvernement pour croire qu'un appel vidéo sans auscultation, sans examen clinique, peut se substituer aux besoins en offre de soins ? La réalité, c'est une femme qui repousse indéfiniment des examens pour une suspicion de tumeur du sein parce que l'hôpital est trop loin ; c'est une personne âgée qui ne prend plus ses médicaments pour sa maladie chronique car, en l'absence de médecin, impossible de faire renouveler voire adapter son ordonnance ; c'est une personne avec des troubles psychiques, qui n'accédera à une primo-consultation qu'en urgence, après un éventuel passage à l'acte ; ce sont des infirmiers méprisés par l'État, qui outrepassent leurs fonctions pour assurer un semblant de continuité des soins, tout en devant consacrer plus de temps à des tâches administratives qu'aux soins ; ce sont aussi des pharmacies rurales qui ferment, car les médecins ne sont plus là pour prescrire, surtout si on le leur a interdit.
Je signale un nombre important de départs à la retraite anticipés ou de reconversions, la disparition progressive de la médecine de proximité aboutissant à un engorgement des services d'urgences.
L'urgence a beau être manifeste, nous avons passé nos deux dernières années à voter des lois successives, dites d'urgence sanitaire, faisant la part belle à des mesures liberticides, pensées par une technocratie ministérielle aveuglée par le Conseil de défense ! On a définitivement tué l'envie de nos jeunes de s'engager dans les études médicales, et il est plus que temps de revenir à la réalité et de débattre de mesures sanitaires qui ne se résument pas à des contrôles d'identité ou des sanctions administratives mais se donnent pour objectifs la revalorisation du statut des soignants et le respect de tous les patients, quels que soient leur âge et leur pathologie.
L'accès aux soins n'est pas un droit négociable ; il est fondamental. Il est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé […]. »
Je voterai donc pour ce texte
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC – « Très bien ! » sur les bancs du groupe UDI-I
qui a le mérite de dénoncer une fois de plus les déserts médicaux, sujet si préoccupant pour nos concitoyens.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Guillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux interventions de cet après-midi, et plus encore de ce matin. Je remercie chacun des orateurs pour la clarté des propos qu'il a tenus, par lesquels il a déterminé sa position vis-à-vis d'une question qui, je le rappelle, touche 8 millions de Français. Oui ! La désertification médicale, ce sont actuellement 8 millions de Français qui peinent à trouver un médecin près de chez eux.
Je voudrais répondre plus particulièrement à la majorité et au Gouvernement, dont les arguments me surprennent. Il me semble que vous ne prenez pas la mesure de ce qui se passe sur le terrain.
Protestations sur quelques bancs du groupe Dem.
Vous ne prenez pas la mesure de la détresse, de l'angoisse, des inquiétudes extrêmement fortes que vivent au quotidien nos concitoyens lorsqu'il n'y a plus de médecin près de chez eux ou lorsque le médecin traitant qu'ils avaient l'habitude de solliciter depuis des années ferme son cabinet sans être remplacé.
La deuxième chose qui me surprend est que vous semblez nier la réalité des inégalités entre les territoires : il y a bien sûr des zones sous-dotées, mais il n'y a pas de zones sur-dotées, dites-vous.
« Il n'y a que des zones sous-dotées ou sous-sous-dotées », c'était votre expression. Mais, madame la ministre déléguée, si l'on regarde les chiffres, on voit que la différence de densité entre les départements les moins bien dotés et les départements les mieux dotés en médecine générale est de 1 à 3 : cela veut dire qu'il y a trois fois plus de médecins généralistes à Paris et dans les Hautes-Alpes que dans l'Eure où l'Eure-et-Loir. Pour les spécialistes, cette différence de densité va de 1 à 17 pour les dermatologues et de 1 à 18 pour les ophtalmologues. C'est cela, la réalité de la désertification médicale : ce sont des inégalités très fortes, et évidemment injustes, entre les territoires et donc entre les Français.
« Eh voilà ! » sur les bancs du groupe UDI-I.
En avançant ces arguments, madame la ministre déléguée, mesdames et messieurs de la majorité, vous êtes tout simplement dans le déni de la réalité.
Parlons ensuite des solutions proposées par les uns et les autres pour remédier à la désertification médicale. Sur ce point, les députés de la majorité et le Gouvernement sont logiques avec eux-mêmes : il n'y a pas vraiment de problème ,
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem
C'est pourtant ce que j'ai entendu de la part de Mme la ministre déléguée.
« Les solutions immédiates n'existent pas ; que voulez-vous, c'est comme ça. »
Mmes Cendra Motin et Catherine Osson protestent.
« Nous avons pris des mesures : l'ouverture du numerus clausus, les communautés professionnelles territoriales de santé… »
…« en attendant, habitants des déserts médicaux, serrez les dents. » Voilà, en gros, la réponse que vous nous faites. Moi, j'appelle cela de la démission, j'appelle cela de la résignation !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Il est d'autant plus étonnant de vous entendre vous résigner, madame la ministre déléguée, qu'en 2016, alors que vous siégiez, avec le président du groupe LaREM Christophe Castaner, sur d'autres bancs,…
Justement !
…vous avez cosigné avec nous un amendement en faveur de la régulation de l'installation des médecins dans les zones largement dotées.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, UDI-I et GDR.
Mesdames, messieurs, il faut avoir un peu de constance dans vos positions ; souffrez que nous en ayons.
Un autre argument mérite d'être retenu, ne serait-ce que pour y apporter une réponse. J'ai entendu notre collègue du MODEM dire : « On ne peut rien faire, puisque les médecins et les jeunes internes en médecine ne veulent pas de régulation. » C'est bien la première fois que le Gouvernement est à l'écoute – j'allais dire « aux ordres » – des syndicats ! Vous ne nous y avez pas habitués.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et UDI-I.
Si seulement, mesdames et messieurs de la majorité et du Gouvernement, vous aviez adopté la même logique sur la question des retraites ! Si seulement vous aviez eu la même écoute des organisations syndicales lorsque vous avez réformé l'assurance chômage, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Mais, étrangement, parce qu'une certaine corporation est concernée, vous êtes soudain beaucoup plus conciliants au point de refuser d'avancer.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous refusez des solutions pourtant préconisées sur de nombreux bancs, sur tous les bancs de la gauche et sur ceux de l'UDI – parmi lesquels je salue en particulier nos collègues de l'Ouest Yannick Favennec-Bécot et Thierry Benoit qui sont, eux aussi, très directement concernés par ces questions. Des députés de toute la France et de toutes les sensibilités sont d'ailleurs venus me dire, ces derniers jours, qu'ils soutenaient la proposition de loi.
On n'a pas le droit de prétendre qu'il n'y a pas de solution. On n'a pas le droit de dire qu'on ne peut rien faire contre la désertification médicale à court terme et que les seules solutions envisageables n'auront d'effet que dans dix ans. On n'a pas le droit de susciter de la désespérance dans les territoires. On n'a pas le droit de juger acceptable une médecine à deux vitesses, réservant ainsi la santé à ceux qui ont la chance de vivre dans un territoire bien doté en présence médicale – tant mieux pour eux, évidemment –, tandis que les autres devraient simplement se résigner. Je considère, et nous sommes nombreux à le faire, que la promesse républicaine de l'accès de tous à la santé a du sens et qu'il est de notre responsabilité de la tenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, UDI-I et GDR.
J'aimerais que l'on arrête, lorsqu'on essaie de débattre posément d'une question qui nous obsède tous, à savoir l'accès pour tous à la médecine dans les territoires ,…
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem
…de faire croire qu'il y aurait d'un côté ceux qui savent, parce qu'ils ont les deux pieds sur le terrain, et ceux qui ne savent pas – et ils appartiennent forcément à la majorité.
Protestations sur les bancs du groupe SOC.
Nous ne l'avons pas fait sous le quinquennat précédent, madame Tolmont, et vous savez très bien pourquoi ; je n'ai pas de leçons à recevoir de vous. J'ai défendu l'amendement et vous ne l'avez pas voté. À l'époque, j'avais reçu la même réponse de la part de la ministre de la santé.
En ce qui me concerne, je ne suis pas ministre de la santé pour l'instant …
Sourires
…– c'est une plaisanterie ! –, mais je suis depuis dix ans élue d'un territoire rural.
Vous voyez que nous connaissons, nous aussi, la réalité du territoire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Pour être allée, avec des élus locaux, militer dans leur faculté afin de les convaincre de venir s'installer chez nous, où ils auraient de bonnes conditions de travail,…
…j'ai rencontré beaucoup d'étudiants il y a huit ans. Mais, en huit ans, j'ai évolué. Car il y a des personnes qui réfléchissent et qui prennent du temps pour écouter.
Je ne vous fais pas ce procès. Je ne suis pas dans ce registre.
Je répète simplement ce que j'ai entendu, car il faut savoir écouter les autres. Ce ne sont pas des syndicats qui me l'ont dit, ce sont des étudiants eux-mêmes qui sont venus dans ma permanence et avec lesquels j'ai travaillé des soirées entières.
Eh bien, le conventionnement sélectif que vous préconisez et que j'avais réclamé, moi aussi, en méconnaissance de cause, cela ne les attire pas du tout. Ils disent tous : « On ne veut pas de ça ! »
Pour des gens qui prônent l'écoute, vous ne donnez pas le bon exemple. Ce que je veux dire, c'est qu'en huit ans, j'ai vu comment les choses avaient évolué. Les maisons de santé ont été créées et elles ne sont pas vides, contrairement à ce que vous prétendez.
Ah bon ? Les miennes ne le sont pas, et pourtant, ma circonscription est en milieu rural. Elles ne sont pas pleines de médecins, elles sont pleines de professionnels de santé qui, depuis les avancées que nous leur avons permises, font de la pratique avancée et accomplissent de nombreux actes médicaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous ne l'avez peut-être pas voté, et c'est dommage. La réalité est que les maisons de santé attirent désormais des étudiants qui viennent y faire leur stage de médecine générale, qui s'y plaisent et qui ont envie d'y rester.
M. Bruno Duvergé applaudit.
Faites en sorte que cette évolution ne soit pas freinée par des décisions draconiennes et purement démagogiques prises en période électorale !
Vous êtes très constants, je vous l'accorde ; d'autres le sont moins.
Deuxièmement, quand on écoute les jeunes et les personnes âgées – je suis bien placée pour vous en parler –, cela signifie que l'on écoute aussi les patients. Les patients ont envie d'avoir un médecin.
Il faut trois semaines pour avoir un rendez-vous chez le dentiste en Charente, mais seulement une journée à Bordeaux !
Vous voulez faire venir des étudiants en médecine, c'est-à-dire des intérimaires : au bout du compte, quelle fidélisation obtiendrez-vous ? Je préfère des gens qui s'installent parce qu'ils ont envie de s'installer et non parce qu'on les y force. Car, quand on vous force à vous installer, vous ne restez pas. Il faut donc créer le lieu, le besoin et l'envie de rester. Vous pouvez le nier.
Mais, s'il vous plaît, ne mélangez pas tout, surtout dans un débat comme celui-ci. Sur le fond, nous sommes tous d'accord ;
Mme Cécile Untermaier proteste
c'est sur la méthode que nous divergeons.
Les deux propositions que vous faites ne nous conviennent pas, car elles ne conviennent ni aux étudiants, ni aux médecins ,
Protestations sur les bancs du groupe SOC
or c'est eux que nous voulons attirer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Sur les amendements n° 18 et identiques, je suis saisi par les groupes La République en marche et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur l'article 1er , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
La proposition de loi a pour but de répondre à une situation d'extrême urgence, tant la progression des inégalités territoriales en matière d'accès aux soins est dramatique. J'ai interpellé à plusieurs reprises le ministre Véran concernant la situation de mon territoire, qui illustre parfaitement cette problématique. Dans la Sarthe, près de 80 000 habitants – je parle bien des citoyens –, soit plus de 13 % d'entre eux, sont sans médecin traitant. Le département est d'ailleurs, selon l'INSEE, 97
…dont je salue les habitants.
Dans les territoires ruraux, malgré tous les efforts déployés par les collectivités pour inciter à l'installation, nous ne parvenons pas à endiguer efficacement le phénomène de désertification médicale. Les citoyens sans médecin se tournent alors vers les urgences, elles aussi en grande difficulté, comme nous ne cessons de vous le rappeler. Pour répondre à l'urgence et au drame qui se joue – nous parlons ici de perte de chances pour nos concitoyens –, et respecter l'exigence constitutionnelle d'un égal accès aux soins pour tous, il faut une volonté politique et du courage.
C'est pourquoi nous proposons la mise en place, en concertation avec les professionnels, d'un conventionnement sélectif…
…afin de limiter les installations nouvelles dans les zones déjà pourvues et favoriser les territoires qui en ont le plus besoin.
Chers collègues de la majorité, vous ne pouvez continuer à nier les évidences ni à rester sourds à la détresse de nos concitoyens en balayant nos propositions de bon sens. Ces dispositions sont attendues par les Français. Nous vous parlons d'urgence ; vous ne pouvez continuer à nous parler de mesures sur le temps long. Abandonnez vos positions dogmatiques
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et UDI-I.
M. Yannick Favennec-Bécot et moi-même soutenons la proposition de loi de M. Guillaume Garot, notamment son article 1er , qui traite du conventionnement sélectif.
On nous dit qu'aucun territoire n'est sur-doté. Pourtant, certains territoires sont mieux dotés que d'autres !
Le conventionnement sélectif prévoit un renfort de médecins depuis ces territoires vers ceux qui sont moins bien dotés. Nous demandons une répartition de l'effort.
Certes, les médecins sont plus nombreux aujourd'hui qu'hier, mais chacun sait que cela n'implique pas une augmentation du nombre de consultations et d'actes médicaux, car les amplitudes horaires du travail ont changé – nous le comprenons et ne mettons pas ce phénomène en cause.
La régulation, que vous opposez à la liberté d'installation, est la solution. Quelque 8 millions de Français sont concernés par le problème ; faut-il rappeler que la situation s'aggrave chaque jour ? Dans la circonscription que j'ai l'honneur de représenter, en septembre, 1 500 patients ont perdu leur médecin traitant ; 2 000 patients supplémentaires se trouvent sans solution depuis la semaine dernière. On voit bien qu'il y a là matière à travailler.
De plus, en 2022, l'exercice de la médecine n'est plus le même qu'il y a dix ou vingt ans. Beaucoup de métiers ont changé. Nous proposons donc de réunir les élus, les agences régionales de santé, qui administrent le système de santé dans les territoires, le Conseil national de l'Ordre des médecins et les syndicats de médecins autour de la table pour formuler des propositions.
Certes, depuis quinze ans, beaucoup a été fait, comme cela a été rappelé depuis ce matin, dans la discussion générale, avec la création des métiers d'assistant médical et d'infirmière en pratique avancée, l'instauration de la prime à l'installation et d'une défiscalisation pour les médecins s'installant en zone de revitalisation rurale, le développement de la télémédecine, ou encore l'instauration des maisons de santé pluriprofessionnelles et des contrats locaux de santé. Mais cela ne suffit pas. Nous ne pourrons pas tenir beaucoup plus longtemps sans régulation.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe SOC.
Merci d'avoir inscrit ce sujet à l'ordre du jour. Nous partageons tous le même constat. Ne revenons pas une fois de plus sur les responsabilités en la matière. Comme vous le dites, il faut dix ans pour former un médecin ; ce n'est donc pas maintenant, mais il y a dix ans que vous, socialistes, auriez dû en former davantage !
Mme Marguerite Deprez-Audebert applaudit.
Mais il faut maintenant penser à l'avenir. L'accès aux soins étant une des premières préoccupations des Français, il est probable que vous défendrez ces mesures pendant la campagne électorale.
Votre proposition, ce sera donc la contrainte.
Du côté du parti Les Républicains, on découvre que la candidate à l'élection présidentielle propose de mettre fin au numerus clausus – alors que nous l'avons déjà fait il y a trois ans.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Quant à nous, en quatre ans, nous avons avancé. Faut-il aller plus loin ? Oui. À cet égard, la campagne électorale permettra de comparer les propositions de chacun. Pour ma part, je retiens un seul chiffre : seulement 8 % des jeunes médecins choisissent de s'installer en secteur libéral. Voulez-vous les décourager ? Voulez-vous aggraver le problème ? Du côté de la majorité, nous pensons qu'il faut plutôt faire en sorte qu'ils soient plus nombreux.
Nous pouvons nous rejoindre dans le souci d'accroître l'attractivité de la médecine libérale – car c'est bien le problème sous-jacent, quand il est question des médecins généralistes. Je ne peux que me satisfaire que le groupe Socialistes et apparentés veuille encourager l'exercice libéral, mais pour y parvenir, il faut lever les contraintes, plutôt que d'en ajouter !
Nous pensons que vos propositions sont contre-productives. À nous, lors de la campagne présidentielle, d'en formuler d'autres, pour résoudre le problème important de l'accès aux soins de tous les Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Plutôt que de parler de « contrainte » et de « coercition », comme certains ici, il faut parler de « régulation », car c'est bien de cela qu'il s'agit dans cette proposition du groupe Socialistes et apparentés, avec un dispositif déjà éprouvé dans d'autres pays qui ne peuvent être accusés d'être antilibéraux – le Canada et le Danemark, entre autres pays scandinaves –, et qui marche.
Évidemment, cette solution ne serait pas entièrement satisfaisante pour eux, car il est contraignant de ne pouvoir choisir son médecin. Toutefois, c'est mieux que de ne pouvoir en choisir aucun, comme c'est le cas aujourd'hui – un point c'est tout !
Je sais bien que des avancées ont eu lieu, grâce aux délégations de tâche, à la montée en compétences de certaines professions, aux protocoles de coopération – autant de réponses très concrètes au problème de l'accès aux soins. Toutefois, en attendant une amélioration de la démographie médicale qui ne surviendra que dans les dix ou vingt prochaines années, il faut accepter de réguler, le cas échéant de manière temporaire – le moment venu, nous pourrons revenir sur le dispositif. Je suis très favorable à ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Monsieur le rapporteur, nous avons déjà débattu à maintes reprises de votre proposition au cours des derniers mois. Elle ne nous a pas convaincus. Quant à nous, nous avons essayé de vous convaincre de la pertinence des nôtres ; nous continuerons cet après-midi.
J'observe, comme je l'ai déjà fait en commission, que vous n'avez pas non plus convaincu la candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle. En effet, lorsqu'elle a présenté son programme, Mme Hidalgo s'est exprimée contre toute mesure autoritaire ou coercitive visant les jeunes médecins.
C'est la logique de cette majorité depuis quatre ans et demi : nous préférons les mesures…
…incitatives, qui fonctionnent. Progressivement, nous révisons le zonage médecins ; nous installons de nouvelles équipes pluriprofessionnelles et permettons de nouveaux partages de compétences au profit des pharmaciens, des infirmiers, des sages-femmes, des kinésithérapeutes, avec le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé, pour lesquelles nous créons de nouveaux métiers, comme ceux d'assistant médical ou de coordinateur de santé. Cela fonctionne : les quelque 100 000 médecins généralistes que compte notre pays ont en moyenne 970 patients, alors que les médecins généralistes qui bénéficient de toutes les mesures que nous avons instaurées arrivent à prendre en charge 2 000 patients. Nous disposons donc d'une marge de progression manifeste.
Avec le déploiement du service d'accès aux soins – SAS – et des dispositifs numériques – notamment l'espace numérique de santé, qui sera lancé dans les prochaines semaines –, nous apporterons progressivement des réponses au problème d'accès aux soins des Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sourires.
Nous partageons tous ici un constat : la désertification médicale touche un bon nombre de territoires. Pour autant, monsieur Isaac-Sibille, je n'apprécie vraiment pas la tentative de dénigrement à laquelle vous vous êtes livré. Vous avez prétendu que la candidate de la droite aux élections présidentielle n'avançait qu'une solution, celle de déverrouiller davantage le numerus clausus. Oui, nous pensons qu'il faut aller plus loin en la matière ,
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM
mais nous formulons par ailleurs bien d'autres propositions, tout comme la gauche – même si nous n'adhérons malheureusement pas aux siennes ,
Exclamations sur les bancs du groupe SOC
celle-ci tente de résoudre le problème. J'ai notamment évoqué tout à l'heure la dotation contre la désertification médicale.
S'il vous plaît, monsieur Isaac-Sibille, c'est un sujet sérieux, qui appelle des solutions sérieuses. Nous en proposons ; la gauche en fait autant ; ne tentez pas de dénigrer les candidats à l'élection présidentielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous soutenons cette proposition de loi, qui s'inscrit d'ailleurs dans le prolongement d'un texte déposé par notre groupe dans sa niche parlementaire, et de propositions d'autres groupes.
De fait, le sujet est très prégnant dans notre pays.
J'ai entendu de nombreux collègues élus de zones rurales évoquer la situation qui y prévaut. J'apporterai une note urbaine. Quelque 11 % de nos concitoyens n'ont plus de médecin traitant. En Seine-Saint-Denis, où je suis élu, ils sont presque 30 %, alors qu'il s'agit d'une zone urbaine située au cœur de la métropole parisienne. Cela ne compte pas pour rien, d'ailleurs, dans les difficultés locales en matière de vaccination.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Thierry Benoit applaudit également.
Je pourrais énumérer toutes mes rencontres avec des habitants de mon département, qui, parce qu'ils ne sont pas connectés, ne fréquentent pas les réseaux sociaux, n'écoutent pas forcément les informations et sont éloignés de la médecine et des réseaux de communication, sont totalement ignorants de leurs droits, ne serait-ce qu'en matière de vaccination.
Même au cours des derniers jours, combien de fois un habitant de ma circonscription m'a-t-il interrogé sur le coût de la vaccination, car il la croyait payante ? Ce sont des choses aussi bêtes que cela !
Pour résoudre un tel problème, qui touche quasiment à l'aménagement du territoire, il faut bien évidemment réguler, surtout dans le secteur de la santé publique, financé pour 90 % par de l'argent public, de l'argent socialisé, celui de la sécurité sociale, de nos cotisations !
Vous qui aimez rappeler que droits et devoirs vont de pair, pourquoi refusez-vous que les droits qu'octroient des études de médecines s'accompagnent de devoirs, au moins temporaires, vis-à-vis de la République ? De nombreuses professions sont déjà soumises à de telles obligations – qu'il s'agisse des policiers, des pompiers, ou des enseignants. Il faut donc réguler.
Enfin, vous nous dites que la majorité n'aime pas la coercition, mais préfère l'incitation.
Eh bien, cela m'avait échappé au cours des débats récents, ne serait-ce que lors de celui relatif au passe vaccinal !
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je ne peux faire droit à toutes les demandes de prise de parole sur l'article, car une seule est prévue pour chaque groupe.
En outre, chacun des groupes qui a souhaité s'exprimer ayant pu le faire, nous pouvons commencer à examiner les amendements, en commençant par le n° 18, tendant à supprimer l'article.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour le soutenir.
Ce n'est pas une question de dogme, ou d'idéologie, mais un problème mathématique – notre collègue, le célèbre mathématicien Cédric Villani, pourrait nous l'expliquer aussi bien. Entre les zones sur-dotées et sous-dotées, la différence est de 0,5 médecin généraliste pour 100 000 habitants. Qu'importe l'idéologie, avec une différence aussi faible, l'obligation d'installation ne marchera pas ; elle étendra seulement la pénurie partout. C'est mathématique !
Par ailleurs, cette solution susciterait le déconventionnement de certains médecins, obligeant certains patients à payer pour obtenir des soins.
J'insiste : faute d'un nombre suffisant de médecins en France, le conventionnement sélectif aggraverait encore la situation.
Il est vrai que cette mesure a été appliquée dans les pays qui ont été cités tout à l'heure, mais ils reviennent dessus…
…depuis qu'il est apparu qu'elle est inefficace quand le nombre global de médecins est insuffisant.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Comme notre collègue Thomas Mesnier l'a redit, nous préférons donc continuer à prôner l'incitation et chercher à libérer du temps médical. De telles mesures sont efficaces et permettent d'obtenir des résultats rapides.
Non loin de ma circonscription, à Gien, une CPTS a ainsi instauré un numéro d'appel qui bénéficie à des patients privés de médecin traitant depuis plusieurs années.
Continuons à appliquer ces solutions qui sont rapidement efficaces et avançons. Nous demandons la suppression de cet article.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La commission a émis un avis favorable à cet amendement. Pour ma part, j'y suis évidemment défavorable.
Madame Rist, prétendre qu'il n'y a pas d'inégalité entre les territoires ou qu'elle est infinitésimale est évidemment faux.
La démonstration vient d'être faite. Il vous suffit de sortir de l'hémicycle et de prendre votre téléphone pour essayer d'obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste. Selon que vous ferez cette tentative à Paris ou à quelques kilomètres, en Seine-Saint-Denis,…
…vous verrez quel en sera le résultat !
Vous prétendez par ailleurs que les pays ayant appliqué la régulation font désormais marche arrière. Excusez-moi, mais c'est complètement faux !
Tournez-vous vers le Québec et regardez ce qui s'y passe, dans ce pays très libéral qu'est le Canada ! Le Québec a instauré une politique de régulation de l'installation qui fonctionne. Je vous renvoie à un reportage diffusé la semaine passée dans un magazine du service public de l'information, très intéressant et éclairant sur le sujet.
Je suis personnellement défavorable à l'amendement de suppression, même si la commission des affaires sociales s'est prononcée en sa faveur.
Je suis favorable à l'amendement de suppression, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure : je ne crois pas au conventionnement sélectif. Comme nous l'avons expliqué, ce n'est pas la meilleure façon de réguler lorsqu'on est en pénurie de médecins.
Monsieur Peu, je suis entièrement d'accord avec vous : c'est une idée surannée que la pénurie de médecins ne concernerait que les territoires ruraux ou isolés. C'est au contraire dans les quartiers que nous rencontrons de grosses difficultés. Ainsi, comme vous l'avez dit, trop de gens sont encore insuffisamment informés en matière de vaccination. Je m'attaque à ce problème : cette semaine, nous mènerons une action de vaccination par l'intermédiaire des services à domicile. Très peu d'habitants de ces quartiers, en effet, ont recours à des médecins pour se faire vacciner ; ce sont les infirmières qui se déplacent, ou les services à domicile.
Il faut en effet faire découvrir les territoires ; j'avais déposé plusieurs amendements en ce sens, qui n'ont malheureusement pas été considérés comme recevables.
Mais on ne peut faire découvrir les territoires par la contrainte : il faut une incitation, et il y a plusieurs manières d'y procéder. Il faut faire en sorte que plus de jeunes issus de ces territoires fassent des études de médecine ; c'est ce que nous avons permis avec la réforme des études médicales. Par ailleurs, certaines collectivités organisent des stages de découverte à l'intention des jeunes étudiants ; j'ai cité en commission l'exemple de l'Ardèche, où les étudiants en médecine sont incités à prendre des gardes chez les pompiers, à constituer un réseau et à découvrir le territoire. Cette année, treize jeunes médecins formés à Lyon vont ainsi s'installer en Ardèche.
Il faut inciter les médecins à s'installer dans les territoires sous-denses et revaloriser leur travail, pas les contraindre. Malheureusement, nous ne pourrons pas examiner des amendements en ce sens.
Nous sommes tous conscients du problème. Des solutions existent, mais la contrainte n'en est pas une ; elle est plutôt contre-productive.
Le groupe Socialistes et apparentés votera évidemment contre l'amendement de suppression. Il faut oser réguler ; la politique nationale de santé publique ne peut se satisfaire de la bonne volonté des uns ni de la générosité incitative des pouvoirs publics, qui reste sans effet.
Le constat est cruel : les inégalités sont territoriales et sociales. Le renoncement aux soins est la règle dans beaucoup de secteurs. Les étudiants ne vont plus chez le médecin : faute de médecin référent, ils redoutent une majoration du prix de la consultation. L'absence de médecin référent concerne 8 millions de patients !
Quant aux équipements dont vous parlez, ça fait dix ans qu'ils existent dans les territoires ! Nous avons créé les maisons médicales il y a plus de dix ans. Dernièrement, j'ai inauguré une maison médicale ; les trois cabinets de médecin étaient vides !
Mme la ministre déléguée proteste..
Ça a été un coup terrible pour le territoire. L'hôpital local de Tournus n'aura plus de médecin – la presse s'est emparée du dossier. La situation démographique s'est terriblement aggravée ; c'est très difficile pour les citoyens, pour les médecins installés, qui effectuent un travail énorme et redoutent de devoir refuser des patients, et pour les jeunes médecins, qui redoutent de s'installer.
Cela fait dix ans que l'on mène une politique incitative, mais l'aggravation de la situation nous oblige à opter – de manière transitoire, le cas échéant – pour une politique de régulation, qui n'est pas coercitive et qui a le mérite de préserver le système libéral de la médecine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je suis très étonnée de votre intervention, madame la députée, dans la mesure où votre département a salarié plus de quatre-vingts médecins.
Si vos maisons de santé sont vides, où sont les médecins salariés ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 72
Contre 37
L'amendement n° 18 est adopté. En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Tous les deux ou trois ans, les agences régionales de santé définissent des zonages spécifiques – zones d'intervention prioritaire (ZIP) et zones d'action complémentaire (ZAC). Afin que les élus, les populations, les citoyens et les professionnels de santé aient une meilleure connaissance de la situation, l'amendement n° 5 prévoit leur actualisation à un rythme annuel. Les agences régionales de santé arrivent à produire des données hebdomadaires concernant la crise du covid ; il n'y a aucune raison qu'elles ne soient pas capables réaliser ces zonages chaque année.
L'amendement n° 4 prévoit d'obliger certains professionnels de santé à déposer un préavis un an avant leur départ. En effet, il n'est pas rare qu'un médecin annonce son départ en laissant presque du jour au lendemain des centaines d'habitants sans offre de soins de proximité.
Un préavis d'un an donnerait aux autorités de santé, aux élus et aux autres professionnels de santé exerçant dans le territoire le temps de trouver des solutions. Cela faciliterait la transmission des cabinets et la réinstallation de nouveaux professionnels.
Je souscris à l'idée d'instaurer un délai de prévenance d'un an pour laisser aux communes demeurées sans médecins et aux professionnels de santé exerçant dans le territoire le temps de s'organiser. Le sous-amendement prévoit simplement de suspendre cette obligation en cas de circonstances exceptionnelles.
Défavorable.
J'admire votre constance, monsieur Benoit : chaque fois que nous discutons de ce sujet, vous défendez un amendement similaire au n° 5 !
Ma réponse sera donc la même qu'il y a trois semaines : la réglementation impose que le directeur général de l'ARS révise son arrêté de zonage tous les trois ans, mais il lui est tout à fait possible de le réviser dans l'intervalle, autant que nécessaire, pour tenir compte des réalités du territoire et de l'évolution de la situation.
Quant au préavis qu'il conviendrait de donner pour cesser son exercice, il existe déjà pour tous les professionnels, dès lors qu'ils exercent en groupe – cabinet, maison de santé, centre de santé, etc. Prévoir une nouvelle exception irait à l'encontre de notre souhait d'éviter toute vacance après le départ d'un praticien.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 22 n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement n° 3 .
La première demande des patients, qu'ils habitent en zone sous- ou sur-dotée – même s'il paraît que ces dernières n'existent pas –, est de trouver un médecin traitant. La possibilité de désigner un médecin traitant est en effet une condition de l'égalité dans le remboursement des soins.
Peu de gens le savent, mais lorsqu'un assuré social a des difficultés à trouver un médecin référent, il peut saisir le conciliateur de sa caisse primaire d'assurance maladie afin de se voir proposer des noms de médecins. La démarche est cependant un véritable casse-tête. Des citoyens de ma circonscription m'ont dit qu'on ne leur proposait rien tant qu'ils n'avaient pas prouvé qu'au moins cinq médecins leur avaient opposé un refus. C'est une usine à gaz !
En attendant que tout le territoire soit doté de communautés professionnelles territoriales de santé, dont l'une des missions fondamentales est de s'assurer que tous les patients disposent d'un médecin traitant, je propose que le médiateur de l'assurance maladie puisse désigner – et non plus seulement proposer – un médecin traitant lorsque des patients éprouvent des difficultés persistantes à en trouver.
Mme Martine Wonner applaudit.
Je comprends l'intention de Mme Bagarry, mais il n'est pas simple d'imposer de nouveaux patients à un médecin déjà surchargé. Cela étant, l'amendement peut faire bouger les lignes. Avis favorable.
Je suppose que vous donnez cet avis à titre personnel, monsieur le rapporteur, et que la commission était défavorable à l'amendement ?
L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 19 et sur l'article 2, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Madame la ministre déléguée, vous avez fait passer en commission le message selon lequel vous n'étiez pas favorable à l'article 2. Dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022, la majorité a pourtant adopté une disposition prévoyant que les six derniers mois d'études des internes de médecine générale soient diplômants et se déroulent sur le terrain.
La loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a été votée en 2019, madame la ministre déléguée. Or le décret d'application n'est toujours pas paru, au mépris de la volonté du Parlement
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et UDI-I
et des attentes des patients qui demandent l'installation de nouveaux médecins généralistes. Vous pouvez hocher la tête autant que vous le voulez : cela fait trois ans ! Je sais qu'il y a une crise sanitaire, mais en trois ans, le Gouvernement, que vous représentez en tant que ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, aurait dû être capable de publier ce décret !
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Notre collègue Guillaume Garot propose que les trois dernières années d'études se déroulent dans les territoires, notamment ceux qui manquent de médecins. Avant de lui opposer un refus, expliquez pourquoi ce décret n'est-il toujours pas sorti !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, UDI-I et GDR.
J'en profite pour défendre également l'amendement n° 6 , pour gagner du temps et permettre aux collègues du groupe Socialistes et apparentés de mieux défendre leurs propositions.
M. Isaac-Sibille notait tout à l'heure que les étudiants en médecine gagneraient à être au contact des territoires, notamment de ceux qui sont sous-dotés. Il faut en effet encourager au maximum les stages dans les territoires manquant de professionnels de santé ,
M. Yannick Favennec-Bécot applaudit
qu'il s'agisse des hôpitaux de proximité, des périphéries des grandes villes, des banlieues ou des territoires ruraux. Ces stages ne doivent donc pas avoir lieu « en priorité », mais obligatoirement dans les territoires sous-dotés !
Avec 294 communes, ma circonscription est certainement l'une des plus rurales de France. J'y suis élu local depuis bientôt quatorze ans, et, depuis mon élection, je suis confronté à la désertification médicale. Cependant, depuis trois ans, je constate que la tendance tend véritablement à s'inverser. Je prendrai trois exemples : à Auxi-le-Château – 2 500 habitants –, quatre médecins supplémentaires se sont installés ; il en va de même à Saint-Pol-sur-Ternoise, une commune de 5 000 habitants ;
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit
à Baralle, qui compte 500 habitants, une nouvelle maison de santé dessert un territoire de 5 000 habitants, avec sept médecins et vingt-sept professionnels de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Une telle évolution résulte de la conjonction de plusieurs actions. Tout d'abord, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont créé des maisons de santé. Ensuite, les aides de l'État ont permis d'attirer ces nouveaux médecins. Enfin, les médecins présents sur le territoire se sont fortement impliqués dans des projets destinés à rendre les postes attractifs : ils ont été chercher les stagiaires dans les universités, les ont accueillis dans leurs maisons médicales et leur ont fait aimer le territoire. Je peux vous assurer que les nouveaux médecins vont rester. Il s'agit d'une solution pérenne, fondée sur l'incitation et susceptible d'inverser la tendance.
Mêmes mouvements.
Nous devons être efficaces. J'évoquerai le département de l'Eure, le dernier en matière de démographie médicale, avec 94 médecins pour 100 000 habitants, alors que la moyenne est de 152 médecins.
Il faut donc répondre au plus vite et de la façon la plus adéquate aux besoins des habitants. Pour cela, on peut recourir à la contrainte, mais l'expérience nous pousserait plutôt à nous détourner d'une telle méthode. L'Allemagne est sur le point de faire marche arrière en ce domaine. Quant au Québec, qui ne compte que 8 millions d'habitants, ce pays offre un panorama très différent du nôtre.
J'observe un début de stigmatisation vis-à-vis des professionnels de santé. Pourtant, ils se sont bien relevé les manches lors de la crise sanitaire – les médecins en particulier, mais aussi les jeunes étudiants, que je salue. Nous devons rendre hommage aux apprentis médecins, car notre système de soins tient grâce à eux. Pour avoir échangé avec eux, je sais qu'ils vivent douloureusement ce débat.
Les étudiants en médecine sont pourtant conscients de leur responsabilité vis-à-vis des concitoyens. Dans ma circonscription, au moins trois ou quatre jeunes se sont portés volontaires pour exercer dans les maisons de santé. Il est donc dommage de parler d'eux comme s'ils ne pensaient qu'à eux-mêmes et avaient oublié l'engagement que leur métier implique. Je profite donc de l'occasion pour les assurer de ma reconnaissance et les remercier de leur dévouement en ces temps de crise sanitaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir l'amendement n° 19 , tendant à supprimer l'article 2.
Il vise à supprimer l'article 2. Il prévoit d'envoyer des étudiants – les internes en dernière année d'internat sont en effet des étudiants et non pas encore des professionnels de santé – dans des zones où l'on sait que l'exercice est encore plus difficile, parce qu'éloigné des spécialistes et des plateaux techniques. Ils y suivraient donc seuls leur dernière année d'études, sans encadrement. Non seulement je trouve cela inadmissible, mais cela aurait pour seule conséquence de les inciter à s'installer ailleurs par la suite. Cette mesure, qui se veut efficace immédiatement, produira peut-être des effets pendant un an, mais ces jeunes se tourneront ensuite vers l'industrie pharmaceutique ou l'hôpital, soit très loin des lieux dans lesquels vous les aurez placés !
Bien évidemment défavorable. L'efficacité suppose une régulation, pour donner de la puissance aux mesures d'incitation.
Favorable. Le débat s'enflamme parfois soudainement sans que l'on ne sache pourquoi, aussi je voudrais répondre à Mme Rabault, qui était absente lors de la discussion générale. Tout d'abord, l'article 2 de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui prévoit que le stage en pratique ambulatoire est effectué prioritairement en zone sous-dense, est d'application immédiate. Plus de 45 % des internes font d'ailleurs un stage dans de telles zones. Par ailleurs, pour l'application de l'article 4, qui tend à développer la maîtrise de stage, un décret et deux arrêtés ont été pris en décembre dernier. Nous sommes bien dans une politique volontariste de développement de stages dans les zones sous-denses.
Je vous ai répondu !
Monsieur le rapporteur, je suppose que vous avez donné votre avis personnel, et non celui de la commission.
Soyons concrets. Il faut vivre dans la vie réelle, monsieur le rapporteur !
Sourires.
Dès lors que seulement 8 % des jeunes médecins s'installent en médecine libérale, que font les 92 % restants ? Ils commencent par faire des remplacements, le cas échéant dans les zones sous-denses. Si vous les obligez à s'installer, qui les remplacera ? En outre, si vous les soumettez à une contrainte, ils risquent de se tourner vers des postes de salariés.
Votre autre proposition, visant à ce que, dans les zones denses, un médecin ne puisse être conventionné que s'il remplace un praticien sur le départ, aurait pour effet de donner de la valeur aux clientèles. Nous verrions à nouveau les médecins qui cessent leur activité revendre leur clientèle. Voulez-vous vraiment faire peser une telle contrainte sur les jeunes médecins ? Voulez-vous leur appliquer le modèle des pharmacies, dans lequel les jeunes pharmaciens doivent payer pour s'installer comme s'ils s'acquittaient d'une charge ? Regagnez la vie réelle, monsieur le rapporteur, et proposez des solutions concrètes et applicables, comme nous le ferons à l'occasion de la campagne électorale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 67
Contre 34
L'amendement n° 19 est adopté. En conséquence, l'article 2 est supprimé.
L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Depuis plusieurs années, les dispositifs incitatifs s'accumulent sans pour autant parvenir à endiguer la désertification médicale. Les politiques menées semblent être vouées à l'échec. Nous proposons donc qu'un rapport recense les différents dispositifs et évalue leur effet sur la résorption des déserts médicaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous l'avions déjà proposé en commission et je me réjouis que le groupe Les Républicains ait déposé le même. Cela fait bien longtemps que nous évoquons la question de la désertification médicale ; les mesures incitatives s'empilent, mais la situation se dégrade. Il est donc nécessaire de procéder à un état des lieux et de distinguer les mesures qui fonctionnent.
Je suis convaincu que le conventionnement sélectif finira par être appliqué, car les populations sont acculées et dépourvues de solution.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et SOC.
Ce n'est qu'une question de temps. Les candidats déclarés à l'élection présidentielle commencent d'ailleurs à évoquer l'application de mesures de régulation en ce domaine. J'espère pouvoir soutenir un candidat qui fera des propositions en ce sens. L'application du conventionnement sélectif est inéluctable.
Mêmes mouvements.
Défavorable. Pour information, un rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), portant sur toutes les aides à l'installation, sera publié avant la fin du mois de mars.
Il vise à résoudre un problème que j'ai soulevé ce matin à la tribune : comment diversifier les origines sociales des étudiants en médecine et, en même temps,…
…résoudre le problème de la désertification médicale. Je propose d'étendre le contrat d'engagement de service public aux lycéens et non pas seulement aux étudiants en médecine. Ainsi, un enfant issu d'une famille populaire, un enfant d'ouvrier par exemple, pourra être accompagné pour faire des études de médecine grâce à l'octroi d'une bourse. En contrepartie, à la fin de ses études, il devra s'installer dans un territoire où des besoins existent.
L'amendement vise à demander un rapport sur cette proposition, afin que nous puissions avancer et prendre les bonnes mesures, à savoir celles qui seront efficaces.
Avis défavorable. Je souhaitais cependant porter à votre connaissance que le contrat d'engagement de service public, voté en 2011, connaît une montée en charge encourageante : grâce à nos efforts de communication, 3 300 étudiants en médecine – chiffre en nette augmentation par rapport aux années précédentes – et 815 étudiants en odontologie ont signé un tel contrat.
D'autres mesures ont été prises en faveur des étudiants en santé, notamment dans le cadre des accords du Ségur de la santé : leur rémunération a été revalorisée au 1er septembre 2020 et ils bénéficient désormais d'une indemnité forfaitaire d'hébergement.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement visant à demander la remise d'un rapport supplémentaire.
Je mets aux voix l'amendement n° 12 , dont je comprends, monsieur le rapporteur, qu'il a aussi reçu un avis défavorable de la commission.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 35
Contre 62
L'amendement n° 12 n'est pas adopté.
Il vise à demander la remise d'un rapport sur l'impact de la désertification médicale sur l'activité des services d'urgence.
Pas moins de 8 millions de concitoyens se trouvent, faute de médecin traitant, dans une situation de détresse sanitaire inacceptable. Contre la désertification médicale, nous avons tout essayé : le Gouvernement a desserré quelque peu le numerus clausus, les élus des collectivités et les médecins en exercice se sont mobilisés pour mailler le territoire de maisons de santé et accueillir les jeunes médecins dans les meilleures conditions.
Nous sommes cependant allés au bout des mesures incitatives. Nous avons même parfois frisé l'indécence en pratiquant la surenchère entre les territoires à coups de mesures coûteuses pour les collectivités et quelquefois choquantes du point de vue éthique.
Il est temps de reconnaître l'urgence de la situation, et c'est pourquoi je regrette votre attitude à l'égard des propositions de notre collègue Guillaume Garot. Est-ce trop demander à un futur médecin que de servir pendant plusieurs années, en fin d'études ou en début d'exercice, là où les besoins sont les plus prégnants, là où nombre de nos concitoyens sont en situation de détresse quant à leur santé ?
Certes, les études de médecine sont longues et l'on peut comprendre que nos jeunes médecins soient attachés à la liberté d'installation. Pourtant, leurs études sont financées par les pouvoirs publics et leurs futurs revenus dépendront directement de la solidarité nationale. Dès lors, ne peut-on considérer qu'ils accomplissent une mission de service public ? Certes, notre collègue Guillaume Garot en appelle à une forme de coercition,…
…mais celle-ci resterait douce : les jeunes médecins seront bien accueillis dans nos territoires. Il n'y a pas de honte à y habiter ; nous y vivons heureux. L'heure est à la régulation et il y a urgence, madame la ministre déléguée ; il faut agir rapidement.
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot, pour soutenir le sous-amendement n° 24 .
Comme le souligne l'exposé sommaire de l'amendement, la désertification médicale a un impact sur l'organisation des soins hospitaliers. Malheureusement, avec Guillaume Garot, nous le constatons régulièrement au centre hospitalier de Laval et au centre hospitalier du Nord Mayenne.
Madame la ministre déléguée, nous attendons toujours le rapport du médiateur commandé par le Premier ministre sur l'avenir des hôpitaux mayennais ; il est urgent d'en connaître les conclusions.
C'est la raison pour laquelle je soutiens la proposition d'évaluer la capacité du service public hospitalier à assurer l'ensemble de ses missions eu égard au phénomène de la désertification médicale. Cependant, je propose d'aller plus loin. Les recommandations formulées dans le rapport devront aussi concerner la possibilité d'expérimenter certaines mesures. En effet, les oppositions de principe pourraient être surmontées si, enfin, des expérimentations étaient menées pour lutter contre la désertification médicale. Elles permettraient de distinguer les mesures qui fonctionnent et qui pourraient être généralisées de façon à résoudre les maux de l'hôpital public et à éviter de voir la santé de la population se dégrader.
Peut-être faudrait-il appliquer des mesures de régulation à titre expérimental afin d'en étudier les effets et d'en tirer les conclusions qui s'imposent. Tant que nous ne les aurons pas expérimentées, nous ne pourrons pas connaître leurs conséquences.
Je vous informe que la demande de scrutin public a été retirée.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission s'est exprimée défavorablement sur le sous-amendement et l'amendement. À titre personnel, j'y suis favorable.
Défavorable.
Le groupe Libertés et territoires, comme son nom l'indique, est engagé en faveur des territoires connaissant une très forte désertification médicale. En ce domaine, les mesures positives prises par le Gouvernement ne suffisent pas. L'urgence de la situation incite à adopter cet amendement : mieux vaut se contenter d'un rapport sur le sujet que de finir ce débat sans avoir adopté la moindre mesure.
On constate de très grandes souffrances et inquiétudes dans beaucoup de territoires. Dans le Sud-Ouest, entre le Lot-et-Garonne et le Gers, une commune sur cinq a posé des affiches indiquant qu'elle était à la recherche de médecins, ce qui démontre à quel point la situation est critique.
Sur tous les bancs, nous faisons le même constat et nous avons tous conscience du problème de l'accès aux soins. En France, deux systèmes existent : le système régulé, qui comprend l'hôpital, et le système libéral. Or le phénomène de désertification affecte les deux systèmes. La régulation qui caractérise le système hospitalier ne constitue pas forcément une solution, étant donné que, généralement, les mêmes territoires sont sous-dotés tant en médecins libéraux qu'en médecins hospitaliers.
À un vrai problème, nous proposons des solutions différentes. Vous êtes pour la contrainte, tout comme le groupe Les Républicains, semble-t-il, tandis que nous sommes favorables à l'incitation : notre but est de rapprocher les médecins des territoires et de les pousser à s'y installer.
M. Nicolas Turquois applaudit.
Pardonnez-moi l'expression, mais nous sommes en train de surfer sur l'angoisse bien compréhensible des habitants…
Prétendre résoudre en deux minutes un problème aussi ancien me paraît peu réaliste. Les études de médecine durent au moins dix ans. On laisse entendre que les jeunes médecins manqueraient de reconnaissance compte tenu de ce qui a été dépensé au cours de leurs études, mais je rappelle que les finances publiques prennent en charge le coût des études supérieures dans tous les domaines.
Par ailleurs, il n'est pas vrai que des mesures incitatives s'appliquent depuis longtemps ; les plus importantes sont très récentes.
L'objectif est de créer une dynamique et de faire évoluer les pratiques ; mais une évolution culturelle prend du temps. Il aurait certainement fallu anticiper, ce qui n'est pas forcément dans la culture du secteur de la santé. J'espère que la crise de la démographie médicale et la crise sanitaire nous ferons prendre conscience qu'une politique de prévention est un des facteurs de protection des habitants et de notre système de soins.
Le sous-amendement n° 24 n'est pas adopté.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été supprimés ou rejetés, la proposition de loi dans son ensemble est elle-même rejetée.
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cette proposition de loi vise à permettre à toutes les Françaises et à tous les Français de vivre décemment de leur travail. Le législateur s'était d'ailleurs donné le même objectif en adoptant la loi du 2 janvier 1970 portant réforme du salaire minimum garanti et création d'un salaire minimum de croissance. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, Pierre Herman, comptait faire du SMIC un salaire de croissance et de civilisation.
En soumettant cette proposition de loi à la représentation nationale, le groupe Socialistes et apparentés souhaite renouer avec le pacte que le législateur a scellé avec les travailleurs les plus modestes en 1970. En effet, comment peut-on penser qu'un travailleur rémunéré au SMIC, c'est-à-dire à hauteur de 1 269 euros net mensuels, dispose d'un pouvoir d'achat suffisant pour vivre décemment de son travail ? Supérieur d'à peine 150 euros au seuil de pauvreté, le salaire minimum n'est guère plus qu'un salaire de subsistance. Certes, des suppléments de revenus, comme la prime d'activité, viennent compléter son montant. Toutefois, le souhait de nombreux Français est de pouvoir vivre des revenus de leur propre travail.
Cette proposition de loi est née d'un constat sans appel : le montant du salaire minimum stagne depuis de nombreuses années alors que le montant des dividendes distribués atteint des niveaux sans précédent. Cette situation provoque une explosion des inégalités et constitue une menace pour notre cohésion sociale. La rente ne doit pas payer plus que le travail.
En l'absence de véritable revalorisation, le rythme de croissance du SMIC réel a été divisé par dix entre la décennie 2000 et la décennie 2010. En conséquence, le SMIC ne préserve plus de la précarité. Cette stagnation est d'autant plus incompréhensible que les dividendes, eux, ont très fortement augmenté : 51 milliards d'euros de dividendes ont été versés en 2021, ce qui représente une hausse de 22 % par rapport à 2020 et de 38 % par rapport à 2019.
La stagnation du SMIC est légitimée notamment par les recommandations émises par le groupe d'experts sur le SMIC. Depuis sa création en 2009, ce groupe remet chaque année un rapport aboutissant aux mêmes conclusions aux termes desquelles le SMIC ne doit pas être relevé ; il suggère même la suppression des mécanismes de revalorisation automatique. Je suis convaincu que la composition de ce groupe d'experts devrait être diversifiée : j'ai déposé un amendement pour y inclure notamment les partenaires sociaux.
La nécessité de lutter contre la précarité salariale semble largement partagée. En attestent les propositions que font un certain nombre de candidats aux élections présidentielles, pas seulement à gauche.
La volonté de lutter contre les bas salaires n'est pas nouvelle. Elle trouve toutefois une résonance particulière dans le contexte difficile que nous traversons. Vous le savez, la crise sanitaire a mis en évidence la différence entre la situation de toutes celles et ceux qui ont eu la possibilité de télétravailler et celle des travailleurs de première et deuxième lignes. Ces derniers ont dû continuer à se rendre sur leur lieu de travail et ont vu leurs conditions de travail, déjà difficiles, se détériorer.
L'ensemble de ces travailleurs, dont nous avons tous salué le caractère essentiel, attendent une juste contrepartie aux efforts qu'ils ont fournis. L'augmentation du SMIC est une mesure simple qui permettrait de reconnaître enfin ces métiers et de les rendre plus attractifs.
Pour revaloriser ces bas salaires, le groupe socialiste propose d'actionner deux leviers : l'article 1er vise à augmenter le SMIC de 15 %, tandis que l'article 2 prévoit en complément l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires.
Je souhaite revenir sur les principaux arguments qui ont été avancés en commission lors des débats sur l'article 1er .
Le premier, souvent mis en avant, consiste à dire que l'augmentation du SMIC n'est pas nécessaire, dans la mesure où un certain nombre de dispositifs pour améliorer le pouvoir d'achat des plus modestes existent déjà, à travers le système des primes. Or ce système ne permet ni de véritablement revaloriser les salaires ni de préparer une retraite digne, par des cotisations : après avoir fait des travailleurs pauvres, vous faites des retraités pauvres.
Le deuxième argument est que la hausse du SMIC affaiblirait la compétitivité de nos entreprises. Il ne tient pas la route puisque la plupart des entreprises qui participent à la compétition internationale offrent des rémunérations supérieures au SMIC.
Dernier argument : la hausse du SMIC détruirait des emplois. Or un tel lien n'est pas démontré : nulle étude récente ne met en évidence une corrélation entre augmentation du SMIC et destruction des emplois.
Du reste, l'augmentation des bas salaires est un instrument de relance de la demande reconnu. En Belgique, la revalorisation du taux horaire du salaire minimum, de 4,7 % en 2022, sera un outil de relance économique par la demande mais aussi de reconnaissance de certains travailleurs dont le rôle majeur a été mis en lumière par la crise sanitaire. Un grand nombre de recherches menées récemment aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays développés font état d'un effet très modéré des salaires minimaux sur l'emploi alors qu'ils permettent d'augmenter sensiblement les revenus des travailleurs peu rémunérés. De plus, un grand nombre de secteurs sont en tension et ont des difficultés à recruter. Afin de limiter autant que possible l'effet potentiel de la hausse de 15 % du SMIC sur l'emploi, j'ai déposé un amendement destiné à aider nos PME grâce à un crédit d'impôt prenant en charge près de 80 % du coût de cette hausse.
Venons-en à l'article 2, qui suscitera peut-être un consensus plus large que l'article 1er , madame la ministre déléguée.
L'augmentation du SMIC doit être le point de départ d'une meilleure rémunération du travail. Pour y parvenir, nous proposons d'inviter les partenaires sociaux à se réunir pour ouvrir des négociations autour de la revalorisation des salaires minima conventionnels.
Cette conférence nationale sur les salaires devra être l'occasion de réfléchir collectivement à un certain nombre de sujets d'importance majeure. Je pense aux moyens de lutter contre le temps partiel subi, contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, contre les trop grands écarts de rémunération ou encore aux mesures pour renforcer l'attractivité de certains secteurs. À ce titre, j'ai déposé un amendement pour étendre le champ de la négociation à l'encadrement des écarts de rémunération au sein de chaque entreprise. Je pense que nous pourrons tous nous accorder sur l'importance de cet article et le voter collectivement – je compte sur vous, chers collègues.
En commission, la majorité a toutefois estimé que ce dispositif était déjà satisfait par les négociations qui se tiennent dans certaines branches. Je ne suis pas d'accord : nous voulons inscrire l'obligation d'organiser une conférence au niveau national, pour que toutes les branches soient concernées et non pas seulement celles qui ont répondu à l'appel du Gouvernement. Du reste, cette conférence nationale sur les salaires est aussi préconisée par les syndicats de salariés que nous avons auditionnés. Dans un récent rapport sur les métiers en tension, publié le 12 janvier 2022 sur saisine du Gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental recommande également, afin de renforcer l'attractivité de certains secteurs, d'ouvrir plus largement encore des négociations au sein des branches pour revaloriser les salaires.
Mes chers collègues, je souhaite que nous ayons un véritable débat sur le niveau de rémunération minimum des travailleurs français. La revalorisation du salaire minimum permettra de renouer avec l'objectif initial du SMIC afin qu'il soit de nouveau un salaire de croissance et de civilisation. Je suis convaincu que le législateur a un rôle important à jouer dans la fixation du montant du SMIC, qui ne doit être vue sous le seul prisme de considérations économiques. En effet, en débattant de ce sujet, nous nous posons finalement une question essentielle : quelle valeur la société souhaite-t-elle reconnaître au travail ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Le groupe Socialistes et apparentés présente cette proposition de loi visant à augmenter le SMIC et à ouvrir une conférence nationale sur les salaires. Nous partageons, bien évidemment, le diagnostic sur la nécessité de permettre à tous nos concitoyens de vivre dignement de leur travail. Toutefois, je le dis d'emblée, nous sommes en désaccord avec cette proposition de loi :
Murmures sur les bancs du groupe SOC
si nous en partageons l'objectif, nous refusons les moyens qu'il propose.
Tout d'abord, une augmentation du SMIC de 15 % ferait courir le risque de freiner la reprise vigoureuse de notre économie.
En effet, il faut le répéter, grâce à la mobilisation sans précédent du Gouvernement et des entreprises…
…le taux de chômage est revenu à son niveau d'avant-crise, et le taux d'emploi n'a jamais été aussi haut depuis 1975.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous avons même effacé quinze années de hausse du chômage des jeunes, et la part des jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation a fortement diminué pour atteindre son plus bas niveau depuis 2008.
Augmenter le SMIC dans le contexte actuel et dans une telle proportion, ce serait donc prendre le risque de déstabiliser les grands équilibres qui permettent cette reprise dynamique.
Par ailleurs, une augmentation du coût du travail dégraderait notre compétitivité, alors que la balance commerciale de la France est déficitaire depuis plus de quinze ans.
J'aimerais aussi rappeler qu'il existe en France un système très protecteur de revalorisation annuelle automatique du SMIC, qui est non seulement indexée sur l'inflation, mais aussi sur le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes. La France est même le seul pays d'Europe à intégrer cette composante de pouvoir d'achat. Cette revalorisation étant obligatoire en cours d'année quand l'inflation atteint 2 %, le SMIC a été augmenté l'année dernière une deuxième fois au mois d'octobre. Il y a ainsi eu en 2021 une double revalorisation du SMIC au niveau de l'inflation.
Il a ainsi été revalorisé de 3,1 % en un an. Plus de 2 millions de salariés ont bénéficié directement de ces augmentations, soit 12 % des salariés, particulièrement dans les secteurs du commerce, de la réparation automobile ou de l'hôtellerie-restauration. Il n'est donc pas pertinent d'inscrire dans la loi un montant mensuel fixe, rigide, alors que le SMIC correspond à un salaire horaire temporaire, qui est revalorisé régulièrement, suivant des règles consensuelles et bien établies.
Je tiens à remettre également un peu de clarté dans les chiffres : le niveau brut du salaire horaire minimum en France est l'un des plus élevés au sein de l'Union européenne. Par ailleurs, dans notre pays, il n'y a que 20 % de différence entre le revenu net au niveau du SMIC et le revenu net au niveau du salaire médian, contre 40 % en moyenne dans la plupart des autres pays européens. Autrement dit, la France a une structure des revenus nets extrêmement compressée, ce qu'une augmentation du SMIC ne ferait que renforcer.
Comme l'a recommandé le groupe d'experts SMIC, nous voulons en priorité consolider les fortes créations d'emploi, qui sont autant de possibilités offertes aux demandeurs d'emploi, et mobiliser tous les leviers qui permettent d'augmenter les ressources des travailleurs modestes.
En effet nous n'avons pas attendu cette proposition de loi pour placer l'augmentation du pouvoir d'achat des Français au cœur de notre projet.
Depuis le début du quinquennat, nous avons engagé de nombreuses mesures pour revaloriser le pouvoir d'achat des ménages, telle la suppression progressive de la taxe d'habitation et la suppression des cotisations salariales maladie et chômage.
Nous avons décidé de reconduire jusqu'au 31 mars 2022 la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui aura bénéficié en 2020 à plus de 4,7 millions de salariés, pour un montant moyen de 591 euros.
En même temps, nous avons fait en sorte que le travail paie plus, mais sans peser sur la compétitivité des entreprises.
C'est tout le sens de la défiscalisation et de la baisse des cotisations sociales des heures supplémentaires, à hauteur de 3,6 milliards d'euros. C'est aussi l'objectif de la forte revalorisation et de l'élargissement de la prime d'activité. Celle-ci a bénéficié, fin mars 2021, à près de 4 millions et demi de foyers, qui ont reçu un complément de ressources de 185 euros en moyenne. La prime d'activité a joué un vrai rôle d'amortisseur social, notamment pendant la crise sanitaire, en soutenant les ressources des travailleurs modestes, salariés et non-salariés, y compris les exploitants agricoles. Au total, grâce à ces mesures, un salarié au SMIC, selon sa situation familiale, touche aujourd'hui un treizième, voire un quatorzième mois de plus par an. C'est une avancée concrète et mesurable, et je crois que chacun dans cet hémicycle devrait s'en réjouir.
Par ailleurs, nous avons encouragé le développement de l'intéressement et de la participation dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, la loi PACTE présentée par Bruno Le Maire, afin de mieux partager la valeur produite au sein des entreprises.
Nous avons en outre instauré récemment l'indemnité inflation, une aide de 100 euros versée à 38 millions de nos concitoyens, pour protéger leur pouvoir d'achat face à la flambée des prix de l'énergie. En réalité, l'augmentation du SMIC n'est pas le meilleur outil pour lutter contre la pauvreté, car elle ne répond pas véritablement aux causes de cette dernière que sont le temps partiel subi et la succession d'emplois de courte durée.
La lutte contre la précarité est, d'ailleurs, au cœur de notre réforme de l'assurance chômage.
Protestations sur les bancs du groupe SOC.
Celle-ci vise à inciter les entreprises à proposer des contrats plus longs et de meilleure qualité, grâce à l'instauration d'un système de bonus-malus.
Nous avons par ailleurs accru les moyens consacrés à la formation des moins qualifiés avec le plan d'investissement dans les compétences doté de près de 15 milliards d'euros sur le quinquennat. Il s'agit de mieux accompagner et de mieux former les demandeurs d'emploi pour leur permettre de trouver un emploi stable.
Enfin, nous soutenons les groupements d'employeurs qui offrent aux salariés la possibilité d'enrichir leur parcours professionnel en travaillant pour plusieurs entreprises, le plus souvent en CDI et à temps complet.
Vous le comprenez, en faisant de la revalorisation du SMIC la solution à tous les problèmes de pouvoir d'achat, votre proposition de loi manque ses objectifs.
Mme Laurence Dumont proteste.
Surtout, elle fait semblant d'ignorer les actions que nous menons en vue de dynamiser la négociation collective, en particulier dans les secteurs qui souffrent des tensions de recrutement.
En proposant, en effet, une conférence nationale sur les salaires, votre proposition de loi ignore les négociations de revalorisation salariale déjà en cours.
Pour répondre massivement aux difficultés de recrutement, Élisabeth Borne a annoncé fin septembre avec le Premier ministre un plan ambitieux de réduction des tensions de recrutement. Ce plan est doté de 1,4 milliard d'euros, dont 800 millions consacrés aux seuls demandeurs d'emploi. Nous le mettons en œuvre au plus près des besoins des entreprises, en privilégiant les formations en situation de travail pour répondre le plus directement possible aux besoins de recrutement.
Au-delà, pour résoudre les tensions liées plus spécifiquement au manque d'attractivité de certains métiers, nous avons engagé, dans le cadre de l'agenda social, plusieurs chantiers destinés à revaloriser les conditions de travail des salariés. En complément, Élisabeth Borne a engagé, en septembre dernier, un travail de concertation au sein de chacune de la quarantaine de branches dont les minima conventionnels étaient inférieurs au SMIC avant le premier octobre 2021. Elle a d'ailleurs réuni, le 17 décembre dernier, les organisations syndicales et patronales interprofessionnelles pour faire le point sur ces négociations. Le premier bilan dressé à cette occasion montre qu'un tiers des branches concernées a d'ores et déjà conclu des accords visant à revaloriser leurs minima conventionnels au moins au niveau du SMIC. Je veux saluer les avancées obtenues dans les branches de l'esthétique, du bricolage, du travail temporaire, ou encore des hôtels-cafés-restaurants. Cette dernière tout particulièrement, a réussi à proposer une hausse moyenne de plus de 16 %. C'est une excellente nouvelle pour les plus de 800 000 salariés du secteur et pour l'attractivité de ces métiers. Bien évidemment nous continuerons de suivre la moitié des branches qui est encore en train de négocier, et surtout les 10 % d'entre elles dans lesquels le dialogue social reste défaillant.
Contrairement à votre proposition de loi qui impose une solution uniforme à tous les secteurs, au risque de les déstabiliser, nous avons choisi de faire confiance au dialogue social pour trouver des réponses adaptées à chaque branche, à chaque métier.
Vous le voyez, nous sommes mobilisés depuis le début du quinquennat et depuis le premier jour de la crise pour préserver et améliorer le pouvoir d'achat des Français. Grâce à une politique volontariste d'allégements de cotisations et de versement de primes, nous sommes parvenus à un équilibre compatible avec la reprise de notre économie.
Votre proposition de loi, par les difficultés juridiques et opérationnelles qu'elle soulève nous semble manquer ses objectifs. En imposant uniformément une augmentation du SMIC et une revalorisation de l'ensemble des grilles, elle ferait courir le risque de déstabiliser les acteurs économiques et de freiner la reprise. Surtout, elle fait semblant d'ignorer les résultats obtenus par le Gouvernement et la majorité grâce à notre méthode qui consiste à faire confiance au dialogue social et à la responsabilité des partenaires sociaux.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le Gouvernement n'est donc pas favorable aux dispositions que vous proposez.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La crise sanitaire a révélé que les emplois les plus essentiels ne sont pas toujours les mieux rémunérés. Parfois ce sont même les plus mal rémunérés. Cette situation est la source d'un profond sentiment d'injustice, de l'impression que l'effort ne paie pas et que la précarité est inévitable, et elle provoque une grande lassitude et une colère légitime chez une partie de nos concitoyens. Force est de constater qu'une des promesses de notre pacte républicain, fondé sur le mérite, n'est pas tenue.
Dans un contexte d'inflation, notamment de flambée des prix de l'énergie, la proposition de loi que nous examinons ouvre un débat nécessaire sur l'économie des bas salaires, car ce sont eux, ces femmes et ces hommes en première ligne, caissiers, professionnels du ménage ou de l'aide à domicile qui souffrent le plus de la perte de pouvoir d'achat. Contraints de comprimer des dépenses déjà bien incompressibles, leur vie devient une survie. La question du pouvoir d'achat est donc centrale et prioritaire.
Avec depuis dix ans une absence de revalorisation du SMIC, hors inflation, l'ascenseur social n'est pas seulement à l'arrêt, il est en chute libre. Pour rétablir la cohésion nationale et offrir des perspectives de progrès à celles et ceux qui souffrent d'une véritable paralysie salariale, il est urgent d'avancer des mesures concrètes et de faire cesser cette exclusion par la pauvreté.
Premièrement, la croissance ne peut se faire sans une exigence d'équité et de justice. Il faut que le travail paie mieux et il faut inciter au travail. C'est pourquoi, la défiscalisation et la désocialisation pour le salarié des heures supplémentaires sont défendues par Les Républicains depuis le début de ce quinquennat. Nous proposons en outre désormais d'augmenter de 10 % les salaires nets jusqu'à 2,2 SMIC. Cette solution concrète permettra d'accroître de 1 500 à 3 000 euros par an le pouvoir d'achat de 12 millions de nos concitoyens.
Deuxièmement, nous proposons un plus juste partage de la valeur ajoutée. La répartition des profits ne doit plus être source de divisions et de ressentiment. La création de richesses sert notre intérêt collectif. Aussi, pour que les Français se réapproprient leur économie, chacun doit avoir intérêt aux bénéfices de son entreprise. Pour le prochain quinquennat, nous demanderons aux entreprises de s'organiser pour que 10 % de leur capital soit détenu par leurs salariés.
L'idée d'une conférence nationale sur la question de la rémunération du travail est juste, et nous y souscrivons. En effet, la crise a montré que l'entreprise ne se limite pas à des facteurs de production. Ce sont avant tout des hommes, des femmes, des travailleurs qui constituent sa force par leur savoir-faire, par leur capacité d'innovation, par leur abnégation. Dès lors, l'organisation d'une conférence nationale sur les bas salaires est essentielle pour remettre la confiance au cœur de la négociation des revenus. La force du dialogue social et la légitimité des partenaires sociaux sont les meilleurs leviers pour avancer avec réalisme, ambition et efficacité sur la question du pouvoir d'achat. Ces moments de négociation seront aussi l'occasion de renforcer les outils de participation en l'étendant notamment à toutes les entreprises de plus de onze salariés, comme le proposent Les Républicains.
Cependant, augmenter le SMIC ne suffit pas si nous ne sommes pas prêts à retirer du pied de nos entreprises le boulet de la sous-compétitivité. Une croissance brusque et forte du SMIC risquerait de dégrader leur activité en les accablant d'un coût du travail exorbitant. Une telle revalorisation ne favorisera pas l'embauche, au contraire, elle désincitera les entreprises à embaucher, et les premiers à en payer le prix seront les 3 millions de Français contraints au temps partiel.
Monsieur le rapporteur, pointer l'insuffisance du salaire, c'est se tromper de débat, car avant de distribuer des richesses encore faut-il les créer. La faiblesse des revenus n'est que le symptôme d'une économie déséquilibrée. C'est avant tout par une politique industrielle volontariste, par un choc de simplification administrative et par une baisse des charges sociales que nous pourrons redonner des perspectives optimistes à nos concitoyens. Avec mon groupe Les Républicains, nous appelons de nos vœux un nouveau pacte social fondé sur la valeur travail, nous voulons donner les moyens d'augmenter les salaires aux entreprises plutôt que de les contraindre. La contrainte ne servirait, en effet, qu'à accroître la défiance cultivée par le Président de la République par sa vision déshumanisée de l'économie et par son indifférence affichée pour les travailleurs les plus fragiles. Le mythe de l'économie des premiers de cordée n'a que trop duré. Nous devons à présent bâtir une économie compétitive au service de tous, une économie à taille humaine. C'est le projet que nous défendons, et la proposition de loi soumise cet après-midi à notre examen n'y satisfait pas. Aussi, nous ne la voterons pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le rapporteur, je suis, hélas ! obligé de vous dire que votre proposition de loi est une fausse bonne idée. C'est une bonne idée dans le sens où nous voulons tous une augmentation des ressources pour les bas salaires, mais une fausse bonne idée car le problème est mal posé et la solution, aussi séduisante soit-elle, est totalement contreproductive. Cette tentative de séduction est sans doute favorisée par les circonstances politiques qui se profilent. C'est donc une fausse bonne idée pour un projet politique qui peine à trouver un écho favorable dans notre pays.
Qu'en est-il réellement ? Oui, les salaires sont bas, le SMIC horaire étant à 10,25 euros bruts, soit 8 euros nets. Mais, comme l'a rappelé Mme la ministre déléguée, en France le salaire minimum représente 60 % du salaire médian, contre 35 à 50 % dans la plupart des pays riches. La part des profits dans les salaires est stable, contrairement aux pays anglo-saxons, et depuis dix ans la productivité augmente de moins de 1 % par an. Augmenter le SMIC, c'est donc prendre le risque de faire augmenter le chômage. Je le répète, si cette proposition est très séduisante à l'oreille, elle est contreproductive. C'est tout le contraire de ce qui est entrepris et appliqué par notre majorité. La voie qui consiste à faire en sorte que le travail paie davantage, qui a été tracée depuis 2017 par le Gouvernement, est la bonne. Depuis cette date, l'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – constate d'ailleurs une hausse moyenne du pouvoir d'achat des Français de 1 % par an, soit 334 euros de plus chaque année dans la poche des ménages, contre 0,2 % lors du quinquennat précédent. D'ailleurs, grâce à la mobilisation de l'État, le pouvoir d'achat de nos concitoyens n'a pas diminué lors de la crise sanitaire, il a même progressé de 0,4 % en 2020 et de 1,8 % en 2021.
Tout cela ne tombe pas du ciel : c'est le résultat concret des mesures que nous avons instaurées pour que le travail paie mieux, surtout pour les salariés modestes. Je pense, bien sûr, à la hausse de la prime d'activité, à la défiscalisation des heures supplémentaires, à la suppression des cotisations chômage et maladie ou à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, dite prime Macron. Très concrètement, un Français rémunéré au SMIC gagne désormais 170 euros de plus par mois qu'en 2017.
Je veux par ailleurs rappeler que du fait de sa double indexation sur l'inflation et sur l'évolution des salaires des ménages modestes, le SMIC a été revalorisé de 3,1 % en un an : c'est la plus forte hausse depuis 2012.
Si l'on fait l'addition de toutes ces mesures depuis 2017, un salarié à temps plein au SMIC aura vu sa rémunération augmenter dans une proportion similaire à celle que vous prévoyez d'appliquer à l'article 1er . Nous avons donc atteint votre objectif, sans pour autant détruire la compétitivité de nos entreprises. Car c'est bien là le cœur de notre opposition à cette proposition de loi. L'augmentation inédite de 15 % du niveau du SMIC aurait des conséquences tout aussi spectaculaires sur la santé économique de nos très petites entreprises – TPE – et petites et moyennes entreprises – PME –, le coup de pouce se transformant en coup de poignard pour les entreprises fragilisées qui se relèvent à peine de la crise sanitaire. Pour cette même raison, en novembre dernier, le groupe d'experts sur le SMIC préconisait de ne pas augmenter le salaire minimum au-delà des revalorisations automatiques.
J'ajoute que le premier facteur de pauvreté des travailleurs est le nombre d'heures travaillées, bien avant le niveau de salaire. Il est donc nécessaire de limiter les temps partiels courts. C'est le sens du système de bonus-malus introduit par la réforme de l'assurance chômage : sanctionner les entreprises recourant de manière excessive aux contrats courts et valoriser les employeurs vertueux. Pour améliorer encore la productivité qui est en vérité le fond du problème, il faut encore agir mieux sur la qualification des salariés, la formation professionnelle – et beaucoup a déjà été fait au cours de ce mandat – et l'accès au compte personnel de formation pour les salariés peu qualifiés et travaillant dans des petites entreprises qui ne connaissent pas encore assez leur droit à la formation.
Concernant l'article 2 qui propose l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires, nous partageons le constat du rapporteur : il n'est pas acceptable que certaines branches aient des grilles salariales inférieures au SMIC, car si le salaire minimum est un socle indispensable, c'est d'abord à la négociation collective qu'il revient de dynamiser le niveau des salaires. Mais, là encore, le travail est déjà engagé avec les branches moins-disantes. Elles ont été reçues le mois dernier par la ministre du travail pour les inciter à négocier sans délai une amélioration des grilles. Vous l'avez dit, madame la ministre, plusieurs d'entre elles ont d'ores et déjà trouvé un accord. Je pense notamment au secteur de l'hôtellerie-cafés-restauration particulièrement concerné par les tensions de recrutement actuelles.
La méthode est là ; elle fonctionne, et elle doit se poursuivre. Vous l'aurez compris, pour toutes ces raisons le groupe Agir ensemble votera contre ce texte.
Depuis deux ans, la crise a révélé au grand public et à nous tous ce que nous pressentions – notamment au sein du groupe socialiste – depuis de nombreuses années : l'indécence des bas salaires, ceux des premiers de cordée, mais aussi notre interdépendance. En effet, sans ces premiers de cordée, sans toutes ces personnes si mal considérées parce que mal rémunérées, notre économie tout entière s'effrondrerait et notre pays ne tiendrait pas debout.
Vaincre les inégalités salariales, retrouver l'esprit d'une société où l'échelle des salaires est décente, c'est d'abord une question de saine économie. C'est aussi une question d'écologie : en France, l'empreinte carbone du décile des revenus les plus élevés est trois fois supérieure à celle du premier décile. Et c'est une question sociétale – une seule statistique, tragique, suffit à le montrer : l'écart d'espérance de vie est de plus d'une décennie entre les 5 % des Français les plus favorisés et les 5 % les plus pauvres.
Il nous faut donc réduire ces inégalités, en faisant preuve de réalisme dans le contexte d'une compétition mondiale. Là réside notre désaccord le plus profond, madame la ministre déléguée : les ressources existent, au sein même de notre économie et à compétitivité égale, pour réduire ces inégalités et faire justice pour ceux qui, comme l'a si bien dit M. Leseul, sont méprisés par la société.
L'État-providence y a pourvu depuis des années et a contribué à réduire ces écarts. Vous avez vous-mêmes pris des initiatives en ce sens, mais cet État-providence a atteint un niveau de saturation, d'embolie, d'inefficacité même, au point qu'il produit des effets pervers. La défiscalisation massive des employeurs aux niveaux les plus élevés de revenus, par exemple, ou encore l'instauration de primes d'activité, détournent les entreprises de la question fondamentale qu'est la répartition de la valeur, non seulement entre capital et travail mais aussi au sein du monde du travail.
Au fil de plusieurs propositions de loi du groupe socialiste, nous avons proposé, avec Boris Vallaud notamment, de changer d'itinéraire dans notre marche vers la justice. La face nord est celle de l'État-providence tel que nous le pratiquons, avec des hauts des bas, depuis plusieurs décennies. Mais la face sud, que nous pourrions explorer, consiste à prévenir la création des inégalités. Pour y parvenir, nous proposons un processus qui apporte des réponses pratiques, opérationnelles et efficientes à la question qu'a posée Gérard Leseul : celle de l'indignité du SMIC, en particulier dans un contexte d'inflation des prix des produits essentiels.
Ce processus tient en dix propositions que nous avons largement présentées. Je n'en retiendrai que quelques-unes ici. Le facteur 12, d'abord : nous proposons que les rémunérations supérieures à douze fois le SMIC ne soient plus déductibles du calcul de l'impôt sur les sociétés – une mesure tout à fait possible et compatible avec la Constitution. Sans la moindre baisse de compétitivité, nous pourrions ainsi redistribuer 9 milliards d'euros, soit près de 100 euros – 93 euros pour être précis – de hausse sur la fiche de paie des quelque 14 millions de travailleurs qui constituent les cinq premiers déciles de revenus, et même 233 euros de hausse pour les deux premiers déciles de revenus, ceux que vise notre rapporteur dans cette proposition. En clair, l'effet redistributif, confirmé par d'autres études de la Fondation Jean-Jaurès, serait considérable – et encore ne s'agit-il là que de la répartition des revenus du travail, non celle des revenus du capital, dont de récentes études d'Oxfam ont montré à quel point ils avaient explosé pendant la crise.
D'autre part, le rapport que j'ai rédigé avec Graziella Melchior et que l'Assemblée a adopté à l'unanimité conclut à la nécessité de garantir la transparence et la responsabilité sociale et environnementale en matière d'écarts de salaires. La transparence, d'abord : la loi PACTE impose la publication par les entreprises des rémunérations de leurs employés par quartile, mais cette règle n'est même pas respectée ; peut-être nous direz-vous pourquoi les entreprises n'appliquent pas la loi que nous avons votée. Nous proposons quant à nous que les entreprises publient leurs rémunérations par centile, ainsi qu'un indicateur de partage de la valeur et le doublement de la participation. Surtout, avec Boris Vallaud et d'autres collègues, nous proposons d'instaurer le principe de la codétermination, non seulement dans les instances fixant les rémunérations mais plus généralement, dans la gestion et le management des entreprises, sur le modèle du capitalisme rhénan.
En somme, nous proposons une réforme profonde de l'entreprise qui permettra d'assurer la justice sans porter atteinte à notre compétitivité. Comment pouvez-vous être sourds à de telles propositions ? Le monde crie justice en matière économique, sociale, écologique. Le devoir de vigilance, la réforme de la responsabilité sociale des entreprises, la réduction des écarts de salaire : c'est un même combat, celui de la justice dans une économie saine qui, parce que nous préviendrons les inégalités à la source, sera plus compétitive et préparera un nouveau cycle de prospérité, conforme à l'ère de l'anthropocène et aux attentes de notre société.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La crise sanitaire a mis en relief la situation des travailleurs pauvres et pourtant, leur utilité sociale n'a pas été davantage reconnue. En effet, les professions dites de première ou seconde ligne sont surreprésentées parmi les quelque 3 millions de salariés payés au SMIC. Je pense aux aides à domicile, aux aides ménagères, aux caissières, aux agents d'entretien ou de sécurité – tous ces métiers sur lesquels « tient tout entier notre pays » et que « nos économies rémunèrent si mal », selon les mots du Président de la République. La prise de conscience a été lente et n'a malheureusement pas suffi à corriger ces injustices.
Au fond, la présente proposition de loi nous invite à nous poser une question fondamentale : celle de la juste rémunération du travail. Or les enjeux en sont multiples.
Premier enjeu, le plus important : la justice sociale. Il est anormal de ne pas pouvoir vivre dignement des fruits de son travail, anormal aussi d'être rémunéré au SMIC pendant presque toute la vie, sans perspective d'évolution.
Ces constats sont d'autant plus aigus dans le contexte d'une forte inflation qui mine le pouvoir d'achat des ménages. Comment vivre avec moins de 1 300 euros par mois alors que les prix de l'énergie et du logement s'envolent ? Travailler au salaire minimum, c'est compter en permanence : loyer, électricité, factures de téléphone, cantine. Une fois ces dépenses incompressibles payées, que reste-t-il au bout du compte ?
Il n'est pas juste non plus de devoir compter sur les aides sociales pour compléter un salaire trop bas. La revalorisation de la prime d'activité, que ce gouvernement a décidée en réponse au mouvement des gilets jaunes, a certes permis de soulager un certain nombre de personnes, mais agir sur le seul levier de la prime d'activité expose au risque que jamais les salaires ne soient augmentés, incitant les employeurs à maintenir le statu quo. Surtout, cette revalorisation n'entre pas dans le décompte des indemnités de l'assurance chômage et de l'assurance maladie, ni dans le calcul des retraites, ce qui pénalise encore une fois les petits salaires, et bien souvent les femmes. De manière générale, les primes et aides sociales ne constituent pas une politique structurelle permettant la juste rémunération du travail.
L'autre enjeu concerne évidemment l'attractivité de certains métiers qui, malgré la reprise économique, peinent à recruter. Les négociations salariales en cours au niveau des branches sont encourageantes. Lundi, c'est la branche hôtellerie-restauration qui a conclu un premier accord prévoyant une augmentation moyenne de 16 % des rémunérations. Mais d'autres restent malheureusement dans l'impasse, comme le transport routier et la grande distribution. Quant à la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social, censée apporter une réponse aux « oubliés du Ségur », le Premier ministre l'avait annoncée pour le 15 janvier mais elle a finalement été repoussée.
Plus généralement, il faut s'interroger sur les politiques de baisse du coût du travail, qui sont menées depuis vingt-cinq ans et qui ont fait de la hausse du salaire minimum l'ennemi de l'emploi. Un meilleur ciblage des réductions de cotisations doit être envisagé pour que le soutien à l'emploi ne se fasse pas à n'importe quel prix – ni, en l'occurrence, pour n'importe quel salaire, d'autant plus que les exonérations de cotisations sociales nuisent in fine au financement de notre protection sociale. Depuis 2019, la part des employeurs dans le financement des organismes de sécurité sociale est minoritaire – c'est une première qui doit nous inviter à réfléchir à la pérennisation de notre modèle social. N'oublions pas que ce que nous appelons à tort des « charges » est en fait un investissement dans notre système de protection sociale.
Mme Valérie Rabault applaudit.
Enfin, outre la faiblesse des salaires, le principal problème réside dans l'inégale répartition des richesses. La part du salaire dans la valeur ajoutée n'a fait que diminuer ces dernières années.
Le sujet des bas salaires et des inégalités salariales est complexe. Il est loin d'être épuisé et appelle assurément une mobilisation collective. Si le groupe Libertés et territoires est favorable à ouvrir le débat en vue d'une augmentation du SMIC et, plus largement, d'une augmentation des salaires, je répète que cela ne suffira pas tant que parallèlement, nous ne nous attaquons pas davantage aux contrats précaires et aux temps partiels subis – mais je sais, monsieur le rapporteur, que sur ce point, nous nous retrouverons. À titre personnel, je soutiendrai cette proposition de loi.
Mme Christine Pires Beaune applaudit.
« Je tiens à remercier chaque employé et chaque client d'Amazon, car c'est vous qui avez payé pour tout ça », a déclaré cet été le milliardaire Jeff Bezos au retour de sa petite balade dans l'espace. Dans ce clin d'œil faussement bienveillant se nichent tout le cynisme et la violence de classe de notre ère. Derrière cette déclaration se dresse le constat de longues années d'accélération de la confrontation entre le capital et le travail ; de longues décennies d'accaparement croissant des revenus du travail des uns au profit toujours plus astronomique des autres.
En France, ce phénomène a eu la part belle ces dernières années, sous le mandat du président des riches, comme je le dénonce régulièrement dans cet hémicycle. Il y a quelques jours, le dernier rapport d'Oxfam constatait carrément que les cinq premières fortunes de France ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie, et qu'elles possèdent désormais à elles seules autant que les 40 % les plus pauvres du pays. C'est l'une des illustrations concrètes de cette tendance, nourrie à la fois par les nombreux cadeaux faits ces dernières années aux grandes entreprises, mais aussi dès le début du quinquennat par la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place de la flat tax, toutes ces mesures ayant permis d'accroître l'accumulation de richesses par les plus fortunés. Pendant ce temps, le dernier rapport de l'Observatoire des inégalités recense plus de 2 millions de travailleurs pauvres dans notre pays.
Il est temps, enfin, de stopper la croissance obscène des inégalités et de la pauvreté, et de commencer à tordre ce rapport de force dans l'autre sens. Au terme de près de dix années sans augmentation significative du SMIC, et en pleine envolée des prix de l'énergie, des produits de première nécessité et du logement, l'augmentation des salaires n'est pas un luxe mais une nécessité urgente. On ne peut, dans ce « en même temps » hypocrite qui caractérise Emmanuel Macron, proposer le principe du SMIC dans l'Union européenne et en refuser l'augmentation ici.
L'un des premiers pas à faire en ce sens est d'augmenter sérieusement le SMIC ; nous soutenons donc son passage à 1 425 euros nets par mois – cette augmentation étant également accompagnée de celle du salaire brut, tout aussi nécessaire puisque le salaire socialisé est un revenu collectivisé du travail.
À cela, et dans ce même objectif d'augmentation des salaires et de réduction des inégalités, nous ajoutons d'autres propositions à appliquer immédiatement comme la revalorisation du traitement des fonctionnaires, qui subissent le gel du point d'indice depuis 2010, d'où une lourde perte en pouvoir d'achat. Dans l'immédiat, nous proposons de rattraper en urgence le gel du point d'indice depuis les années Sarkozy.
Il faut également prendre acte des inégalités salariales entre les femmes et les hommes. La lutte contre les discriminations salariales doit être une priorité mais elle ne suffira pas à régler le problème. Nous devons prendre en compte le fait que beaucoup de métiers féminisés sont dévalorisés, et que les femmes souffrent de salaires et de conditions de travail particulièrement précaires et pénibles, avec de nombreux temps partiels contraints. Il faut une conférence sociale pour organiser la revalorisation salariale des métiers majoritairement exercés par des femmes, notamment dans les secteurs du soin et du lien.
Plus largement, il faut revaloriser l'ensemble des revenus issus du travail en supprimant la réforme de l'allocation chômage, en interdisant que la moindre retraite soit inférieure au SMIC et en luttant contre les CDD et les contrats précaires, qui servent aussi à abaisser les salaires. Contrairement à ce que d'aucuns ont pu laisser entendre, cette revalorisation des salaires n'est pas contradictoire avec l'augmentation des minima sociaux que nous appelons de nos vœux ; bien au contraire, ces deux points sont complémentaires. Les minima sociaux doivent être relevés pour permettre à toutes et tous de vivre dignement grâce à la solidarité nationale, en refusant le discours réactionnaire qui fantasme sur un pseudo-assistanat.
Enfin, à ces diverses augmentations salariales doivent être ajoutés au moins quelques garde-fous contre les inégalités capitalistes. Alors que ces dernières années ont révélé toute l'indécence des profiteurs de crise et que les entreprises du CAC 40 viennent d'octroyer plus de 46 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires, il est temps de plafonner ces versements à la part de la plus-value consacrée aux salaires. Le capital coûte bien trop cher à notre pays. Il s'arroge une part toujours plus importante des richesses captant à son profit l'augmentation de la productivité générée par les travailleurs.
Dans cette même logique, nous ne pouvons plus accepter les salaires monstrueux dans les plus grandes entreprises. À ce jour, un dirigeant du CAC 40 gagne en moyenne 280 fois le SMIC : est-ce que vous vous rendez compte de ce que cela représente ?
Nous proposons donc de fixer un salaire maximal autorisé pour limiter l'écart de 1 à 20 entre le salaire le plus bas et le plus haut au sein d'une même entreprise.
Ces mesures, toutes plus urgentes les unes que les autres, figurent dans le programme de Jean-Luc Mélenchon. Les salariés et tous ceux qui n'ont que leur force de travail pour vivre, soit l'immense majorité de nos concitoyens, pourront ainsi voter en toute connaissance pour leurs intérêts. En attendant, nous soutenons bien entendu cette proposition de nos collègues socialistes pour une augmentation du SMIC et une conférence nationale sur les salaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Jamais les inégalités n'ont été aussi flagrantes dans notre pays. Le dernier rapport d'Oxfam, publié cette semaine, montre que la fortune des milliardaires a augmenté plus rapidement en dix-neuf mois de pandémie que sur les dix dernières années. Les performances financières des entreprises du CAC 40 ont atteint des sommets avec une envolée des valeurs boursières de 29 % en 2021. Parallèlement, la majorité des salariés de notre pays subit une modération salariale, entamée depuis de trop longues années, conjuguée à une inflation galopante et au poids croissant des dépenses contraintes. De nombreux ménages ont le sentiment que le travail ne paye plus suffisamment. Dans de telles conditions, il n'est pas étonnant de constater que le pouvoir d'achat figure parmi les premières préoccupations de nos concitoyens.
La crise sanitaire a révélé le caractère indécent et insoutenable de l'explosion de la rémunération du capital et du creusement des inégalités salariales. Elle a rappelé que nos sociétés s'appuient sur des millions de travailleurs indispensables mais mal payés, principalement dans le secteur des services. Ce sont des livreurs, des agents d'entretien, des caissières, des aides à domicile, des ouvriers du bâtiment. À une écrasante majorité, ces travailleurs « essentiels », ces salariés de la seconde ligne, sont payés 30 % de moins que la moyenne des Français. Ils sont précarisés par les contrats courts et le temps partiel subi et beaucoup plus souvent exposés aux accidents du travail.
Tous ces constats appellent indéniablement à des revalorisations salariales massives à l'heure de la reprise économique et de l'envolée des prix. L'inflation a atteint 2,8 % en 2021 et elle devrait suivre la même évolution en 2022. Plusieurs secteurs, à l'instar de l'hôtellerie-restauration, connaissent des difficultés de recrutement, lesquelles s'expliquent en grande partie par des salaires insuffisants et des conditions d'emploi difficiles.
Le débat sur la hausse du SMIC et des bas salaires doit être inscrit parmi les priorités politiques, comme le prévoit la présente proposition de loi. Il n'est plus possible, comme le fait le Gouvernement, de se contenter du minimum en matière de politique salariale avec les revalorisations automatiques du SMIC prévues par la loi, qui ne font que compenser, et encore en partie seulement, la progression du coût de la vie.
Suivant scrupuleusement les recommandations du groupe d'experts sur le SMIC composé principalement d'économistes libéraux, vous avez toujours refusé de donner un coup de pouce en faveur des 2 millions de salariés concernés. Au plus fort de la crise des gilets jaunes, vous avez concédé une hausse de 100 euros de la prime d'activité au niveau du SMIC sans mettre à contribution les employeurs. À la différence du salaire, qui lui est socialisé, cette prestation n'implique pas de versement de cotisations sociales et n'engendre aucun droit à la retraite ou à l'assurance chômage.
La survenue de la pandémie ne vous a pas fait dévier de votre ligne. Vous vous êtes limités à des déclarations de bonnes intentions depuis deux ans, en renvoyant aux branches professionnelles et aux employeurs la nécessité d'augmenter les rémunérations, sans les contraindre pour autant. Aujourd'hui, les négociations restent embourbées dans de nombreux secteurs ou semblent insuffisantes, ce qui alimente la colère des salariés.
Vous voulez que « le travail paye » pour reprendre vos mots. Eh bien, faisons en sorte que ce soit réellement le cas en portant dès aujourd'hui le SMIC à 1 828 euros brut, soit 1 425 euros nets.
Les exemples de nos voisins européens montrent que cette solution est possible et souhaitable. Le salaire minimum britannique a ainsi augmenté de près d'un tiers depuis 2015 et le taux de chômage n'a jamais été aussi faible au Royaume-Uni. De même, les gouvernements allemand et espagnol se sont engagés dans cette voie sans qu'il y ait de destructions d'emplois. Nous constatons même que ces orientations permettent d'enclencher un nouveau cycle bénéfique pour l'ensemble de l'économie puisque les travailleurs payés au salaire minimum dépensent le surcroît de salaire ainsi dégagé plutôt que de l'épargner.
Alors que le Président de la République s'est prononcé en faveur d'un SMIC européen cette semaine au Parlement européen, il est urgent de mettre à l'ordre du jour une relance du partage des richesses dans notre pays, urgent de redonner du pouvoir d'achat à nos concitoyens qui subissent les hausses de prix, urgent de reconnaître l'utilité sociale de ces millions de travailleurs essentiels à travers de meilleurs salaires. C'est pourquoi notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous examinons la proposition de loi de notre collègue Gérard Leseul visant à revaloriser le SMIC de 15 %. Je tenais une nouvelle fois à le remercier de permettre à notre assemblée de débattre de la question de la juste rémunération des travailleurs, notamment ceux qui sont payés au SMIC.
Nous croyons en la valeur travail. Ainsi, la majorité présidentielle a mené avec conviction la mise en application de l'engagement du Président de la République : l'émancipation par le travail, la baisse du chômage, la hausse des rémunérations nettes et l'augmentation du pouvoir d'achat des Français.
S'agissant de la rémunération des travailleurs au SMIC, notre majorité n'a pas attendu votre proposition de loi. Nous avons agi dès le début de cette législature. J'évoquerai les bénéfices pour un travailleur au SMIC de quelques mesures : l'augmentation et l'élargissement de la prime d'activité se sont traduits par une augmentation de revenus de 90 euros par mois, la baisse des cotisations sociales par un gain de 266 euros brut par an,…
…et la défiscalisation des heures supplémentaires par un gain moyen net de 200 euros par an. En outre, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat défiscalisée et désocialisée a permis aux salariés de toucher 600 euros en moyenne en 2020. Grâce à ces mesures, au cours de ce quinquennat, les salariés au SMIC ont pu gagner 170 euros de plus par mois.
À cela s'ajoutent les hausses automatiques du salaire minimum qui, sur cinq ans, représentent une augmentation de 270 euros de pouvoir d'achat pour un salarié au SMIC. Ces gains cumulés équivalent selon les situations à un treizième voire à un quatorzième mois.
Ces mesures prises par notre majorité ont évité les écueils inhérents à votre proposition de loi. La solution magique consistant à augmenter le SMIC détruit des emplois, nos voisins espagnols et portugais en ont fait l'expérience et le groupe d'experts sur le SMIC l'a démontré.
Vous souhaitez emprunter un chemin qui semble facile mais qui, en voulant répondre à un problème, en accentuerait un autre. Pour notre part, nous avons choisi une autre voie qui a permis non seulement d'augmenter le SMIC net mais aussi de créer des emplois : jugez-en par le formidable record que nous avons atteint aujourd'hui avec 2,5 millions d'embauches en trois mois !
Le deuxième article de votre proposition de loi prévoit la tenue d'une conférence nationale sur les salaires. Là encore, nous n'avons pas attendu votre texte de loi, et je tiens à saluer la ténacité dont a fait preuve la ministre du travail pour faire avancer les négociations salariales dans les branches. C'est grâce au dialogue social que nous ferons progresser les rémunérations.
Nous voyons bien que cela fonctionne ! La branche des hôtels, cafés et restaurants vient par exemple de conclure un accord prévoyant une hausse moyenne des salaires de plus de 16 % avec un premier échelon de la grille à 4,1 % de plus que le SMIC. Nous avons pu également nous féliciter de la réussite de l'accord sur l'avenant 43 pour la branche des aides à domicile qui se traduira par une augmentation allant jusqu'à 15 % selon l'ancienneté et l'expérience. En outre, une conférence multipartite conviant tous des financeurs sera réunie en février pour prolonger les travaux sur l'ensemble du champ social et médico-social en vue de définir les priorités nécessaires à l'attractivité des métiers et la pérennité du secteur.
En tant qu'employeur, l'État a pris ses responsabilités et a ainsi contribué à la revalorisation des salaires d'actifs dans des professions en première et deuxième ligne dans la gestion de la crise sanitaire.
Au-delà de ces hausses de salaires et de rémunérations, nous avons depuis le début de ce quinquennat agi pour redonner du pouvoir d'achat aux Français. La suppression de la taxe d'habitation représente une économie de 738 euros en moyenne par an et par ménage. Les baisses d'impôts historiques sur le revenu ont représenté un gain moyen de 350 euros par foyer dans la première tranche d'imposition. Quant au reste à charge zéro pour les soins dentaires, optiques et auditifs, il constitue un succès indéniable. À cela s'ajoutent des aides ponctuelles comme celles qui sont destinées à soutenir les ménages face à l'inflation et à la hausse des prix de l'électricité.
Oui, fort heureusement, nous n'avons pas attendu votre proposition de loi. S'il peut être flatteur de promettre 15 % d'augmentation du SMIC, il n'est pas soutenable de le faire de cette manière. Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche ne soutiendra pas ce texte.
Il aura fallu une pandémie mondiale, des millions de morts, la menace d'un drame plus grand encore pour nous ramener à l'essentiel : le primat de la vie sur l'économie. Dans cette crise inédite qui pourrait en préfigurer bien d'autres, chacun a pu mesurer les impasses d'un modèle économique aux pieds d'argile, perclus de malfaçons, menacé par l'injustice et la démesure et, en définitive, par la précarité économique, sociale et écologique vers laquelle nous a entraînés l'ère néolibérale.
Nous avons touché du doigt les limites d'un monde tel qu'il a prévalu jusqu'à aujourd'hui.
La crise a mis au jour nos excès, nos turpitudes, nos faiblesses, mais elle a aussi révélé la force de millions de femmes et d'hommes demeurés au front, par nécessité autant que par conviction. Dans la crise, ceux-là n'étaient pas la seconde ligne, ils étaient la première : infirmières, aides-soignantes, bien sûr, mais aussi caissières, ouvriers de l'agroalimentaire ou éboueurs, tous ces métiers indispensables et pourtant si mal reconnus, si mal considérés, si mal rémunérés.
À coup sûr, nous raterions les leçons de la crise si nous ne reconsidérions pas radicalement la hiérarchie de nos priorités et de nos valeurs et laissions sans suite les promesses que portaient, pour toutes ces femmes et tous ces hommes, nos applaudissements chaque soir à 20 heures : la juste reconnaissance du travail, la prise en compte de l'utilité sociale, la lutte acharnée contre toutes les formes visibles et invisibles d'inégalités.
Selon le Gouvernement, « il faut que le travail paye ». Vous n'avez cessé de le clamer alors que le nombre des travailleurs pauvres s'est fortement multiplié sous cette législature, que le nombre d'emplois précaires en dehors du salarié n'a jamais atteint un niveau aussi haut et que vous avez conforté, que dis-je « protégé », l'injuste modèle des plateformes, visage honni du tâcheronnage moderne.
« Il faut que le travail paye », certes, mais la réalité est qu'il ne paye plus toujours ou bien peu ou encore qu'il ne paye plus pour tout le monde, à supposer qu'il ait jamais payé. Avec vous d'ailleurs, c'est moins le travail que la solidarité nationale qui paye, quand elle paye, puisque c'est dans les poches de nos grands-mères, par l'augmentation de la CSG des retraités, que vous êtes allés chercher de quoi financer la prime d'activité. Des primes plutôt qu'un salaire, sans cotisation sociale donc, sans droits à l'assurance chômage ou droits à la retraite. Vous avez diminué les uns, vous diminuerez les autres en obligeant tous les Français, sans distinction, sans prise en compte de la pénibilité, à travailler plus longtemps.
Ce faisant, vous apportez la preuve que ce que vous entendez donner d'une main, vous le reprenez toujours de l'autre.
Alors que l'inflation galope, alors que le prix du carburant explose, alors que les dépenses de logement occupent une part toujours plus importante dans le budget des ménages et que pour beaucoup de nos compatriotes, le mois se finit dès le 15, c'est au pouvoir de vivre qu'il nous faut faire droit.
Voilà dix ans que le salaire minimum n'a pas été revalorisé en valeur réelle. Pourtant, jamais autant de Françaises et de Français n'ont été rémunérés au SMIC.
Il faut que le travail paie vraiment : c'est ce que nous proposons par la voix d'Anne Hidalgo dans le cadre de la campagne présidentielle, et ici par celle de Gérard Leseul. L'augmentation de 15 % du SMIC, le salaire minimum interprofessionnel de croissance, représenterait pour ses bénéficiaires près de 200 euros supplémentaires par mois : 200 euros pour vivre dignement de son métier, 200 euros rendus aux plus modestes de nos travailleurs, alors que depuis 2008 le salaire des 10 % les plus riches a connu en France une hausse trois fois plus rapide que celui des 10 % les plus pauvres – sans parler des actionnaires des entreprises du CAC40, dont la rémunération, dans le même temps, a crû de 40 %. Si la répartition avait été équitable, les 20 % de Français les moins fortunés auraient vu leur salaire augmenter de 10 % !
Après la crise, rien ne peut plus justifier que le patron d'une enseigne de la grande distribution gagne 300 fois ce que gagne l'une de ses caissières. Rien ne peut plus justifier la captation d'une richesse toujours accrue par des mains toujours moins nombreuses, qui nous éloigne de l'idéal d'égalité sur lequel reposent nos démocraties. Si l'égalité est une valeur, la justice une aspiration, force est de constater qu'elles ne sauraient se dispenser de discipline collective, de règles du jeu auxquelles la loi d'aucun marché ne peut prétendre se substituer. Comme pour la question climatique, on pourra désormais parler d'un quinquennat perdu en matière de lutte contre les inégalités salariales. La crise nous donne de nouveau l'occasion d'agir : c'est pourquoi, avec Dominique Potier, nous plaidons pour la limitation à un facteur 12 des écarts de rémunération, pour le rétablissement de l'égalité entre la fiscalité du capital et celle du travail, pour la réforme du droit des successions que nous examinerons bientôt.
Mes chers collègues, ne faisons pas comme si les temps n'avaient pas changé, comme si nous n'étions pas appelés à davantage de justice et d'égalité, comme si nous ne devions pas prendre en compte la valeur, l'utilité sociale. Nous nous trouvons à un seuil. L'économie de demain, c'est l'économie contributive, celle où tout ce qui pollinise la société importe autant que le miel que l'on en tire à la fin du processus productif. Nous entrons dans une époque où la valeur change de nature et de camp, où doit être posée, en face de l'utilité, la juste rémunération. Alors se dessinera un nouveau modèle de développement économique fondé sur la production de l'humanité par l'humain. Défendons la valeur travail en défendant le travail de valeur, en défendant les travailleurs et leur dignité !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La proposition de loi que nous examinons vise à augmenter le SMIC et à organiser une conférence nationale sur les salaires avec, en parallèle, des négociations par branche. Si nous pouvons comprendre les intentions, nous ne souscrivons pas aux procédés. Monsieur le rapporteur, vous constatez à juste titre deux faits déplorables : d'une part l'absence d'écart significatif entre le niveau du SMIC et celui du seuil de pauvreté, d'autre part un partage des richesses assurément perfectible. Encore une fois, je ne doute pas que votre dessein soit d'accroître sensiblement le niveau de vie d'un grand nombre de nos concitoyens, ce qu'il faut saluer, mais j'ai la conviction que la méthode retenue n'est pas la bonne.
Sur le plan économique, indépendamment de la crise que nous traversons, on estime que l'élasticité de la demande de travail est particulièrement forte pour le travail peu qualifié ; il est également admis qu'une hausse substantielle du salaire minimum, à court terme, détruit des emplois. C'est ce qui s'est passé au début des années 2000 : entre 2002 et 2005, le SMIC, fortement revalorisé, a augmenté beaucoup plus vite que le salaire moyen. Ce tassement des salaires, cet écrasement de leur hiérarchie, est dangereux pour trois raisons. Tout d'abord, une hausse du SMIC se répercute sur l'ensemble des salaires, rendant plus difficile la différenciation des rémunérations en fonction du mérite et des diplômes ; l'employeur, qui gère la paie de ses salariés, se trouve nécessairement privé d'une partie de ses moyens et arbitrages. Ensuite, il en résulte un malaise chez les travailleurs à la qualification plus élevée. Enfin, le risque majeur réside dans une progression des salaires plus rapide que celle de la productivité : la hausse des salaires constitue un coût de production supplémentaire que les entreprises doivent absorber, soit en réduisant l'emploi, soit en diminuant leurs marges aux dépens de leur capacité à investir et innover, soit en augmentant leurs prix de vente et perdant ainsi en compétitivité prix.
J'ajouterai qu'une augmentation de 15 % du SMIC, en élargissant la masse salariale correspondante, nuirait inévitablement à l'attractivité des emplois dont la rémunération serait en quelque sorte rejointe par le salaire minimum. Dans cette perspective, comment entendez-vous accompagner les employeurs face à la hausse du coût du travail ? Comment comptez-vous endiguer le dumping salarial, phénomène consubstantiel à une économie mondialisée, qui en sera forcément accru ? Comment anticipez-vous l'inflation qui résultera, je le répète, de l'augmentation des coûts de production ? Autant d'interrogations auxquelles la proposition de loi ne répond guère, voire pas du tout.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur l'importance de la négociation collective. Si le SMIC constitue un socle salarial indispensable, en particulier pour renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs lorsque l'influence des partenaires sociaux est faible, c'est à la négociation collective qu'il revient de dynamiser les salaires. Il convient qu'à l'avenir, les partenaires sociaux y recourent pour se saisir pleinement de la dynamique des bas salaires. C'est pourquoi le Gouvernement a invité de nombreuses branches, à commencer par les nouvelles branches comme l'hôtellerie-restauration et les industries agroalimentaires, à engager des négociations portant sur les salaires et les conditions de travail : des accords ont déjà été signés, preuve que cette méthode fonctionne !
Vous le voyez, monsieur le rapporteur, ce sont là des arguments valables pour ne pas soutenir la proposition de loi.
Toutefois, ma réflexion ne serait pas complète si je ne vous opposais une autre méthode : la stratégie à long terme de flexisécurité déployée depuis 2017 par le Président de la République afin d'apporter de nouvelles solutions aux employeurs tout en protégeant les salariés. Il est primordial d'accompagner le rebond économique actuel, preuve de l'efficacité du protectionnisme adopté par le Gouvernement pour limiter le coût de la crise. Je suis convaincu qu'une réponse structurelle, progressive, améliorera la vie de nos concitoyens, où une augmentation significative du SMIC porterait un coup fatal à la reprise encore fragile que nous constatons.
En dernier lieu, pour répondre aux préoccupations exprimées en matière de pouvoir d'achat, j'ai à cœur de vous rappeler que le revenu des ménages, le pouvoir d'achat du salaire moyen et l'appareil productif ont été préservés grâce aux mesures de soutien. Le taux de chômage au deuxième trimestre 2021 était le plus bas depuis 2008 ; la sortie de crise s'est accompagnée d'un retour à l'activité, si bien qu'au troisième trimestre 2021 le taux d'emploi, au sens de l'INSEE, atteignait un niveau historique : plus de 67 %.
Vous l'aurez donc compris, mes chers collègues, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne votera pas en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Faisant écho à la candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle, le groupe Socialistes et apparentés nous propose une hausse substantielle du SMIC. À n'en pas douter, il existe dans notre pays un problème des bas salaires qui rejoint celui des inégalités sociales, dont tout indique qu'elles se sont considérablement accrues durant la crise sanitaire.
Nous sommes convaincus que le travail constitue un formidable vecteur d'émancipation, que tout le monde aspire à être mis à contribution et à faire bénéficier la collectivité de ses talents. Néanmoins, comment donner du sens à son travail lorsque celui-ci ne paie pas, lorsqu'il ne permet pas de s'enrichir, de faire des projets, d'accéder à la propriété, de fonder ou d'assumer une famille ? Or les travailleurs qui perçoivent un salaire modeste sont directement touchés par l'inflation : concentrée sur les produits du quotidien – le carburant indispensable aux déplacements, l'énergie nécessaire pour se chauffer, les denrées alimentaires –, celle-ci affecte leur famille dans ses besoins essentiels. Du reste, les prix inédits atteints par les carburants, au-delà des fluctuations des marchés, conduisent à soulever la question des taxes perçues par l'État.
Si nous partageons avec le groupe socialiste l'objectif d'augmenter le pouvoir d'achat, en particulier celui des ménages les moins fortunés, nos convictions divergent fondamentalement s'agissant de la méthode. En effet, la soudaine augmentation du SMIC accroîtrait d'autant, et de manière tout aussi abrupte, le coût du travail ; en d'autres termes, l'effort en vue d'une hausse du pouvoir d'achat des Français serait exclusivement fourni par les entreprises, dont les prélèvements obligatoires trop élevés minent déjà la compétitivité. Les difficultés supplémentaires que rencontreraient alors les acteurs économiques se répercuteraient directement sur le recrutement.
Outre qu'elle constitue une aberration économique, votre proposition suscite de dangereux espoirs en suggérant qu'il suffirait d'augmenter le salaire minimum pour résoudre le problème des bas salaires. Comment une petite entreprise de quelques salariés, qui se démène quotidiennement afin de survivre tant bien que mal, pourrait-elle supporter le coût d'une telle mesure ? De surcroît, je le répète, celle-ci reviendrait à stigmatiser indirectement tous les employeurs en laissant croire qu'il suffit de leur tordre le bras, quelle que soit la situation financière de leur société, pour augmenter le pouvoir d'achat de millions de Français.
Nous sommes au contraire partisans d'une diminution considérable des prélèvements obligatoires, seule mesure capable de rapprocher le salaire net du salaire brut, donc d'accroître réellement le pouvoir d'achat des travailleurs. Plus largement, il faut libérer les entreprises des contraintes qui les assaillent, ce qui passe également par la réduction du temps consacré aux tâches administratives, bureaucratiques – temps perdu pour la production, entravant le développement de l'entreprise, les recrutements et les hausses de salaire.
Par ailleurs, au sein même du Parti socialiste, votre proposition ne semble pas faire consensus. L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, qui a récemment rejoint l'équipe de campagne d'Anne Hidalgo, déclare ainsi que les conditions de l'augmentation du SMIC doivent être déterminées dans le cadre d'une conférence sociale : or ce texte prévoit à la fois l'augmentation et la conférence, indépendamment l'une de l'autre ! Il est curieux, chers collègues, que vous nous soumettiez une mesure aux conséquences aussi importantes, alors que le débat n'est pas tout à fait tranché entre vous.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants ne soutiendra pas cette proposition de loi.
La question salariale, au cœur des préoccupations de nos concitoyens, devrait également se situer au centre du débat public, tant elle est prégnante pour les nombreux foyers dont la situation économique s'est dégradée depuis la crise des subprimes de 2008. Aussi, je tiens à remercier le rapporteur et le groupe socialiste d'avoir inscrit ce sujet à l'ordre du jour.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
L'importance de la rémunération devient d'autant plus grande qu'elle recouvre le sentiment de tant d'injustices, que les efforts consentis pour sortir collectivement de la crise ne sont pas reconnus, qu'en dépit de la reprise économique le revenu disponible à la fin du mois diminue – car les loyers augmentent, les prix de l'immobilier augmentent, le beurre, l'essence, l'électricité, tous les biens nécessaires à la vie augmentent, et cette inflation risque de durer. En outre, ce qui frappe n'est pas à proprement parler le défaut de revalorisation, mais sa disparité : depuis 2008, le salaire des 10 % de Français les plus riches a augmenté trois fois plus vite que celui des 10 % les plus pauvres. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, la reprise qui a succédé aux confinements ne se traduit pas toujours par un partage plus équitable de la valeur ajoutée – bien au contraire. Ainsi, alors que les femmes représentent 70 % des travailleurs pauvres, alors qu'elles occupent 83 % des emplois à temps partiel et 62 % des emplois non qualifiés, l'écart salarial entre elles et les hommes s'élevait en 2021 à 16,5 %, contre 15,5 % en 2020.
Cette réelle iniquité suscite chez bon nombre de Français un douloureux et légitime sentiment d'injustice, en particulier chez ceux qui exercent les métiers les plus précaires et se sentent constamment sur le fil du rasoir. Les efforts accomplis en vue d'y remédier en accroissant le revenu disponible l'ont été essentiellement par les pouvoirs publics, sous la forme soit de dépenses supplémentaires, soit de diminutions de prélèvements obligatoires qui ont notamment fragilisé notre système de sécurité sociale.
Il est temps de mieux répartir les responsabilités entre les acteurs économiques, afin que les travailleurs disposent de rémunérations justes, à la hauteur de leur valeur productive dans les entreprises mais aussi de leur rôle essentiel au sein de ces entreprises et de la société. Oui, l'augmentation du SMIC est une solution incontournable à laquelle nos voisins, même les plus libéraux, recourent : c'est le cas en Angleterre, au Portugal et en Allemagne, où la hausse s'élève tout de même à 25 % en trois ans, ainsi qu'en Espagne, où elle atteint 31,8 % depuis 2018. Oui, une grande conférence nationale sur les salaires pour l'ensemble des travailleurs est une nécessité, mais il faut en définir le cadre : la juste rémunération au cœur des entreprises. Il s'agit précisément de l'ambition de l'amendement de mon collègue Matthieu Orphelin, qui vise à s'assurer que l'écart entre les salaires, au sein d'une même entreprise, ne puisse dépasser un facteur 20.
Mes chers collègues, la période est difficile et le climat social est tendu, à la suite de chocs successifs. Le Parlement et les pouvoirs publics ne peuvent rester des témoins passifs : offrons un printemps social aux Françaises et aux Français.
Puisqu'il me reste quelques instants, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier le groupe Socialistes et apparentés de nous avoir invités à débattre aujourd'hui de sujets variés, importants, au plus près des préoccupations des Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
J'ai aussi entendu parler de formation et du travail peu qualifié, que l'on ne pourrait pas rémunérer dignement. En parlant de formation et de mobilité, vous renvoyez ce qui est une responsabilité absolument collective à la responsabilité strictement individuelle du travailleur ou de la personne privée d'emploi.
Nous avons parlé de l'accès aux soins, nous parlons maintenant du salaire et du pouvoir de vivre. Ces sujets et ces débats honorent non seulement notre fonction mais aussi nos responsabilités politiques et citoyennes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur, pour répondre aux orateurs.
Je vous remercie de vos interventions, chers collègues et madame la ministre déléguée. Nous avons été nombreux à dresser le même constat, au cours de nos interventions : celui du sentiment d'injustice que ressentent de nombreux travailleurs aujourd'hui. Nous avons partagé aussi l'idée que le pacte républicain est aujourd'hui menacé, voire abîmé, et que la cohésion sociale l'est aussi. Sans reprendre les chiffres évoqués par plusieurs collègues, je rappellerai que le partage de la valeur ajoutée s'est dégradé pour les travailleurs tout en s'améliorant pour le capital et les dividendes. Les inégalités deviennent malheureusement de plus en plus flagrantes.
Bien sûr, des mesures ont été prises ; vous les rappellerez sans doute tout à l'heure, chers collègues, dans l'exposé de vos amendements de suppression. Mais elles ne suffisent pas. Nous divergeons fondamentalement sur la sémantique : vous parlez de prélèvements obligatoires et de charges sociales, alors que nous parlons de cotisations et de protection sociale. Les cotisations servent en effet à protéger nos prestations maladie, nos retraites et nos indemnités chômage. Le pouvoir d'achat est, ne nous trompons pas, la préoccupation majeure des Français, celle de tous les travailleurs et de ceux qui sont malheureusement privés de travail.
Bien sûr, vous nous avez rappelé l'existence des primes, notamment de la prime inflation. Mais il existe depuis de nombreuses années un décrochage total entre la perception de leur salaire par les Françaises et les Français et le pouvoir d'achat mesuré, qui traduit aussi leur sentiment à l'égard des primes que vous attribuez.
Les difficultés économiques s'accroissent, comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs. À ce titre, nous divergeons aussi sur un point précis : la question du loyer n'est pas suffisamment prise en compte dans l'évaluation du coût de la vie. Il y a donc bien des dépenses contraintes qui augmentent. Je rappellerai seulement quelques chiffres : la part des dépenses contraintes, qui représentait 12 % du revenu d'un ménage en 1959 et 27 % en 2008, atteint aujourd'hui 32 %. Voilà le vrai problème : les dépenses contraintes, qui ne laissent plus aucune liberté.
Vous avez des réponses, madame la ministre déléguée, chers collègues de la majorité, que je qualifierais de libérales. Prime d'activité, prime inflation, allégements de charges : tout cela n'est pas du salaire. Nous avons posé la question de la juste rémunération du labeur, du travail, pas des primes. Par ailleurs, vous renvoyez beaucoup trop souvent, de mon point de vue, au « travailler plus ». Alors que vous savez bien que le temps partiel est contraint, subi, je vous entends répondre qu'il faut travailler davantage, que ce soit sous forme d'heures supplémentaires ou non. Pensez-vous que ceux qui travaillent à temps partiel ne préfèreraient pas travailler à temps complet ?
Les réponses qu'apportent nos voisins devraient nous inciter à revaloriser le SMIC. Notre pacte social, tellement applaudi pendant la crise sanitaire, l'exige. Je rappelle que le SMIC désigne le salaire minimum ; il s'agit donc de permettre un juste paiement du labeur.
Je rappellerai enfin simplement deux chiffres. 165 milliards d'euros : tel est, selon la Banque de France, le montant de l'épargne covid, c'est-à-dire de l'épargne supplémentaire de nous tous, des Françaises et des Français qui disposent de revenus suffisants pour épargner. Un smicard, lui, touche 1 269 euros par mois. Je vous laisse apprécier le gouffre entre ces deux chiffres et l'abîme que vous creuseriez en refusant une revalorisation du travail et une augmentation du SMIC.
Avant de donner la parole à Mme la ministre et d'en venir à la discussion des articles, je vous informe que, sur l'amendement n° 4 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Je voudrais répondre à un certain nombre d'interrogations et rétablir certains chiffres. Sachez tout d'abord que le niveau du salaire minimum en France est l'un des plus élevés parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il n'y a que huit pays – la France, l'Allemagne, le Benelux, l'Irlande, l'Espagne, la Slovénie – dans lesquels le SMIC mensuel dépasse 1 000 euros. La France est donc dans la moyenne de l'OCDE en termes de coût du travail. C'est ce que j'indiquais tout à l'heure : la France est le pays de l'OCDE où le revenu net du salaire minimum est le plus proche du revenu net du salaire médian.
Il est vrai que l'Allemagne a prévu de porter le salaire horaire minimum de 9,82 à 12 euros. Cette hausse, de l'ordre de 25 %, sera susceptible de provoquer des suppressions d'emplois mais vous savez qu'en 2019, avant la crise, le taux de chômage s'établissait en Allemagne à 3,2 %, contre plus de 8 % en France.
L'Espagne, quant à elle, a augmenté de 22 % le salaire minimum en 2019 ; au total, il a crû de 30 % depuis 2018. La Banque d'Espagne a estimé que la hausse intervenue en 2019 avait détruit 100 000 à 180 000 emplois.
En Grande-Bretagne, le salaire minimum a augmenté d'un tiers depuis 2015, tandis que l'inflation grimpait de 20 %. Il s'établit aujourd'hui à 10,63 euros de l'heure et atteindra, en avril 2022, 9,5 livres sterling soit 11,30 euros – mais le pays connaît depuis 2015 une inflation bien plus forte que la France et la zone euro.
Plusieurs parmi vous ont mentionné les travailleurs de la deuxième ligne. Je tiens évidemment, à mon tour, à les saluer comme vous l'avez fait ; ils ont été particulièrement mobilisés pendant la crise sanitaire. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé des travaux, depuis plusieurs mois, avec les principales branches concernées, s'agissant des caissières, des aides à domicile, des agents de propreté et d'autres professions encore. Je l'ai dit, les négociations sont en cours et certaines branches ont déjà pris des engagements. C'est le cas par exemple dans le domaine de la propreté, où un accord de revalorisation des salaires a été signé en juillet 2021 et où les échanges se poursuivent au sujet des conditions de travail. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), versée depuis juin 2021, prévoit un volet spécifique pour les travailleurs de seconde ligne, afin de corriger les négociations de branche. La prime peut ainsi être portée à 2 000 euros si l'entreprise négocie un accord à ce sujet.
Je voudrais revenir aussi sur les métiers féminisés. Il est vrai que les femmes sont souvent surreprésentées dans les métiers à bas salaires – ceux de caissière, d'agent d'entretien, ou bien d'autres encore. Il faut le savoir, 29 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 8 % des hommes. Madame Bagarry, à travail égal, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes s'établit à 9 % et non à 16 % – il est d'ailleurs inexpliqué.
Vous le savez, le SMIC n'est pas un bon instrument pour améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs pauvres.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Vous devriez le supprimer ! C'est quand même la meilleure de la journée !
Près de 50 % d'entre eux sont à temps partiel ou sont employés de façon très discontinue. Il faut donc que nous travaillions ensemble, en premier lieu, à améliorer la qualité de l'emploi et à lutter contre le temps partiel subi. C'est ce que nous faisons, par exemple au travers des groupements d'employeurs.
Je rappelle aussi que nous avons instauré un système de bonus-malus dans tous les secteurs où les employeurs abusent des contrats courts.
J'aimerais enfin évoquer brièvement la transparence des écarts de rémunération. La loi PACTE que vous avez citée, monsieur Potier, marque une vraie rupture en matière de transparence salariale : les entreprises cotées doivent dorénavant rendre public leur ratio d'équité, qui indique l'écart entre la rémunération des dirigeants et la rémunération médiane. Lors des débats parlementaires, la publication du ratio d'équité pour le premier quartile n'avait pas été retenue ; la notion de quartile est d'ailleurs peu lisible et, il faut le reconnaître, peu comprise. Les entreprises cotées se sont bien soumises à la publication du ratio…
Elles s'y sont soumises, monsieur le député, depuis 2020 – j'ai fait vérifier ce point – même si un manque de clarté est certes apparu s'agissant de la méthode de calcul et des périmètres. L'AMF, l'Association des maires de France, veille au respect de cette obligation.
Nous avons en France un système très protecteur. La France est le seul pays d'Europe à prévoir une composante liée au pouvoir d'achat dans la revalorisation automatique du salaire minimum. Je tiens également à rétablir un fait : depuis 2008, le SMIC a augmenté de 21 % et le pouvoir d'achat de plus de 8 %.
La solution que vous proposez, monsieur le rapporteur, d'une augmentation du SMIC de 2,15 % freinerait clairement la reprise de notre économie.
Je le redis, l'augmentation du pouvoir d'achat des Français est au cœur du projet de notre gouvernement et de notre majorité. Oui, nous croyons à la valeur travail, et nous le démontrons au travers des différentes politiques que nous menons : la prime d'activité, la baisse des cotisations et la prime de pouvoir d'achat. Les salariés au SMIC ont obtenu 170 euros de plus par mois sous ce quinquennat. Enfin vous semblez ignorer les résultats obtenus par le Gouvernement et la majorité grâce à une méthode qui consiste à faire confiance au dialogue social et à la responsabilité des partenaires sociaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Vous avez confondu de façon assez sidérante l'Autorité des marchés financiers et l'Association des maires de France, c'est dire la confusion qui est la vôtre.
Nous ne parlons pas de la même chose. Vous dites que le SMIC n'est pas la meilleure façon de résoudre la précarité mais vous multipliez non pas les pains, mais le nombre des travailleurs pauvres : l'essentiel des emplois qui sont créés aujourd'hui le sont en dehors du salariat. Ce sont des emplois de misère.
Après la crise que nous avons vécue, les lamentos sur le coût du travail ne sont plus tout à fait audibles. La valeur a changé de camp : nous avons vu de quoi nous pouvions nous passer pendant cette crise et de quoi et de qui nous ne pouvions pas nous passer. Il est temps de dire à ceux que nous avons applaudi tous les jours à 20 heures que ce n'était pas simplement une manifestation éphémère mais le début d'une réflexion globale sur le monde de demain. Depuis 2008, les salaires des 10 % des Français les plus riches ont progressé trois fois plus vite que les 10 % les plus faibles. Dominique Potier l'a dit, si vous deviez redistribuer la masse salariale au-delà de douze SMIC, à coût du travail équivalent, vous pourriez augmenter 20 % des salaires de 233 euros nets par mois.
Il y a aujourd'hui une aspiration forte à la justice, non seulement pour des raisons éthiques, de décence commune, comme aurait dit Orwell, mais aussi d'efficacité économique et de justice sociale. Vous êtes en train de soutenir un monde aux pieds d'argile qui va se casser la figure. Vous n'avez tiré aucune leçon de cette crise et vous continuez comme avant. D'ailleurs, vous n'avez pas tant gouverné cette crise que vous avez été gouvernés par elle, prenant les mêmes dispositions que tous les autres pays.
Demain, nous verrons le vrai visage de Macron qui n'envisage pas de renégocier le pacte de stabilité durant sa présidence de l'Union européenne. Ce pacte reviendra avec toute sa violence et nous savons, parce que nous y sommes habitués depuis cinq ans, à qui coûtera le quoi qu'il en coûte : à ceux que nous avons applaudi à 20 heures. Quand vous parlez de baisses des cotisations sociales, vous oubliez de dire que cela se traduit toujours par des droits en moins, parce que la différence entre le salaire net et le salaire brut, c'est du salaire différé, les droits au chômage, les droits à la retraite, que vous avez déjà réduits et que vous continuerez à réduire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, pour soutenir l'amendement n° 4 tendant à supprimer l'article.
Nous n'avons pas attendu votre proposition de loi pour agir sur le niveau du SMIC. Il est assez insupportable de voir la mauvaise foi avec laquelle vous oubliez toutes les mesures que nous avons pu prendre depuis le début de ce quinquennat pour permettre une augmentation réelle des bas salaires : les baisses de cotisations, la prime d'activité, la défiscalisation des heures supplémentaires, la prime annuelle, toutes ces mesures qui, cumulées, représentent l'équivalent d'un treizième, voire d'un quatorzième mois. Nous avons choisi ces voies, qui sont certes plus complexes que l'espèce de solution magique que vous nous proposez.
Mise en œuvre dans des pays comme l'Espagne ou le Portugal, elle s'est traduite par une augmentation du chômage, alors que notre objectif est, non seulement d'augmenter les rémunérations, mais aussi de lutter contre le chômage. Cela fonctionne puisque 2,5 millions d'emplois ont été créés ces trois derniers mois.
À cela s'ajoutent les mesures de pouvoir d'achat, telles que la suppression de la taxe d'habitation, la baisse historique de l'impôt sur le revenu pour les premiers déciles, donc les revenus à hauteur du SMIC, le zéro reste à charge – le temps me manque pour les rappeler toutes.
En revanche, augmenter le SMIC de la manière dont vous voulez le faire, c'est créer du chômage.
Mais non ! C'est payer justement les gens ! C'est partager la richesse créée !
C'est répondre à un problème en en aggravant un autre plutôt que de régler tous les problèmes. Cela ne fonctionne pas et c'est pourquoi nous défendons cet amendement de suppression de l'article 1er .
Une solution vieille de cinquante ans, ce n'est pas ce que j'appellerai une solution magique, c'est au contraire un élément fondamental du débat, tant au Parlement que dans le dialogue social. Ce qui me semble magique, c'est de faire l'impasse sur la réalité.
Cet amendement a bien sûr été adopté en commission, puisque vous y avez la majorité, mais je m'y oppose à titre personnel, pour plusieurs raisons.
D'une part, l'augmentation que nous proposons est certes ambitieuse mais pas totalement disproportionnée. Puisque vous avez cité des chiffres, madame la ministre, j'en rappellerai d'autres. Avec un SMIC brut à 1 587 euros, la France est au septième rang de l'Union européenne, derrière le Luxembourg, avec 2 202 euros, l'Irlande, avec 1 724 euros, les Pays-Bas, avec 1 685 euros, ou l'Allemagne, avec 1 626 euros, et, vous l'avez évoqué, le gouvernement allemand s'est engagé à revaloriser cette année le salaire minimal de façon significative.
En outre, la négociation au sein de la branche hôtellerie-restauration a abouti à une proposition d'augmentation de 16,33 %, en raison de la tension sur le marché de l'emploi et la nécessité de revaloriser ces métiers.
Deuxièmement, aucune étude ne démontre de manière formelle qu'une augmentation du SMIC aurait un effet négatif sur notre économie, au contraire, beaucoup d'études, notamment de prix Nobel, ont démontré qu'elle aurait un effet très positif.
Troisième raison pour laquelle je m'oppose à cette suppression, les mesures décidées par le Gouvernement et que notre collègue vient de rappeler, sont des mesures de compensation et non de valorisation du travail.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour donner l'avis du Gouvernement.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire, monsieur Vallaud, que vous vous éloignez du débat et du texte que propose votre groupe.
Je vous rappelle la revalorisation des salaires dans le cadre du Ségur. Je vous rappelle aussi que nous avons créé un million d'emplois depuis 2017 et que le taux d'embauche en CDI est le plus haut depuis 2006 : ce sont des chiffres que personne ne peut contester.
On peut certes se comparer à l'Allemagne, mais le salaire net n'est pas le salaire brut et les charges ne sont pas forcément les mêmes, bien loin de là.
Mme Parmentier-Lecocq l'a parfaitement expliqué et j'ai eu l'occasion de le rappeler en ouverture de nos débats, pour notre gouvernement et sa majorité, qui ont massivement agi en faveur des actifs en augmentant le pouvoir d'achat des ménages, grâce notamment à la prime de pouvoir d'achat…
…et à l'indemnité d'inflation, sans pour autant, c'est important, faire peser des contraintes supplémentaires sur les entreprises, pour nous, donc, une augmentation aussi brutale aurait des conséquences regrettables sur les salaires et sur l'emploi. Or il convient dans un premier temps, vous le savez bien, de préserver la reprise.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable à cet amendement de suppression de l'article 1er .
Il est très étonnant – mais pas tant que ça au fond : vous êtes dans votre rôle après tout – de voir combien vous vous montrer chiches quand il s'agit d'augmenter les salaires alors que l'augmentation record des dividendes depuis quatre ans ne vous pose aucun problème.
Les profits n'ont jamais autant augmenté par rapport aux revenus du travail. Voilà la réalité, voilà les chiffres.
Vous évoquez la création d'un million d'emplois, madame la ministre, mais je vous rappelle que bon an mal an, la France créait de toute façon à peu près à peu près 200 000 à 250 000 emplois par an. La différence, c'est que la plupart du temps vous avez supprimé des emplois en CDI et créé des emplois très précaires.
Ça aussi c'est votre bilan.
Aucune étude sérieuse n'établit de corrélation négative entre la santé économique d'un pays et le fait d'augmenter les salaires. Pour l'instant nous pouvons intervenir sur le SMIC mais il faudrait augmenter tous les salaires. C'est d'ailleurs ce que nous proposons pour les fonctionnaires. Je vous fais remarquer qu'en Angleterre le salaire minimum a plus augmenté qu'en France et que son économie ne se porte pas si mal pour autant. Vous arrivez à être plus libéraux que les Anglais ! S'en faire remontrer par l'extrême-droite en matière de libertés et par les États libéraux en matière de salaire minimum, voilà le bilan du macronisme !
Vous avez essayé de nous faire croire que l'augmentation des profits allait rejaillir sur toute l'économie – c'est votre théorie du ruissellement : c'est faux, archifaux ! En revanche, l'augmentation des salaires, à commencer par les bas salaires, permettrait notamment de relancer la consommation populaire, enclenchant ainsi un cercle beaucoup plus vertueux, parce que cela permettrait non seulement aux personnes concernées de mieux vivre, mais également de faire entrer plus de cotisations dans les caisses de la sécurité sociale.
Cette logique est totalement différente de la vôtre : vous menez une politique de l'offre, alors que nous pensons qu'il faut une politique de la demande, encadrée par une politique écologique, parce que votre politique nous laisse 10,5 millions de pauvres, 2 millions de travailleurs pauvres, toujours plus de précaires, et une situation économique qui, contrairement à ce que vous dites, madame la ministre, n'est pas si bonne. Ainsi, l'INSEE prévoit une baisse du pouvoir d'achat d'un demi-point au 1er semestre 2022, alors même que, là où elle sera négociée, l'augmentation des salaires sera inférieure. Sur ce point, vous ne répondez rien.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Dans ce débat s'opposent deux stratégies économiques totalement différentes : politique de l'offre ou politique de la demande. Quand j'entends les arguments développés notamment par notre collègue Vallaud, je retrouve la grille de réflexion appliquée par le parti socialiste depuis quarante ans et qui a conduit à la désindustrialisation de la France et à une augmentation massive du chômage.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Nous, nous croyons qu'il faut d'abord réduire le chômage en favorisant la production de richesses en France. Le niveau du SMIC est un élément important de cette réflexion, mais aussi la possibilité pour ceux qui sont dans l'emploi de se former et d'emprunter l'ascenseur social.
On a cité les exemples de l'Allemagne et de l'Angleterre. Je rappelle qu'encore très récemment il n'y avait pas de salaire minimum en Allemagne et qu'elle connaît un quasi plein emploi, d'où une forte tension sur les salaires. Dans une circonscription très industrielle comme la mienne, il y a beaucoup d'offres d'emplois en CDI et une tension bienvenue sur les salaires, en raison de la compétition entre les entreprises. Quant à l'Angleterre, l'inflation consécutive au Brexit et à l'augmentation du coût des matières premières a rendu nécessaire une forte augmentation des salaires.
Nous voterons l'amendement de suppression.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 65
Contre 30
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Je souhaite revenir sur les propos de Mme la ministre déléguée qui expliquait précédemment que la hausse des salaires freinerait la reprise de la croissance. Or, premier point, les pays qui ont annoncé une hausse des salaires tels que l'Allemagne et l'Espagne sont, selon les projections de la Banque de France, devant la France…
…d'activité et de valeur ajoutée – puisque le PIB correspond à la somme des valeurs ajoutées.
Le deuxième élément porte sur la part du travail dans la valeur ajoutée. Si l'on se réfère aux études de l'INSEE, on constate que la France ne se situe pas du tout en haut du tableau sur ce point et que des pays dont la part du travail dans la valeur ajoutée était inférieure à la nôtre nous rattrapent actuellement. Les efforts consentis par tous les pays pour traverser la crise sanitaire de la meilleure façon possible doivent être récompensés par un signe de toute la nation. C'est ce qu'ont compris les Espagnols, les Allemands et d'autres encore, alors que vous, vous dites : « circulez, il n'y a rien à voir ! »
Je sais que ce débat relève bien plus de la campagne présidentielle que d'une proposition de loi discutée dans l'hémicycle, mais nous aborderons cette question à l'occasion des élections législatives parce qu'elle conditionne les cinq années du quinquennat qui s'ouvrira à partir de juin 2022 ainsi que l'avenir de notre pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 11 rectifié , 2 , 10 , 12 et 3 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 10 et 12 sont identiques.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement n° 11 rectifié .
J'ai été particulièrement choqué par les propos de Mme la ministre déléguée qui, au détour d'une phrase, l'air de rien, a déclaré que le SMIC n'était pas un levier pour le pouvoir d'achat. Franchement ! Au lendemain de l'annonce du Président de la République devant le Parlement européen de sa volonté d'instaurer un SMIC européen, au lendemain de sa « promotion » du principe même d'un salaire minimum – on peut penser ce qu'on voudra de sa sincérité –, vous nous expliquez benoîtement que ce n'est pas un bon outil. C'est tout juste, à vous écouter, s'il ne faudrait pas le supprimer ! C'est un peu bizarre.
L'amendement s'inscrit dans l'esprit de cette proposition de loi, que nous soutenons. Comme l'a rappelé le rapporteur, derrière la question des rémunérations se pose celle de la répartition des richesses. C'est pourquoi l'amendement vise à instaurer, aussi bien dans les entreprises privées que dans les établissements publics, une échelle de salaires allant de un à vingt entre la plus faible rémunération et la plus haute. La croissance des salaires les plus élevés étant plus dynamique que celle des plus bas, cette disposition empêcherait d'augmenter les premiers sans relever les seconds et de dilater la grille salariale.
Je rappelle, pour la petite histoire, que lors de la conférence sur le travail et les salaires qui s'est tenue dans le cadre du Grenelle de mai 1968, les représentants du Conseil national du patronat français (CNPF) avaient pour mission de défendre la grille des salaires sur une échelle de un à vingt, craignant que celle-ci ne se réduise. Ce qui était une revendication patronale en 1968 deviendrait une hérésie pour les libéraux actuels, les salaires pouvant connaître un écart de un à cent cinquante, voire de un à deux cents dans certaines entreprises. Ce gouffre accroît le sentiment d'inégalité dans la mesure où aucun travail ne mérite d'être rémunéré deux cents fois plus qu'un autre.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Cet amendement de notre collègue Matthieu Orphelin va dans le même sens. D'après l'ONG Oxfam, l'écart entre la rémunération des PDG du CAC40 et le salaire moyen était de 110 en 2018. Ainsi, le 4 janvier 2018, un PDG du CAC40 avait déjà gagné l'équivalent du salaire moyen annuel d'un employé.
L'amendement vise à encadrer les différences de rémunération au sein des entreprises, dans le cadre de la conférence nationale sur les salaires proposée à l'article 2 de la proposition de loi. Chaque branche définira un écart maximum des salaires, celui-ci ne pouvant dépasser un facteur de vingt, éléments de rémunération variable inclus.
Nous en venons à la série d'amendements identiques. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 10 .
Les écarts de rémunération au sein des entreprises atteignent, cela a été rappelé, des niveaux tout à fait inacceptables. Je partage les conclusions formulées dans le rapport d'information de mes collègues Dominique Potier et Graziella Melchior, qui avait mis en évidence la très forte disparité des rémunérations.
Je suis convaincu que l'encadrement des écarts de rémunération au sein des entreprises est un sujet essentiel, qui devrait faire l'objet de négociations entre les partenaires sociaux. Dans la mesure où la conférence nationale sur les salaires est une enceinte de discussion ouverte à de nombreux sujets, il serait bienvenu d'y intégrer cette question.
Lors des élections présidentielles de 2012 et de 2017, nous avons défendu, avec Jean-Luc Mélenchon et nos camarades communistes, un plafonnement de l'écart des salaires dans une échelle allant de un à vingt. Nous ne sommes pas allés chercher ce chiffre, par ailleurs très modéré, très loin : nous nous sommes alignés sur le choix opéré par la confédération européenne des syndicats. Je note qu'au sein de l'économie sociale et solidaire, l'écart maximum généralement pratiqué est de un à cinq.
Cette volonté de plafonnement s'explique par l'indécence de certains écarts salariaux : ainsi, selon le cabinet Proxinvest, un patron du CAC40 a perçu en moyenne 280 fois le SMIC en 2018, alors qu'un salarié rémunéré au SMIC ne touche que 1 269 euros par mois, soit seulement 200 euros de plus que le seuil de pauvreté.
Cet encadrement présenterait deux vertus : non seulement il garantirait plus de redistribution et de justice sociale mais il favoriserait aussi l'accroissement de tous les salaires – pour augmenter une personne qui se trouverait au maximum de la grille des salaires, il faudrait le faire pour tout le monde, ce qui serait une manière de faire progresser l'ensemble des salaires.
Je reviens sur l'augmentation des dividendes que j'ai évoquée tout à l'heure puisque je viens de retrouver les chiffres : depuis 2017, ils ont progressé de 37 %, ce qui ne semble pas choquer les membres de la majorité contrairement à une hausse de 15 % du SMIC.
La commission n'a accepté aucun de ces amendements mais, à titre personnel, je suis favorable à l'encadrement des écarts de rémunération. Je suis issu du mouvement de l'économie sociale et solidaire et du mouvement coopératif dont les statuts imposent un plafonnement de l'écart des rémunérations afin d'insuffler de la cohésion et de la dynamique collective.
Toutefois, je préférerais que le sujet soit débattu au sein de la conférence nationale sur les salaires, afin de laisser les partenaires sociaux s'emparer du sujet. C'est pourquoi je demande le retrait des amendements au profit de celui que j'ai présenté, qui vise à élargir les thèmes de négociation au sein de cette conférence.
Monsieur Peu, je regrette que vous ayez cherché à détourner mes propos. J'ai dit clairement…
…– en effet, je vois qu'il ne m'écoute pas – que pour lutter contre la précarité, le meilleur outil consistait à allonger le temps de travail. C'est le temps partiel subi qui entraîne la précarité.
Monsieur Coquerel, il n'y a jamais eu autant d'embauches en France :…
…le nombre de CDI a augmenté de 500 000 depuis 2017
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Par ailleurs, c'est nous qui décidons de l'indexation du SMIC, alors que le niveau des dividendes dépend du marché et de la liberté d'entreprendre.
Je comprends la préoccupation traduite dans ces amendements en discussion commune mais le dispositif que vous proposez est trop contraignant et se heurterait à plusieurs principes constitutionnels, tels que la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle. C'est pourquoi j'y suis défavorable.
Arrêtez les fake news, madame la ministre déléguée ! Ne lancez pas dans cette enceinte des affirmations qui sont contredites par les faits.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je ne dis rien de mal ! J'évoque simplement les faits. Il est faux de dire qu'il n'y a jamais eu autant de créations d'emplois en France.
Non. Il suffit de vous référer à la période de la gauche plurielle et de l'instauration des 35 heures : l'augmentation du nombre d'heures de travail, dans l'une des dernières périodes inspirée par la politique de la demande, était bien supérieure à aujourd'hui.
De plus, vous vous contredisez s'agissant des 500 000 emplois créés. J'ai dit pour ma part que vous aviez annoncé 1 million d'emplois, mais que vous aviez créé essentiellement des emplois à temps partiel : vous admettez vous-même que la moitié sont des CDI. Regardez les statistiques, vous verrez que, bon an mal an, 200 000 à 250 000 emplois sont créés naturellement chaque année dans ce pays. En revanche, ce chiffre ne tient pas compte des suppressions d'emplois – dont nous pouvons parler si vous le souhaitez.
Je vais maintenir mon amendement, monsieur le rapporteur. Que des négociations salariales interviennent en fonction d'un cap qui aura été préalablement défini, voilà une méthode qui permettra d'augmenter les salaires. Mais il faut définir ce cap. Le levier du SMIC est le seul sur lequel l'État peut intervenir. Il est également nécessaire d'affirmer la volonté d'encadrer les différences de salaires. C'est pourquoi je pense qu'il sera important de voter une loi de ce type.
Madame la ministre, vous parlez de restreindre la liberté d'entreprendre, mais ce que nous proposons est un encadrement, et le fait de renvoyer l'élaboration de cette disposition à une conférence ne restreint absolument pas la liberté d'entreprendre.
Par ailleurs, cher collègue, je comprends que vous vouliez maintenir votre amendement, mais il y a parfois des divergences entre ces plafonnements, qui peuvent être d'un à vingt, d'un à douze, d'un à quinze, d'un à cinq ou d'un à sept. Il nous a donc semblé plus sage, ou du moins plus consensuel, de renvoyer à une convention.
Les amendements n° 11 rectifié et 2 sont retirés.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, destiné à assurer la présence des administrateurs salariés dans le comité des rémunérations, est complémentaire avec les propositions, que nous avons formulées depuis maintenant cinq ans et qui ont toujours été refusées par la majorité, d'une participation significative des administrateurs salariés dans la gouvernance des entreprises, notamment dans les conseils d'administration.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis très favorable. La question est d'une importance majeure et l'adoption de cet amendement permettrait aux salariés d'être davantage associés à la politique de rémunération des entreprises et devrait renforcer la transparence. Cela nous semble absolument indispensable pour maintenir une cohésion interne dans les entreprises.
Dans la même logique que précédemment, l'avis est défavorable.
L'amendement n° 13 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 33
Contre 54
L'article 2 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 7 , portant article additionnel après l'article 2.
Il vise à inciter les branches à accélérer la négociation. En décembre dernier, 108 branches sur 171 présentaient une grille comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC, avant même l'augmentation de 0,9 % opérée en janvier. Avec cette revalorisation, vingt-deux branches se sont ajoutées aux branches non conformes. Cette situation a des incidences directes au niveau du salaire versé dans les entreprises.
Pour inciter les branches concernées à relever leurs minima sociaux et à le faire plus rapidement, l'amendement prévoit de réduire le montant des allégements de cotisations sociales consentis aux entreprises lorsque le salaire minimum conventionnel de branche dont elles relèvent est inférieur au SMIC. L'amendement retient comme référence, pour calculer le montant de l'allégement de cotisations, le salaire minimum conventionnel de branche plutôt que le SMIC. C'est une mesure de bon sens pour permettre d'accélérer la transformation et l'application du SMIC dans les discussions salariales.
Défavorable.
Nous arrivons quasiment au terme de l'examen de cette proposition de loi. Au cœur de la crise du covid, le Président de la République avait déclaré : « Il nous faudra nous rappeler que notre pays tout entier repose, aujourd'hui, sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Il s'agissait notamment de ce qu'il appelait les « salariés de la deuxième ligne ».
Le rapport Erhel, commandé par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, nous informe beaucoup sur ces dix-sept métiers identifiés de la deuxième ligne et nous apprend qu'ils sont, pour la plupart, rémunérés au-dessous du niveau du SMIC mensuel en moyenne annuelle. Des ouvriers non qualifiés du bâtiment touchent ainsi, en moyenne, 814 euros par mois ; des ouvriers non qualifiés de l'industrie agroalimentaire, 868 euros en moyenne ; des ouvriers non qualifiés de la manutention, 767 euros en moyenne ; des vendeurs en produits alimentaires, 859 euros en moyenne ; des agents d'entretien, 764 euros en moyenne. Voilà tous les métiers essentiels de la deuxième ligne qui, parce qu'ils sont en temps partiel contraint ou dans une alternance entre intérim et chômage, ont, en moyenne mensuelle, une rémunération inférieure au SMIC.
Qu'avez-vous fait pour relever au-dessus du SMIC la rémunération de tous ces métiers indispensable et essentiels, dont témoigne le rapport Erhel commandé par le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion ? Rien. Aujourd'hui, il est proposé de relever au moins le SMIC : allez-vous accepter cette proposition ? Non. Avez-vous fait quelque chose pour réduire les temps partiels subis ? Rien.
Pendant ce temps-là, les milliardaires français ont vu leur patrimoine augmenter de 86 % depuis le début de crise sanitaire. Ces salariés de la deuxième ligne, qu'on a félicités par des paroles, aimeraient bien voir leur fiche de paie augmenter de 86 % ! Et ce ne sont pas les milliardaires français, auprès desquels vous ne faites rien pour favoriser la redistribution, qui ont tenu les caisses pendant la crise du covid, qui ont été manutentionnaires ou caristes dans la logistique ou qui ont continué à s'occuper des personnes âgées. Toutes ces personnes que vous avez déclarées essentielles restent aujourd'hui des travailleurs et des travailleuses sous le seuil de pauvreté, et vous ne proposez rien. Voilà le bilan de la journée, voilà le bilan de ces deux années !
M. Éric Coquerel applaudit.
…et à nous faire croire que lui s'occupe des travailleurs pauvres, et que nous ne le faisons pas, oublie toujours les mesures que nous avons adoptées pour augmenter les rémunérations. Rappelez-vous, monsieur Ruffin, votre proposition de loi relative à la hausse des salaires des femmes de ménage, pour laquelle nous avions fait et validé en commission des propositions beaucoup plus élevées que les vôtres : parce que vous n'avez pas voulu souligner le poids de la majorité et sa participation à cette démarche, vous avez préféré retirer votre proposition de loi en séance publique pour ne pas partager avec nous cette avancée en faveur des femmes de ménage.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
M. Ruffin, comme il vient de le dire, arrive à la fin ! J'ai déjà répondu, au début de l'examen de ce texte, à propos des travailleurs de la deuxième ligne, en évoquant les travaux entrepris et les premiers résultats.
L'amendement n° 7 n'est pas adopté.
Vous devriez, je l'espère, voter à l'unanimité cet amendement, qui vise à diversifier la composition du comité d'experts. En effet, comme on l'a dit tout à l'heure, le comité d'experts tient, depuis sa création, rigoureusement le même discours, et le changement de président n'a induit aucune rupture. De fait, ce comité est constitué de quatre économistes et d'un sociologue, issus globalement du même courant de pensée.
Nous proposons donc d'élargir la composition de ce comité d'experts, comme c'est le cas en Allemagne, où prévaut une cogestion, ou du moins une ouverture du comité d'experts allemand aux partenaires sociaux. Nous souhaitons qu'il soit ouvert aux représentants des partenaires sociaux et qu'il accueille au moins un représentant des associations œuvrant dans le champ de la lutte contre la précarité. Cela me semble être une mesure de bon sens pour avoir des avis mieux partagés.
Défavorable.
À propos des agents d'entretien, je vous rappelle à la réalité, que vous le vouliez ou non : vous avez vidé cette loi pour que rien n'en demeure.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
De toute façon, vous avez eu deux ans pour revenir avec une loi, mais avez-vous proposé une seule fois à cette tribune un texte relatif aux agents d'entretien ? Rien, zéro, nada ! Une mesure pour que ces personnes ne soient plus en temps partiel contraint ? Rien. Quelque chose pour que leur rémunération ne soit plus inférieure au SMIC ? Rien, et cela depuis deux ans. Franchement, si j'étais vous, je ne la ramènerais pas !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Je ne la ramènerais pas, car c'est un rapport commandé par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui affirme que la rémunération mensuelle des agents d'entretien est de 764,10 euros. Qui, ici, vivrait un mois avec 764,10 euros ? Qui relève ce défi ? Y a-t-il ici une seule personne pour lever le bras et dire qu'il le ferait ?
La seule loi que vous ayez votée depuis tout ce temps concerne le chômage, pour taper les chômeurs ,…
Mme Mathilde Panot applaudit
…et ce sont les travailleurs dont nous parlons, ceux de la seconde ligne, qui sont les plus frappés par cette mesure, car ils alternent des périodes d'intérim et des périodes de chômage. Vous avez tressé des lauriers à ces travailleurs en invoquant la reconnaissance de la nation tout entière, en disant que les distinctions sociales ne peuvent reposer que sur l'utilité commune, mais ce n'étaient que des paroles. Dans les actes, vous n'avez rien fait pour eux et, quand vous avez fait quelque chose, c'était pour les pénaliser encore davantage. Voilà votre bilan !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes FI et GDR.
Loin de la diatribe de M. Ruffin, à laquelle je préfère ne pas répondre car il s'agit d'un tissu de mensonges, je répondrai sur le fond à M. Leseul, en commençant par revenir sur son amendement précédent : en effet, M. Leseul a raison de dire qu'un vrai problème se pose chaque fois que le SMIC augmente et que les grilles de salaire ne bougent pas, car les employeurs bénéficient de plus d'aides grâce aux allégements, ce qui n'est pas normal. Vous posez une vraie question, monsieur Leseul, à laquelle il faut apporter une réponse, mais je ne suis pas d'accord avec la vôtre.
Quant à l'amendement n° 8 , relatif à la composition du conseil d'experts, je m'inscris totalement en faux. Je tiens d'abord à saluer l'excellent travail de ce comité d'experts, placé sous la présidence de Gilbert Cette,…
…et je rappelle qu'à la page 132 de son rapport de cette année, il est bien indiqué que les huit organisations représentatives – CFDT, CGT, CFTC, CGT-FO, CFE-CGC, MEDEF, CPME et U2P –, ont été auditionnées et que chacune a pu transmettre une contribution, celle de FO étant d'ailleurs annexée à ce rapport. Il n'est donc pas nécessaire de redemander ce qui est déjà fait.
Toutes les organisations syndicales réclament de siéger au sein de ce comité d'experts.
Être auditionné n'équivaut évidemment pas à participer. Il faut absolument pouvoir ouvrir la composition de ce comité d'experts aux premiers intéressés.
L'amendement n° 8 n'est pas adopté.
Vous avez refusé de voter l'article 1er et de donner, par la loi, un coup de pouce au SMIC. Je proposais un dispositif susceptible d'alléger la prise en charge du SMIC pour les PME et les TPE, globalement à hauteur de 80 %, afin de lancer une dynamique vertueuse dans l'ensemble du pays et de répondre à la demande des travailleurs français, mais vous l'avez refusé. Monsieur le président, je retire donc cet amendement.
L'amendement n° 9 est retiré.
Tous les articles et amendements portant article additionnel ayant été supprimés ou rejetés, la proposition de loi n'est pas adoptée.
La parole est à Mme Michèle Victory, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Je suis heureuse de vous présenter au nom du groupe Socialiste et apparentés cette proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et des assistants d'éducation (AED).
Cependant, le texte que nous examinons aujourd'hui revient de la commission avec des modifications qui ne sont pas à la hauteur des attentes de ces deux catégories de personnel et de la reconnaissance que nous leur devons. Ces personnels sont en effet indispensables à l'accueil de l'ensemble des élèves et des étudiants, sans distinction, dans les établissements d'enseignement public, privé et agricole, comme à l'instauration d'un climat scolaire propice à la sérénité des apprentissages et à l'épanouissement des jeunes.
L'émotion qui est la mienne a été nourrie par les rencontres et les témoignages très nombreux qui ont inspiré la rédaction de ce texte, car beaucoup m'ont dit et m'ont écrit la grande difficulté de leur situation et le découragement qui les atteint dans l'exercice de leur mission : pour les AESH, une mission d'aide à l'inclusion scolaire d'élèves en situation de handicap ; pour les AED, une mission d'encadrement des élèves et l'appui aux équipes éducatives.
Les conditions dans lesquelles les AESH exercent leur mission sont trop souvent inacceptables : déplacements quotidiens entre plusieurs établissements, temps partiel – rarement choisi, contrairement à la légende, mais subi –, rémunération mensuelle indécente, indemnités versées sans régularité, obligation d'avancer certains frais, incertitudes quant au renouvellement de leur contrat, avec, au bout du compte, le sentiment que leur engagement n'est ni pris en compte ni valorisé.
Quant aux AED, j'ai, probablement comme nombre d'entre vous, reçu les témoignages d'AED passionnés par ce qu'ils considèrent comme un véritable métier, mais, eux aussi, petitement rémunérés et qui se trouvent, au bout de six ans d'investissement, poussés vers la sortie. Au moment même où le ministre de l'éducation nationale parle de recruter au moins 1 500 AED pour faire face aux besoins accrus d'adultes dans les établissements scolaires, il y a là une grande incohérence.
C'est pour ces raisons que nous avons choisi d'aborder conjointement le statut des AESH et celui des AED. Nous vous avons parlé de précarité, chers collègues, de salariés ayant un contrat de droit public avec l'État mais qui ne sont pas en mesure de construire un projet de vie professionnelle à la hauteur de leurs souhaits et qui ne peuvent pas se projeter avec leur famille dans l'avenir ni prétendre à ce qui est, pour nous tous ici, banal et légitime, par exemple, l'acquisition d'un logement, pour laquelle la plupart d'entre nous doivent emprunter.
Il s'agit donc ici de donner à ces personnes les mêmes droits que ceux dont dispose la majorité des salariés de ce pays. Le CDI n'a rien d'extravagant, il n'attache personne ; je veux le redire avec force, ce n'est pas une faveur dont nous discutons aujourd'hui, mais simplement de la possibilité de sécuriser des parcours de vie.
Leur refuser ce droit n'est pas digne du respect et de la reconnaissance que nous devons à celles et ceux qui acceptent et choisissent d'accompagner la jeunesse et les élèves en situation de handicap. En continuant de les soumettre à ce qui n'est rien de moins qu'une période d'essai de six ans – excusez du peu ! –, vous fragilisez les parcours d'inclusion, et en refusant la possibilité de la professionnalisation que demandent les AED, vous ne faites preuve d'aucune ambition, d'aucun esprit novateur, celui-là même qui semblait animer un candidat en campagne, en 2017.
Malgré des avancées au fil des quinquennats successifs, la précarité reste le dénominateur commun de ces professions : niveau de rémunération, formation, conditions d'exercice, absence de perspectives de carrière et, par voie de conséquence, faible attractivité. Les données statistiques sont impressionnantes : la rémunération mensuelle moyenne d'une AESH est de 760 euros, revenu dont la valeur réelle s'effondre dans le contexte de la très forte hausse des prix que l'on connaît. Seulement 2 % d'entre elles, puisqu'il s'agit de femmes dans 93 % des cas, disposent d'un emploi à temps complet, alors que les besoins d'accompagnement s'accroissent dans des proportions vertigineuses. Notons que 16,3 % des effectifs sont employés en CDI et 83,7 % en CDD, ratio inverse de celui que l'on observe parmi les autres catégories de salariés. Enfin, certains AED effectuent quarante-huit heures de présence hebdomadaire pour un SMIC, tandis que la majorité des temps partiels voient leur contrat renouvelé chaque année, voire plusieurs fois en cours d'année.
Comment assurer dans ces conditions la stabilité nécessaire à nos établissements ? Cette question est d'autant plus cruciale que ces agents font face à des besoins croissants de scolarisation d'élèves en situation de handicap, progression assez vertigineuse, sur laquelle la représentation nationale devrait se pencher afin d'en comprendre mieux les mécanismes. Et, parce que 70 % des notifications concernent des troubles « dys », il n'est pas absurde de penser qu'une formation plus solide des enseignants sur ces questions permettrait de déminer plusieurs difficultés.
Le nombre d'enfants faisant l'objet d'une notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) leur attribuant une aide individuelle ou mutualisée ne cesse d'augmenter, les notifications arrivant en cours d'année, ce qui constitue un vrai casse-tête pour les chefs d'établissement et les référents. Or l'augmentation des effectifs d'AESH grâce aux 4 000 recrutements annoncés par le ministère paraît déjà très compromise par la faible reconnaissance et le peu d'attractivité de leurs fonctions, quand, pourtant, le Président de la République soulignait en 2020, à la Conférence nationale du handicap, l'urgence de la situation et annonçait la création de 11 500 emplois d'ici à la fin de l'année 2022 : faites le compte, chers collègues, il n'y est pas !
Devant la précarité dont souffrent ces personnes, les mesures que vous avez adoptées sont très insuffisantes, tant pour les AESH que pour les AED. S'agissant des premiers, le versement d'une prime annuelle de 600 euros ne concerne que les 285 AESH référents que l'on recense dans les différentes académies et à qui sont attribuées de nouvelles missions, soit environ 0,02 % des effectifs.
La mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), qui répond à une logique de mutualisation des moyens entre établissements, n'a pas tenu les promesses d'une meilleure prise en charge des élèves. De plus, leur mise en place, au moment de la crise du covid, s'est faite à marche forcée, là où du temps et de la concertation auraient été nécessaires.
La prime de 150 euros d'équipement qui leur a été allouée, alors que leurs salaires sont si bas, n'est pas à la hauteur de leurs besoins.
Concernant les AED, la principale mesure du Gouvernement, insérée dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, consiste en l'octroi d'heures supplémentaires et en la possibilité d'associer certains assistants d'éducation à l'exercice de fonctions pédagogiques, pour les AED se destinant aux carrières de l'enseignement et de l'éducation. Or la part d'étudiants dans les effectifs n'est que de 30 % et, parmi ceux-ci, tous ne préparent pas les concours de l'éducation nationale.
Rappelons-le ici, la notion de « vie scolaire » est une spécificité française en Europe, intraduisible, d'ailleurs, dans d'autres langues. Les AED sont essentiels à la vie des établissements et de la jeunesse. Leurs missions, qui vont de l'accompagnement éducatif des élèves à l'écoute et au repérage des difficultés, à la gestion des rapports avec les parents, en passant par l'appui aux enseignants, l'aide aux devoirs et l'encadrement de la vie scolaire, ainsi que l'accompagnement de projets culturels et citoyens, participent à la cohésion et à la sérénité de la scolarité. Notons en outre que, dans les établissements disposant d'un internat, comme c'est souvent le cas en milieu rural, ils sont aux côtés des CPE – conseillers principaux d'éducation –, les premiers et les derniers adultes en contact chaque jour avec les élèves.
Ces deux dernières années, la crise sanitaire a mis en lumière la place privilégiée des AED dans notre système scolaire, et les chefs d'établissement nous disent combien il est regrettable de devoir se séparer au bout de six ans de personnels formés, compétents et motivés. Nous devons organiser la montée en compétences de ces agents et leur professionnalisation, tout en conservant une souplesse de gestion répondant à la diversité des profils d'AED et aux besoins des établissements car les CPE, qui ne sont pas des DRH, se désolent du gaspillage de compétences ainsi organisé par l'institution.
C'est pour répondre à la diversité de ces enjeux que nous vous proposons une première étape vers la reconnaissance véritable de ces professions. L'article 1er de cette proposition de loi entend lutter contre la précarité des AESH de trois manières : d'abord par leur recrutement en CDI. Cette mesure se justifie par le besoin d'effectifs stables, composés de personnels formés et expérimentés. L'ancienneté moyenne des AESH actuellement en fonction est de trois ans et trois mois, signe d'un taux de renouvellement inquiétant, alors que nous devrions veiller à ce que ces personnes, ayant acquis une expérience précieuse, ne se découragent pas, d'autant que certains d'entre eux possèdent des compétences particulières dont le besoin se fait durablement sentir – c'est par exemple le cas des agents formés à la langue des signes.
Le même article apporte également une première réponse au problème de la rémunération des AESH, en prévoyant que les temps consacrés à la préparation et aux recherches personnelles soient mieux pris en compte dans le calcul du temps de travail, afin d'atteindre les 35 heures hebdomadaires légales que connaissent la majorité de travailleurs. En effet, pour s'adapter à la diversité des situations et compte tenu de l'insuffisance des soixante heures de formation, de nombreux AESH sont contraints de se former par leurs propres moyens pour se doter d'un bagage théorique et pédagogique suffisant pour faire face à la multiplicité des accompagnements dont ils ont la charge.
Enfin, l'article 1er prévoit le versement d'une indemnité de sujétion aux AESH qui exercent dans au moins un établissement REP ou REP+ – réseau d'éducation prioritaire et prioritaire renforcé. Il s'agit là de réparer ce que chacun, sur ces bancs, s'accorde à considérer comme une injustice : en effet, notre commission avait adopté un amendement au projet de loi de finances, défendu par son président Bruno Studer, lequel amendement fut rejeté lors de l'examen en séance publique – nous nous interrogeons encore sur le manque de considération dont le ministre de l'éducation nationale avait fait preuve à l'époque, en refusant d'accéder à cette demande, totalement légitime.
L'article 2 de la présente proposition de loi contient plusieurs dispositions destinées à réduire la précarité des AED et à accroître leur présence dans les établissements, en permettant leur recrutement en CDI, soit dans le cas d'un premier contrat, soit au terme de six années d'exercice en CDD. Contrairement à ce qui a pu être dit en commission, nous n'inscrivons là aucune obligation.
Le texte prévoit également la définition d'un taux d'encadrement minimal par les AED, pour répondre à un besoin pérenne d'effectifs suffisants.
Il propose ensuite de rétablir pour ces personnels, lorsqu'ils sont concernés, la prime REP et REP+.
Les mesures que nous vous proposons de voter, chers collègues, ne constituent qu'une réponse partielle aux différents problèmes qui se posent à ces deux catégories d'agents. Nous le savons, elles ne sont que de petites pierres tendant à l'édification d'un véritable statut des AESH et des AED. Elles s'ajoutent à l'implication des parents, des associations et des députés qui ont avant moi défendu ces questions – Christophe Bouillon Jacqueline Dubois, Sébastien Jumel, François Ruffin, et j'en oublie sûrement.
Nous devons passer désormais d'une accessibilité universelle – que nous sommes loin d'avoir atteinte – à une citoyenneté pour tous et toutes, pour toutes celles et ceux qui n'ont pas la chance que nous avons d'être totalement autonomes dans nos vies. Il ne s'agit pas ici de bons sentiments, mais de justice sociale, et je ne peux sincèrement pas croire que vous ne décidiez pas ce soir de soutenir notre proposition.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mmes Albane Gaillot et Emmanuelle Anthoine applaudissent également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
La République est attentive à chacun de ses enfants et, bien sûr, son école est ouverte à tous. Ainsi les missions exercées par les accompagnants d'élèves en situation de handicap et les assistants d'éducation sont essentielles au bon fonctionnement des établissements – l'aide à l'inclusion scolaire pour les AESH, le soutien des équipes éducatives, l'encadrement des élèves et l'assistance pédagogique pour les AED. La scolarisation des élèves en situation de handicap est une priorité de ce gouvernement, conformément à l'engagement pris par le Président de la République devant les Français en 2017.
Mais avant de débuter l'examen de ce texte, je souhaite avoir un mot à destination des familles des élèves en situation de handicap, pour leur dire que nous sommes à leurs côtés.
Et c'est aussi à elles que nous pensons lorsque nous maintenons nos écoles ouvertes, conscients des effets particulièrement désastreux du premier confinement sur la situation des élèves et de leurs familles. La scolarisation de leur enfant est un droit, un droit garanti par la loi. Les élèves en situation de handicap sont une chance pour leurs camarades de s'ouvrir à la différence – la différence nous enrichit –, à la bienveillance et à la fraternité, tout simplement. C'est dès l'école que nous construisons la société inclusive de demain.
La proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne de l'ambition constante et exigeante que nous exprimons depuis 2017 en faveur de l'école inclusive.
Comme vous le savez, le Gouvernement a souhaité la création d'un véritable service public de l'école inclusive pour les familles à travers la loi pour une école de la confiance que vous avez votée, laquelle permet aujourd'hui de mesurer les progrès accomplis. Ce grand service public, ce sont plus de 400 000 élèves en situation de handicap accueillis à l'école, 125 500 AESH recrutés avec un statut plus protecteur, 1 300 ULIS – unités localisées pour l'inclusion scolaire – créées et 250 structures dédiées à l'autisme dans tout le territoire ; ce sont des familles mieux écoutées et mieux accompagnées grâce au numéro unique d'écoute, aux services départementaux dédiés ou encore aux entretiens pédagogiques en amont de la rentrée ; enfin, l'organisation territoriale, entièrement repensée, s'appuie sur les PIAL, qui coordonnent les moyens au plus près des territoires et qui déploient une coopération renforcée avec le secteur médico-social.
Oui, permettre à l'école d'être pleinement inclusive est une ambition forte dont témoignent les 4 000 nouveaux recrutements d'AESH financés en 2022. Au total, ce sont 27 000 équivalents temps plein (ETP) qui auront rejoint les écoles et les établissements depuis 2017, ce qui représente une augmentation de 50 %. Parallèlement au recrutement de nouveaux AESH, le ministère a conduit une action sans précédent de sécurisation des parcours, qui passe notamment par la rénovation du cadre de gestion afin d'augmenter la période de travail de référence. De plus, depuis septembre 2021, les AESH bénéficient d'une grille indiciaire revalorisée, avec une progression automatique tous les trois ans : 56 millions d'euros sont ainsi mobilisés. Depuis le 1er octobre, le début de grille est porté à l'indice 341, au-dessus du niveau du SMIC, ce qui représente, en début de carrière, une augmentation de 9 points d'indice. Je veux surtout rappeler que c'est pendant ce quinquennat que les contrats aidés, déployés par la majorité socialiste dans la précédente législature, ont été transformés en CDD, lesquels peuvent déboucher sur un CDI. Ouvrir, dans cette proposition de loi, la possibilité pour les AESH de bénéficier d'un CDI au bout de trois ans est une nouvelle avancée importante.
Les missions exercées par les AESH et les AED sont essentielles. Ces professionnels participent pleinement à l'accompagnement des élèves vers la réussite, au renforcement du lien de confiance qui unit tous les acteurs de la communauté éducative et à l'amélioration du climat scolaire.
J'ai évoqué les mesures prises en faveur des AESH ; nous avons aussi beaucoup fait pour les AED. La loi pour une école de la confiance a ouvert la possibilité, pour les établissements d'enseignement scolaire, de recruter des assistants d'éducation qui pourront bénéficier sur trois ans d'un parcours de préprofessionnalisation et exercer progressivement des fonctions d'enseignement ou d'éducation. Depuis le 30 décembre 2021, ils peuvent effectuer une césure à l'étranger de six mois en suspendant leur contrat pendant cette période pour le reprendre ensuite : cette opportunité était une forte demande de leur part. Ils peuvent également changer d'employeur, d'établissement ou de degré d'enseignement sous certaines conditions. Cela répond à des souhaits de mobilité géographique en cours d'études ou de changement de degré d'enseignement, en fonction des concours visés. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2022, les AED peuvent, s'ils le souhaitent, réaliser des heures mieux rémunérées au-delà de leur temps de service. Là encore, nous avons répondu à leur demande. Afin de renforcer les équipes en période de crise sanitaire, le Premier ministre a annoncé le recrutement de 1 500 AED supplémentaires.
Par ailleurs, vous le savez, le dispositif des AED a été conçu pour faciliter la poursuite d'études supérieures ; ainsi, nous souhaitons que les AED puissent bénéficier de réelles perspectives professionnelles, en particulier au sein de l'éducation nationale. Nous savons que cela ne correspond pas à l'ensemble des situations. C'est pourquoi la possibilité de signer un CDI au bout de six ans est une piste de travail que nous saluons, même si nous pensons que la réflexion doit être plus globale et doit inclure la faculté d'accéder à certaines fonctions d'encadrement au sein des établissements, par exemple.
Le texte qui nous est présenté ce soir est une nouvelle pierre à l'édifice qui permet de poursuivre l'important travail engagé depuis 2017. Mesdames et messieurs les députés, comme nous l'avons fait à chaque fois qu'il s'est agi d'école depuis cinq ans, je souhaite que nous puissions, par nos discussions et par nos échanges, montrer à nos compatriotes qui nous regardent que ce qui nous habite tous ici, quels que soient les bancs de cette assemblée, ce n'est rien d'autre que l'intérêt des élèves, de l'école et de ceux qui la font vivre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
L'émancipation par le travail, slogan scandé à n'en plus pouvoir par la majorité depuis le début du quinquennat, restera, semble-t-il, lettre morte pour les 120 806 AESH et les 65 252 AED de notre pays. Alors que le groupe Socialistes et apparentés avait choisi d'inscrire la lutte contre la précarité de ces personnels dans sa dernière niche parlementaire, la majorité, de son côté, a encore une fois décidé de vider notre proposition de loi, marquant ainsi le peu d'intérêt qu'elle porte aux personnels les plus fragiles de l'éducation nationale. Comment pouvez-vous prétendre vouloir permettre à tous nos concitoyens de vivre de leur travail quand vous maintenez sciemment ces personnels dans une précarité salariale et statutaire avec, faut-il le rappeler, un salaire moyen de 760 euros par mois pour les AESH, situé donc sous le seuil de pauvreté ?
M. François Ruffin applaudit.
Telle est la réalité ; telle est votre responsabilité. Si le Gouvernement se targue d'une augmentation de 600 euros par an, je me permets de rappeler que celle-ci ne concerne que les AESH référents chargés d'accueillir les nouveaux accompagnants dans les PIAL, soit 285 AESH sur les 120 806 exerçant actuellement.
Je comprends votre embarras, chers collègues de la majorité ; je note d'ailleurs que de nombreux membres de la commission sont absents ce soir. Nous avons pu le mesurer en considérant la faiblesse des arguments que vous nous avez opposés pour justifier votre manœuvre au cours de l'examen du texte en commission.
Si nous ne prétendons pas, avec cette proposition de loi, résoudre la totalité des difficultés rencontrées par les AESH et les AED dans l'exercice de leurs missions, nous souhaitons néanmoins corriger une inégalité de rémunération et de statut qui nous semble majeure. Nous souhaitons également poursuivre l'œuvre de sécurisation de ces personnels que nous avons engagée en 2014, lors du quinquennat de Français Hollande, avec la création d'un statut autonome des AESH, lequel avait permis un premier recul de leur précarité.
C'est pourquoi, comme vous l'a présenté la rapporteure Michèle Victory, nous souhaitons faire évoluer leur statut en proposant une réforme des procédures de recrutement, avec le basculement immédiat des AESH en CDI et la possibilité d'un recrutement direct des AED en CDI ; une modification du calcul du temps de travail des AESH de façon à mieux valoriser les temps de recherche personnelle et de préparation nécessaires à la qualité de l'accompagnement, l'objectif étant d'atteindre un temps de travail hebdomadaire de 35 heures leur permettant de se former pendant ce temps de travail ; la définition d'un taux d'encadrement minimal des élèves par les AED, proportionnel au nombre d'élèves accueillis ; enfin, l'attribution des primes de sujétion versées aux enseignants exerçant dans les établissements REP et REP+ afin de cesser de faire des AESH et des AED des personnels à part au sein de l'éducation nationale.
Les AESH et AED jouent un rôle éducatif déterminant et sont essentiels au bien-être scolaire et à l'accompagnement des élèves. Vous l'avez tous rappelé en commission, pourtant, tout en vidant notre proposition de loi de sa substance, vous avez été incapables de nous expliquer pourquoi ces personnels devaient continuer d'effectuer une période d'essai respective de trois et six ans avant d'obtenir un contrat pérenne, ni pourquoi ils ne pourraient pas bénéficier des primes REP et REP+, ce que certains d'entre vous avaient pourtant proposé lors de l'examen du dernier PLF.
En agissant ainsi, vous maintenez ces personnels indispensables dans l'incertitude et dans l'impossibilité de se projeter vers l'avenir, le lien entre le travail et la vie sociale restant structuré autour du CDI en raison des exigences de la société, notamment pour accéder à un logement et à un crédit, etc. Et vous parlez d'émancipation ! Mes chers collègues, ce n'est pas sérieux. C'est même extrêmement violent.
Les AESH et les AED souffrent. Cela fait plusieurs mois qu'ils le disent dans des manifestations, car leurs difficultés sont multiples. La création des PIAL et leur gestion désastreuse ont dégradé leurs conditions de travail et ont entériné la perte de sens de leur métier, à cause du suivi décousu des élèves qu'elles induisent. Le quinquennat touche à sa fin sans que la promesse initiale du candidat devenu président en 2017, à savoir « un emploi stable et un salaire », ne soit tenue. Ils n'auront eu ni l'un ni l'autre, ils n'auront reçu que des miettes et une précarité institutionnalisée. Notre proposition de loi vous offrait pourtant l'occasion de respecter vos engagements, mais il s'agit d'une énième occasion manquée. À n'en pas douter, les AESH, qui ont programmé une journée nationale de mobilisation jeudi prochain, apprécieront votre mépris et votre positionnement davantage dicté par des impératifs politiciens que par une véritable volonté de les considérer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes FI et GDR.
Je remercie notre collègue Michèle Victory de nous offrir l'occasion de débattre de ce sujet essentiel. Après un débat enrichissant en commission la semaine dernière, nous voici en séance publique.
Je sais combien ce texte est important pour la profession qui nous regarde. Nous partageons tous la conviction que les AED et les AESH sont essentiels au bon fonctionnement des établissements scolaires. Les premiers apportent un soutien indispensable à l'équipe éducative pour l'encadrement et la surveillance des élèves. Les seconds font vivre le service public de l'école inclusive, que nous avons bâti pour que chaque élève, quel que soit son handicap, puisse être scolarisé. Chacun d'entre nous, j'en suis sûr, mesure à travers son expérience et les échanges qu'il entretient avec la communauté éducative de son territoire à quel point nous pouvons compter sur le dévouement de ces personnes, bien souvent des femmes, pour assurer et pour améliorer chaque jour la qualité de l'accueil des enfants à l'école. Nous partageons tous aussi le constat que la reconnaissance de ce métier n'est pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être.
Toutefois, je veux rappeler quelques faits concernant l'action de la majorité et du Gouvernement depuis 2017 afin d'améliorer les conditions d'emploi et de consolider la place des AESH et des AED au sein du système éducatif.
Concernant les AESH, nous n'avons pas à rougir de notre bilan : 27 000 postes supplémentaires ont été financés depuis 2017, dont 4 000 dans la dernière loi de finances ; nous avons créé des AESH référents dans chaque département ; une nouvelle organisation territoriale a été déployée avec la généralisation des PIAL, destinés à assurer une meilleure coordination des moyens et une coopération renforcée avec le secteur médico-social. En parallèle, nous avons œuvré sans relâche pour sécuriser leur parcours professionnel. Je pense, bien sûr, à la transformation des contrats aidés en CDD, eux-mêmes requalifiés en CDI après six années d'exercice grâce à la loi pour une école de la confiance. Depuis septembre 2021, les AESH bénéficient par ailleurs d'une revalorisation de leur grille indiciaire, ce qui représente un gain moyen de 650 euros par an et par AESH. Les AESH référents perçoivent, quant à eux, une prime annuelle de 600 euros. Depuis le 1er octobre, enfin, le premier échelon de la grille indiciaire a été rehaussé pour qu'aucun AESH ne soit plus rémunéré en dessous du SMIC.
La loi pour une école de la confiance ouvre aux AED la possibilité de bénéficier d'un parcours de professionnalisation leur permettant d'exercer des fonctions d'enseignement ou d'éducation. Depuis le 1er janvier 2022, les AED peuvent par ailleurs réaliser des heures supplémentaires mieux rémunérées, en particulier pour améliorer l'accueil pédagogique des élèves. Toute cette action est à mettre au crédit de notre majorité. Est-elle suffisante ? Assurément, non. La proposition de loi répondra-t-elle à toutes les attentes des AESH et des AED ? Je ne le crois pas davantage. Cependant, elle constitue une première avancée et pose le débat. La requalification automatique et de plein droit en CDI ne changerait rien à la question de la rémunération, qui reste la première revendication, bien légitime, des professionnels.
Cependant, il convient de leur faciliter l'accès au CDI. C'est pourquoi la commission a souhaité adopter deux amendements qui renvoient à un décret les conditions dans lesquelles un CDD pourra être requalifié en CDI dès trois ans d'exercice pour les AESH. Je note que la proposition de loi était particulièrement excessive en voulant un CDI automatique dès la première embauche : aucun secteur, public comme privé, ne recourt à de telles pratiques.
Nous avons d'ailleurs constaté lors des auditions que la disposition n'était pas demandée par les acteurs eux-mêmes.
La commission a également souhaité réécrire l'article 2. Les amendements qu'elle a adoptés renvoient à un décret la fixation des conditions dans lesquelles un CDD d'AED peut être requalifié en CDI dès six ans d'exercice.
Grâce au travail effectué en commission, nous souhaitons faciliter l'embauche des AESH et AED en leur permettant d'accéder plus facilement à la sécurité de l'emploi. Certains s'émeuvent, nous reprochant de ne pas aller assez loin. Mais le présent texte constitue un premier pas. Faisons-le ensemble !
Le groupe Agir ensemble votera en faveur de la version de la proposition de loi adoptée en commission la semaine dernière. Il sera toutefois nécessaire d'améliorer encore les conditions de travail et surtout la rémunération des AESH et des AED. Le présent texte pose de bonnes questions, et il sera nécessaire d'envisager une réforme globale de plus grande ampleur. La période électorale qui s'ouvre sera propice aux débats ; j'appelle donc les candidats à se saisir du sujet pour que la réflexion se poursuive.
Madame la rapporteure, je souhaite tout d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet aussi important que celui de l'accompagnement des jeunes en milieu scolaire et plus spécifiquement de la situation des AED et des AESH.
Les assistants d'éducation sont en effet essentiels dans l'encadrement des élèves et dans leur réussite, bien que la loi du 30 avril 2003 relative aux assistants d'éducation n'ait pas suffi à attirer les étudiants vers ces postes pensés pour eux. De plus, les conditions précaires de contrat défavorisent les établissements situés en zone rurale, qui ne parviennent plus à recruter. À ce titre, leur permettre l'obtention d'un CDI serait incontestablement positif.
Quant aux AESH, nous savons tous qu'ils sont un maillon absolument essentiel à l'inclusion scolaire de nombreux élèves handicapés – pas le seul, certes, car il faut parfois apporter d'autres réponses plus adaptées. C'est un combat qui m'est très cher, vous le savez. Je me permettrai ici de reprendre les mots très touchants d'une jeune personne handicapée de ma circonscription, Thibault : « Si je n'avais pas pu être scolarisé, je n'aurais certainement pas eu le parcours que j'ai eu et n'aurais pas fait tant de si belles rencontres ».
Il importe de reconnaître que des avancées ont été obtenues, rendant la fonction d'AESH moins précaire qu'elle ne l'a longtemps été. Même si elles doivent bien sûr être saluées, elles ne sauraient suffire, car six ans de pratique avant d'obtenir un CDI, cela reste un délai énorme. Si nous voulons que la France soit un pays d'inclusion, cela ne peut se faire sans accorder une véritable reconnaissance à ceux qui la permettent, en augmentant le nombre d'AESH afin d'éviter les mutualisations, qui ne permettent pas un véritable accompagnement. Une personne pour cinq élèves, ce n'est plus possible, ni pour les élèves, ni pour les accompagnants.
L'organisation du temps de travail des AESH doit leur permettre de passer plus de temps auprès de l'enfant, tout en prenant enfin en compte les heures de préparation. Ainsi, nous pourrions progressivement arrêter d'associer AESH à temps partiel.
M. François Ruffin applaudit.
La question de l'attractivité est évidemment essentielle ; aujourd'hui, la rémunération des AESH les place en dessous du seuil de pauvreté, madame la secrétaire d'État. Il faut valoriser l'expérience et donner envie d'évoluer dans le métier. Ainsi, dès que possible, les AESH devraient pouvoir faire valoir leurs acquis et intégrer les formations aux métiers de l'enseignement, car les compétences développées auprès des enfants sont inestimables et doivent permettre d'entrevoir une évolution professionnelle pour ceux qui le souhaitent. J'ai pu défendre une telle proposition par amendement en commission, mais le même amendement a été déclaré irrecevable en séance publique.
Il faut également envisager une amélioration de la formation des AESH, afin d'enrichir leur cursus général par une spécialisation à certains types de handicap.
Je suis lucide et nous nous devons d'être honnêtes, en disant que les AESH, malgré leur immense espoir, ne recevront pas toutes les réponses aujourd'hui, bien évidemment. Toutefois, madame la secrétaire d'État, nous avons ici l'occasion d'améliorer quelque peu leur situation et d'atteindre quelques objectifs. En avoir l'occasion, c'est aussi en avoir le devoir ; c'est ce que nous dictent le respect et l'immense gratitude que nous leur portons. Après l'examen du texte en commission, les très nombreux AESH avec lesquels j'échange n'avaient qu'un mot : « pourquoi ? ». Ils ne comprennent pas.
Nous avons aujourd'hui l'occasion de faciliter le passage en CDI des AESH et AED, ainsi que de leur octroyer les primes REP et REP+ quand ils travaillent dans les établissements scolaires concernés par ces programmes, au plus près des enfants en difficulté. Nous apporterions ainsi une nouvelle pierre à la construction d'un avenir plus juste et plus inclusif.
Je le rappelle, pour créer une véritable inclusion, notamment scolaire, il faut des moyens. Ce sera, je l'espère, le sujet majeur des prochaines années ; il faudra encore et encore fournir des efforts pour que la solidarité avec ces jeunes progresse. Bien accompagner toute la jeunesse, tout mettre en œuvre pour qu'elle s'enrichisse et s'épanouisse, lui donner les moyens de réussir, c'est préparer la société de demain.
Le groupe UDI et indépendants restera très attentif à nos débats et votera en fonction des évolutions qui seront apportées au texte.
Qu'ils soient accompagnants d'élèves en situation de handicap – les fameux AESH – ou assistants d'éducation, ces personnels si essentiels au bon fonctionnement des établissements scolaires et à l'apprentissage des élèves sont confrontés à la même précarité de leur statut. Celle-ci n'est acceptable ni pour ces personnels de l'éducation nationale, qui vivent difficilement des fruits de leur travail, ni pour les élèves, qui sont insuffisamment encadrés au quotidien du fait du manque d'attractivité de ces métiers.
Les chiffres concernant les AESH sont éloquents : 44 % d'entre eux sont rémunérés à l'indice plancher, tandis que leur quotité moyenne de travail est de 62 %, ce qui signifie qu'ils exercent en moyenne vingt-quatre heures par semaine. Ainsi, non seulement leur salaire est bas, mais en plus leur temps de travail est réduit. C'est bien une double peine pour ces personnels qui perçoivent un salaire moyen de 760 euros !
L'adoption de la loi pour une école de la confiance a procédé à quelques améliorations du statut des AESH, comme l'accès à un CDI après deux missions de trois ans. D'autres avancées ont eu lieu, comme l'augmentation de leur salaire, la création d'une grille indiciaire spécifique ainsi que le recrutement de 4 000 AESH. Il n'en demeure pas moins que seuls 2 % des AESH travaillent actuellement à temps complet et 16 % en CDI.
La précarité de cette profession tient au cumul de trois facteurs : une grille de rémunération proche du salaire minimum, une omniprésence du temps partiel et une faible ancienneté dans la profession. Ces conditions de travail précaires expliquent d'ailleurs les difficultés de recrutement dans certains départements, au détriment des élèves en situation de handicap qui ne peuvent être scolarisés, faute d'un accompagnement adapté. La revalorisation du statut des AESH présente donc un enjeu aussi bien pour les accompagnants que pour les élèves. Comment nous satisfaire de cette situation alors que nous avons collectivement fait de l'inclusion des élèves en situation de handicap une priorité ?
Nous devons faire davantage pour sécuriser le statut des AESH : un recrutement en CDI est une première étape. Notre groupe regrette que la proposition initiale ait été modifiée en commission et son ambition réduite. La nouvelle rédaction prévoyant une faculté de recrutement en CDI à l'issue de trois années d'exercice constitue néanmoins une avancée, même si elle n'épuise pas les pistes de sécurisation, professionnelle pour les AESH, scolaire pour les élèves en situation de handicap.
Au-delà des AESH, c'est bien toute la vie scolaire qui a longtemps été le parent pauvre de l'éducation nationale. Depuis de nombreuses années, les établissements manquent d'assistants d'éducation, dont le rôle est pourtant essentiel pour gérer le quotidien et accompagner les élèves dans toutes leurs activités.
Depuis la crise sanitaire, ils ont prouvé à nouveau leur caractère indispensable : application des protocoles, appui à l'équipe éducative, participation à l'installation de centres éphémères de vaccination dans les établissements. Des recrutements ont été inscrits dans les précédentes lois de finances, mais les établissements nous alertent sur la nécessité de renforcer l'encadrement car ils peinent à recruter des AED.
Surtout, une prise de conscience est nécessaire, sur ce que nous avons mis longtemps à considérer comme un métier à part entière. La profession a changé et les profils ont évolué. Il ne s'agit plus seulement d'étudiants désireux d'un contrat court, mais de personnes qui veulent s'investir à long terme et voir leurs perspectives de carrière s'ouvrir, ce qui n'est pas possible compte tenu de la limitation de leur engagement à une période de six ans et de leur faible rémunération. Nous ne pouvons pas répondre à la crise d'attractivité et aux besoins d'évolution de la profession en autorisant simplement les AED à effectuer des heures supplémentaires, comme cela a été fait récemment. Là encore, notre groupe déplore la modification apportée en commission, qui affaiblit la portée du texte initial.
Surtout, qu'il s'agisse des AESH ou des AED, l'accès aux primes REP et REP+ est nécessaire et légitime. Notre groupe appelle à rétablir cette mesure attendue. Une telle inégalité entre agents dans le versement de ces primes n'est pas compréhensible.
Le groupe Libertés et territoires attend beaucoup des débats qui s'ouvrent : cette proposition de loi nous donne l'occasion d'améliorer le statut et les conditions de recrutement de ces personnels essentiels à la scolarisation des élèves, saisissons-la !
Mme Michèle Victory, rapporteure, applaudit.
Tout d'abord, je suis surpris voire choqué par l'absence de M. Blanquer sur ces bancs, pour un texte aussi important, qui concerne l'école et l'inclusion des enfants en situation de handicap.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Nous avons pourtant appris qu'il était revenu d'Ibiza. Tant pis, je ferai comme s'il était là.
Je commencerai par une devinette, madame la secrétaire d'État. Qui a déclaré que la mutualisation des accompagnants d'enfants en situation de handicap était, selon les représentants d'associations qu'il avait reçus, un échec ? Qui dresse ce constat ? Qui affirme que votre mutualisation ne marche pas ? Vous ne savez pas ? C'est le Président de la République lui-même.
Oui, votre chef, M. Macron en personne, en visite à Amiens.
Votre mutualisation n'est pas seulement un échec, c'est également une maltraitance, à la fois des accompagnantes et des enfants. Ce scandale, je veux l'expliquer ici au pays. Auparavant, Sandra suivait un ou deux enfants : « Je l'accompagnais pour de vrai. Je le voyais progresser au fil de l'année. Il a d'abord écrit son prénom et après Noël il s'est mis à lire. Ses parents trouvaient ça formidable, ils n'auraient jamais cru ça possible. Et son enseignante me félicitait : "C'est grâce à vous, Sandra" ». Elle était mal payée, certes, très mal payée – 827 euros –, en revanche, son utilité et le sens de son métier ne faisaient aucun doute.
Mais voilà, vous manquiez de bras. Trop d'élèves avec des « dys », des dysgraphies, des dyslexies, des troubles de l'autisme, trop d'élèves affluaient dans les écoles. Du coup, à la rentrée, les rectorats étaient débordés. Dans les classes, les enfants attendaient leur accompagnante durant des semaines voire des mois. Les familles étaient en colère. Quelle solution avez-vous trouvée, alors ? Alliez-vous garantir aux accompagnantes, pour les attirer, un salaire, des horaires, une carrière ? Non. Il vous fallait de l'école inclusive, mais low cost. Vous avez donc décidé de faire suivre aux auxiliaires, non plus un ou deux enfants, mais quatre, cinq, six, sept, jusqu'à onze – j'ai rencontré un tel cas ! Désormais, Sandra fait, comme elle dit, du saute-mouton : « Je saute d'un élève à l'autre, d'une classe à l'autre, d'un établissement à l'autre. Ça n'a plus de sens. »
Mais ce saucissonnage, ces emplois du temps éparpillés, cette casse du métier, vous les avez rebaptisés d'un noble nom, « mutualisation », qui fait solidaire et progressiste, mais c'est du bidon. C'est juste une politique du chiffre, une politique d'affichage. Et derrière la façade, c'est une catastrophe pour les accompagnantes mais aussi et surtout pour les enfants.
Aline, de la Somme, dit ceci : « Parfois, on se retrouve à s'occuper, dans une même classe, de quatre gamins différents avec quatre problèmes différents. Je fais comment ? Je ne suis pas Wonder Woman ! ». Valérie, maman : « En deux ans d'école maternelle, mon fils a vu quinze accompagnantes. Avec la mutualisation, elles changent tout le temps. »
Olivia Cattan, présidente de SOS Autisme : « Les ministres ont mutualisé des AESH qui passent leur temps à démissionner. Elles courent, elles courent. Les enfants ne font aucun progrès, les parents ne sont pas contents, les profs non plus. À un moment, elles craquent. » Les témoignages affluent de partout, ils paraissent dans La Dépêche à Toulouse, dans Le Populaire du Centre à Limoges, dans La Montagne à Clermont-Ferrand, dans Le Midi libre à Avignon, dans La Nouvelle République, dans Le Courrier de l'Eure. On vous rapporte tout cela, et que nous répond M. Blanquer cet automne, lors de l'examen du projet de loi de finances ? Il nous parle de « quelques cas particuliers », assure « essayer de résoudre ces problèmes au cas par cas » et nous dit : « Faites-nous remonter les dossiers. » C'est du pur déni ! C'est se moquer de nous ! Avec ces « cas », comme il dit, il ne s'agit pas de dysfonctionnements. Ce qui est en cause, c'est bien le fonctionnement ; ce qui est en cause, c'est la mutualisation que vous avez choisie ; ce qui est en cause, c'est le taylorisme du handicap que vous avez imposé.
Alors, puisque « ça ne marche pas », comme dit le Président de la République, allez-vous renoncer à la mutualisation ? Non, vous avez trouvé pire encore. Votre nouvelle cochonnerie – et je suis poli –, la voici. Qu'est-ce donc ? Dans le métro, je croise un jeune homme qui me dit : « Je suis AESH, mais moi, ce sont les parents qui me paient directement. » « Ah, bon ? », je fais, surpris. « Oui, c'est nouveau, mais je suis mieux payé comme ça. » Je déduis : « Donc les familles qui ont de l'argent vous paient pour un bon accompagnement, et pour les autres… » Il me répond : « Exactement. Ce n'est pas très juste, mais c'est comme ça. »
Ce document
M. François Ruffin montre un document
vient confirmer ce bref échange dans le métro. De quoi s'agit-il ? C'est une note, pondue par votre ministère et titrée : « Intervention de personnels libéraux à l'école pour les élèves en situation de handicap ». Cela veut dire quoi ? Comme le service public n'offre aux enfants qu'une inclusion low cost, c'est le sauve-qui-peut, et les parents se débrouillent avec leur compte en banque.
La voilà, votre école inclusive ! L'école inclusive selon le porte-monnaie ! L'inclusion, c'est une noble ambition. Mais elle ne peut se faire, comme avec vous, à moindre coût : à moindre coût avec des salariés sous le seuil de pauvreté ; à moindre coût pour les parents, que vous trompez ; à moindre coût pour les enfants, que vous perdez. Mme la secrétaire d'État, avec M. Blanquer, vous avez de l'égalité républicaine plein la bouche. Mais où est-elle, lorsque pour avoir son enfant accompagné, il faut sortir le chéquier ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Dominique Potier applaudit également.
« Les invisibles, ce sont ceux et celles qui portent l'essentiel ». Ces mots ne sont pas de moi ; ce sont ceux d'une AED particulièrement en colère. J'espère au moins que nous entendrons dire, madame la secrétaire d'État, votre compréhension de cette colère. Incarnée par ces invisibles, elle devrait nous alerter en permanence et déterminer notre ligne de conduite pour les politiques publiques que vous avez à mener, mais aussi pour notre travail de législateur.
Celles et ceux que nous avons applaudis, ceux qu'on appelle les invisibles, nous les rencontrons tous les jours dans nos vies : à l'école, dans les EHPAD, à l'hôpital. Ces personnes sont invisibilisées par les politiques publiques et dévalorisées par les statuts qui les laissent dans la précarité et dans la pauvreté. On les a applaudies et elles le disent – parce que ce sont surtout des femmes : « On nous a vite oubliées, nous sommes toujours autant précarisés. Nous vivons, bien souvent, sous le seuil de pauvreté ».
Je veux remercier ma collègue Michèle Victory de nous permettre une nouvelle fois de parler de celles et ceux qui sont les invisibles de l'éducation nationale : AESH et AED. Ils ne veulent plus de vaines promesses, ils veulent des actes. Cela fait bientôt cinq ans que nous martelons ici la nécessité d'améliorer les conditions de travail de ces personnels de l'éducation, parce que nous le leur devons, parce que c'est juste et parce que c'est nécessaire pour l'accompagnement des enfants.
À chaque tentative, malgré un consensus assez rare dans l'ensemble de l'opposition, on nous a opposé une fin de non-recevoir. Plus qu'une déception, l'examen du texte en commission a suscité chez nous de la colère, d'autant que les arguments de la majorité étaient singulièrement scandaleux. J'en cite un : parce que nous proposons l'amélioration des statuts et une avancée sociale, nous serions dans la posture politicienne. Quand nous tentons de prolonger au Parlement des luttes contre la pauvreté et la précarité, les collègues de la majorité nous accusent d'être des politicards. J'ai plutôt vu là une tentative burlesque visant à rendre acceptable le refus de la majorité, mais je vous le dis, chers collègues : il ne l'est pas.
Cette proposition de loi ne devrait pas être un énième rendez-vous manqué pour l'amélioration des conditions de travail de celles qu'on appelle souvent les petites mains de l'éducation nationale. Les contractuels se multiplient, mais leur statut s'aggrave. À la différence des fonctionnaires, qui ont aussi des revendications légitimes, les contractuels n'ont pas de grade, ne peuvent pas gravir les échelons qui déterminent leur rémunération, ni voir celle-ci évoluer au cours d'une carrière publique.
Ils sont de ce fait pieds et poings liés avec l'administration des établissements ; ce phénomène s'aggrave, puisque le recours croissant aux contractuels se trouve au cœur de votre projet, madame la secrétaire d'État, et de celui du ministre Blanquer.
L'article 1er de la proposition de loi propose que les AESH soient directement recrutées en CDI et qu'elles bénéficient des primes REP et REP+. Non, les CDD ne sont pas un moyen de préserver la liberté des AESH, comme je l'ai entendu en commission. Les CDI existent justement pour protéger les droits des salariés et pour les mettre à égalité : c'est ça, la liberté. La possibilité de se faire renvoyer ou d'être dans la précarité, ce n'est pas la liberté.
Les AESH sont payées en moyenne 750 euros, c'est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté. La création des PIAL a aggravé leurs conditions de travail – d'autres collègues l'ont dit ; elle a aussi dégradé l'accompagnement des enfants en situation de handicap. Plutôt que d'avoir un parcours avec une même AESH ou en tout cas avec le moins d'AESH possible, des enfants se retrouvent avec plusieurs AESH et ne bénéficient pas du nombre d'heures requis par leurs médecins.
Les AESH doivent suivre toujours plus d'élèves, cette situation étant également celle des AED. Qui peut refuser que les AED en REP et REP+ aient la même prime que les autres ? Je sais que vous allez dans des collèges et des établissements, mais on sait ce que sont les établissements REP et REP+. On peut penser que les AED ne sont pas, à la différence des professeurs, directement confrontés aux difficultés vécues par les élèves, mais je vous le redis, c'est absolument scandaleux. J'espère que j'entendrai d'autres arguments et que les votes évolueront. En tout cas, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera pour la proposition de loi telle qu'elle est formulée par Mme Victory.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Alors qu'un candidat d'extrême droite s'est récemment déclaré favorable au retour des enfants en situation de handicap dans des « établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés évidemment », rappelons que leur place à l'école est un progrès et une fierté par rapport à des temps où les enfants handicapés étaient victimes de ségrégation. On compte aujourd'hui plus de 400 000 élèves à besoins éducatifs particuliers, scolarisés de droit dans les établissements du premier et du second degré.
Je voudrais dire combien l'accueil et la scolarisation d'élèves en situation de handicap ont été pour moi une source d'enrichissement quand j'étais professeure des écoles. Parfois, ces enfants, ces jeunes, invitent à sortir de nos zones de confort et à adapter les pratiques pédagogiques. Leur présence bénéficie toujours à la communauté éducative par l'ouverture à l'autre et l'enrichissement du vivre-ensemble. Je tiens à saluer ceux qui œuvrent quotidiennement à rendre possible leur scolarisation, qu'ils soient enseignants, accompagnants ou issus du secteur médico-social.
La proposition de loi que nous examinons met l'accent sur les conditions de recrutement, d'emploi et de rémunération des personnels qui contribuent au bon fonctionnement du système éducatif : les accompagnants d'élèves en situation de handicap à l'article 1er et les assistants d'éducation à l'article 2. En commission, nous avons retenu des dispositions allant dans le sens des améliorations que nous défendons depuis cinq ans : avancer de six à trois ans la possibilité de transformer les contrats en CDI pour les AESH ; rendre possible la transformation des contrats des AED en CDI après six années d'exercice – c'est une nouveauté majeure. Le rôle des 125 000 AESH dans les établissements scolaires est de faciliter la scolarisation des élèves en situation de handicap. En cinq ans, nous avons créé 26 500 ETP.
Parmi les évolutions en faveur de l'école inclusive, il me semble utile de souligner l'important travail de structuration qui a été fait pendant cette législature autour du métier d'accompagnant des élèves en situation de handicap. La loi pour une école de la confiance a créé un service public de l'école inclusive, avec un service gestionnaire de l'éducation nationale dédié aux AESH ; elle leur a reconnu une place au sein des équipes éducatives ; elle a offert la possibilité de compléter la formation initiale en accédant aux modules de formation de l'éducation nationale ; elle a lancé le recrutement d'AESH référents dans chaque département ; enfin, elle a défini une nouvelle échelle de rémunération intégrant une revalorisation salariale et un avancement automatique tous les trois ans, selon une grille de onze échelons au lieu de huit auparavant.
Il a été mis fin à l'extrême précarité des contrats aidés : depuis la rentrée scolaire 2019, les AESH sont recrutés selon des contrats de droit public de trois années, puis après six ans en CDI. Entre juin 2019 et juin 2021, les effectifs en CDI ont progressé de 30 %. De plus, un nouveau cadre de gestion clarifie les missions des AESH et le décompte de leur temps de travail, afin d'assurer la rémunération de toutes les activités effectuées. Alors que l'année scolaire compte trente-six semaines, leur temps de service est calculé sur quarante et une semaines au moins, pour inclure l'accompagnement des élèves, les activités préparatoires, les réunions et les formations. Je tiens à signaler la parution d'un guide national en 2020, élaboré avec les organisations syndicales ; il représente une source d'information précieuse quant aux droits des AESH, précisant leurs conditions d'emploi, leur environnement d'exercice, ainsi que, point important, leurs droits et avantages sociaux.
L'article 2 concerne les assistants d'éducation, qui contribuent tout au long de l'année au bon déroulement de la vie scolaire des collèges et des lycées. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est attentif au fait que ces personnels, souvent des étudiants, puissent valoriser leur expérience et bénéficier de réelles perspectives d'emploi. Différents concours des métiers de l'enseignement, internes sous conditions ou externes, leur sont ouverts, de même que le concours interne de conseiller principal d'éducation, grâce à leur pratique et à leur connaissance de la vie scolaire. Ils peuvent demander une validation de leur expérience à l'issue de leur contrat. Depuis la rentrée 2019, un dispositif de préprofessionnalisation est déployé pour ceux qui se destinent à être professeurs : il s'agit d'un tremplin vers le professorat. Par ailleurs, poursuivant avec constance l'objectif d'améliorer la situation des AED, l'ouverture d'heures supplémentaires leur permet, depuis ce mois-ci, de compléter leur contrat et de contribuer davantage à la continuité pédagogique.
Ainsi, depuis le début du quinquennat, la meilleure prise en compte de la situation des personnels de l'éducation que sont les AESH et les AED constitue un enjeu essentiel de la gestion des personnels de l'éducation nationale. S'inscrivant dans la continuité des actions menées depuis 2017, le groupe La République en marche soutiendra la proposition de loi telle qu'elle a été réécrite en commission, afin de poursuivre le travail engagé en faveur de la rénovation et de la sécurisation des conditions d'emploi des AESH et des AED.
Le nombre d'enfants handicapés au sein de l'institution scolaire ne cesse de croître ; ils sont désormais plus de 400 000. Ces chiffres nous obligent ; ils nous obligent à agir, afin de donner tout son sens à l'école de la République. Celle-ci ne saurait en effet laisser ces enfants de côté. Il est à l'honneur de la République française d'avoir créé, par la loi du 11 février 2005, l'obligation de scolarité pour les enfants en situation de handicap. Mais pour donner corps à ce principe, il faut des accompagnants qui se dévouent chaque jour pour assurer l'égalité des chances à ces élèves. À ce titre, les AESH sont essentiels. Ils souffrent néanmoins d'un cadre d'emploi trop rigide et d'un défaut de reconnaissance, notamment financière.
Signe du manque de considération dont ils pâtissent, les AESH n'ont bénéficié d'aucune mesure de sécurité sanitaire spécifique lors du déconfinement du printemps 2020. Ils ne disposent d'aucun statut, ni d'une formation suffisante et exercent un métier peu attractif et faiblement rémunéré. Surtout, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour répondre aux demandes légitimes des familles d'enfants handicapés. Nous ne pouvons continuer dans cette voie.
C'est pour cette raison que les députés du groupe Les Républicains ont défendu, à l'automne 2018, une proposition de loi, déposée par notre collègue Aurélien Pradié, relative à l'inclusion des élèves en situation de handicap. Celle-ci prévoyait la création d'un statut d'aidant à l'inclusion scolaire, ouvrant droit à une formation dédiée et supprimant l'exigence de recourir à deux CDD avant d'obtenir un CDI ; la majorité a choisi d'empêcher le débat sur ce texte, en adoptant une motion de rejet préalable. Ce choix reste pour moi toujours incompréhensible. Aussi, je vous remercie, chère Michèle Victory, de nous permettre de débattre de ce sujet et de celui des AED.
Les AESH méritent effectivement toute notre considération et une meilleure reconnaissance. Le présent texte proposait, au moment de son dépôt, plusieurs avancées intéressantes en ce sens. Cependant, la majorité présidentielle est revenue sur certaines d'entre elles lors de l'examen en commission. La suppression de la possibilité de recruter les AESH directement en CDI est ainsi regrettable, de même que la suppression de la majoration du temps de travail pour tenir compte du temps de préparation des cours : cela est dommage, car ces avancées étaient particulièrement attendues par les AESH.
La proposition de loi évoque par ailleurs le devenir des AED. Ces acteurs essentiels de la communauté éducative subissent aussi la précarité de leur statut. J'avais, à cet égard, interpellé le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports à ce sujet, le 23 mars dernier, au moyen d'une question écrite, restée à ce jour sans réponse. Les AED sont recrutés au moyen de contrats précaires d'un an, renouvelables pour une durée maximale de six ans, ce qui ne leur offre aucune perspective professionnelle sur le long terme et prive les chefs d'établissement de la faculté de conserver des éléments dont ils sont satisfaits.
L'incertitude sur l'avenir des AED est encore renforcée par la précarité de leurs CDD, qui doivent être renouvelés chaque année, si ce n'est plus souvent. Pour autant, leurs missions sont nombreuses et se multiplient. On leur demande tout, pour une rémunération trop faible. Ils sont rétribués au nombre d'heures, mais beaucoup d'heures de travail ne sont pas prises en compte. Ils ne sont payés qu'à 75 % du SMIC horaire et seuls 45 % des contrats sont à temps complet.
Ces contractuels de l'éducation nationale assurent pourtant un accompagnement nécessaire des élèves. Leur mission de faire respecter les règles de vie en établissement scolaire fait partie intégrante des apprentissages que reçoivent les élèves dans leur parcours scolaire. Ces enseignements implicites sont en effet formateurs, et nous les devons, au quotidien, à ces assistants d'éducation, malheureusement insuffisamment reconnus dans leurs fonctions.
Alors que la crise sanitaire a mis en exergue la nécessité de mieux valoriser les métiers utiles, il convient de revaloriser le statut des AED, tout comme celui des AESH. Cette proposition de loi en est l'opportunité. Saisissons-nous-en ! Je souhaite qu'à l'occasion des discussions qui s'ouvrent, nous puissions rétablir un texte plus ambitieux. Il serait bienvenu que la majorité entende enfin la nécessité de répondre aux attentes légitimes de ces acteurs de l'éducation nationale, que nous ne saurions laisser de côté.
Mme Michèle Victory, rapporteure, applaudit.
Les assistants d'éducation comme les accompagnants des élèves en situation de handicap sont des piliers essentiels de notre système scolaire. Aucun parent, aucun enseignant ne l'ignore. Ils sont les soutiens indispensables à la bonne scolarité des élèves. Ils sont les maîtres d'œuvre de la politique d'inclusion poursuivie par le Gouvernement depuis le début de la législature. Nous le savons, la crise actuelle rend les conditions de travail extrêmement pénibles pour tous. Le temps consacré à la gestion administrative est accru et éloigne ces personnels, malgré tous leurs efforts, de leur mission première. Permettez-moi de leur témoigner notre plein soutien et notre reconnaissance.
La proposition de loi de notre collègue Michèle Victory vise à réduire la précarité de ces personnels, ce qui est indispensable tant on connaît les difficultés qu'ils rencontrent. J'ai vu, de nombreuses fois, des AED compétents et épanouis dans leurs fonctions, sans véritable solution d'embauche et soudain remerciés parce qu'ils arrivaient au terme d'un contrat impossible à prolonger. J'ai travaillé auprès d'assistants de vie scolaire au salaire faible, sans aucune formation ni possibilité de pérenniser leur emploi. Telle était la situation – faut-il le rappeler – en 2017.
Le sujet n'est pas ignoré depuis cinq ans, et – nous l'avons rappelé lors des débats en commission – des mesures ont été prises en termes de formation et de revalorisation des carrières : les CDD des AESH transformables en CDI et non plus en contrats aidés ; la nouvelle échelle de rémunération mise en œuvre pour une revalorisation régulière de la grille indiciaire ; la possibilité, pour les AED, de faire des heures supplémentaires et d'avoir accès aux concours de recrutement des professeurs et des CPE.
À l'issue du travail en commission, nous poursuivons les avancées pour ces personnels. En effet, la transformation du contrat des AED en CDI au terme de deux CDD est un progrès majeur, car, jusque-là, leur recrutement s'effectuait par des contrats d'une durée maximale de trois ans, renouvelables dans la limite d'une période d'engagement totale de six ans. Ils n'avaient donc pas vocation à être recrutés en contrat à durée indéterminée. Si la proposition de loi, amendée, est adoptée, des personnels investis dans leur mission pourront donc rester en poste. La stabilité des équipes de vie scolaire, avec une expérience accrue de quelques-uns, ne peut être que positive pour l'ensemble d'un établissement scolaire, quel qu'il soit.
Les AESH pourront quant à eux être recrutés en CDI au terme de trois années d'exercice. C'est aussi un pas de plus, une reconnaissance pour ces personnels, premiers acteurs de l'inclusion scolaire, qui pourront ainsi tirer profit de l'expérience acquise pour accompagner d'autres élèves en situation de handicap. Si chaque situation est différente et exige de s'adapter, force est de constater que l'expérience de ces accompagnants est un atout considérable. L'inscription dans la loi des CDI pour les AED et pour les AESH va donc dans le bon sens.
Si la sécurisation des emplois permettra de lutter contre la précarité des AESH et des AED, nous sommes bien conscients que la réflexion doit impérativement se poursuivre sur la définition des missions et sur le déroulé des carrières de ces personnels. Les avancées dont nous discutons constituent une étape supplémentaire, mais elles vont de pair avec l'indispensable revalorisation salariale, qui déborde le seul sujet des primes. Cette revalorisation, qu'il faudra engager au cours de la prochaine législature, exige que soit menée une véritable réflexion de fond, que nous appelons de nos vœux pour les années à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Notre postulat est simple : l'école ne peut pas fonctionner seule. L'accueil, l'accompagnement et l'éducation de la jeunesse dépendent de ceux qui l'entourent et doivent sortir de leur organisation en silo. L'enjeu n'est pas des moindres, puisqu'il concerne le fonctionnement éducatif dans son entièreté.
Il s'agit de pérenniser des missions, sans lesquelles l'école ne peut pas remplir son rôle auprès du plus grand nombre : une mission d'inclusion des élèves en situation de handicap pour les AESH et une mission d'encadrement et d'appui pour les AED. Il faut donner un nouveau souffle aux AED et aux AESH. Le texte de ma collègue Michèle Victory proposait et comporte toujours des avancées, tant attendues, car, chers collègues, nous parlons tout de même de plus de 120 000 AESH et de 60 000 AED, autant de personnes qui attendent des conditions de travail dignes !
Concernant les AED, des réformes ont été menées – notamment celle de 2019 – pour orienter davantage leur rôle vers des fonctions pédagogiques. Cependant, dans les faits, peu d'entre eux sont concernés par cette possibilité. Leurs conditions de travail restent caractérisées par une professionnalisation et par une difficulté à se stabiliser : en cause, un manque de formation, une impossibilité d'accéder à un CDI, un manque de reconnaissance et une rémunération particulièrement basse. Les conséquences sur les élèves et sur les établissements ne sont pas négligeables et se traduisent par une instabilité des effectifs, qui trouble la sérénité de l'accompagnement.
Permettez-moi de m'attarder sur les AESH, actuellement en grève : nous sommes souvent à leurs côtés dans nos circonscriptions. Les remarques faites pour les AED valent également pour eux, s'agissant de leurs conditions de travail, de leur formation et de la rémunération des femmes : s'il y a aussi des hommes, ce type d'emploi concerne majoritairement des femmes, en situation de grande précarité, disposant d'un revenu avoisinant les 750 euros, sous le seuil de pauvreté, alors qu'elles ont la mission – si essentielle – d'accompagner les enfants les plus fragiles, avec une notification de la maison départementale des personnes handicapées.
Combien de temps allons-nous encore évoquer ces questions, alors que nous arrivons à la fin d'un quinquennat, qui était l'occasion de procéder à des avancées majeures ? Alors que le nombre d'enfants pouvant prétendre à une aide individualisée ou mutualisée ne cesse d'augmenter, le manque d'attractivité de la profession d'AESH empêche d'effectuer les recrutements nécessaires. L'inclusion des enfants souffrant de handicap ne peut passer que par la prise en compte des conditions d'exercice de ceux qui les accompagnent. Alors que nous savons leur travail indispensable,…
…ils ne reçoivent que du mépris : des contrats à temps partiel, des contrats courts, des salaires de misère, un manque cruel de formation, des affectations de dernière minute, parfois plusieurs écoles d'affectation, un statut des plus flous, forçant les écoles à s'adapter et à improviser. Les enfants sont pourtant les premiers concernés, ainsi que les familles.
Face à ces problèmes, que nous avons si souvent dénoncés dans cet hémicycle, il s'agissait – avant les changements intervenus en commission – d'assurer une véritable reconnaissance et des conditions de travail décentes aux AESH et aux AED, grâce à des mesures simples – je remercie à cet égard Michèle Victory pour son travail : recrutements et engagements sur le long terme avec des embauches en CDI immédiates pour les AESH et la possibilité de transformer directement le contrat des AED en CDI ; mise en place d'un taux d'encadrement minimal des élèves par les AED ; prise en compte du temps de préparation et de recherche dans les contrats de travail des AESH ; formation pluridisciplinaire, avec les réseaux de santé et le secteur médico-social – les familles nous attendent et elles ont raison, car il s'agit des petits et des enfants les plus fragiles ; attribution de primes dites REP et REP+ pour les AESH et pour les AED.
Je le redis, je tiens à saluer le travail de ma collègue Michèle Victory, qui a su proposer de réelles mesures pour un statut solide de ces personnels, pour une véritable avancée de notre système éducatif et pour un accompagnement étroit des enfants les plus fragiles. Nous sommes attendus et regardés. Nous gagnerions à nous inspirer de modèles – le Québec et les pays scandinaves, notamment – qui ont une vision et un plan consistants pour l'enfance. À la fin de ce quinquennat, nous avions la chance de pouvoir adopter la proposition de loi de Michèle Victory, qui comportait de grandes avancées. Si le groupe Socialistes et apparentés votera bien évidemment en faveur du présent texte, je regrette que la commission l'ait modifié.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires, et mieux redistribuer les richesses.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra