En trois ans d'action au sein du Gouvernement, je suis fier d'avoir contribué avec vous à une meilleure protection des enfants de notre pays, et je suis heureux d'avoir pu, en toutes circonstances, compter sur l'appui de votre assemblée. Ce projet de loi sur lequel vous vous apprêtez à vous prononcer pour la dernière fois en est la meilleure illustration. Vous connaissez désormais trop bien son origine, sa logique et son contenu pour qu'il soit utile que j'y revienne.
Je rappellerai simplement que son adoption repose sur le dialogue. Celui-ci n'a pas commencé avec la rédaction initiale du projet de loi ou avec son amélioration au fur et à mesure du débat parlementaire, mais bien plus tôt. Du reste, il ne pouvait en être autrement sur des questions de protection de l'enfance. Cette politique étant décentralisée depuis 1983, les conseils départementaux en sont les chefs de file, mais elle repose en réalité sur une responsabilité partagée de l'État et des collectivités locales, ainsi que sur des associations. Depuis de trop nombreuses années, cette politique souffre de disparités territoriales qui mettent à mal la promesse républicaine originelle selon laquelle, au-delà de l'aide sociale à l'enfance, tous les enfants, partout sur le territoire, quels que soient leur origine et leur parcours, ont les mêmes chances et les mêmes droits.
Il fallait donc, par un travail de concertation, rénover cette politique, la renforcer, la pérenniser. Tels sont l'objet et la méthode de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance élaborée en octobre 2019. C'est à cet effet que l'État aura apporté, entre 2020 et 2022, près de 600 millions d'euros pour appuyer les départements dans leur mission d'aide sociale à l'enfance, dans une démarche de contractualisation reposant sur des constats partagés, sur des engagements précis et sur des efforts suivis. C'est aussi à cet effet que cette stratégie comportait dès l'origine un volet législatif qu'il convenait de faire aboutir, au terme d'une large concertation à laquelle les parlementaires ont été associés.
Ce texte ayant fait l'objet d'un accord entre les deux chambres du Parlement en commission mixte paritaire est l'aboutissement de ce travail collectif. Je salue et remercie chaleureusement les rapporteures Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, ainsi que la présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi, pour leur engagement sans faille, pour l'attention constante qu'elles ont accordée aux moindres détails de ce texte et pour avoir suivi invariablement, comme chacun d'entre nous, la boussole de l'intérêt supérieur des enfants, la seule qui vaille en la matière. Je remercie l'ensemble des groupes politiques de cette assemblée pour avoir contribué activement et avec volonté à cette démarche.
Je suis convaincu que ce texte permettra aux enfants protégés par l'ASE de préparer leur avenir, d'envisager sereinement leur autonomie et de lutter contre les inégalités de destin. Ce texte doit marquer la fin d'une époque d'incertitude et d'insécurité pour ces enfants à qui nous garantissons désormais un cadre de vie sécurisant et serein, comme doit l'être aussi celui des adultes qu'ils deviendront.
Dès l'examen du texte par l'Assemblée nationale, des mesures fortes ont été retenues, auxquelles vous avez été nombreux à avoir contribué. Ce projet de loi comporte d'abord des mesures ayant pour objectif de garantir la pleine et entière sécurité des enfants au quotidien. Il prévoit l'extension de la vérification des antécédents judiciaires des personnes qui travaillent à leur contact, afin qu'aucune personne ayant été condamnée, notamment pour des infractions sexuelles, ne puisse intervenir auprès d'eux. Il interdit de placer des enfants à l'hôtel, interdiction qui sera définitive au terme d'une période transitoire de deux ans au cours de laquelle l'accompagnement éducatif des enfants qui continueront à être placés sera drastiquement renforcé. Il prévoit le déploiement d'une base nationale des agréments pour les assistants maternels et familiaux, afin d'éviter de mettre en contact des enfants et des professionnels qui auraient eu des pratiques répréhensibles. Il inscrit dans le code de l'action sociale et des familles et dans celui de la santé publique le vocabulaire partagé en matière de maltraitance, fruit des travaux essentiels de la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Enfin, dans chaque territoire, mais aussi dans chaque établissement de l'ASE, un référent pour la lutte contre les violences sera désigné.
Ce texte comprend ensuite des mesures permettant d'apporter de la stabilité, notamment affective, aux enfants. Ainsi, la possibilité de confier l'enfant à un tiers digne de confiance, accompagné et soutenu, sera systématiquement étudiée. En outre, il entérine l'interdiction de la séparation des fratries, sauf dans le cas où cela correspond à l'intérêt de l'enfant. Il renforce et facilite le recours aux mesures de médiation familiale. Toutes ces mesures, et beaucoup d'autres comprises dans le projet de loi, auront un impact direct sur le quotidien et sur le développement des enfants.
Je salue aussi un travail qui nous a permis d'aller plus loin que nous ne l'avions jamais fait en matière de soutien et d'accompagnement des jeunes de l'ASE en vue de leur accès à l'autonomie. Il garantit l'accompagnement de chaque enfant de l'ASE qui le souhaite par des mentors et des parrains en fonction du parcours qu'il désire construire, et de ses attentes et de ses envies pour sa vie future. Le projet de loi garantit que plus aucun enfant de l'ASE ne sera laissé sans solution à sa majorité. C'est la fin du couperet des dix-huit ans pour les jeunes majeurs et des sorties sans solution, avec le prolongement d'un accompagnement systématique des dix-huit aux vingt-et-un ans par les départements et par l'État, qui prennent chacun leurs responsabilités pour garantir à ces jeunes majeurs une entrée plus sereine dans la vie active grâce à ce projet pour l'autonomie.
Je remercie également l'ensemble des députés qui ont permis d'aboutir à des avancées inédites en matière de valorisation de la parole des enfants, qui pourront désormais être bien plus régulièrement représentés ou défendus par des avocats ou des administrateurs ad hoc.
Les enfants, en particulier ceux de l'ASE, ne seront plus les invisibles de notre République. J'ai une pensée amicale pour Gautier Arnaud-Melchiorre, qui a fourni un travail fantastique dans le cadre de la mission que je lui avais confiée sur la parole des enfants protégés, qui inspirera – je l'espère – pour de nombreuses années, non seulement les politiques publiques en la matière, mais aussi les pratiques quotidiennes des professionnels.
Je veux enfin rappeler brièvement les avancées qui bénéficieront aux professionnels du secteur. Nous ne devons jamais oublier ces professionnels engagés qui accompagnent chaque année des milliers d'enfants dans leur parcours de vie. Ce texte prévoit la valorisation du métier des assistants familiaux, valorisation tant attendue et si nécessaire pour cette profession confrontée à de nombreux défis. Le projet de loi sera complété par de nombreux ajouts visant à restructurer la formation initiale et continue des assistants familiaux pour mieux prendre en compte les évolutions du métier et des profils des enfants, à mieux intégrer les assistants familiaux au sein des équipes pédagogiques, ou encore à mieux rémunérer l'accueil des enfants à besoins spécifiques. En outre, le cadre de gouvernance politique et stratégique de la PMI, acteur central de nos politiques de prévention, sera renforcé. En partant des constats du rapport « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! » rédigé par Michèle Peyron, que je salue à nouveau, ce texte vise à mettre en adéquation les orientations nationales et les enjeux territoriaux. Cette réforme, complétée par les 100 millions d'euros que l'État a consacrés en trois ans à la PMI pour compenser la perte qu'elle avait subie depuis dix ans, permettra de pérenniser cette politique fondamentale à laquelle nous sommes tous si attachés.
Des avancées importantes auront donc été accomplies avec le texte qui contribue à donner une visibilité bienvenue à ces sujets, mais beaucoup reste à faire. Après le vote du projet de loi, il faudra concrétiser certaines mesures qui nécessitent encore un temps de concertation et qui requièrent des textes d'application pour lesquels les échanges doivent se poursuivre. Il en va ainsi du groupement d'intérêt public (GIP) nouvellement créé qui réunira l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance, mais aussi de l'expérimentation en matière de gouvernance locale. Il faudra également déterminer des normes et des taux d'encadrement précis dans le secteur de la protection de l'enfance, qui depuis trop longtemps en est privé, travail qui aboutira avant les prochaines échéances électorales, comme je l'ai annoncé depuis le début. Enfin, le dialogue doit se poursuivre avec l'ensemble des professionnels du secteur pour répondre à leurs attentes et pour moderniser les pratiques. La conférence des métiers du social et du médico-social du 18 février 2022, organisée à l'initiative du Premier ministre, est une échéance particulièrement importante.
Nous devons donc toutes et tous à rester vigilants, et je sais que, demain, vous serez nombreux à l'être. La question de la protection des enfants ne se limite pas aux enjeux de l'aide sociale à l'enfance.
Je pense pouvoir dire que jamais un Gouvernement n'aura autant fait pour améliorer cette protection et pour renforcer les droits des enfants dans notre pays.