Intervention de Sophie Mette

Séance en hémicycle du mardi 25 janvier 2022 à 15h00
Restitution des biens culturels des victimes de persécutions antisémites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Mette :

Adopté à l'unanimité, la semaine dernière, par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, c'est un projet de loi de réparation et de justice qui est soumis à notre examen. À nouveau, le groupe Dem se félicite de l'arrivée de ce texte dans les murs de l'Assemblée, et désormais dans l'hémicycle, et tient à vous en remercier, madame la ministre.

À l'origine, quatorze œuvres étaient inscrites à l'ordre du jour de notre commission. Deux d'entre elles ont fait l'objet de spoliation par les nazis avant d'entrer dans les collections publiques ; les douze autres ont été achetées par l'État pendant l'Occupation. La vente n'était pas spoliatrice mais placée sous administration provisoire par les autorités de Vichy. Le représentant des musées nationaux avait donc connaissance des mesures appliquées à l'encontre des vendeurs. Une quinzième œuvre s'est ajoutée au projet de loi par le biais d'un amendement déposé par le Gouvernement. Il s'agit du tableau Le Père de Marc Chagall, qui avait été volé en 1940 à David Cender, à Lodz, en Pologne, après le transfert des Juifs dans le ghetto de la ville. Comme pour les œuvres précédentes, il était essentiel de rendre justice aux ayants droit de David Cender ; c'est ce que nous avons permis par l'adoption de cet amendement en commission.

Nous ne pouvons nier ces persécutions et ces mesures de spoliation que la France imposait aux Juifs. Il est donc temps de sortir ces œuvres des collections publiques pour les retourner aux ayants droit de leurs propriétaires légitimes. C'est ce que vous permettez, madame la ministre, en présentant ce projet de loi, et les députés démocrates s'en réjouissent.

Ce projet de loi inédit s'ancre dans une logique amorcée en 2020. La majorité enclenchait alors, avec le Gouvernement, la restitution de vingt-six œuvres d'Abomey à la République du Bénin, et du sabre avec fourreau, dit d'El Hadj Omar Tall, à la République du Sénégal. Il ne s'agit certes pas, ici, de restituer des biens culturels à des États, mais l'objectif est le même : faire face à notre histoire dans sa globalité, sans faux-semblants, et faire ce qui est nécessaire pour avancer. Les efforts accomplis en la matière par le président Emmanuel Macron à l'égard du continent africain, principalement de l'Algérie, sont admirables. Avec ce texte, la France rend justice aux ayants droit des victimes de spoliations et, surtout, elle se réconcilie avec elle-même.

Il s'agit aussi de répondre à une demande forte du monde de la culture, et je tiens à rendre hommage aux musées et aux bibliothèques ainsi qu'aux services du ministère de la culture qui s'inscrivent dans une démarche de justice. C'est l'honneur de la France que de prendre ces dispositions, notamment à l'heure où certains, dans la perspective de l'élection présidentielle et dans une logique de réécriture sordide de l'histoire, cherchent à réhabiliter le maréchal Pétain et le régime de Vichy.

Sur le plan international, la question de la nécessaire réparation des spoliations d'œuvres d'art s'est peu à peu imposée, particulièrement à travers l'adoption par quarante-quatre États, en 1998, des principes de Washington sur les œuvres d'art confisquées par les nazis. Nous avons abordé ce point en commission, madame la ministre, mais je répète : espérons que nous parviendrons, à l'avenir, à poursuivre ce genre d'initiatives de concert avec nos voisins européens. Ils partagent avec nous un pan d'histoire que nous devons regarder droit dans les yeux. Il s'agit également de regarder droit dans les yeux les familles des victimes spoliées. La France ouvre aujourd'hui la voie.

Mon groupe votera évidemment en faveur du projet de loi.

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