Elle créera des droits nouveaux au bénéfice des enfants mineurs comme de ceux devenus majeurs.
Pour les mineurs, tout d'abord. Trop souvent, les parents dont l'enfant ne porte pas le nom, qu'ils soient séparés ou non de leur conjoint, se trouvent dans des situations délicates : des questions leur sont posées, des justificatifs leur sont réclamés par l'école, ou l'hôpital, lors des inscriptions à des activités, lors d'un voyage en France ou à l'étranger, ce qui pollue la vie quotidienne de nombreux Français et Françaises. Cette proposition de loi vise donc à introduire dans le code civil la procédure permettant à ces parents que leur enfant porte leur nom à titre d'usage. Codifier permettrait de mieux faire connaître une telle possibilité aux parents, mais pas seulement.
En effet, le texte prévoit également qu'un mineur, sous réserve de son consentement, s'il a plus de 13 ans, peut porter comme nom d'usage celui du parent qui ne lui a pas transmis le sien, si les deux parents sont d'accord ou si un seul des parents le souhaite, mais en informe l'autre, qui aura alors la possibilité de s'y opposer. Au-delà de sa valeur symbolique, cette simplification est indispensable pour changer le quotidien des parents qui n'auront plus à justifier continuellement de leur lien de filiation avec leur enfant.
Ce texte sera en outre un vecteur de liberté pour l'enfant devenu adulte qui souhaite porter le nom de famille du parent qui ne le lui a pas transmis, soit à titre d'usage, soit en changeant de nom. Certains pourront ainsi décider d'adjoindre ou de substituer à titre d'usage le nom de l'autre parent, sans effet sur les enfants ni sur les actes d'état civil. Le texte ouvrira ainsi aux enfants la même possibilité qu'aux membres du couple marié, qui peuvent décider de porter le nom de l'autre membre à titre d'usage, en l'adjoignant au leur ou en le substituant à celui-ci.
D'autres pourront faire un choix plus fort – il sera tel, car il aura des conséquences sur le nom de leurs propres enfants –, celui de changer le nom mentionné à l'état civil, en ajoutant au nom d'un parent celui de l'autre ou en lui substituant celui-ci. Comme l'ont indiqué les orateurs précédents, un tel choix peut être justifié pour des raisons très variées, que l'on ne veuille pas voir s'éteindre le nom du parent, qu'il s'agisse de marquer son attachement et sa reconnaissance à l'un ou à l'autre de ses parents ou, à l'inverse, de se détacher symboliquement d'un parent maltraitant.
Jusqu'en 2014, un tel choix était quasiment impossible, puisque de telles demandes n'entraient pas dans le champ d'application de la procédure de changement de nom prévu à l'article 61 du code civil. Celle-ci prévoit que la requête présentée au garde des sceaux doit être fondée sur la démonstration de l'existence d'un « intérêt légitime » : or les différents gardes des sceaux et le Conseil d'État avaient exclu de considérer les motifs affectifs à ce titre. Ce n'est que le 5 mars 2014 que la haute juridiction, influencée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), a évolué, en jugeant qu'un enfant devenu adulte pouvait dorénavant évoquer un motif affectif comme fondement de sa requête.
L'article 2 de ce texte prévoit d'aller plus loin, en permettant au demandeur de se dégager de la complexité, du caractère aléatoire et de la longueur de la procédure actuelle. Une procédure simple permettra demain à chaque enfant devenu adulte de bénéficier du même choix pour son nom que ses parents à sa naissance. Il pourra ainsi choisir d'ajouter à son nom celui du parent qui n'a pas transmis le sien ou choisir de porter uniquement ce nom en lieu et place de celui de l'autre parent. Cette faculté ne pourra être exercée qu'une seule fois. Comme cela a été rappelé, la procédure consistera à saisir l'officier de l'état civil, qui apposera le nouveau nom en marge de l'acte de naissance. Pour présenter une telle demande, il ne sera pas nécessaire de justifier d'un motif particulier, sinon de la volonté de porter un nom qui soit le reflet de son histoire – celle-ci en sera d'autant plus belle ou d'autant moins difficile à porter.
Certains sur ces bancs craignent que ce texte ne fragilise notre société, que la sécurité qui encadre le nom ne soit remise en cause. Qu'ils soient rassurés. Les principes demeureront les mêmes ; les règles générales en matière d'attribution et de dévolution du nom de famille resteront inchangées ;…