Je suis heureux et fier de présenter le projet de loi destiné à autoriser la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains. L'examen de ce texte est un signal fort de l'engagement de la France en faveur de la défense des droits de l'homme, qui guide aussi bien notre action nationale que notre action internationale, et surtout européenne. Le Président de la République l'a réaffirmé avec force devant le Parlement européen, en faisant de la préservation des droits de l'homme un enjeu clé de la présidence française de l'Union européenne.
Comme vous le savez, le trafic d'organes est une pratique d'une extrême gravité. Cette pratique inhumaine bafoue des principes fondamentaux de notre droit comme de notre modèle démocratique : la dignité humaine et le principe de non-patrimonialité du corps humain. Or si nous la condamnons fermement et la combattons résolument, elle continue à prendre de l'ampleur dans le monde.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 5 % à 10 % des greffes d'organes réalisées dans le monde résultent du trafic d'organes, soit près de 15 000 greffes par an. Les profits annuels tirés de cette activité illicite s'élèveraient à un montant estimé entre 600 millions et 1,2 milliard de dollars par an. Surtout, le trafic d'organes touche particulièrement les personnes vulnérables. C'est ce qu'a rappelé un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié en 2020 : les personnes vulnérables, comme les migrants, sont les premières victimes de réseaux de criminalité organisée. Ces réseaux se déploient souvent sur plusieurs pays, et impliquent de multiples acteurs, d'où la nécessité d'une réponse internationale et coordonnée pour lutter contre ce type de trafics. C'est pourquoi la France a fait de la lutte contre le trafic d'organes l'une de ses priorités.
Il nous faut aujourd'hui redoubler d'efforts. Dans cette perspective, l'adoption de ce projet de loi par votre assemblée constituerait donc une grande avancée, et permettrait de renforcer l'action internationale menée par la France dans ce domaine. Sur le plan international, notre pays a notamment pris un engagement fort, le 25 novembre 2019, alors qu'il présidait le comité des ministres du Conseil de l'Europe, en signant la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre le trafic d'organes humains, dite convention de Compostelle.
La France a également présenté, avec les États-Unis, une résolution destinée à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains – qui inclut le trafic d'organes – à l'occasion de la dixième conférence des États parties à la convention de Palerme. Sur le plan européen, la traite des êtres humains, qui intègre notamment la traite aux fins du prélèvement d'organes, constituait l'une des treize priorités identifiées par l'Office européen de police (EUROPOL) pour le cycle politique européen de lutte contre la criminalité organisée 2014-2017. Notre pays a œuvré pour que cette priorité soit maintenue dans le cycle 2018-2021.
La convention que le Gouvernement vous demande de l'autoriser à ratifier est un nouvel outil pour faire progresser notre engagement dans la lutte contre le trafic d'organes.
Premièrement, elle renforce le dispositif pénal dédié à la lutte internationale contre le trafic d'organes, en instaurant de nouvelles infractions couvrant un large spectre de situations. Elle impose ainsi aux États parties d'incriminer des comportements tels que le prélèvement d'organes sans consentement, ou en contrepartie d'un profit ou d'un avantage, mais aussi l'ensemble des actes en amont et en aval du prélèvement illicite.
Deuxièmement, elle institue des mesures nécessaires de protection et de dédommagement en faveur des victimes du trafic d'organes. À ce titre, elle agit notamment en amont, en garantissant un accès équitable aux services de transplantation et en sensibilisant le public quant au caractère illégal et dangereux de ce trafic. En outre, la convention oblige les États parties à veiller à ce que les victimes aient accès aux informations pertinentes et soient aidées dans leur rétablissement, et en prévoyant leur indemnisation par les auteurs d'infractions. Ces mesures sont nouvelles : à ce jour, en France, il n'existe pas de dispositifs spécifiques de protection des victimes de trafic d'organes. Celles-ci ont accès aux prises en charge gratuites et holistiques offertes à l'ensemble des victimes d'infractions pénales, assurées par les associations d'aide aux victimes financées par le ministère de la justice.
Troisièmement, la convention favorise la mise en place de coopérations internationales en matière pénale destinées à lutter spécifiquement contre le trafic d'organes, ce que la nature transnationale du phénomène rend profondément nécessaire. Cela doit permettre, à terme, l'interpellation des différents acteurs s'adonnant à ces trafics, tout en aidant à en appréhender les coauteurs ou les complices éventuels en sollicitant dans certains cas leur extradition et en facilitant le gel de leurs avoirs. Pour l'ensemble de ces raisons, je suis heureux et fier de vous présenter ce projet de loi : son adoption constituerait une avancée majeure pour la lutte contre le trafic d'organes.