Personne ne peut aujourd'hui concevoir qu'un prisonnier de conscience ou un Ouïghour dont on aurait prélevé des organes sans son consentement porte plainte dans son pays ou que cet acte soit dénoncé par la Chine.
Les quatre réserves émises par la France montrent clairement qu'elle ne souhaite pas prendre toutes ses responsabilités, alors que vingt États sur les vingt-six qui ont signé la convention n'ont émis aucune réserve et que d'autres pays se sont fait un devoir moral de modifier leur droit interne en amont. C'est notamment le cas de l'Espagne, qui est aussi un modèle en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Lors de l'examen de ce texte en commission, le 23 novembre 2021, vous avez souligné, madame la rapporteure, qu'un des atouts majeurs de ce premier accord international spécifiquement consacré à la lutte contre les trafics d'organes humains est d'envoyer un signal clair qui puisse avoir une force d'entraînement mondiale. Selon vous, les possibilités de réserves permettront à davantage d'États de la rejoindre ; vous avez aussi reconnu l'absence d'engagement contraignant de la part des États identifiés comme les principaux points névralgiques du trafic international d'organes humains.
Plus de réserves et moins de contraintes devaient ainsi assurer plus de signatures, mais seuls vingt-six pays ont signé la convention sur 193 membres des Nations unies ! Est-ce l'objectif qu'il fallait afficher à quelques semaines de l'élection présidentielle ?
La preuve la plus criante que les mots sont déconnectés des actes et les actes déconnectés du terrain, c'est la situation en République populaire de Chine.
Les preuves s'accumulent depuis vingt ans. Le 31 janvier 2020, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a voté une résolution qui recommande notamment que les États parties fassent preuve « d'une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec le China Organ Transplant Response System […] et la Croix-Rouge chinoise ».
Le 14 juin 2021, des experts de l'ONU ont reconnu être très alarmés par les rapports crédibles, selon leurs termes, qu'ils ont reçus sur la pratique de prélèvements forcés d'organes en Chine sur des prisonniers issus de minorités ethniques, linguistiques et religieuses – Ouïghours, Kazakhs, Kirghizes, Tibétains et Falun Gong. Or depuis vingt ans, de nombreuses conventions de coopération scientifique et médicale ont été passées par des établissements de santé et de recherche français avec la Chine. Si ces conventions mentionnent le plus souvent explicitement l'obligation d'être en conformité avec les lois et les règlements français et internationaux, il n'existe aucun outil concret et effectif pour vérifier l'effectivité de cet engagement et aucune obligation de remise en cause de ces conventions en cas de refus de transparence de la Chine.
J'ai donc déposé en septembre 2020 une proposition de loi, cosignée par près de soixante-dix députés, visant à garantir le respect de nos principes éthiques par nos partenaires extra-européens, qui oblige nos hôpitaux et nos centres de recherche à un devoir de vigilance effectif et concret.
Lors de l'examen en commission de la ratification de la convention de Compostelle le 31 mars 2021, notre collègue Jean-François Mbaye a avoué, s'en disant désolé, qu'il avait contribué à « torpiller » ma proposition de loi lors de son examen, en appelant à la rejeter à travers des amendements de suppression cosignés par l'ensemble du groupe La République en marche, soit près de 300 députés, y compris celles et ceux qui avaient cosigné la proposition de loi.
Hier, en commission des affaires étrangères, lors de la table ronde sur la situation des Ouïghours, vous vous êtes toutes et tous demandé : que faire pour faire cesser le pire, pour faire cesser des crimes contre l'humanité ? Il vous sera donné l'occasion d'agir, en conscience, le 4 février.
Le groupe Libertés et territoires votera bien sûr en faveur de cette ratification. Cependant, nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas : il est plus que temps de passer à l'action.