Bien que sa portée paraisse limitée, le texte que nous nous apprêtons à voter aura des effets sur près de 250 entreprises françaises implantées en Argentine, totalisant 50 000 emplois. Lorsque l'on prend en considération ces enjeux, on peut comprendre à quel point cet avenant est attendu.
Nos relations fiscales avec l'Argentine datent un peu. La première convention a été conclue en 1979 – cela fait plus de quarante ans – et le dernier avenant a été adopté il y a vingt ans. Une mise à jour était donc nécessaire pour pallier les failles de ces stipulations un peu obsolètes. Le groupe Libertés et territoires soutient pleinement la volonté de renforcer le partenariat économique qui lie les deux États. On sait qu'il s'agit d'une initiative diplomatique française : l'enjeu est bien évidemment plus important pour la France, la présence économique française en Argentine étant bien plus significative que la présence argentine en France.
J'en viens au cœur des difficultés qui ont conduit à la conclusion de cet accord. Le principal problème dans les stipulations en vigueur tient aux plafonds des taux de retenue à la source, très élevés en matière de dividendes, d'intérêts, de redevances et de gains tirés de la cession d'actions. Ces taux pèsent directement sur les entreprises françaises. En commission, le rapporteur a très bien exposé la situation : ces niveaux s'expliquent avant tout par l'ancienneté de la convention. Entre-temps, l'Argentine a conclu des conventions plus avantageuses avec d'autres pays auxquels elle est historiquement liée – l'Allemagne et l'Italie en particulier. La charge fiscale qui en découle pèse lourdement sur les entreprises françaises par rapport aux concurrents européens. L'avenant soumis à notre approbation permettra de donner un coup de pouce non négligeable aux entreprises françaises implantées en territoire argentin. Cette réduction des retenues à la source devrait positivement rééquilibrer les positions concurrentielles.
Notre groupe prend également acte de l'extension des modalités de retenue à la source applicables en matière de dividendes aux gains en capital. Il s'agit d'une avancée fiscale demandée par de nombreux négociateurs français. Par ailleurs, l'insertion d'une clause de la nation la plus favorisée permettra de garantir automatiquement le bénéfice du traitement le plus favorable que l'Argentine serait susceptible d'accorder à un de ses partenaires. C'est donc un gage sur la durée.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, tout cela fait beaucoup d'éléments favorables, et nous sommes en droit d'adopter un regard positif sur ce dossier. Cependant, des incertitudes persistent sur les conséquences et l'aboutissement de cet accord. En commission, mon collègue Jean-Michel Clément a rappelé son inquiétude quant à la date d'entrée en vigueur de l'avenant. Nous devons être réalistes : les relations économiques entre les deux pays sont asymétriques et cette rénovation de la convention de 1979 bénéficiera essentiellement à la France. Autrement dit, l'Argentine ne gagne pas grand-chose à céder sur ce dossier. Il n'est donc pas étonnant de lire dans l'étude d'impact que le Gouvernement ignore toujours où en est la procédure interne de ratification côté argentin, alors même que l'avenant a été signé en 2019. Sans doute serait-il opportun d'obtenir quelques précisions. En commission, le rapporteur nous a également fait part de ses incertitudes à ce sujet. L'Argentine est en négociation avec le FMI et doit impérativement trouver un accord sur sa dette avant mars 2022. Dans cette période difficile pour les finances publiques, l'État argentin pourrait être récalcitrant à ratifier cet avenant, qui acte implicitement une baisse de ses recettes fiscales.
Notre groupe aimerait également alerter le Gouvernement sur un dernier point. Monsieur le ministre délégué, des contreparties sont toujours inévitables dans de telles négociations ; c'est en quelque sorte le jeu de la diplomatie. Le Gouvernement a fait le choix de céder partiellement sur la taxation des établissements stables de services, demandée par l'Argentine. Si nous comprenons cette concession, il ne faut pas négliger le poids administratif, et dans une moindre mesure fiscal, de cette clause sur une partie – près de 12 % – des entreprises françaises installées en Argentine. Concrètement, il serait sans doute bon d'anticiper pour pouvoir les accompagner. En dehors de ces quelques demandes d'éclaircissements, le groupe Libertés et territoires votera le texte.