Bien sûr, nous tenons à saluer le travail effectué par la mission d'information sur l'avenir du secteur aéronautique en France, dont Mme Pinel et M. Lagleize ont été corapporteurs. Le rapport qui en est issu souligne le caractère stratégique de cette filière pour notre pays et la nécessité de réaliser des investissements publics d'ampleur pour en préserver les savoir-faire, à toutes les étapes de la chaîne de production, et – bien évidemment – pour accélérer la décarbonation du transport aérien.
La mise en exergue de ces enjeux est d'autant plus indispensable qu'à l'avenir cette industrie va devenir, quoi que l'on en dise, moins profitable pour les fonds d'investissement qu'elle ne l'a été pendant des décennies. Comme le résumait un article récent du journal Le Monde, il est illusoire de penser que « le progrès technique [pourra], à lui seul, permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien, indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique. […] Les efforts technologiques [devront] être menés de concert avec des choix politiques et économiques en faveur d'une réduction globale du trafic. »
Ce n'est pas une raison, toutefois, pour sacrifier cette filière industrielle ou pour renoncer à la recherche et aux innovations en la matière. Bien au contraire, l'enjeu primordial est aujourd'hui de soutenir les investissements, notamment ceux qui concernent les projets de transition écologique, et de garder la maîtrise de cette filière face aux tentations et aux tentatives de délocaliser ou d'externaliser certaines activités dans des pays à bas coûts, afin d'empêcher les conséquences sur l'emploi qu'elles induisent et qui s'accumulent.
Les investissements publics consentis depuis des décennies ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel de la finance ; c'est pourquoi il devient impératif que les pouvoirs publics reprennent les commandes de cette filière. C'est là une demande forte qui émane des représentants des salariés de la filière, lesquels insistent aussi, comme nous le faisons nous-mêmes régulièrement sur ces bancs, sur la nécessité de responsabiliser les donneurs d'ordre vis-à-vis des entreprises sous-traitantes, en veillant à ce qu'ils respectent leurs engagements en matière de commandes et de prix.
Nous devons également nous appliquer à accompagner la diversification des activités de ces entreprises sous-traitantes, afin de conjurer une perte de savoir-faire. Nous devons rompre, en un mot, avec la logique de financiarisation à tous crins qui a gagné l'ensemble des acteurs de la filière, de l'industrie aux aéroports en passant par les compagnies aériennes.
Le processus de privatisation des aéroports en témoigne : il s'apparente à l'abandon aux intérêts privés de biens communs qu'il faut au contraire préserver, afin de réorienter leur usage en faveur de la justice sociale et de la défense de l'environnement. Le développement inconsidéré des compagnies low-cost, depuis des années, en est un autre exemple : elles ont construit un modèle économique toxique. Enregistrées dans des paradis fiscaux, elles limitent drastiquement leurs effectifs et négocient avec certains aéroports des réductions tarifaires sur les redevances aéroportuaires, favorisant une concurrence délétère et des effets d'aubaine qui conduisent à la création de lignes non rentables, dont la durée de vie ne dépasse pas celle des réductions tarifaires.
Pour l'heure, rien n'est entrepris contre ces pratiques socialement et écologiquement nuisibles, qui portent par ailleurs préjudice au développement, notamment, de l'offre ferroviaire. Alors que les conséquences environnementales du transport aérien nourrissent les débats quant à la place que l'avion doit occuper dans la société, il est essentiel de faire prévaloir deux principes : notre souveraineté industrielle – c'est vrai dans ce domaine comme dans bien d'autres – et l'intérêt général.
Le respect de ces principes commande de développer une stratégie centrée sur la réponse aux besoins sociaux et sur la préservation de l'environnement. Nous en sommes convaincus : une telle stratégie passe par la pérennisation de l'engagement public en direction des industriels, moyennant des contreparties qui doivent être exigées en matière sociale et environnementale, par un contrôle démocratique des stratégies des groupes, qui doit se développer au niveau des salariés, et par une action résolue – je le disais tout à l'heure – de consolidation des PME où se concentrent les compétences et les savoir-faire, car il faut les accompagner dans les profondes transformations qui s'annoncent.