« On demande des rénovations depuis plusieurs années ; maintenant qu'ils les font, c'est à nous de les payer. Ce n'est pas normal ! » Ainsi parlait Souhila qui, en novembre 2021, s'est rendue, accompagnée d'une dizaine d'autres habitantes et habitants des Essarts, un quartier d'Échirolles, au siège du bailleur social, la Société dauphinoise pour l'habitat (SDH). Sur leurs nombreuses pancartes, on lisait : « Dignité pour les Essarts », « Carton rouge la SDH », « Respectez les habitants », ou encore « Rénovation sans augmentation ».
Les Essarts, un des quartiers les plus pauvres de l'agglomération grenobloise, a été inclus dans ce que la ville présente comme « un ambitieux projet de renouvellement urbain mais aussi social et environnemental ». Or la dimension sociale est mise à mal par le choix de la SDH de faire payer aux habitants et aux habitantes les rénovations énergétiques de leurs logements, en augmentant des loyers déjà difficiles à payer. Les locataires n'ont pas été consultés et se heurtent à un mur. Ils témoignent : « Le manque de communication des décideurs et des décideuses sur les évolutions qui concernent le quartier empêche toute prise en compte de nos besoins et le respect de nos vies. Le résultat de tout cela est notre mise en danger psychologique, sociale et économique. Nous nous sentons assignés à résidence, sans prise en charge des conséquences. »
Ce conflit local illustre plus largement l'un des échecs de la politique de la ville, qui était pourtant censée « restaurer l'égalité républicaine et améliorer les conditions de vie des habitants » des quartiers défavorisés. Quarante ans après son lancement, le bilan est plus que mitigé : ces quartiers sont plus fragiles que jamais, leur attractivité a peu progressé et les inégalités persistent. Celles-ci se manifestent notamment par la prévalence du mal-logement : 22 % des ménages y habitent un logement surpeuplé, et un cinquième d'entre eux voient, du fait d'une mauvaise isolation, leur consommation d'énergie augmenter – ce qui accroît leur difficulté de payer leur loyer et leurs charges.
En tant qu'acteur majeur de la politique de la ville, l'État doit garantir le droit – hélas mis à mal – à un logement digne et réduire les inégalités. Quelles solutions comptez-vous apporter aux habitants et aux habitantes des Essarts et des nombreux autres quartiers de la politique de la ville, qui subissent une double peine : contraints de vivre dans un habitat dégradé, ils doivent supporter individuellement le coût des rénovations, notamment énergétiques, alors même qu'ils comptent parmi les plus précaires ?