Les enjeux de la politique énergétique et les échéances cruciales qui s'annoncent exigent un débat rationnel. Celui-ci s'inscrit dans le contexte de la première loi quinquennale de programmation de la politique énergétique qui doit être adoptée avant le 1er juillet 2023, de décisions à prendre quant au devenir des concessions hydroélectriques françaises, de l'extinction de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) en 2025, mais aussi de l'augmentation des besoins en électrification. S'ajoutent à cela la hausse exponentielle des prix de l'énergie et les tensions de l'approvisionnement en électricité en raison de la forte dépendance de l'Union européenne aux énergies fossiles.
Depuis l'accord de Paris sur le climat en 2015, dont la réussite doit beaucoup à la France, l'Union européenne s'est engagée pour le climat, au travers notamment du pacte vert européen et du paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 ». Cette politique environnementale ambitieuse bénéficie du soutien du plan de relance européen et du budget septennal de l'Union.
La Commission européenne souhaite, d'ici à 2030, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport au niveau de 1990 et doubler la part des énergies renouvelables (ENR) dans le mix énergétique de l'Union européenne ; elle veut également atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. L'Union entend donner l'exemple. Nous nous en réjouissons et nous ne devons pas manquer ce rendez-vous.
Le mix énergétique de l'Union européenne comprend actuellement 70 % d'énergies fossiles, ce qui est beaucoup trop. Les textes proposés par la Commission dans le cadre de l'initiative « Ajustement à l'objectif 55 » imposent que la France prenne position dès à présent sur la refonte du marché du carbone, la fin des quotas de carbone gratuits pour l'aviation, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, la fin des voitures thermiques en 2035, les carburants alternatifs ou durables, la fiscalité de l'énergie ou encore le mix énergétique européen et la rénovation thermique des bâtiments.
Sur tous ces sujets, il faut accroître la coordination et la solidarité européennes. S'il existe des convergences fortes entre les États membres sur plusieurs questions, des divergences se font sentir. Je pense notamment aux débats sur la taxonomie verte, mais ce ne sont pas les seuls.
La France a des atouts et elle doit s'appuyer sur sa position singulière grâce à son mix énergétique largement décarboné. Cela compte pour satisfaire l'objectif prioritaire qu'est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La production et la consommation d'énergie représentent plus de 75 % des émissions de l'Union européenne.
Grâce à sa production décarbonée fondée sur les énergies hydraulique et nucléaire, la France a su assurer la stabilité et la flexibilité de son approvisionnement. Sans dogmatisme aucun, les États membres doivent s'accorder sur le fait que pour se passer des énergies fossiles tout en satisfaisant les besoins en électrification qui sont amenés à croître, nous aurons besoin de toutes les sources d'énergies renouvelables et faiblement émettrices de CO
Réussir la transition énergétique nécessite également une réelle coordination entre le monde du travail et les partenaires sociaux, comme en témoigne une tribune syndicale mondiale parue à l'occasion de la COP26. La mobilisation des salariés est essentielle : ils doivent être davantage impliqués dans les réformes que mènent les États membres. Le dialogue social est nécessaire pour bâtir une transition socialement juste.
Les États membres doivent également investir massivement dans les nouvelles sources d'énergie comme l'hydrogène vert afin de décarboner les secteurs les plus émetteurs de CO
Il faut également trouver un accord sur une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne pour éviter les fuites de carbone à travers les délocalisations industrielles ; envisager la désindexation des prix de l'électricité sur ceux du gaz dont les ménages et les entreprises payent aujourd'hui le coût ; accélérer la réforme du stockage d'énergie au niveau européen, en valorisant les atouts de notre modèle national afin d'aller plus loin et de conduire une réforme ambitieuse du marché européen du carbone.
Enfin, la France ne devra pas manquer de défendre auprès de la Commission européenne le caractère intégré d'EDF qui en fait un grand service public de l'énergie. Plus que le défendre, nous devons aller encore plus loin pour répondre au défi environnemental et aux besoins de la population, assurer la planification de la production, préserver notre industrie et réguler les prix. Nous devons sortir de la croyance dans la main invisible du marché et dans la concurrence pure, libre et non faussée pour guider la transition bas carbone, sans quoi elle se fera dans l'injustice sociale et demeurera inefficace.
Nous devons sortir de l'ambiguïté. Chacun doit prendre sa juste part dans ce combat pour le climat, y compris la Chine dont le rôle fut ambigu au cours de la COP21. L'Europe, quant à elle, ne doit plus se diviser sur un sujet stratégique qui avait réussi à l'unir au moment de la création de la CECA.