Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du mardi 1er février 2022 à 21h45
Dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Plus de vingt ans déjà se sont écoulés depuis le rapport d'enquête sénatorial « Prisons : une humiliation pour la République ». Un état des lieux de la situation actuelle de notre système pénitentiaire était donc plus que pertinent : je salue l'important travail réalisé par nos collègues, à l'initiative du groupe Les Républicains, sur un sujet aussi sensible que complexe.

Plus de vingt ans déjà et le constat n'a pas varié : trop peu d'effectifs pénitentiaires, une surpopulation carcérale chronique dont découlent pour certains détenus des conditions indignes ; violence, radicalisation religieuse, perte d'efficacité de la peine. Les maux sont connus, les solutions beaucoup moins.

Le problème central, qui entraîne des dysfonctionnements en cascade, reste bien entendu la surpopulation : 69 812 détenus pour 60 494 places, d'où un taux de densité carcérale de 115,4 % au 1er novembre 2021. Le budget de la justice a beau augmenter, et le nombre de places avec lui, cette triste réalité demeure ; force est de constater que les politiques successives en la matière n'ont pas permis de la résorber, ce qui dégrade tout le système pénitentiaire. Ainsi la France a-t-elle été condamnée à plusieurs reprises pour l'état de ses prisons, pour traitements inhumains et dégradants. La CEDH a estimé que le taux d'occupation de certaines prisons révélait « l'existence d'un problème structurel » ; la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont emboîté le pas, réclamant la création d'un recours effectif en cas de conditions de détention indignes.

Il résulte de ces multiples difficultés que la prison ne parvient pas à lutter contre la récidive, à conduire avec succès des processus de réinsertion. Le rapport à propos duquel nous débattons dresse un constat inquiétant en matière de formation professionnelle : elle concerne moins de 13 % des détenus, contre 40 % en 2010. Faute d'efficacité, l'univers carcéral devient parfois le terreau de la délinquance et de la radicalisation ; à cet égard, le diagnostic de votre commission d'enquête est inquiétant.

Les nombreuses propositions présentées permettent avant tout de s'interroger sur la pertinence des pratiques et de constituer une vision pour l'avenir. Elles sont utiles dans la mesure où, à force de statistiques et d'études, nous disposeront de données plus précises, permettant d'orienter judicieusement la politique pénitentiaire ; enfin, elles posent les bases d'un dialogue entre les acteurs. Le groupe UDI et indépendants soutiendra la plupart d'entre elles.

Tout est bienvenu de ce qui aboutira à offrir de meilleures conditions de travail au personnel pénitentiaire, tant le métier est difficile et souvent mal reconnu. Définir une prise en charge adaptée aux besoins et au profil du détenu, développer les activités et le travail en détention, privilégier dans la mesure du possible des solutions alternatives à l'incarcération, autant d'axes de réforme essentiels, qu'il convient de suivre. Du reste, certaines de ces propositions sont d'ores et déjà appliquées : la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ) a permis de faire évoluer les peines, le récent statut du détenu travailleur est une bonne chose, comme la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, qui crée un recours contre les conditions indignes de détention.

Les ambitions du Gouvernement concernant la rénovation du parc immobilier vont également dans le bon sens, mais ce ne sont là que retouches, réformes parcellaires, qui peinent trop souvent à s'appliquer. La réalité ne change pas : les mesures proposées seraient à même de régler de nombreux dysfonctionnements de la politique pénitentiaire française, si les moyens nécessaires étaient consacrés à leur application. En ce sens, nous déplorons depuis bien longtemps que la majeure partie du budget de la justice ne soit destinée qu'à l'accroissement du parc carcéral.

Les conclusions de la commission d'enquête démontrent une fois de plus que la prison ne saurait constituer l'alpha et l'oméga de la politique pénale ; son rapport devrait inévitablement donner lieu à une réflexion au sujet de cette politique dans son ensemble.

Nos prisons sont aujourd'hui l'expression du mal de la justice française. Évidemment, la crise sanitaire a exacerbé toutes les difficultés ; elle a également démontré l'étendue du champ des possibles, puisqu'en 2020 la population carcérale a atteint un niveau historiquement bas sans que l'ordre public en ait été davantage troublé pour autant. Aussi, les suites données à ce rapport devront être à la hauteur du diagnostic, loin des mesures minimalistes que nous connaissons. Les membres du groupe UDI et indépendants feront preuve de la plus grande vigilance à ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.