En 2010, les débats sur l'instauration d'un conseiller territorial avaient enflammé notre hémicycle et celui du Sénat. Des élus de tous bords s'interrogeaient alors sur la place des collectivités territoriales et de leurs représentants dans notre système politique. Alors que la précédente majorité, socialiste, a coupé court au débat en supprimant tout bonnement cette mesure avant son application, je salue la décision du groupe MODEM de nous donner l'occasion de le relancer. C'est important, car la situation a beaucoup changé depuis 2010.
Les régions, tout d'abord, ne sont plus les mêmes : elles sont beaucoup plus grandes. Leur redécoupage change radicalement le paysage politique régional. Par exemple, dans la région Grand-Est, où j'ai l'honneur d'être élu, il s'agit maintenant de coordonner le travail avec dix départements dont les réalités et les attentes sont très différentes. Si la création du conseiller territorial permettrait aux élus de mieux concilier les stratégies d'action aux échelles régionale et départementale, évitons de créer une chambre régionale composée d'élus innombrables ! Autre exemple : la Nouvelle-Aquitaine compte 258 cantons. Il serait ubuesque de créer une assemblée de plus de 500 conseillers régionaux.
À l'inverse, l'échelle du canton permet, elle, une proximité avec le terrain qu'il s'agit de ne pas dévoyer au motif de rationaliser les compétences. De nombreux conseillers départementaux sont des élus de terrain, souvent non encartés, contrairement aux élus régionaux. Cette spécificité explique aussi l'attachement des Français à leur département et à ceux qui y sont élus, d'où l'intérêt de les protéger.
En outre, les règles désormais applicables sur le non-cumul des mandats obèrent les possibilités offertes aux élus – notamment aux députés – d'agir au plus près du terrain. Évitons une réforme qui leur ferait perdre encore en proximité – comme vous le savez, notre groupe souhaite que ce débat soit rouvert.
Au vu de ces profondes évolutions, nous ne pouvons pas nous contenter d'une simple réforme créant un conseiller territorial. La question d'une décentralisation effective, efficace, assortie d'une répartition claire des pouvoirs, doit être abordée. Vous le savez, c'est un vœu cher au groupe UDI et indépendants.
Si vous souhaitez simplifier, la première mesure consisterait à donner un pouvoir beaucoup plus réel et efficace aux collectivités locales dans certains domaines. Il faudrait mutualiser l'exercice des compétences entre les départements et les régions en matière d'économie et de transport – c'est le déjà le cas dans certaines collectivités –, comme en matière de santé, domaine dans lequel les agences régionales de santé (ARS) permettent déjà la régionalisation que nous appelons de nos vœux. Cela aiderait nos concitoyens à identifier le rôle du département et de la région dans leur quotidien.
Le drame de la structure territoriale française est que, depuis des décennies, les majorités qui se succèdent ont chacune voulu appliquer leur vision de la gouvernance, organisant la désorganisation. À les écouter, les différents candidats à l'élection présidentielle de cette année sont tous attachés à une décentralisation libératrice. C'était déjà le cas lors des précédents scrutins mais, une fois élu, aucun candidat n'a jamais pris la peine de céder une partie de son pouvoir à des exécutifs pourtant bien plus proches des réalités du terrain.
Je dois donc vous le dire : la création du conseiller territorial ne doit pas servir d'excuse et cacher un manque de courage en matière de décentralisation. Ne croyons pas qu'à elle seule, une telle mesure réconcilierait nos concitoyens avec les scrutins départementaux et régionaux.
Il faut mener une grande réforme en faveur d'une plus grande autonomie des collectivités. C'est dans un tel cadre que nous serions prêts à imaginer la création du statut de conseiller territorial, élu dans un canton qui lui permette de rester proche du terrain. Ce dispositif trouverait alors d'autant mieux sa place que les élus portant cette double casquette pourraient aider à rationaliser les champs d'intervention de collectivités qui dédoublent encore trop souvent le travail sur un même sujet, faute d'une répartition claire des compétences.
Notre groupe soutiendra donc cette proposition de résolution, qui doit mener à une réflexion plus globale sur l'organisation de notre État.