Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 15h00
Vote par correspondance — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

On ne peut donc pas, en toute bonne foi, être favorable à l'élargissement du vote par procuration et s'opposer en même temps au vote par correspondance sous le prétexte d'un risque de vote sous influence.

Troisièmement, le vote par correspondance poserait des problèmes logistiques. Il soulève effectivement des enjeux opérationnels qu'il convient d'appréhender avec rigueur. Mais, là encore, comment expliquer que les défis opérationnels réels que pose le vote par correspondance soient insurmontables en France alors même qu'ils sont parfaitement gérés dans tous les pays qui l'ont autorisé ? Qu'il s'agisse de l'acheminement du matériel de vote aux électeurs, de l'envoi ou du stockage des plis, la France doit être en mesure, comme ses voisins belges, allemands ou espagnols, de surmonter les difficultés logistiques inhérentes à cette modalité de vote.

La rédaction initiale de la proposition de loi visait à ouvrir la faculté de voter par correspondance postale ou par voie électronique à tous les scrutins. Nous avons entendu les réticences qui se sont exprimées sur ces sujets électoraux qui requièrent évidemment un consensus transpartisan. Nous savons aussi que de nombreux députés appartenant à divers groupes politiques, comme Cécile Untermaier qui a déposé une proposition de loi sur le même sujet, partagent la conviction que le vote par correspondance est un outil utile afin de lutter contre l'abstention, et qu'il est attendu par nos concitoyens : 57 % à 72 % d'entre eux se sont prononcés en faveur du vote par correspondance selon deux enquêtes d'opinion publiées en novembre 2020.

Pour trouver les voies d'un consensus et lever les doutes qui subsistent, nous vous proposerons par amendement de suivre au mot près la recommandation de la mission d'information de la conférence des présidents, présidée par le député Xavier Breton et dont le rapporteur était Stéphane Travert. Fruit d'un travail remarquable, collégial et approfondi, le rapport de la mission, qui fut approuvé par ses membres et publié en décembre 2021, indiquait que « le vote par correspondance doit pouvoir faire l'objet d'une réflexion renouvelée s'incarnant dans des expérimentations locales, en s'appuyant sur les expériences nationales et étrangères, afin de ne pas s'arrêter aux difficultés posées par cette modalité de vote, mais plutôt de chercher de manière lucide et volontariste à les résoudre ». La proposition 8 de ce rapport suggère d'« expérimenter le vote par correspondance et le vote par internet lors de prochaines élections locales ou de référendums d'initiative locale, dans les communes volontaires. »

Considérant que la solution trouvée par les membres de la mission d'information est équilibrée, nous vous proposerons par amendement à l'article 1er de la reprendre mot pour mot et de recourir à une simple expérimentation du vote par correspondance postale lors des élections municipales de 2026, sur une base volontaire, selon des modalités définies par décret. Je précise que l'amendement de rédaction globale que nous vous proposerons ne concerne que le vote par correspondance postale, et non le vote électronique. Cette expérimentation permettra de tirer les enseignements et de lever les doutes des uns et des autres. Cette méthode reposant sur l'expérimentation a été utilisée avec succès lors des élections européennes de 2019 s'agissant du vote par correspondance des personnes détenues, qui a fait l'objet d'une expérimentation avant d'être étendu.

Le vote par correspondance n'est évidemment pas l'unique remède à l'effondrement de la participation électorale dans notre pays. Mais alors que la méfiance des citoyens à l'égard de leurs représentants grandit de jour en jour, et alors que, de la méfiance à la violence, il n'y a qu'un pas, comme on l'a vu récemment, nous ne pouvons nous permettre d'écarter d'un revers de main toute modernisation de nos modalités de vote. Sur un sujet si important, prenons le temps de procéder à une expérimentation, comme l'a proposé la mission d'information de la conférence des présidents, forgeons notre conviction au feu de cette expérimentation, après quoi nous pourrons trancher en connaissance de cause.

Je conclurai en vous appelant, avec Victor Hugo, à rendre aux citoyens le bulletin de vote, fut-il par correspondance, pour mieux leur ôter le fusil.

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