Intervention de Frédéric Petit

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 15h00
Vote par correspondance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit :

et je suis venu, je le rappelle à M. Brindeau, le samedi précédant les élections, 3 juin 2017, et pas seulement le dimanche 4, puis à nouveau le samedi 17, non seulement le dimanche 18, pour faire – avec l'ensemble de ceux qui tenaient le bureau de vote – la mise à l'urne des votes par correspondance. Car le vote par correspondance est bien un vote à l'urne !

Ensuite, comme l'a rappelé M. le rapporteur, le vote par correspondance est largement utilisé dans ma circonscription, particulièrement en Allemagne ; il est donc très habituel pour de nombreux électeurs français, qui votent aussi en Allemagne.

Je voudrais rappeler quelque chose que l'on ne dit pas lorsque l'on parle d'exemples étrangers : le vote par correspondance existe aux États-Unis depuis la guerre de Sécession ; en Allemagne, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Cela ne pose aucun problème. Pourquoi cette modalité de vote, si précieuse dans ces pays, serait-elle impossible chez nous ?

Je reviens sur les points d'attention signalés par M. le rapporteur.

S'agissant du risque de fraude, il faut dépasser le traumatisme de 1975. C'était il y a quarante-sept ans ! Le système d'alors était archaïque. Aujourd'hui, je le redis, on vote par correspondance auprès du bureau de vote, devant les candidats et leurs représentants. Je vous renvoie à un avis de 1981, émis après trente ans d'élections par correspondance, par la cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui n'est pas connue pour sa souplesse : elle a estimé que les risques très faibles de fraude étaient de toute façon négligeables par rapport à l'augmentation de l'accès au vote, car ses effets sont bien réels tant sur le nombre de votants que sur l'intérêt des citoyens.

L'objection du vote sous influence ne tient pas non plus : il peut parfaitement exister, cela a été rappelé, dans le cas du vote par procuration. Les standards internationaux de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont d'ailleurs bien plus méfiants à l'égard du vote par procuration qu'à l'égard du vote par correspondance. Il suffit d'avoir fait un peu de terrain pour savoir que, lorsque l'on vient voter à l'urne et dans l'isoloir, certaines enveloppes sont préparées à la maison ; les téléphones portables permettent de faire des photos ; il y a la fraude que l'on appelle le carrousel… Le secret de l'isoloir est parfois détourné !

Et je vous assure qu'il serait sans doute plus facile à certains de voter discrètement par correspondance, hors des pressions familiales ou communautaires, dans les jours ou les semaines précédant le vote, qu'avec un vote à l'urne, par procuration ou pas.

Enfin, pour ce qui est de la solennité du vote, chère à notre ministre et à certains d'entre vous, elle est assurée par le rite de la mise à l'urne : il y a bien une mise à l'urne, avec un émargement – les mêmes listes d'émargement que celles du dimanche. Elle est également assurée par l'acte de vote lui-même : non, voter par correspondance, ce n'est pas cliquer sans y penser entre une série télé et un achat de chaussures ! Ce n'est pas un choix rapide, sans suivi, après une conversation – ce qui est, au passage, le cas du vote par procuration.

Le vote par correspondance, c'est plutôt un passage très long dans l'isoloir de son bureau, de sa cuisine – ce qui explique peut-être qu'il augmente la participation, alors que le vote par internet remplace le vote à l'urne. Par un autre biais de solennité, la procédure par correspondance permet à des électeurs de se poser face à la propagande électorale. Deux enveloppes, un papier, une signature : c'est aussi une forme de solennité et de gravité.

En ce qui concerne la logistique, nous avons auditionné La Poste, qui semble tout à fait prête, y compris pour ce qui est de l'utilisation d'outils modernes de traçage. Nous ne sommes plus en 1975, mais au XXIe siècle !

La question du calendrier doit être posée. Je vous ai rappelé tout à l'heure les dates : le premier tour de l'élection législative s'est tenu dans ma circonscription une semaine avant les vôtres, mes chers collègues. Ce n'est pas très compliqué, et il faut en effet à mon sens deux semaines entre les deux tours.

Sur la question du coût, il semble qu'il s'agisse d'un faux problème, surtout si le matériel de vote par correspondance est envoyé avec la propagande, ou après une demande formulée par l'électeur.

Je voudrais, pour terminer ce tour d'horizon, détruire une fois pour toutes un argument qu'on nous oppose régulièrement, madame la ministre déléguée. Oui, 24 % de votes des Français de l'étranger ont été annulés comme non valables en 2017, mais vous savez que j'ai rédigé à ce sujet deux rapports soulignant que nous avons inventé – la France en est capable – le système de vote par correspondance le plus compliqué qu'on puisse imaginer. Il y avait trois enveloppes différentes, et bien des électeurs ont eu du mal à comprendre dans laquelle il fallait glisser sa pièce d'identité signée.

Le groupe Démocrates soutiendra pleinement les amendements du rapporteur, qui tendent à rassurer ceux qui doutent : nous sommes prêts à prendre le temps pour cela.

Pour conclure, je voudrais partager avec vous une frustration. J'avais déposé un amendement, cosigné par l'ensemble de mon groupe, adaptant et renforçant l'engagement de ces citoyens dont on parle trop peu : ceux qui tiennent les bureaux de vote. Il s'agissait de les rendre plus visibles, de mieux les reconnaître et de mieux les accompagner. Je vous ai rappelé que le vote par correspondance implique qu'ils viennent aussi le samedi – dans certains pays, ils viennent même régulièrement au cours des semaines précédant l'élection.

Cet amendement a été jugé irrecevable parce qu'il ne présentait « pas de lien, même indirect » avec le sujet de la proposition de loi.

Même dans cette institution, malgré mes nombreuses interventions depuis quatre ans, on ne sait pas encore que le vote par correspondance est un vote à l'urne !

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