Intervention de Guillaume Gouffier-Cha

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 15h00
Vote par correspondance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Gouffier-Cha :

Nous sommes réunis aujourd'hui dans le cadre de la niche du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés pour examiner la proposition de loi qui vise à instaurer, en complément du vote traditionnel à l'urne, un vote anticipé à distance, en proposant un autre mode de vote qui réduirait l'abstention, laquelle concerne surtout les électeurs les plus jeunes. Si le groupe LaREM partage le constat d'une démocratie qui s'étiole à mesure que les électeurs désertent les urnes, nous sommes beaucoup plus partagés sur l'efficacité et la fiabilité du dispositif qui nous est proposé. Le débat sur la participation électorale est, selon nous, bien plus vaste et je salue, à cet égard, le rapport d'information publié, en décembre dernier, par Stéphane Travert et Xavier Breton, sur les ressorts de l'abstention, ainsi que les travaux de nos collègues Pacôme Rupin et Raphaël Schellenberger qui nous ont été présentés, hier, en commission des lois.

Dans le contexte de crise épidémiologique qui a justifié le report d'échéances électorales, des interrogations légitimes ont concerné l'instauration d'un vote à distance. Alors que nous observons, dans la société française actuelle, un antiparlementarisme de plus en plus fort et un rejet parfois violent du politique et de ses représentants, alors que certains se laissent aussi parfois tenter par toutes sortes de théories complotistes, le contexte ne nous paraît pas suffisamment serein et apaisé pour autoriser à grande échelle le vote par correspondance. Les électeurs français ont confiance dans le système en vigueur depuis plus d'un siècle, qui consiste à se rendre au bureau de vote le dimanche, à s'enfermer dans l'isoloir, à glisser son bulletin dans l'enveloppe, avant d'insérer celle-ci dans l'urne, sous le contrôle du président du bureau de vote et de ses assesseurs, citoyens bénévoles. Telle est la tradition électorale française qui assure le respect le plus total du secret du vote, donc de sa liberté. Nul, ici, ne peut contester la fiabilité de ce système qui garantit le consentement de l'électeur au vote et permet de s'assurer qu'il a fait un choix libre et éclairé, à l'abri de toute influence.

Aujourd'hui, des aménagements existent, qu'il s'agisse du vote par procuration ou du vote par correspondance. Ces modes de vote complémentaires permettent l'élection des députés représentant les Français de l'étranger et, depuis l'an dernier – c'était un engagement du Président de la République –, la participation des personnes incarcérées aux élections. Ces dispositifs complémentaires ont évidemment pour objectif d'améliorer la participation, et notre groupe souhaite faciliter le plus possible la démarche des électeurs. Du reste, pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a choisi d'encourager le recours au vote par procuration pour les élections municipales, puis pour les départementales et les régionales de 2021, en permettant à un électeur de porter deux procurations.

Rappelons que le vote par correspondance était possible jusqu'en 1975, date à laquelle il y a été mis un terme en raison de trop nombreux cas de fraudes, qui avaient provoqué l'annulation de nombreuses élections municipales et législatives. D'un point de vue purement logistique, nous sommes très dubitatifs quant à la possibilité d'acheminer le matériel de vote en temps et en heure jusqu'aux électeurs, compte tenu des erreurs et retards de distribution de la propagande électorale lors des dernières élections. Si cet acheminement paraît encore possible lorsque quinze jours s'écoulent entre les deux tours, comme pour l'élection présidentielle, tel n'est pas le cas lorsqu'il n'y a qu'une semaine entre le premier et le second tour.

De plus, tant que le vote sous influence – familiale, clientéliste, voire communautaire – ne pourra pas être évité, le vote par correspondance ne sera pas sécurisé – c'est là un enjeu fondamental. En effet, outre l'organisation de la confection et de l'acheminement des plis, qui s'avère, en pratique, complexe et coûteux au vu de notre mode de scrutin, il est nécessaire de garantir la sécurité du dispositif : vérification de l'identité de l'électeur, conservation sécurisée des plis et, enfin, garantie d'un contrôle indépendant.

Néanmoins, la question est légitime et doit être abordée dans le cadre du débat présidentiel à venir, car nous devons envisager l'utilisation de nouveaux outils pour attirer les Français, en particulier les jeunes, vers les urnes. Le vote par correspondance pourrait ainsi être expérimenté dans certaines communes volontaires, comme le propose effectivement la mission de MM. Travert et Breton, mais une telle expérimentation doit s'inscrire dans le cadre plus large d'une réforme de nos institutions.

Le groupe LaREM votera donc contre la présente proposition de loi.

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