Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 15h00
Vote par correspondance — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

En mai 1919, le débat faisait rage au Parlement français, alors même que les femmes avaient déjà le droit de vote dans un certain nombre de pays européens, comme en témoigne le Journal officiel que je tiens à votre disposition et dont j'ai exhumé certaines pages.

Le 8 mai 1919, Alexandre Desrousseaux, qui était député de la Seine, défendait, bien péniblement, une proposition de loi tendant à accorder aux femmes le droit de vote dans les élections aux conseils municipaux. Il rétorquait à un certain nombre d'opposants au droit de vote des femmes : « Oui, et quand nous montrons que le droit de vote et le droit d'éligibilité ont été conquis par les femmes presque en même temps dans les pays scandinaves, aux États-Unis, en Finlande et, plus récemment, aussi bien chez nos meilleurs alliés que chez nos pires ennemis, en Angleterre, en Allemagne, en Hongrie, dans toute l'Europe centrale, on nous dit : Oui, mais ce sont des pays protestants, où la femme n'est pas sous la direction du curé. »

Pendant ce temps-là, le 3 octobre 1919, le sénateur de l'Ain Alexandre Bérard présentait au Sénat un rapport dans lequel il écrivait : « La femme, à l'heure présente, n'a pas reçu encore une instruction civique suffisante. Elle va en trop grand nombre à l'église subir la direction du prêtre pour que nous ne craignions pas que cette direction se prolonge hors de l'église jusqu'à la salle de vote pour décider la femme à jeter dans l'urne un bulletin contraire à la République. »

Mes chers collègues, il a fallu attendre vingt-cinq ans après ces débats de 1919 pour que les femmes aient enfin le droit d'aller voter en France.

Bien sûr, l'enjeu n'est pas le même. Mais enfin, allons-nous nous dissimuler derrière des arguments centenaires pour refuser une modeste expérimentation ? Faudra-t-il encore attendre des années avant de nous doter, nous aussi, en France, comme d'autres pays l'ont fait, de cette faculté qui n'est ni obligatoire, ni généralisée, et qui permet à ceux qui habitent loin de l'endroit où ils sont inscrits et aux personnes qui, pour des raisons de santé ou du fait de leur handicap, ont des difficultés à se rendre dans le bureau de vote, de participer, eux aussi, à la décision démocratique ?

Ce que propose cet amendement, ce n'est pas la révolution, ni la table rase, mais simplement l'ouverture d'une possibilité, dans un cadre très expérimental, en vue de déterminer si, oui ou non, les doutes que nous avons – et qui sont légitimes – sont réellement fondés, ou si nous pouvons aller un peu plus loin dans la modernisation et la rénovation de nos instruments de vote.

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