Il y a aussi de la pauvreté en région parisienne, il faut le rappeler. Les loyers en Corse sont de plus en plus élevés, et les habitants ont des difficultés croissantes pour accéder au logement. Il me semble que nous pouvons tous nous accorder sur le caractère absolument insupportable de ce constat. Le maire du village de Zonza, que j'ai rencontré récemment, en témoigne : dans sa commune, 70 % des logements sont des résidences secondaires. Le problème, évident, n'est pas lié dans ce cas à une pénurie de logements mais à une part trop importante de résidences secondaires, inaccessibles aux personnes qui vivent sur place. Autrement dit – pour reprendre une vieille formule des années soixante-dix, qui me semble toujours juste –, on a le droit de vivre et de travailler au pays, mais on doit aussi avoir le droit de s'y loger ; c'est bien ce dont il est question.
C'est pourquoi notre groupe soutiendra la proposition de nos collègues corses, dont nous partageons les constats et les inquiétudes et avec lesquels nous reconnaissons le besoin de solutions concrètes et immédiates. Comme l'a dit mon collègue Acquaviva, nous sommes face à une rupture d'égalité manifeste et face à une injustice d'autant plus insupportable qu'elle pourrait inquiéter tous ceux qui ont choisi la voie démocratique et pacifique pour régler une question dont nous savons qu'elle est endémique depuis des décennies en Corse.
Nous avons, cela dit, des réserves sur la méthode et sur le recours à l'article 72 de la Constitution – M. Acquaviva le sait. J'ai en effet l'impression que ce texte cherche à répondre à deux questions différentes. La première, que je viens de décrire, concerne la situation du logement et des résidences secondaires. Mais il me semble que nous partageons aussi une interrogation quant à l'adaptation de nos institutions aux particularités de la Corse et aux aspirations exprimées à de nombreuses reprises par la souveraineté populaire. Vous savez, cher collègue Acquaviva, que de ce point de vue nous préférons voir évoluer – nous nous y sommes engagés – l'article 74 de la Constitution, ou rechercher avec vous des voies constitutionnelles nouvelles pour reconnaître la particularité corse.
Il nous semble aussi que la question de l'adaptation réglementaire pourrait servir pour toutes les zones touristiques et intéresser d'autres régions : si la question se pose en Corse de façon dramatique, comme je viens de l'évoquer, elle se pose également dans d'autres régions de France – vous l'avez dit, cher collègue – de façon tout aussi urgente.
Quoi qu'il en soit, notre constat reste le même : cette démarche pour la Corse et ses habitants est urgente et d'utilité publique. Qu'il s'agisse de mettre en œuvre le droit de préemption, de mieux taxer les résidences secondaires, d'envisager un statut du résident ou d'interdire les constructions dans certaines zones, il faut agir vite. Vous avez dit, madame la ministre, qu'il fallait agir avec pragmatisme et que vous y étiez prête, mais cela fait cinq ans que vous gouvernez et je ne constate pas que vous l'ayez fait. M. Macron « ne considère pas qu'on a réussi à aller suffisamment loin », selon ses propres termes, en matière de logement social. C'est une phrase compliquée, qui montre son embarras. Or de ce point de vue, il faut agir vite.