Intervention de Benjamin Griveaux

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 19h05
Commission des affaires économiques

Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je suis un enfant des crises. Ma génération est celle des crises : crise économique, sociale, politique, parfois même identitaire. En regardant les visages de ceux qui siègent dans cette salle, je constate que cette génération est fortement représentée dans votre commission.

Ces crises sont le symptôme de maux très français : l'immobilisme, les mauvaises habitudes, les situations de rente de secteurs entiers. À n'en pas douter, vos prédécesseurs sur ces bancs ont eu à subir des pressions de la part de tous les secteurs, des grands groupes en passant par les commerçants et les artisans, jusqu'aux professions libérales – c'est un fils de notaire qui vous le dit – et à d'autres encore. Depuis vingt-cinq ou trente ans, ces maux très français nous ont empêchés d'atteindre notre potentiel de croissance. Lorsque j'étais étudiant, j'écoutais religieusement mon professeur d'économie traiter du potentiel de croissance ; cela remonte à presque vingt ans. La mission de votre commission consiste à lever cet obstacle qui nous permettra peut-être demain d'atteindre notre potentiel maximal de croissance.

Ce n'est pas que la croissance économique soit la solution à tous les maux de la société française, mais elle permet, et c'est essentiel, de réintroduire de la mobilité dans notre société et dans notre pays. Nous devrions peut-être rebaptiser Bercy : plutôt que de la « forteresse », nous devrions parler du « ministère des mobilités ». Quel que soit le pan de l'économie française concerné, nous partageons tous la volonté que la société française retrouve de la mobilité. Nous ne supportons plus l'idée que celui qui se trouve dans un territoire y soit assigné à résidence parce qu'il ne dispose pas des bons réseaux ou qu'il ne détient pas le capital culturel, social ou familial nécessaire. Le Président de la République a fait de cette bataille le coeur de sa campagne, et cela a trouvé un écho dans le coeur des Français. L'horizon de nos compatriotes ne peut pas être l'assignation à résidence.

La mobilité est sans nul doute l'un des enjeux fondamentaux qui doit permettre au pays de reprendre confiance en lui, et à nos entreprises, à nos entrepreneurs et à nos créateurs d'être en première ligne.

Ce n'est pas l'État qui crée des emplois, mais les entreprises, les artisans, les commerçants, les TPE… Nous sommes là pour offrir un cadre, pour donner des impulsions, pour initier parfois et pour s'inscrire dans un temps long que les marchés comprennent moins. C'est le sens du fonds pour les innovations de rupture, qui ne correspondent pas à des cycles attendus par les marchés, notamment en matière de rentabilité. Le rôle de l'État est là plein et entier, comme il l'est aussi dans la Creuse, où il y a un problème de cohésion territoriale. Mais ce n'est pas à l'État d'organiser la création d'emplois ou de s'en porter garant : son rôle est de permettre et de faciliter.

L'attractivité de la place financière de Paris est une question fondamentale, non parce que nous aurions une passion immodérée pour les banquiers, malgré une tendresse particulière pour quelqu'un qui l'a été (Sourires), mais parce qu'on doit capitaliser sur ses forces et ses atouts. Paris est déjà la première place financière de la zone euro. Nous avons beaucoup travaillé depuis que nous sommes arrivés à Bercy et le regard sur la France a déjà changé, aussi bien sur le plan diplomatique, comme en témoigne la presse internationale, que chez les investisseurs, y compris les grandes institutions financières. Le Fonds monétaire international (FMI) tenait récemment à l'égard de notre pays des propos quasi élogieux. Nous le voyons aussi à l'occasion de rendez-vous bilatéraux avec certains acteurs, souvent de culture anglo-saxonne, qui avaient jusque-là un regard pour le moins condescendant sur notre pays. Ils y voyaient un musée à ciel ouvert assez intéressant et un lieu de villégiature parmi d'autres, mais pas une place financière forte de demain.

Nous disposons d'un des meilleurs systèmes universitaires de formation pour les métiers de la finance. Éminemment techniques, ils requièrent un savoir-faire important. Le paradoxe, terrible, est que nous dépensons beaucoup pour former les meilleurs financiers de la planète et qu'ils vont ensuite faire fructifier à l'étranger cet investissement de l'État. Autre atout, la position de la place de Paris est renforcée par la présence de grandes entreprises : on en compte trente-trois parmi les leaders mondiaux dans leur secteur. Il existe donc un écosystème solide, qui crée une relation avec les investisseurs étrangers sur d'autres plans que celui de la Bourse.

Le développement de l'attractivité financière ne consiste pas uniquement à faire venir quelques banquiers à Paris et à bénéficier du Brexit, même si c'est évidemment une opportunité. Nous allons jouer à plein notre carte, mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle nous devons faire de Paris une place financière attractive. Pour chaque emploi rapatrié ou créé dans ce secteur, deux ou trois autres emplois indirects voient immédiatement le jour. Un écosystème se met en place, avec de nombreuses professions très qualifiées telles que les avocats ou les auditeurs des cabinets de conseil. Cela contribuera au dynamisme de notre pays.

Parmi les différents leviers, le volet fiscalo-social est évidemment important, même si ce n'est pas le seul. Nous y avons travaillé avec la suppression de l'extension de l'assiette sur les opérations infra-quotidiennes de la taxe sur les transactions financières (TTF), comme l'a annoncé le Premier ministre, avec la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés autour de 25 % à la fin du quinquennat, ce qui nous rapproche de la moyenne européenne, située à environ 23 %, avec la suppression de la quatrième tranche – à 20 % – de la taxe sur les salaires, avec la réforme de l'ISF, avec le prélèvement fiscal unique sur les revenus du capital et avec la fin de la prise en compte des bonus dans le calcul des indemnités de licenciement, ce qui change la donne pour les employeurs dans les métiers de la finance.

Je ne serai pas long sur le volet travail, car vous avez déjà passé un certain temps sur ce sujet depuis quelques semaines. C'est un élément qui fait l'objet de nombreux fantasmes chez les investisseurs étrangers et qui est décisif dans nos échanges avec ces partenaires.

L'éducation est aussi absolument centrale. Si une grande institution financière rapatrie demain ses équipes à Paris, la question de la scolarisation des enfants se pose : y a-t-il, en particulier, des classes bilingues ou internationales ? Nos réponses ont eu un écho favorable : trois lycées internationaux seront ouverts dans les prochaines années, dont le premier en septembre 2018 à Courbevoie.

La qualité de la vie est un autre volet qui compte, en particulier s'agissant des infrastructures. Le projet du Charles-de-Gaulle-Express est un sujet important pour les milieux d'affaires, avec le système de santé et le logement. Il y a un modèle français, parfois assez difficile à définir et déformé à l'étranger.

Nous allons continuer à porter la bonne parole en nous faisant des « VRP », si j'ose dire. Pour changer le regard des investisseurs étrangers, il faut « mouiller le maillot » et j'invite tous les membres de votre honorable commission à en faire autant, notamment dans les groupes d'amitié auxquels vous appartenez. Le Gouvernement français est en train de changer l'environnement des affaires et de faire souffler un vent d'optimisme.

D'autres chantiers seront ouverts, mais nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir plus tard.

La question de la finance verte a été prise en compte dès les débats sur la loi relative à la transition énergétique, en 2015, avec l'instauration d'un reporting, et la France a été à l'origine d'une réflexion d'envergure internationale sur l'intégration du risque climatique dans le secteur financier. L'État a également innové en lançant la première obligation verte souveraine en janvier, pour un montant de 7 milliards d'euros. La place de Paris avait déjà organisé le premier Climate Finance Day en 2015 et nous avons réaffirmé en juin dernier, dans le cadre de la rencontre Europlace, le projet Finance for Tomorrow, qui vise à fédérer l'ensemble des acteurs pour faire de Paris le leader de la finance durable. Ces acteurs sont très divers : des responsables de la Banque de France, la mairie de Paris ou encore de grandes entreprises publiques, telles qu'EDF, et de grandes banques, comme la BNP. Lors du G20, le Président de la République a aussi annoncé la tenue d'un sommet sur le financement du climat qui se tiendra le 12 décembre à Paris. Ce sera l'occasion de démontrer notre dynamisme en matière de finance verte et de mobiliser encore davantage à l'international.

Au-delà de la finance verte, nous avons l'intention de travailler avec des outils tels que Business France pour développer une approche durable dans le monde économique et financier. On peut notamment penser à un équivalent du label French Tech. Nous serions heureux de pouvoir associer à ces travaux les membres de votre commission.

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