La commission des affaires économiques a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et de M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.
Mes chers collègues, avant d'entendre le ministre et le secrétaire d'État, auxquels je souhaite la bienvenue, je vous informe que notre commission va lancer une mission « flash » sur la couverture numérique du territoire. Les deux rapporteurs que nous désignerons concentreront leur travail sur une période de quelques semaines. Ils nous présenteront leurs conclusions autour de la mi-septembre avant que le Gouvernement ne prenne des initiatives en la matière.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, Monsieur le secrétaire d'État, je suis très heureux que notre première audition de membres du Gouvernement nous permette de recevoir deux personnalités dont les parcours politiques, professionnels, et personnels symbolisent l'ouverture, la diversité et l'ancrage dans la société civile.
Je salue la démarche innovante qui ne vous cantonne pas à deux portefeuilles strictement définis et séparés : vos compétences décloisonnées vous permettent d'intervenir dans tous les domaines. Cela me semble justifié parce que l'économie est partout. Notre commission a, elle aussi, vocation à décloisonner son approche. Au-delà des traitements sectoriels qui font sa force, elle doit être en mesure de faire des analyses plus globales de l'économie.
La semaine dernière, notre commission a tenu sa première audition en recevant le commissaire général et le commissaire général adjoint de France Stratégie qui nous ont présenté deux rapports. Le premier, intitulé Lignes de faille, décrit un pays dans lequel la fracture sociale et territoriale s'est accentuée. Cette audition nous a alertés sur l'état de dépression – le mot a été utilisé – qui caractérise l'économie française. Le second rapport, consacré aux perspectives à dix ans de l'économie française, nous a paru un peu plus positif. Il dresse une perspective de long terme en prenant en compte les nombreux défis qui nous attendent. Les deux intervenants ont plaidé pour « un État stratège, qui serait en mesure par l'investissement de répondre aux défis de modernisation de notre économie ». Cela tombe bien puisque le Gouvernement a des projets d'investissement.
Je pense d'abord au plan d'investissement de 50 milliards d'euros destiné à adapter les formations et à préparer aux emplois du XXIe siècle, mais aussi à moderniser les secteurs agricoles et à financer la transition énergétique, deux sujets auxquels notre commission s'intéresse particulièrement.
Il y a ensuite votre projet, Monsieur le ministre, de vendre des participations de l'État pour financer la création d'un fonds pour l'innovation qui participera au développement de projets en matière d'intelligence artificielle, d'impression 3D ou de « réalité augmentée », autant de sujets majeurs pour notre commission.
Au cours de la campagne électorale, dans ma circonscription des Français établis hors de France, en Amérique du Nord, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux entrepreneurs français qui ont su obtenir du succès à l'extérieur de nos frontières. Je les ai interrogés sur les raisons pour lesquelles ils avaient décidé d'entreprendre hors de France. Ils m'ont parlé de charges sociales, de lourdeurs administratives… Finalement, ils ont évoqué des problèmes que rencontrent tous les entrepreneurs qui veulent faire des affaires en France. Quel type de mesures comporterait un futur projet de loi sur le droit à l'erreur ou un projet de loi sur les entreprises de taille intermédiaire (ETI), afin de favoriser l'émergence d'une classe d'entrepreneurs dans notre pays ainsi que la multiplication de succès majeurs des petites et moyennes entreprises (PME) ?
La semaine dernière, j'ai assisté, tout comme M. Benjamin Griveaux, à la présentation par Paris Europlace des objectifs de son initiative en faveur de la finance verte et durable. Comment capitaliser sur le Brexit pour faire de la place française la capitale européenne de la finance verte ?
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous présenterons, en 2018, un projet de loi-cadre sur les TPE et les PME. Nous vous invitons à participer à l'élaboration de ce texte : toutes vos propositions et toutes vos suggestions sont les bienvenues, et je demanderai au Premier ministre que des parlementaires en mission soient nommés, dès le début du mois de septembre, pour travailler sur ce sujet. Vous êtes tous en contact avec l'univers des petites et moyennes entreprises, et certains d'entre vous sont même directement impliqués. J'attends vos propositions et vos suggestions afin que ce texte soit le plus proche possible des préoccupations des Français.
Si l'on dresse un panorama de l'économie mondiale, plusieurs éléments sont frappants.
Il y a d'abord la puissance des révolutions technologiques en cours. J'ai parfois le sentiment que l'on ne veut pas voir à quel point elles vont bouleverser totalement nos modèles économiques. Il y a vingt ans, nous avons manqué la révolution des logiciels, et nous avons laissé les grandes entreprises américaines – les Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA), Microsoft… – prendre le leadership exclusif de ce secteur. Désormais, toute notre économie dépend de ces groupes créés il y a une vingtaine d'années. Mais, aujourd'hui, une nouvelle révolution technologique est en cours qui concerne les données, avec l'intelligence artificielle comme moteur de recherche. Elle supprimera de nombreux emplois et en transformera de nombreux autres en profondeur. Dans cette perspective, je considère que la France et les États européens disposent d'atouts majeurs. Ne manquons pas cette révolution technologique !
Ma responsabilité de ministre de l'économie et des finances, sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République, consiste à accomplir la transformation économique de la France pour qu'elle puisse bénéficier à plein de la révolution technologique en cours. Il faut que nous ayons non pas un train de retard, mais plutôt un train d'avance.
Le petit frémissement de croissance constitue un autre élément remarquable du panorama général actuel. Nous avons d'ailleurs décidé de revaloriser les perspectives de croissance de notre pays pour 2017 et 2018, parce que nous voyons bien, en France, dans la zone euro et dans le reste du monde, que ces perspectives sont légèrement plus positives que prévues.
Cette amélioration doit nous pousser à aller au terme de la transformation économique du pays. Ne réitérons pas l'erreur qui a consisté, dans le passé, à renoncer aux réformes de structure parce que l'on enregistrait une légère amélioration de la situation, et que l'on arrivait finalement à s'en sortir ! Je suis persuadé, au contraire, que c'est parce que les choses vont mieux qu'il faut accomplir les transformations structurelles : celle du code du travail que porte Mme Muriel Pénicaud, celle de l'indemnisation du chômage qu'a proposée le Président de la République, et celle du système de formation professionnelle. Tous ces chantiers doivent aller à leur terme, car ils permettront à la France d'exploiter pleinement son potentiel de croissance.
La France s'est en effet toujours trouvée en dessous de son potentiel de croissance. J'ai longtemps été professeur – métier que j'ai adoré. Il n'y a rien de plus rageant que de voir un gamin aux qualités exceptionnelles qui ne parvient pas à les exploiter. La France est comme cela : elle a des potentialités exceptionnelles, des savoir-faire, des technologies, une forte structuration de son territoire, une administration efficace, une capacité d'innovation, de recherche et d'imagination extraordinaire, mais elle n'utilise pas ces atouts à plein. Je suis totalement déterminé à ce que nous utilisions à plein les qualités françaises pour retrouver un potentiel de croissance plein et entier. C'est cela qui créera de l'emploi pour les Français – et pas la dépense publique car, si tel était le cas, avec le niveau que nous atteignons, qui nous place en tête de l'Union européenne, nous devrions connaître le plein-emploi.
Les fragilités constituent un autre élément fort du panorama global que j'évoquais. Il faut en avoir pleinement conscience, car elles pèsent sur les perspectives économiques de la France.
Le risque de retour du protectionnisme doit être rangé parmi ces fragilités. L'attitude de la Chine et des États-Unis fait courir un risque qui peut avoir des effets sur le commerce mondial et, en conséquence, sur notre propre croissance.
Les crises internationales en cours constituent également un risque. Je pense, en particulier, aux migrations dont l'impact sur les pays européens peut être fort.
La faiblesse des grands organismes internationaux dans le domaine économique et financier peut aussi peser sur le potentiel de croissance de notre pays et de la zone euro.
Devant un tel panorama, je préfère regarder le verre à moitié plein, et je crois qu'il faut prendre les sujets à bras-le-corps pour accomplir la transformation économique dont j'ai parlé, et donner à chaque Français la possibilité de réussir et d'exploiter la potentialité qu'il porte en lui – et je parle bien de chaque Français.
Benjamin Griveaux et moi-même étions cet après-midi à La Souterraine, pour rencontrer les salariés de GM&S – c'est la raison pour laquelle nous avons dû vous demander de déplacer l'horaire de cette audition. Ce n'est pas parce que nous voulons que la France soit, demain, la première puissance économique européenne, qu'elle exploite ses capacités technologiques, qu'elle crée des start-up, qu'elle retrouve et développe un esprit entrepreneurial, que nous laisserons tomber les ouvriers de La Souterraine. Ceux qui veulent opposer la France qui gagne à la France qui souffre se trompent. La France ne gagnera que si ceux qui gagnent savent tendre la main aux Français qui souffrent, et que si tous ceux qui sont inquiets pour leur emploi et pour leur famille se disent qu'on ne les laissera pas tomber. L'objectif de notre déplacement à La Souterraine aujourd'hui était de dire à des ouvriers qui attendent désespérément depuis des mois des perspectives pour leur entreprise : « Nous ne vous laisserons pas tomber ». Nous pouvons tous nous rassembler autour de l'idée qu'il n'y a pas la France qui gagne et la France qui souffre ; il y a une seule France qui doit réussir collectivement.
J'en viens aux grandes décisions que nous avons décidé de prendre avec le Président de la République et le Premier ministre.
Nous voulons une fiscalité qui permette le développement de l'emploi et la réussite de nos entreprises. Elle doit d'abord revaloriser le travail. Toutes les cotisations maladie et chômage seront supprimées à partir de 2018 pour l'ensemble des salariés en contrepartie d'une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) de 1,7 point.
Cette fiscalité doit ensuite permettre aux Français de vivre mieux. Nous baisserons d'un point la pression fiscale entre 2017 et 2022. Les Français ne supportent plus le poids d'une fiscalité confiscatoire, et ils estiment surtout qu'ils n'en ont pas pour leur argent – elle serait supportable si tout fonctionnait correctement, mais ce n'est pas le cas. Dès 2018 interviendra une première étape de suppression de la taxe d'habitation qui touchera, à terme, 80 % des ménages.
La fiscalité doit aussi permettre à nos entreprises d'être plus compétitives. D'ici à la fin du quinquennat, nous abaisserons le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) à 25 %, ce qui correspond au taux moyen au sein de l'Union européenne. Cela nous amènera en particulier au niveau du taux d'IS allemand. Nous supprimerons l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui sera remplacé par un impôt sur les seules valeurs immobilières – autrement dit, les trois quarts de ses recettes auront disparu dès janvier 2018. Un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital sera instauré en lieu et place des dispositifs actuels afin de les simplifier et d'alléger la pression fiscale. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sera supprimé à compter des salaires versés en 2019, et transformé en un allégement direct des cotisations patronales. Nous estimons en effet que ce dernier dispositif, beaucoup plus efficace – il évite en particulier l'avance de trésorerie par les entreprises –, sera favorable aux PME.
La fiscalité doit enfin permettre de favoriser la transition écologique. La composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera augmentée de façon plus ambitieuse que ce que prévoit la loi sur la transition énergétique. Elle passera de 44,60 euros la tonne de CO2, en 2018, à 86,20 euros la tonne en 2022, au lieu de 64 euros la tonne dans la version en vigueur de la loi. Le tarif applicable au gazole sera progressivement aligné sur celui applicable à l'essence.
Au-delà des réformes de la fiscalité, nous entendons mener les indispensables réformes de structure que j'ai déjà évoquées.
Il faut d'abord refonder le marché du travail. La réforme du marché du travail dont l'Assemblée nationale est actuellement saisie est la mère de toutes les réformes, car elle constitue un signal d'une puissance incroyable envoyé aux salariés, aux chefs d'entreprise, mais également à tous nos partenaires économiques. Il y a quelques semaines, à New York, j'ai rencontré les grands investisseurs américains : ils sont impressionnés par le train de réformes engagées, notamment celle portant sur le marché du travail. En marge du conseil des ministres franco-allemand, la Chancelière et les ministres allemands des finances et de l'économie nous ont confirmé que la réforme du marché du travail signifiait pour eux que la France menait à bien les transformations devant lesquelles elle avait bien longtemps reculé.
Nous devons ensuite moderniser l'assurance chômage et les dispositifs de formation, mais aussi simplifier les régimes de retraite. La transformation du code du travail est la mère de toutes les réformes, mais elle n'est pas la fin des réformes ; elle n'est que leur début. C'est en allant vite et en allant loin, jusqu'au bout de la transformation économique du pays, que nous arriverons à récolter des résultats dans quelques années. Nous avons trop longtemps reculé en tablant sur nos atouts qui sont tellement puissants qu'ils nous ont permis de ne pas couler. Si nous sommes capables d'accomplir les transformations dont je parle, je suis convaincu que la France retrouvera une croissance forte, un chômage faible, un déficit commercial qui commencera enfin à se réduire, et des comptes publics mieux tenus.
Il faut enfin favoriser les PME et les TPE qui créeront le maximum d'emplois pour les Français. En France, il existe de très nombreuses PME extraordinaires, mais elles ne parviennent pas à grandir pour constituer l'équivalent d'un Mittelstand à l'allemande, c'est-à-dire un réseau d'entreprises de taille intermédiaire puissantes, solides, capables d'affronter les retournements de conjoncture par le chômage technique ou une meilleure collaboration avec les entreprises donneuses d'ordre, et d'exporter et de diversifier leurs marchés pour faire face aux aléas de la conjoncture.
Nous devons créer un Mittelstand à la française. J'ai déjà évoqué la méthode que nous emploierons. Entre les mois de septembre et décembre prochains, vous serez directement associés à l'élaboration d'un texte, des parlementaires en mission seront nommés, des entreprises donneuses d'ordre seront impliquées. À l'automne, j'inviterai cinq à dix des plus grandes entreprises françaises à rencontrer plusieurs dizaines de PME pour discuter de problèmes divers : délais de paiement, ordres, chômage technique, soutien en cas de crise… Je ne conçois pas que, lors des crises, les grandes entreprises allemandes soutiennent systématiquement leurs sous-traitants, et que l'on ne retrouve pas la même solidarité en France. Nous travaillerons collectivement en associant le plus grand nombre de personnes possible pour rédiger le projet de loi le plus efficace.
En plus des réformes fiscales et structurelles, si nous voulons saisir la révolution technologique en cours, nous devons investir massivement et faire de l'investissement dans l'innovation la priorité absolue.
Des instruments existent d'ores et déjà qui sont efficaces, comme le crédit impôt recherche (CIR). Je propose que nous n'y touchions pas, ou pas trop. Le troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3), qui s'inscrit dans la continuité des deux précédents, fonctionne également. Il a vocation à soutenir trois priorités : l'enseignement, la recherche et le développement des entreprises. Nous poursuivrons dans cette direction.
Nous mettrons toutefois en place deux instruments supplémentaires. Un grand plan d'investissement, de 50 milliards d'euros, voulu par le Président de la République, visera à mettre en oeuvre la transition écologique et énergétique, à augmenter l'activité économique et à améliorer l'efficacité du service public. Je propose également de compléter ces dispositifs par un fonds pour l'innovation de rupture, doté de 10 milliards d'euros issus du produit de la cession de certains actifs de l'État. Si l'on veut prendre l'avenir à bras-le-corps, plutôt que de gérer en bon père de famille les actifs de l'État dans un certain nombre d'entreprises du secteur concurrentiel, il est largement préférable de récupérer ces participations et de les investir dans un fonds qui financera des innovations de rupture. Elles nécessitent des investissements massifs, en particulier celles liées à l'intelligence artificielle ou aux piles lithium-ion.
Quel rôle l'État jouera-t-il dans la transformation économique de la Nation française ? Certains pensent que cette transformation passe par la disparition de son rôle économique. Pour ma part, je n'y crois pas du tout. Je crois en un rôle différent de l'État. Il doit créer l'environnement le plus favorable possible pour les entreprises, c'est-à-dire simplifier massivement, arrêter de contrôler de manière tatillonne pour, au contraire, aider les entrepreneurs, créer une fiscalité attractive qui attire les investisseurs, soutenir l'innovation – en particulier l'innovation de rupture qui n'est pas rentable.
L'État doit aussi défendre certains intérêts stratégiques du pays. Dans le domaine de l'énergie ou de la défense, par exemple, nous devons protéger nos intérêts, mais aussi protéger les Français. S'agissant d'un certain nombre de secteurs stratégiques, j'assume cette nécessité d'un rôle protecteur de l'État. La Chine défend ses intérêts stratégiques, tout comme les États-Unis ; l'État français doit pouvoir faire de même.
Enfin, le rôle de l'État consiste aussi à gérer des entreprises publiques. Si l'on pense à quelques cas précis – j'ai eu l'occasion de mentionner la gestion passée d'Areva –, l'on constate qu'il est possible de faire beaucoup mieux. Il revient à l'État d'être plus vigilant en matière de gestion des entreprises publiques. Que dire des dérapages en termes de coûts et de délai du chantier d'Hinkley Point ? L'État se contente habituellement de laisser faire. Je ne laisserai pas faire, et je ne laisserai pas passer ! Les entreprises publiques, financées avec l'argent des Français, doivent rendre des comptes à ces derniers. Lorsque l'on constate un dérapage qui atteint 1,5 milliard d'euros, il y a des comptes à rendre : nous demanderons à EDF de nous fournir toutes les explications nécessaires, et de nous présenter les mesures de redressement prévues.
En tant que parlementaires, vous avez un pouvoir de contrôle qui concerne aussi les entreprises publiques. Tous ceux d'entre vous qui souhaitent travailler avec moi au contrôle du fonctionnement des entreprises publiques, de leurs résultats, de leur gestion, de leurs plans stratégiques et de leurs choix économiques sont les bienvenus. Je suis tout à fait disposé à proposer au Premier ministre la nomination de parlementaires en mission pour examiner le fonctionnement de chacune de nos entreprises publiques.
Je suis un enfant des crises. Ma génération est celle des crises : crise économique, sociale, politique, parfois même identitaire. En regardant les visages de ceux qui siègent dans cette salle, je constate que cette génération est fortement représentée dans votre commission.
Ces crises sont le symptôme de maux très français : l'immobilisme, les mauvaises habitudes, les situations de rente de secteurs entiers. À n'en pas douter, vos prédécesseurs sur ces bancs ont eu à subir des pressions de la part de tous les secteurs, des grands groupes en passant par les commerçants et les artisans, jusqu'aux professions libérales – c'est un fils de notaire qui vous le dit – et à d'autres encore. Depuis vingt-cinq ou trente ans, ces maux très français nous ont empêchés d'atteindre notre potentiel de croissance. Lorsque j'étais étudiant, j'écoutais religieusement mon professeur d'économie traiter du potentiel de croissance ; cela remonte à presque vingt ans. La mission de votre commission consiste à lever cet obstacle qui nous permettra peut-être demain d'atteindre notre potentiel maximal de croissance.
Ce n'est pas que la croissance économique soit la solution à tous les maux de la société française, mais elle permet, et c'est essentiel, de réintroduire de la mobilité dans notre société et dans notre pays. Nous devrions peut-être rebaptiser Bercy : plutôt que de la « forteresse », nous devrions parler du « ministère des mobilités ». Quel que soit le pan de l'économie française concerné, nous partageons tous la volonté que la société française retrouve de la mobilité. Nous ne supportons plus l'idée que celui qui se trouve dans un territoire y soit assigné à résidence parce qu'il ne dispose pas des bons réseaux ou qu'il ne détient pas le capital culturel, social ou familial nécessaire. Le Président de la République a fait de cette bataille le coeur de sa campagne, et cela a trouvé un écho dans le coeur des Français. L'horizon de nos compatriotes ne peut pas être l'assignation à résidence.
La mobilité est sans nul doute l'un des enjeux fondamentaux qui doit permettre au pays de reprendre confiance en lui, et à nos entreprises, à nos entrepreneurs et à nos créateurs d'être en première ligne.
Ce n'est pas l'État qui crée des emplois, mais les entreprises, les artisans, les commerçants, les TPE… Nous sommes là pour offrir un cadre, pour donner des impulsions, pour initier parfois et pour s'inscrire dans un temps long que les marchés comprennent moins. C'est le sens du fonds pour les innovations de rupture, qui ne correspondent pas à des cycles attendus par les marchés, notamment en matière de rentabilité. Le rôle de l'État est là plein et entier, comme il l'est aussi dans la Creuse, où il y a un problème de cohésion territoriale. Mais ce n'est pas à l'État d'organiser la création d'emplois ou de s'en porter garant : son rôle est de permettre et de faciliter.
L'attractivité de la place financière de Paris est une question fondamentale, non parce que nous aurions une passion immodérée pour les banquiers, malgré une tendresse particulière pour quelqu'un qui l'a été (Sourires), mais parce qu'on doit capitaliser sur ses forces et ses atouts. Paris est déjà la première place financière de la zone euro. Nous avons beaucoup travaillé depuis que nous sommes arrivés à Bercy et le regard sur la France a déjà changé, aussi bien sur le plan diplomatique, comme en témoigne la presse internationale, que chez les investisseurs, y compris les grandes institutions financières. Le Fonds monétaire international (FMI) tenait récemment à l'égard de notre pays des propos quasi élogieux. Nous le voyons aussi à l'occasion de rendez-vous bilatéraux avec certains acteurs, souvent de culture anglo-saxonne, qui avaient jusque-là un regard pour le moins condescendant sur notre pays. Ils y voyaient un musée à ciel ouvert assez intéressant et un lieu de villégiature parmi d'autres, mais pas une place financière forte de demain.
Nous disposons d'un des meilleurs systèmes universitaires de formation pour les métiers de la finance. Éminemment techniques, ils requièrent un savoir-faire important. Le paradoxe, terrible, est que nous dépensons beaucoup pour former les meilleurs financiers de la planète et qu'ils vont ensuite faire fructifier à l'étranger cet investissement de l'État. Autre atout, la position de la place de Paris est renforcée par la présence de grandes entreprises : on en compte trente-trois parmi les leaders mondiaux dans leur secteur. Il existe donc un écosystème solide, qui crée une relation avec les investisseurs étrangers sur d'autres plans que celui de la Bourse.
Le développement de l'attractivité financière ne consiste pas uniquement à faire venir quelques banquiers à Paris et à bénéficier du Brexit, même si c'est évidemment une opportunité. Nous allons jouer à plein notre carte, mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle nous devons faire de Paris une place financière attractive. Pour chaque emploi rapatrié ou créé dans ce secteur, deux ou trois autres emplois indirects voient immédiatement le jour. Un écosystème se met en place, avec de nombreuses professions très qualifiées telles que les avocats ou les auditeurs des cabinets de conseil. Cela contribuera au dynamisme de notre pays.
Parmi les différents leviers, le volet fiscalo-social est évidemment important, même si ce n'est pas le seul. Nous y avons travaillé avec la suppression de l'extension de l'assiette sur les opérations infra-quotidiennes de la taxe sur les transactions financières (TTF), comme l'a annoncé le Premier ministre, avec la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés autour de 25 % à la fin du quinquennat, ce qui nous rapproche de la moyenne européenne, située à environ 23 %, avec la suppression de la quatrième tranche – à 20 % – de la taxe sur les salaires, avec la réforme de l'ISF, avec le prélèvement fiscal unique sur les revenus du capital et avec la fin de la prise en compte des bonus dans le calcul des indemnités de licenciement, ce qui change la donne pour les employeurs dans les métiers de la finance.
Je ne serai pas long sur le volet travail, car vous avez déjà passé un certain temps sur ce sujet depuis quelques semaines. C'est un élément qui fait l'objet de nombreux fantasmes chez les investisseurs étrangers et qui est décisif dans nos échanges avec ces partenaires.
L'éducation est aussi absolument centrale. Si une grande institution financière rapatrie demain ses équipes à Paris, la question de la scolarisation des enfants se pose : y a-t-il, en particulier, des classes bilingues ou internationales ? Nos réponses ont eu un écho favorable : trois lycées internationaux seront ouverts dans les prochaines années, dont le premier en septembre 2018 à Courbevoie.
La qualité de la vie est un autre volet qui compte, en particulier s'agissant des infrastructures. Le projet du Charles-de-Gaulle-Express est un sujet important pour les milieux d'affaires, avec le système de santé et le logement. Il y a un modèle français, parfois assez difficile à définir et déformé à l'étranger.
Nous allons continuer à porter la bonne parole en nous faisant des « VRP », si j'ose dire. Pour changer le regard des investisseurs étrangers, il faut « mouiller le maillot » et j'invite tous les membres de votre honorable commission à en faire autant, notamment dans les groupes d'amitié auxquels vous appartenez. Le Gouvernement français est en train de changer l'environnement des affaires et de faire souffler un vent d'optimisme.
D'autres chantiers seront ouverts, mais nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir plus tard.
La question de la finance verte a été prise en compte dès les débats sur la loi relative à la transition énergétique, en 2015, avec l'instauration d'un reporting, et la France a été à l'origine d'une réflexion d'envergure internationale sur l'intégration du risque climatique dans le secteur financier. L'État a également innové en lançant la première obligation verte souveraine en janvier, pour un montant de 7 milliards d'euros. La place de Paris avait déjà organisé le premier Climate Finance Day en 2015 et nous avons réaffirmé en juin dernier, dans le cadre de la rencontre Europlace, le projet Finance for Tomorrow, qui vise à fédérer l'ensemble des acteurs pour faire de Paris le leader de la finance durable. Ces acteurs sont très divers : des responsables de la Banque de France, la mairie de Paris ou encore de grandes entreprises publiques, telles qu'EDF, et de grandes banques, comme la BNP. Lors du G20, le Président de la République a aussi annoncé la tenue d'un sommet sur le financement du climat qui se tiendra le 12 décembre à Paris. Ce sera l'occasion de démontrer notre dynamisme en matière de finance verte et de mobiliser encore davantage à l'international.
Au-delà de la finance verte, nous avons l'intention de travailler avec des outils tels que Business France pour développer une approche durable dans le monde économique et financier. On peut notamment penser à un équivalent du label French Tech. Nous serions heureux de pouvoir associer à ces travaux les membres de votre commission.
Vos interventions ont suscité beaucoup d'intérêt, puisque j'ai d'ores et déjà noté vingt-cinq demandes de parole !
Merci pour cette présentation de la vision stratégique du programme économique d'Emmanuel Macron et des prochains mois. Je voudrais vous interroger sur le fonds de dix milliards d'euros pour financer les innovations de rupture. Je salue cette annonce qui fait directement écho à une promesse de campagne d'Emmanuel Macron : il avait annoncé la création d'un fonds destiné à garantir un financement pérenne de l'innovation et de l'industrie du futur. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que nous ayons en 2030 des entreprises françaises d'une taille comparable aux GAFA, par exemple.
Le Président de la République souhaitait notamment accompagner les transitions industrielles des territoires, démultiplier la dynamique des industries du futur et permettre aux entreprises de développer des solutions innovantes. Comme l'a souligné le président de la commission, cela concerne notamment de nouvelles technologies liées à l'intelligence artificielle, à l'impression 3D ou à la réalité augmentée.
J'aimerais vous demander où en est la réflexion sur l'utilisation du fonds, sur le calendrier de sa mise en place et sur ses destinataires, dans la mesure où des entreprises et des partenaires potentiels seraient déjà identifiés. Par qui ce fonds serait-il piloté et a-t-il vocation à être pérennisé, en plusieurs phases de dix milliards d'euros ? Dans l'affirmative, comment serait-il alimenté à long terme ?
Je suis assez surpris que la question du chômage, endémique en France, n'ait pas été mentionnée un seul instant. Si vous vous mobilisez comme vous le faites, je pense que c'est bien évidemment pour faire en sorte que le chômage recule. Comme on ne peut être efficace qu'en se fixant des objectifs, quels sont-ils concrètement, et quel est le calendrier ?
Il y a ensuite la question des moyens. Ils sont notamment liés à la compétitivité de l'économie française, ce qui suppose notamment de la stabilité fiscale, alors que nous avons vécu des annonces contradictoires ces derniers jours. Espérons que cela va prendre fin et qu'il y aura un calendrier fiscal clair, sur lequel on ne reviendra pas. Cela suppose aussi des allégements de charges et un rétablissement des marges des entreprises. Le choc de compétitivité aura-t-il vraiment lieu ? On pourrait aller beaucoup plus vite en la matière. Cela suppose également de la simplification : en France, tout projet prend deux fois plus de temps qu'en Allemagne. Que peut-on faire pour vraiment simplifier ? Il y aussi la question de la concurrence déloyale que subissent beaucoup d'entreprises françaises, d'artisans et d'agriculteurs. Je pense en particulier à la directive sur les travailleurs détachés. Pouvez-vous nous dire un mot sur les améliorations à apporter en Europe ?
J'en viens à une question dont vous n'avez pas parlé, mais qui est pour moi majeure : la formation professionnelle. Si l'on veut que le chômage recule, il ne suffit pas de relancer l'activité économique : il faut aussi faire en sorte de mieux former ceux qui n'ont pas d'emploi aujourd'hui et ceux qui veulent évoluer dans leur vie professionnelle.
Nous devons notamment aider les PME à se restructurer pour devenir des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les PME sont souvent confrontées à des problèmes d'évaporation de marché et de temporalité auxquels les administrations, les banques et l'inspection du travail ne répondent pas. Il faudrait adapter les outils pour aider les PME, ce qui n'est pas nécessairement onéreux. Le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est adapté pour une entreprise de 250 salariés, mais très lourd quand elle en a cinquante. Faute de ressources humaines suffisantes et de possibilité d'anticiper l'évolution des marchés, on préfère licencier par vagues, ce qui est aussi chronophage, voire déposer le bilan.
Je voudrais d'abord confesser au ministre le trouble qui m'a saisi durant les questions au Gouvernement, lorsque j'ai entendu le ministre de l'action et des comptes publics faire le même exposé que lui, mais en le justifiant au nom du pouvoir d'achat des Français. J'ai craint, à un moment, que le Gouvernement n'ait choisi de sacrifier aux objectifs de court terme ceux que vous avez rappelés : le soutien au potentiel de croissance et à la création d'emploi, qui doivent s'inscrire dans un effort de long terme et sont essentiels pour que la France puisse redresser la tête.
Ma question porte sur les cessions d'actifs et la bonne gestion des entreprises publiques. Le véritable sujet est le conflit d'intérêts potentiel entre l'État actionnaire et l'État stratège ou arbitre. Comment comptez-vous faire la part des choses ? On n'imagine pas que l'État se désengage complètement des entreprises publiques, mais il faut en même temps qu'il garde une saine distance dans leur gestion. C'est un équilibre assez compliqué à mon sens.
Je confirme à M. Antoine Herth que nous sommes à Bercy pour transformer l'outil économique français et pour permettre à notre pays d'exploiter pleinement son potentiel de croissance et les révolutions technologiques en cours. Nous transformons le marché du travail, ce qui est structurel et non conjoncturel.
Nous allons développer le capital humain, qui est la clef absolue. Il y aura une transformation en profondeur du système de formation professionnelle, car il n'est pas aujourd'hui adapté aux demandes. Il y a une exigence éducative extrêmement importante : le patron d'Axa nous dit qu'il n'a plus besoin des jeunes formés pour être actuaires, mais de codeurs. Alors qu'ils sortent tout juste de leur formation, il va falloir leur en donner une autre, et c'est vrai dans beaucoup de métiers.
J'en viens au soutien à l'activité économique, ce qui me permet de répondre à la remarque de Monsieur Daniel Fasquelle. Il s'agit de libérer totalement le potentiel de création de richesse des entreprises, d'améliorer leur profitabilité, de baisser l'impôt sur les sociétés et d'améliorer l'attractivité financière du pays, avec une fiscalité telle que le prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital, afin d'attirer davantage d'investisseurs. Notre stratégie économique consiste à libérer les capacités de croissance en France.
S'agissant de l'État stratège ou arbitre, je considère que les grandes entreprises publiques ne peuvent pas être des Républiques autonomes. Elles y ont parfois un peu tendance : on ne rend pas de comptes, au motif que les responsables publics n'auraient pas à y mettre leur nez. Or ces entreprises fonctionnent avec l'argent du contribuable, et elles ont donc des comptes à rendre aux Français. Le ministre de l'économie et des finances a pour responsabilité de s'assurer que la gestion est optimale. On pense souvent que c'est trop compliqué et que les patrons de la SNCF, d'EDF, de la RATP ou d'Areva sont seuls souverains et maîtres à bord, mais ce n'est pas ma conception du rôle de l'État à l'égard des entreprises publiques. Nous devons nous assurer que leur gestion est la meilleure possible, la plus efficace, la plus économe des deniers publics et la plus rentable. Comme vous êtes des représentants du peuple français, je vous propose de participer à cette mission de contrôle de nos entreprises publiques.
Le fonds pour l'innovation sera abondé par des cessions d'actifs à partir de la rentrée. Il montera progressivement en puissance, car nous n'allons pas récolter immédiatement dix milliards d'euros : les cessions doivent se faire dans des conditions de marché optimales. Il ne s'agit pas de brader les participations de l'État.
Ce fonds doit s'inscrire dans la durée. Plutôt qu'un fusil à un coup, il faut disposer d'un outil de long terme pour le financement de l'innovation de rupture. Nous travaillons actuellement sur sa mise en oeuvre : la structure juridique et les modalités de placement des sommes investies sont en cours de discussion.
Il y a aussi à rendre un arbitrage dont nous discutons avec le Président de la République, le Premier ministre et les spécialistes, en nous inspirant notamment des modèles étrangers. Une première option est celle des concours financiers, sur le modèle de ce qui existe aux États-Unis avec la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) : le fonds pourrait apporter un concours direct à une innovation de rupture identifiée par une grande entreprise ou une PME qui aurait besoin, à un moment donné, de 2 à 15 millions d'euros. La DARPA a ainsi prévu un prix pour le meilleur véhicule autonome capable de parcourir 100 kilomètres dans le désert. Une autre possibilité serait d'investir sous forme de subventions dans les projets les plus risqués et à long terme des entreprises industrielles, sur des sujets tels que l'intelligence artificielle, la réalité augmentée, la fabrication additive ou les nouveaux matériaux. Voilà les deux modalités, d'ailleurs potentiellement complémentaires, qui sont envisagées pour ce fonds.
Je veux dire aussi à Monsieur Daniel Fasquelle que si je n'ai jamais employé le mot de chômage pendant mon intervention, c'est que j'ai beaucoup utilisé celui d'emploi. Je préfère me projeter vers le futur et la création d'emplois que vers le passé et le chômage de masse.
J'ajouterai seulement quelques mots sur la formation professionnelle. Ce fut un enjeu important des dernières élections et c'est un des outils de la politique du Gouvernement en matière d'emploi. Il y aura des discussions approfondies avec les partenaires sociaux, mais le Président de la République a déjà précisé qu'environ un tiers du plan d'investissement général irait à la formation. Pour des salariés perdant leur emploi dans un territoire difficile d'accès, sans avenir industriel garanti, et qui ont passé 25 ans à faire le même métier, la formation professionnelle est absolument décisive. Ce sera un élément central dans la politique économique que nous mettrons en place et qui commence à voir le jour avec les débats sur la loi « Travail ».
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous avez dans votre portefeuille la gestion de l'actionnariat de l'État. Je voudrais vous interroger sur la recomposition du capital des chantiers STX de Saint-Nazaire. Après la faillite de l'actionnariat coréen en 2016, c'est l'industriel italien Fincantieri qui a été choisi par le tribunal de commerce de Séoul pour reprendre les chantiers. Cette reprise a suscité quelques interrogations et même des inquiétudes quant à l'avenir de ce site industriel français. Un accord avait néanmoins été trouvé, en avril 2017, prévoyant la répartition suivante du capital : 48,7 % pour Fincantieri, 6 % pour une fondation de Trieste, 12 % pour le groupe de construction navale DCNS et 33 % pour l'État français.
Le 31 mai dernier, lors de l'inauguration du nouveau paquebot Meraviglia – à laquelle j'avais la chance d'assister, comme vous, Monsieur le ministre –, le Président de la République a indiqué que les équilibres de principe trouvés en avril devaient être revus. La crainte est désormais de voir l'industriel italien privilégier ses propres sites en Italie, voire de transférer notre savoir-faire ailleurs, notamment en Chine. Pour répondre à cette révision des équilibres, l'hypothèse de l'entrée au capital de deux armateurs a été évoquée, sans que l'on ait plus de précisions. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous informer sur les perspectives qui se dessinent en matière d'équilibre du capital, de maintien d'un savoir-faire industriel sur le site, et de l'avenir financier des chantiers ? Ceux-ci ont normalement un carnet de commandes assuré pour les onze prochaines années, ce qui est assez exceptionnel.
Lors de sa conférence de presse, le 10 juillet dernier, M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, a évoqué un plan d'économies sans précédent de 4,5 milliards d'euros. Expliquant que la France devait respecter ses engagements européens – nous pouvons vous suivre sur ce point –, il a notamment annoncé une réduction majeure des dépenses, qui suscite nos interrogations.
On ne commente plus la baisse de 850 millions d'euros du budget de la défense, mais on note que le budget du ministère des affaires étrangères sera réduit de 282 millions, celui de l'intérieur de 526 millions, celui de la justice de 160 millions, celui de l'éducation nationale de 75 millions et celui de la culture de 50 millions. Il a aussi annoncé un effort du ministère de l'économie et des finances.
Quand, dans la même semaine, le dialogue engagé avec les collectivités locales prévoit une baisse de moyens de l'ordre de 13 milliards d'euros, on peut s'interroger sur les conséquences économiques de ces choix. Si elle ne se décrète pas, la croissance doit se nourrir aussi de l'effet levier de la dépense publique. Je prends à dessein l'exemple des collectivités locales qui, grâce à leurs investissements, sont les premières à remplir les carnets de commandes des entreprises privées. Quand les communes, les départements et les intercommunalités n'investissent plus, ce sont les entreprises qui ne peuvent plus vivre et qui n'embauchent plus.
Vous annoncez également une grande vague de réduction de l'emploi parmi les travailleurs du service public qui, eux-mêmes, vivent, consomment et contribuent à faire tourner notre économie. Ne craignez-vous pas que ces restrictions budgétaires annoncées, au-delà de la vertu souhaitée, n'entraînent des conséquences économiques fortes qui ne vous permettront pas de réaliser votre mission : gagner la bataille de l'emploi ? Je dirige une très petite entreprise, comme nombre de collègues, et je ne pense pas qu'une révision du code du travail et une réduction de la fiscalité suffisent pour atteindre cet objectif et permettent de remplir les carnets de commandes. En outre, toutes les entreprises ne bénéficieront pas de la révolution numérique. Ne pensez-vous pas que cette baisse des moyens accordés aux collectivités est contre-productive ?
Nous avons assisté à une présentation peu surprenante, empreinte d'un fort libéralisme assumé. Monsieur le ministre, vous dites ne pas vouloir opposer la France qui gagne à la France qui souffre, ce qui tranche positivement avec le discours tenu par le Président de la République aux start-up. J'en prends acte. Vous m'avez aussi fait sourire en réactualisant une phrase de Raymond Barre : alors qu'il voulait « mettre un frein à l'immobilisme », vous nous parlez de mobilité.
Ma première question porte sur les cessions d'actifs. Comment ces ventes sont-elles conciliables avec la préservation des intérêts stratégiques de l'État et des emplois industriels concernés ? Précisons que le processus peut concerner notamment Air France, Renault – c'est-à-dire notamment les sites normands de Sandouville, Cléon et Dieppe –, DCNS ou le groupe Peugeot. Si l'État cède ses participations, comment pourra-t-il garantir la poursuite des politiques industrielles de ces entreprises au service de l'emploi et des territoires concernés ?
Ma deuxième question est inspirée par la danse du ventre à destination de la City, qui témoigne d'une grande capacité d'imagination quand il s'agit de séduire la finance. Aurez-vous autant d'imagination pour faire en sorte que les 46 milliards d'euros redistribués en 2017 sous forme de dividendes puissent ne pas se traduire par des suppressions d'emplois. L'une des caractéristiques des entreprises qui distribuent des dividendes est de mettre en oeuvre des licenciements de compétitivité. « L'État qui protège » envisage-t-il de s'emparer de ce sujet ?
Ma troisième question porte sur la structuration des filières industrielles. La politique industrielle ne doit pas seulement être au service des pôles de compétitivité et d'innovation, elle doit aussi être en faveur des territoires oubliés et humiliés, des villes moyennes qui sont aussi la sève d'une République une et indivisible.
Mes premières questions portent sur les cessions d'actifs publics annoncées au début du mois de juillet. Quelles sont les participations qui seront cédées ? Est-ce la participation dans Renault, ce qui laisserait les mains libres au patron de cette entreprise qui s'est augmenté sa rémunération de 167 % en 2015 alors qu'il avait instauré le gel des salaires dans le cadre d'un accord de compétitivité en 2013 ? Comptez-vous vendre Aéroports de Paris (ADP) ? Nous avons une référence en la matière, la privatisation partielle de l'aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB). M. Emmanuel Macron avait promis que les actionnaires ne se verseraient pas de dividendes. Ces mêmes actionnaires s'y étaient d'ailleurs engagés mais, un an plus tard, ils ont décidé de prélever 20 millions d'euros sur la réserve de 60 millions que détenait ATB. Quelles actions concrètes comptez-vous entreprendre pour vous assurer que les actionnaires respecteront leurs engagements ?
J'aimerais aussi vous interroger sur l'accès au crédit des PME et TPE qui, comme vous l'avez dit, participent à la création de la richesse et d'emplois dans notre pays. Dans l'Ariège, les banques refusaient de faire crédit à Recycarbo, une entreprise située à Laroque-d'Olmes. Le financier venu à la rescousse, au grand soulagement de tous, s'est révélé être un concurrent désireux de vampiriser l'entreprise avant de la fermer, la dépollution du site ayant été réglée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Prenons aussi l'exemple de la Filature de Dreuilhe, qui aurait pu doubler le nombre de ses salariés après avoir décroché un marché. Il lui manquait 50 000 euros, après avoir obtenu 450 000 euros sous forme de subventions. Les banques ont refusé de prêter la somme, même si le patron mettait sa maison en garantie. L'entreprise a été vendue. Pourquoi ne pas mettre en place un financement public pour accorder aux PME et TPE les prêts que les banques commerciales refusent de leur faire, ce qui pourrait passer par une banque publique d'investissement ?
S'agissent du financement des TPE, Madame Bénédicte Taurine, je ne me reconnais guère dans les discours de ceux qui nient tout problème d'accès au crédit pour les entreprises de notre pays. Si les PME et les grandes entreprises ont accès au crédit, ce n'est pas le cas des TPE, qui peinent parfois à trouver 5 000 euros, 10 000 euros ou 15 000 euros. Cela peut être un boulanger qui veut refaire son pas-de-porte, un serrurier qui a besoin de rénover l'intérieur de son magasin.
Au passage, je répète à M. Sébastien Jumel que le pays que nous voulons construire est une France pour tous les Français et pas seulement pour les grands et les gagnants. J'ai demandé à La Poste d'être cette banque qui apportera les moyens dont ils ont besoin à ceux qui cherchent un petit crédit. Pourquoi La Poste ? Parce qu'elle a la surface financière et les relais sur le territoire pour le faire, et parce qu'elle peut parfaitement compléter l'action de Bpifrance ou de structures financières plus lourdes qui prêtent des montants plus importants. Étant élu d'un territoire rural qui a connu la désindustrialisation, je sais à quel point les petites entreprises ont du mal à se développer et je serai particulièrement attentif dans ce domaine.
Le député de Dieppe m'interpelle aussi sur le libéralisme. Vous pouvez mettre les étiquettes que vous voulez sur qui vous voulez, mais je veux que l'on sache bien quel type de produit se trouve dessous. Mon libéralisme n'est pas du laisser-aller ni du laisser-faire.
Quand je suis arrivé à Bercy, il n'y avait pour l'entreprise GM&S de La Souterraine aucune offre de reprise, aucun investissement en vue, aucun soutien prévu de l'État. Si j'avais appliqué les règles d'un libéralisme sauvage, j'aurais suivi les recommandations qui m'ont été faites : « laissez tomber, ce site n'a pas d'avenir », « la Creuse, c'est trop loin », « La Souterraine, c'est perdu ». J'ai eu exactement la réaction inverse.
Après des semaines de négociations que nous avons conduites avec M. Benjamin Griveaux, où en sommes-nous ? Il y a une offre de reprise présentée par un repreneur sérieux. Quinze millions d'investissements supplémentaires vont être réalisés dans cette usine dont 5 millions d'euros vont être apportés par l'État. Si le libéralisme sauvage se caractérise par le fait que l'État investit dans une entreprise en difficulté, il va falloir qu'on change les étiquettes ! Les groupes Renault et Peugeot vont aussi accorder 5 millions d'euros chacun – le président de Peugeot lui-même s'y est engagé hier. GM&S a des commandes sécurisées représentant un montant de 22 millions d'euros sur les cinq années à venir. Ces commandes ne sont pas tombées du ciel ; elles sont le fruit de négociations. L'État a pesé de tout son poids pour que GM&S ait un avenir. J'estime qu'il appartient à l'État de ne pas laisser tomber une entreprise industrielle située dans un département reculé dont l'accès est difficile.
Vous parlez de l'État actionnaire et de Sandouville. Vous connaissez comme moi, Monsieur Sébastien Jumel, les chiffres de l'emploi à Sandouville. La présence de l'État au capital de Renault n'a pas empêché la ville de perdre des centaines et des centaines d'emplois. Si l'État actionnaire garantissait l'emploi, cela se saurait. Ce qui garantit l'emploi, c'est la compétitivité d'une entreprise et sa capacité à prendre des parts de marché, ce n'est pas la présence de l'État à son capital. Renault – entreprise qui fonctionne remarquablement bien et qui va devenir l'un des premiers constructeurs automobiles du monde – apporte la preuve que l'important est la compétitivité. Si la présence de l'État au capital était une garantie, Sandouville compterait encore plus de 4 000 emplois, comme il y a une dizaine d'années.
Madame Sophie Errante, vous étiez à Saint-Nazaire pour inaugurer le nouveau paquebot construit par STX et fêter un événement particulièrement positif : les chantiers navals ont engrangé 4,5 milliards d'euros de commandes, ce qui leur garantit des années d'activité. La composition du capital prévue pour STX ne nous satisfaisait pas. Le Président de la République l'a dit clairement : cette fondation de Trieste, détentrice de 6 % des parts, n'était finalement qu'un faux nez permettant à l'actionnaire italien de maîtriser 54 % du capital.
De nouveaux équilibres seront définis dans les heures qui viennent. Les Italiens sont les bienvenus. Fincantieri, industriel renommé, est le bienvenu. Sa présence au capital de STX doit nous permettre de lancer une coopération franco-italienne de grande qualité dans le domaine de la construction navale. Je suis allé à Rome pour le dire aux autorités italiennes : il n'y a pas de suspicion, pas de rejet, au contraire. Nos amis industriels italiens sont les bienvenus pour développer l'activité et l'emploi de STX sur le site de Saint-Nazaire.
Cet actionnariat comptera aussi Naval Group, c'est-à-dire l'ex-DCNS, l'État et les salariés. Il est important d'associer les salariés au capital de l'entreprise, pour qu'ils puissent bénéficier directement du produit de leur travail et des bons résultats qu'ils obtiennent. C'est dans ce cadre que nous définirons les nouveaux équilibres. J'ose espérer que, dans les jours qui viennent, nous parviendrons à nous entendre avec les autorités italiennes sur la définition de ce nouvel équilibre, qui doit permettre, je le répète, d'ouvrir la voie à une grande coopération franco-italienne dans le domaine de la construction navale.
Madame Marie-Noëlle Battistel, je voudrais vous répondre au sujet des dépenses publiques. La France a un niveau de dépenses publiques record en Europe, ce qui implique un niveau de prélèvements obligatoires tout aussi record. Les dépenses publiques avoisinent 57 % du PIB, ce qui nous place très loin de la moyenne européenne. Il faut s'attaquer à ce nouveau mal français. Depuis 1974, il n'y a pas eu un seul budget voté à l'équilibre. En 1974, je n'étais même pas né. Cela fait quarante-trois ans que nous sommes intoxiqués, très dépendants à la dépense publique.
Il ne s'agit pas de faire baisser la dépense publique seulement pour la faire baisser. Il n'y a pas de fétichisme du taux de 3 % ou à l'égard d'une croyance en la vertu absolue de la baisse de la dépense publique. Pourquoi faut-il la faire baisser ? Parce que moins de dépense publique cela veut dire moins d'impôts pour les Français. À maintes reprises, nos concitoyens nous ont dit à tous, quelles que soient nos sensibilités, que la pression fiscale était trop forte et que le niveau des prélèvements obligatoires était trop pesant dans notre pays. La pression fiscale est trop forte sur nos concitoyens, nos entrepreneurs, artisans et commerçants.
Moins de dépense publique c'est aussi moins de dette. Ce n'est pas anodin quand on croit à l'État stratège, à la capacité des pouvoirs publics à organiser la vie de la cité, quel que soit le domaine d'intervention. Un État endetté a moins de marges de manoeuvre, il s'ampute chaque jour de moyens d'agir sur le réel. La dette est l'ennemie d'un État stratège, engagé, présent au niveau central ou territorial. En ayant moins de dette, nous retrouvons une part de notre souveraineté. Notre objectif est d'arriver à un taux d'endettement d'environ 92 % du PIB à la fin du quinquennat. Il y a dix ans, l'Allemagne et la France avaient un endettement comparable. Le taux d'endettement de l'Allemagne n'a pas évolué alors que le nôtre a progressé de 30 points. Nous aimerions nous passer de cette exception française ; nous devons apprendre à nous en départir.
Il est une autre conséquence de la réduction de la dépense et de la dette que M. Bruno Le Maire mesure à chaque fois qu'il rencontre ses homologues européens, à chaque conseil franco-allemand : un tel mouvement permet de gagner en crédibilité auprès de nos partenaires. Nous ne pourrons pas réorienter la politique de l'Europe et réarmer l'Union européenne, ce qui est nécessaire, si nous ne sommes pas capables d'être exemplaires et de respecter des engagements que nos voisins ont réussi à tenir. Si nous voulons que la France retrouve de la crédibilité politique vis-à-vis de ses partenaires européens, nous n'avons pas le choix : nous devons d'abord respecter les règles établies en commun. Celui qui ne respecte pas la règle est sans doute le plus mal placé pour prétendre en élaborer de nouvelles pour l'avenir, afin que l'Union européenne soit moins bureaucratique, plus proche et plus protectrice à l'égard des Français. Nous n'y arriverons qu'à cette condition.
J'en viens aux collectivités locales. C'est un ancien élu local qui vous parle : j'ai été chargé des finances au conseil général de Saône-et-Loire, un beau département à la fois industriel et rural, avant que ne soient créés les conseils départementaux. Lorsque j'y suis arrivé, nous étions parmi les départements les moins bien classés en termes de gestion financière : beaucoup d'emprunts toxiques, des investissements très surévalués mais pas toujours très stratégiques. Les élus se sont mis autour de la table, en dépassant les questions de sensibilité, parce que le département risquait d'être placé sous tutelle, situation où l'on remet les clefs au préfet et les élus ne servent plus à rien.
Les conseillers généraux de tous bords se sont posé une question : quelles sont les missions fondamentales de notre collectivité. Croyez-moi, nous avons dégagé des marges de manoeuvre et, en fin de mandat, nous avions collectivement redressé les finances. Nous avons fait confiance aux fonctionnaires territoriaux et cru en leurs capacités à innover et à nous proposer des choses nouvelles. La contrainte budgétaire et financière qui pesait sur nous était telle que, si nous avions fait comme d'habitude, nous n'avions aucune chance d'échapper à la tutelle.
Lors de la Conférence nationale des territoires qui s'est tenue la semaine dernière au Sénat, le Président de la République a indiqué que l'effort de 13 milliards d'euros n'était pas le « coup de rabot » habituel, car il s'accompagnait d'un accroissement de la liberté et des responsabilités des collectivités locales. Nous allons faire confiance aux collectivités et les laisser mener des politiques expérimentales allant dans le sens d'un objectif partagé : la dépense globale doit diminuer. En échange, elles auront plus de liberté d'action, plus de capacité à expérimenter et à innover pour parvenir à cette baisse des dépenses.
Connaissant bien les finances départementales, je n'ignore pas certaines données terribles : l'effet de ciseaux qui fait que les dépenses de revenu de solidarité active (RSA) augmentent avec le nombre des allocataires en cas de crise ; les dépenses liées à la dépendance qui augmentent très vite dans des départements vieillissants. Cela étant, les services de la fonction publique territoriale sont capables de faire preuve d'une incroyable inventivité.
L'exercice que nous faisons au niveau de l'État devra être pratiqué au niveau de la fonction publique territoriale. Je suis certain que les élus y trouveront aussi matière à innover en matière de service rendu au citoyen. À la fin des fins, notre seul juge de paix est la qualité du service que l'on rend aux Français. Est-elle meilleure ? Dépenser plus revient-il à rendre un meilleur service au Français ? Je ne le crois pas ; je suis même assez convaincu du contraire.
Comme il nous reste de nombreuses questions, je demande à chacun d'être encore plus concis.
Mon intervention porte sur les mesures concernant les entreprises. Vous avez parlé de la suppression du CICE en 2019, de la baisse de l'IS dont le taux sera ramené à 25 % pour se situer dans la moyenne européenne. En revanche, je n'ai pas entendu parler de la suppression du régime social des indépendants (RSI), qui est très attendue par les entrepreneurs. À quelle échéance une telle mesure pourrait-elle être mise en application ?
Le Président Emmanuel Macron a assuré nos partenaires européens, notamment l'Allemagne, que la France respecterait les exigences du traité européen, en l'occurrence le maintien du déficit public sous la barre des 3 % du PIB. Cette promesse est le préalable à toute négociation ultérieure avec l'Allemagne sur l'avenir de la zone euro. Comment comptez-vous faire respecter cet engagement, sachant que la croissance reste poussive et que les économies prévues sur la dépense sont progressives contrairement à la série de mesures fiscales attendues immédiatement par les particuliers et les entreprises ?
Vous arrivez directement de l'entreprise GM&S. Je salue cette mobilisation générale – Gouvernement et élus – pour sauver nos entreprises. Cela me permet de rebondir sur deux sujets : l'industrie française, en particulier la filière automobile ; et le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Votre collègue chargé de la transition écologique a récemment fait part de sa volonté d'aligner la fiscalité du diesel sur celle de l'essence et d'en finir avec les véhicules thermiques d'ici 2040. Si les véhicules diesel rejettent effectivement davantage de particules fines, il n'en demeure pas moins qu'ils sont utilisés par une large part de la population : ils représentent les deux tiers des ventes de véhicules neufs, et il n'est pas nécessaire de rappeler qu'ils sont les favoris de ceux qui circulent beaucoup. Si le prix du litre de diesel venait à augmenter, les entreprises – notamment de transport routier – et les ménages en souffriraient. L'impact serait particulièrement sensible dans les milieux ruraux où les gens se déplacent pour aller travailler, accéder aux services publics, etc. Les ruraux utilisent leur voiture très fréquemment, sur de longues distances. Leur pouvoir d'achat est donc menacé. J'aimerais que vous puissiez rassurer nos concitoyens car le pouvoir d'achat est un ingrédient important d'une bonne politique de croissance.
Pour éviter le matraquage fiscal que supportent nos concitoyens ne serait-il pas plus pertinent de soutenir la recherche-développement de nos industriels du secteur automobile – constructeurs, équipementiers et autres – plutôt que de jouer sur la fiscalité ? C'est une manière de jouer la carte de la transition écologique.
Pour rebondir sur l'intervention de mon collègue Daniel Fasquelle, je voudrais vous poser la question suivante : quels sont vos objectifs qualitatifs, quantitatifs et calendaires en matière d'inversion de la courbe du chômage ?
Tout d'abord, j'indique que je souscris pleinement à la philosophie de la politique annoncée pour votre ministère.
La France fait partie d'un ensemble, l'Union européenne, qui est un acteur majeur de nos performances économiques. Comment inscrivez-vous l'action de votre ministère dans les politiques menées par Bruxelles ? Dans le domaine agricole – je suis moi-même agriculteur – je sais que nous dépendons de façon importante des aides de la politique agricole commune (PAC), qui diminuent à chaque renégociation, à un moment où le secteur est en difficulté.
La récente décision juridictionnelle sur l'imposition de Google m'incite aussi à vous interroger sur la stratégie européenne à l'égard des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – en matière de fiscalité. Y a-t-il une stratégie visant à imposer ces géants qui utilisent au mieux les systèmes de défiscalisation ? Qu'en est-il des distorsions fiscales et sociales entre pays ? Quant à la politique financière de l'Allemagne, génératrice de forts excédents commerciaux, ne pensez-vous pas qu'elle ne favorise pas la compétitivité des autres pays européens ?
Étant allé à Bordeaux pour l'inauguration de la ligne à grande vitesse (LGV), j'aimerais aussi vous interroger sur la dette de la SNCF, qui atteint 46 milliards d'euros. Y a-t-il un plan spécifique concernant cette entreprise ?
Mon intervention se situera dans le droit fil de celles de mes deux prédécesseurs sur la question européenne qui, à mes yeux, est l'un des sujets-clefs. Le Gouvernement, qui m'a l'air déterminé à faire bouger les lignes, s'est-il fixé un objectif en termes de convergence, notamment dans le domaine fiscal ? Où en est-on en ce qui concerne la directive sur les travailleurs détachés dont nous parlons depuis si longtemps ? Quels objectifs avez-vous en termes de moyens et de calendrier ?
Le Gouvernement va réduire la taxe d'habitation. Envisagez-vous une réflexion stratégique globale pour aller vers une fiscalité écologique ? Nous avons en mémoire l'échec de l'écotaxe, notamment en Bretagne, mais il faut néanmoins préparer l'opinion publique à cette évolution.
Ma dernière question rejoint les propos de M. Sébastien Jumel à propos des politiques de filières, que celles-ci soient nouvelles – il y a une petite dizaine d'années, j'ai constaté l'échec de la structuration de la filière photovoltaïque –, ou anciennes comme celles du textile, de la maroquinerie, de la chaussure, ou encore du granit. Pendant l'ancienne législature, nous avons travaillé pour obtenir l'indication géographique pour le granit de Bretagne. Je pense que l'on peut donner des suites intelligentes à ce type de travaux. Quelles sont la volonté et la stratégie du Gouvernement en la matière ?
Je vais m'efforcer d'être bref, mais vos questions sont si larges, complètes et pertinentes qu'il n'est pas simple d'être laconique.
Je commencerai par la question européenne. Oui, notre objectif est de transformer, dans les cinq années qui viennent, l'union monétaire en union économique. C'est un objectif historique. Jusqu'à présent, nous avons été incapables de progresser dans la voie de cette transformation. Or, j'estime que nous bénéficions d'une fenêtre de tir de quelques mois qui doit nous permettre de lancer les travaux nécessaires pour parvenir à cet objectif. La méthode consiste à travailler main dans la main avec l'Allemagne. Du reste, je le rappelle, nous avons d'ores et déjà créé, avec le ministre des finances allemand, M. Wolfgang Schäuble, un groupe de travail consacré à cette nouvelle étape de l'intégration de la zone euro, groupe de travail que les Allemands avaient toujours refusé jusqu'à présent. Nous avons ainsi un cadre ; cela n'a l'air de rien mais c'est important. Nous associerons ensuite l'Espagne et l'Italie à nos travaux. Nous souhaitons présenter nos premières grandes orientations lors du Conseil européen de décembre prochain, afin que les chefs d'État aient un texte sur lequel travailler.
Quelles sont ces orientations ? La première, c'est l'union bancaire, que nous pouvons achever rapidement.
La deuxième, c'est la convergence fiscale. Nous estimons pouvoir nous accorder avec l'Allemagne, d'ici à 2018, sur une convergence concernant l'impôt sur les sociétés, d'abord sur ses bases, puis sur ses taux. Ensuite, il nous faudra étendre cet accord aux autres membres de la zone euro. Ne nous voilons pas la face : ce ne sera pas simple. De fait, certains de ces États ont fait du dumping fiscal le fondement même de leur modèle économique. Je pense notamment à nos amis Irlandais, qui attirent Google, Amazon ou Facebook en pratiquant un taux d'IS de 13 % alors qu'il est encore de plus de 30 % en France. Le débat est donc forcément complexe, car les intérêts économiques en jeu sont très lourds.
La troisième orientation, c'est un budget de la zone euro doté d'une capacité d'investissement, car c'est aussi en investissant que nous pourrons créer des emplois.
La quatrième, c'est la création d'un fonds monétaire européen. Il est en effet difficile d'accepter que le Fonds monétaire international (FMI) intervienne dans la zone euro, comme il le fait actuellement. Il n'est tout de même pas très glorieux que les États européens soient incapables de s'occuper eux-mêmes de la dette grecque. Un fonds monétaire européen devra pouvoir gérer les éventuelles difficultés de ce type.
Enfin, à terme – car cela n'a de sens que si ces réformes sont accomplies –, un ministre de la zone euro sera chargé de piloter l'ensemble.
En ce qui concerne la SNCF, dont le niveau d'endettement est extraordinairement élevé, nous sommes en train d'étudier les différentes solutions possibles. Dans le nouvel environnement concurrentiel, une reprise totale ou partielle de la dette de SNCF Réseau ne peut pas être envisagée sans une transformation profonde de la SNCF qui lui permette d'obtenir de meilleures performances économiques. Nous allons donc y travailler, et nous vous présenterons de premières orientations le plus rapidement possible.
S'agissant de Google, Amazon et Facebook, c'est vrai, nous n'avons pas obtenu gain de cause. Mais le ministre de l'action et des comptes publics a fait appel du jugement et, croyez-moi, je ne lâcherai pas le morceau. Il est en effet hors de question que les géants du numérique puissent utiliser leurs clients français, allemands ou italiens tout en payant des impôts absolument dérisoires. En fait, notre système fiscal n'est pas adapté, et ils profitent de ses failles. Je suis donc déterminé à obtenir sa révision – et celle du système fiscal européen, sans quoi cette révision serait vaine – afin que ces grandes entreprises, qui sont par ailleurs les bienvenues en Europe, acquittent les impôts qu'elles doivent payer en fonction des profits qu'elles tirent de leur utilisation des consommateurs européens. Une taxation du chiffre d'affaires numérique, par exemple, me semble une orientation intéressante, et j'espère que nous parviendrons à la mettre en oeuvre le plus vite possible dans le cadre du dispositif européen d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). À l'échelle de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), nous travaillons sur la notion d'établissement stable numérique, qui peut également être extraordinairement profitable et efficace. Mais je souhaite que nous accélérions ; ces travaux ont duré trop longtemps. Encore une fois, ces entreprises sont les bienvenues, mais elles doivent payer au Trésor public les impôts dont elles sont redevables. Je ne lâcherai pas le morceau. C'est une question de justice et d'efficacité économique ; il en va de la défense de nos intérêts économiques.
Sur l'agriculture, l'ancien ministre de l'agriculture que je suis est intarissable. Je ne me lancerai donc pas sur le sujet, compte tenu de l'heure tardive. Mais je sais qu'il y a beaucoup d'exploitants agricoles parmi vous, et je tiens à leur rendre hommage. Certes, nous avons besoin de filières industrielles fortes, mais nous devons faire, pour les paysans français, beaucoup plus – et j'y prends toute ma part – que ce que nous avons fait jusqu'à présent.
M. Julien Dive m'a interrogé sur la convergence des fiscalités du diesel et de l'essence. Honnêtement, personne ne peut comprendre que le diesel, qui rejette des particules fines, soit moins taxé que l'essence, même si celle-ci rejette d'autres éléments nocifs pour la santé. Cela n'a aucun sens ! Le tout est de parvenir à cette convergence de manière progressive et supportable. C'est pourquoi nous n'alignerons pas la fiscalité du diesel sur celle de l'essence en un an. En outre, nous maintiendrons les exonérations existantes pour les transporteurs et les agriculteurs et nous créerons un chèque énergie au profit des ménages modestes, pour soutenir ceux qui sont le plus touchés par cette mesure et qui ont le moins de moyens financiers. Enfin, j'ai évoqué le fonds de dix milliards d'euros consacré à l'innovation de rupture. Je suis tout à fait disposé à ce que l'État participe au financement d'innovations telles que les travaux en cours sur la pile lithium-ion.
Pour conclure, je reviens sur la fiscalité du diesel. Certes, deux tiers des véhicules neufs actuellement vendus roulent au diesel, mais vous connaissez trop bien le sujet, Monsieur Julien Dive, pour ne pas savoir que ces ventes baissent fortement. J'ajoute que, lorsque vous allez chez le concessionnaire Peugeot de votre circonscription – à Évreux, au hasard –, il est le premier à vous dire que, si vous achetez une 508 en version diesel, vous n'aurez amorti votre véhicule que lorsque vous aurez fait 200 000 kilomètres. À moins que vous ne fassiez plus de 60 000 ou 70 000 kilomètres par an, il vous recommandera donc chaudement de choisir un véhicule à essence.
Merci, Monsieur le ministre, pour ce conseil aux consommateurs que nous sommes. Comme je rentre d'Amérique du Nord, j'envisage d'acheter un véhicule et j'en tiendrai compte dans mes calculs.
J'ajouterai un mot sur le RSI. Ce sujet est évoqué de manière récurrente par les organisations professionnelles, qui ont des mots relativement durs pour ce régime dont les coûts de gestion associés sont très importants, parfois trop. Les délais sont également très longs. Les mesures de simplification pourraient donc s'y appliquer de manière utile. En tout état de cause, sa suppression, le Premier ministre l'a rappelé dans son discours de politique générale, sera engagée en 2018 en vue de son adossement au régime général.
Mon intervention sera brève, Monsieur le ministre, car vous venez de répondre en grande partie à ma question. Celle-ci porte en effet sur les stratégies industrielles, notamment en matière de nouvelles technologies. Une grande partie des bénéfices réalisés par les grandes entreprises de ce secteur sont contrôlés hors de France et d'Europe. Vous nous avez indiqué ce que vous prévoyiez de faire pour récupérer une partie de cette valeur au plan fiscal. D'autres mesures peuvent-elles être envisagées ?
Monsieur le ministre, puisque vous nous avez invités à dire ce que nous pensons, permettez-moi d'exprimer mon point de vue en toute franchise, dans le respect de vos convictions.
Cela fait plus de trente ans que les patrons appellent au secours et reçoivent des aides, nationales et européennes. Ils engrangent ainsi de l'argent, souvent sans être soumis à aucun contrôle, et on connaît le résultat : après avoir parfois imposé aux salariés davantage de flexibilité, ils ferment l'entreprise et délocalisent leur activité. Ne pourrait-on pas envisager que, dans un tel cas, les subventions versées à l'entreprise soient restituées à l'État puisqu'il s'agit d'argent public ?
Ensuite, il est vrai que, dans le secteur automobile, la production a augmenté de 23 % depuis 2013, mais nous partons de loin car elle avait diminué de 47 % en 2005. Surtout, on observe que plus la production augmente, moins il y a d'emplois directs puisqu'on privilégie l'intérim. Comment inverser la tendance et accroître le nombre des emplois directs ?
Enfin, en ce qui concerne l'innovation, ne faut-il pas réfléchir au développement des moteurs à hydrogène ?
Dans l'Antiquité romaine, on faisait des sacrifices en espérant s'attirer la bienveillance des dieux. Aujourd'hui, on a le sentiment que c'est un peu la même chose : nos dieux sont les investisseurs, et il faut leur adresser un message, lequel tient moins à la réalité de la réforme qu'à ce qui peut en transparaître.
Vous parlez de la dette, mais je me demande si ce n'est pas vous qui la creusez avec votre politique. Suppression de l'impôt sur la fortune pour les actionnaires, approfondissement du CICE, diminution de l'impôt sur les sociétés : autant de mesures qui ont pour conséquence de diminuer les recettes fiscales et donc d'augmenter le déficit public. Pour mémoire, en 1985, le taux de l'impôt sur les sociétés était encore de 50 % en France, de 43 % en République Fédérale d'Allemagne et de 35 % en Grande-Bretagne. Mais le grand marché européen a instauré une concurrence fiscale telle qu'on nous demande sans cesse de diminuer ce taux. Vous avez ainsi déclaré au Financial Times que vous accordiez des réductions d'impôt aux riches. J'ignore si votre politique fiscale va appauvrir les pauvres, mais il est certain qu'elle enrichira les riches.
Je vous propose une politique alternative, qui consisterait, par exemple, à supprimer le CICE, dont l'inutilité a été démontrée dans un certain nombre de rapports, notamment celui de France Stratégie. Cette mesure coûte 24 milliards d'euros par an ; il y a donc là une manne financière que l'on peut récupérer. De manière générale, 110 milliards d'euros sont distribués aux entreprises. Je ne suis pas hostile aux aides aux entreprises, mais je souhaiterais qu'elles soient ciblées, premièrement, sur les PME, deuxièmement, sur les entreprises qui sont véritablement soumises à la concurrence internationale et, troisièmement, sur celles qui font partie des filières d'avenir.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré dans l'hémicycle que les Français ne supportaient plus le poids de la fiscalité confiscatoire. Or, une des réformes qui les inquiètent, en particulier les retraités, est l'augmentation de la CSG. Dans ma circonscription de l'Hérault, les « petits » retraités – cet adjectif n'a rien de méprisant dans ma bouche – ne cessent de m'en parler. Concrètement, malgré l'exonération dont bénéficient les très petites retraites, l'augmentation de la CSG affectera tout de même 60 % des retraités. Actuellement soumis à un taux de 6,6 %, ils seront désormais taxés à hauteur de 8,3 %. « Aux plus aisés des retraités, je demanderai cet effort pour avoir un système plus intelligent pour leurs enfants et leurs petits-enfants », s'est justifié M. Emmanuel Macron. Or, il est difficile de qualifier d'aisées les personnes qui perçoivent une pension de 1 200 euros par mois pour une personne seule et de 1 837 euros pour un couple. Cette réforme s'attaque donc à ceux qui ont travaillé toute leur vie et qui sont loin de figurer parmi les plus riches.
Bref, les retraités, confrontés au gel des pensions et au déremboursement des médicaments, qui les concerne au premier chef, sont clairement les perdants de votre politique. Ils constituent de véritables cibles fiscales captives, puisqu'ils ne manifesteront pas dans les rues ni n'organiseront des opérations escargot pour se faire entendre. Ne trouvez-vous pas injuste que votre mesure phare touche ainsi des personnes qui ont travaillé, parfois très durement, toute leur vie ? Quelles solutions ou, plus exactement, quelles compensations pourriez-vous leur proposer ?
L'augmentation de la CSG n'est pas un choix facile, mais nous l'assumons. Le choix a été présenté, en toute transparence, aux Français, qui l'ont ratifié lors de l'élection présidentielle, puis des élections législatives, auxquelles j'étais moi-même candidat. Ce choix politique consiste à permettre à ceux qui travaillent de percevoir à la fin du mois un salaire plus important. La CSG, je le rappelle – et vous avez eu l'honnêteté de le dire, Madame Emmanuelle Ménard –, ne concernera pas les retraités les plus modestes, puisque le seuil a été fixé à 1 200 euros pour une personne seule et à environ 1 800 euros pour un couple. Encore une fois, c'est un choix politique. Il s'agit de demander aux retraités de consentir un effort en faveur de l'emploi des générations qui viennent. Je préfère le dire ainsi, car on a trop souvent annoncé, dès que l'on prenait une décision difficile et courageuse – et c'est une décision difficile et courageuse –, qu'on la compenserait par ailleurs, de sorte que la mesure n'avait plus aucun sens, ce que l'on gagnait d'un côté étant perdu de l'autre.
J'assume cette décision que, je crois, beaucoup de Français comprennent. J'entends parfaitement les inquiétudes des retraités, mais il me semble que, dans l'intérêt général du pays, ceux qui travaillent doivent être, demain, mieux rémunérés qu'ils ne le sont aujourd'hui.
M. François Ruffin a fait référence à l'antiquité romaine et, de fait, il a renoué avec le ton un peu véhément des Catilinaires de Cicéron. Remettons sereinement les choses à plat. Non, la politique fiscale ne se résume pas à des cadeaux pour les riches. La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages contribue à alléger la fiscalité pour tous les Français, notamment les plus modestes. Supprimer toutes les charges salariales perçues au titre de l'assurance chômage et de l'assurance maladie est un moyen de redonner, à la fin du mois, de l'argent aux Français qui travaillent. Je pourrais citer d'autres mesures qui ne sont pas de nature fiscale et qui ont un coût important pour le budget de l'État, mais qui me paraissent légitimes car elles bénéficient aux plus fragiles ; je pense, par exemple, à l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés.
Sur la dette, nous avons un point de divergence, Monsieur François Ruffin. Je crois, quant à moi, que le meilleur moyen de diminuer la dette est de retrouver de la croissance, et donc d'améliorer les rentrées fiscales. Or, pour cela, il faut alléger la pression qui pèse aujourd'hui sur ceux qui créent de la richesse, c'est-à-dire les entrepreneurs. Au bout du compte, c'est la seule façon de faire baisser la dette : la France doit créer plus de richesses, plus d'emplois et exploiter pleinement son potentiel économique. Nous aurons l'occasion, je l'espère, de poursuivre ce débat.
Un mot sur les stratégies industrielles, qu'a évoquées Mme Christine Hennion. Je rappelle qu'outre le volet fiscal, il y a un aspect que nous n'avons pas du tout évoqué et qui est pourtant absolument capital ; je veux parler de la politique commerciale internationale. Au G20, c'est un des sujets de discussion les plus durs avec les présidents chinois, russe et américain. Nous souhaitons avoir accès aux marchés publics des États dont les ressortissants ont accès à nos propres marchés publics. Ce qui est possible pour les investisseurs chinois en France doit l'être pour les entreprises françaises en Chine, dans le cadre d'un commerce équitable fondé sur un principe de réciprocité. Par ailleurs, nous voulons protéger nos entreprises stratégiques contre des investissements hostiles et, à cette fin, nous adopterons avec l'Allemagne de nouveaux dispositifs. C'est un enjeu majeur.
Enfin, nous refusons le dumping pratiqué par certains. M. Thierry Benoit a évoqué les panneaux solaires chinois. Si l'industrie du photovoltaïque a disparu en Europe, notamment en France, nous ne devons nous en prendre qu'à nous-mêmes et à notre faiblesse. Lorsqu'on refuse d'accorder des aides d'État à une entreprise qui émerge dans ce secteur et qu'on laisse entrer en Europe des panneaux photovoltaïques largement subventionnés par l'État chinois, ne nous étonnons pas de n'avoir, au bout du compte, que nos yeux pour pleurer.
Je concentrerai mon propos sur la situation des PME françaises, pour plaider en faveur de leur succès. Vous avez énuméré un certain nombre de chantiers – réforme du code du travail, réforme fiscale, allégement des charges salariales – qui sont de nature à renforcer le dynamisme et à améliorer le moral de nos entreprises. Toutefois, les marchés publics représentent une véritable jungle pour certaines d'entre elles, qui sont en butte aux difficultés administratives. Or, en période de crise et de croissance très modeste, l'investissement public, en particulier celui des collectivités locales, pourrait profiter davantage aux PME si elles étaient mieux aidées, accompagnées et informées.
En matière de politique fiscale et de politique territoriale, il existe de véritables différences entre nous et la majorité, entre vous et nous, Monsieur le ministre, et même entre l'ancien « vous », candidat à la primaire de la droite et du centre, et le nouveau « vous », ministre de M. Emmanuel Macron. À l'époque, en effet, vous prôniez une baisse forte de la CSG « par souci de justice face à un impôt injuste qui touche les salariés, les retraités, les allocataires de l'aide sociale et les investisseurs ». Pourtant, vous allez être l'exécutant, pour le compte du Président de la République, d'une hausse de 1,7 point de la CSG, soit pas moins de 20 milliards d'euros d'impôts supplémentaires.
Je ne comprends pas comment vous pourriez éviter d'être le fossoyeur des retraités et de certaines catégories d'indépendants et de travailleurs. Dois-je rappeler que beaucoup de nos aînés rencontrent des difficultés et qu'on est loin d'être aisé lorsqu'on perçoit 1 200 euros par mois ? En outre, le refus de la majorité de réformer le système des retraites et le système de cotisation nous condamne, à moyen terme, à une baisse des pensions. Celles que percevront les gens de ma génération, qui sont nombreux ici, ne seront plus équivalentes qu'à 43 % du salaire des vingt-cinq meilleures années.
Vous invoquerez sans doute la contrepartie que représente la suppression, pour certains, de la taxe d'habitation, mais, là aussi, nous sommes loin de vos positions passées et des nôtres. Pourquoi, plutôt que de la réformer, supprimer cette taxe qui est la principale ressource des communes, le premier levier d'action et de responsabilité des exécutifs locaux ? Pourquoi vouloir affaiblir encore cet échelon territorial fondamental pour les Français, notamment dans le monde rural, et démotiver ceux qui forment le ciment de la vie locale grâce à leur bénévolat, leur engagement et leur proximité ?
Vous avez nié, dans votre propos liminaire, la marginalisation d'une France qui souffre, sa spécificité et la fracture qui la sépare de ce que vous appelez « la France qui réussit ». Mais, par ces deux mesures, vous la frappez une nouvelle fois en plein coeur. Au lieu d'être le ministre de la mobilité, comme dit M. Benjamin Griveaux, qui nous obligera à nous exiler dans les métropoles, soyez le ministre de l'équité, qui nous permettra de développer tous nos territoires !
Tout d'abord, comme notre collègue vient d'évoquer la mobilité, je dois dire, Monsieur le secrétaire d'État, que lorsque je vous entends faire l'éloge de cette notion, je ne peux m'empêcher de penser à une sorte d'« économie Shadoks » – on imagine aussitôt des échanges permanents, un hamster dans sa roue… –, et j'ai envie, comme par réflexe, de vanter l'enracinement, la loyauté et l'attachement, autant de valeurs qui forment aussi le socle d'une économie durable et forte dans notre pays.
Ces valeurs seraient précieuses, par exemple, pour penser, avec l'aide d'un État stratège et d'un grand groupe industriel tel que Saint-Gobain, l'avenir du secteur des canalisations, qui souffre, actuellement, dans le sud de la Lorraine. Relever ce défi grâce à l'innovation, à la formation des salariés et à un pacte territorial, permettrait de maintenir cette « marque monde » – Pont-à-Mousson – face à une concurrence asiatique qui, sous certains aspects, est déloyale. Après GM&S, je vous invite à passer, avec Saint-Gobain, aux travaux pratiques sur le thème de l'enracinement, car cette entreprise historique est l'un de nos joyaux industriels.
Je me félicite, par ailleurs, des propos de M. Bruno Le Maire sur la lutte contre le dumping chinois et sur la promotion d'un commerce équitable. Je souhaiterais que la voix de la France, pionnière dans les domaines des droits de l'homme et du développement des fonds verts, continue de se faire entendre. Ne méprisons pas, à cet égard, les progrès accomplis sous la dernière législature. Notre pays a atteint les standards européens, et il a parfois été pionnier ; je pense au devoir de vigilance des sociétés-mères vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants ainsi qu'aux avancées obtenues dans la loi « Sapin 2 » en matière de lutte contre la corruption. Je ne doute pas que vous reprendrez le flambeau d'une France soucieuse de faire progresser la régulation.
Enfin, je souhaiterais vous poser une question pratique. Le vice-président aux affaires économiques de ma région, que j'interrogeais hier à ce sujet, m'a répondu qu'il ne disposait pas encore d'une feuille de route dans le cadre du dialogue avec Bercy. À ce propos, j'appelle votre attention sur l'importance des innovations publiques de vos prédécesseurs. La chaîne du développement et des financements doit être assurée sur l'ensemble du territoire. Quelle est votre feuille de route dans le dialogue avec les territoires pour le développement et l'essor économique ?
Ma question porte sur le secteur de la construction de logements. Ce secteur, dont je rappelle qu'il crée des emplois non délocalisables, est généralement aidé par des dispositifs de réduction d'impôt applicables à l'investissement locatif. Ainsi, depuis une vingtaine d'années, chacun des ministres qui ont été chargés de ce secteur a attaché son nom à l'un de ces dispositifs. Le dernier en date est celui mis en place par Mme Sylvia Pinel, et il s'éteint au 31 décembre prochain. Je souhaiterais donc savoir si vous envisagez de maintenir cette réduction d'impôt et de modifier, le cas échéant, les critères d'éligibilité des communes. Ce secteur, qui travaille sur des projets de long terme, a besoin de visibilité.
Par ailleurs, envisagez-vous, d'une part, de remédier à l'empilement des normes qui renchérissent artificiellement le prix des logements et, d'autre part, de moduler la TVA pour les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et autour de ces quartiers ?
Je laisserai à M. Benjamin Griveaux le soin de répondre à vos questions, sauf à celle qui me concerne personnellement. Je veux vous rassurer, Monsieur Fabien Di Filippo, car nous ne nous connaissons pas encore très bien : je ne suis pas homme à beaucoup changer. J'ai des convictions, et je continue à les défendre coûte que coûte. Il ne faut pas confondre les instruments techniques et les objectifs politiques. L'objectif politique qui a toujours été le mien est de défendre le travail, sa rémunération et le mérite. Il est vrai que, lors de la primaire, j'avais privilégié des solutions différentes pour y parvenir. Ainsi, je n'envisageais pas de baisser les cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance chômage. Toutefois, le projet que je défends aboutit, et c'est ce qui compte, au même résultat : une augmentation de la rémunération de ceux qui travaillent. De même, je proposais de baisser les dépenses publiques de 90 milliards d'euros, et nous parviendrons probablement, à la fin du quinquennat, à un montant similaire. Enfin, je ne vais pas revenir sur la politique que je viens d'exposer, mais nous pensons que ce sont les entreprises qui créent l'emploi. Telles sont les convictions qui animeront mon action, et vous verrez que je ne suis pas homme à beaucoup changer. Au demeurant, je ne vous ferai pas l'injure de rappeler que le parti auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir a défendu un projet, dans un premier temps, et un autre, très différent, dans un second temps. J'ai eu du mal à me reconnaître dans ces changements de pied.
Je tiens à présenter mes excuses à M. Alain Bruneel, car je n'ai pas répondu à ses questions, qui sont importantes. Le développement de l'intérim plutôt que des emplois directs dans le secteur de l'automobile est un véritable sujet de préoccupation, et nous y travaillons. On peut toujours prétendre qu'une certaine flexibilité est nécessaire ; moi, je préfère des emplois stables à la multiplication des postes d'intérim. Quant au moteur à hydrogène, il ouvre de nombreuses perspectives. Beaucoup de travaux sont menés dans ce domaine, notamment à Belfort, où j'ai visité il y a quelques années un centre d'expérimentation très performant. C'est effectivement une filière d'avenir.
S'agissant de l'accès des PME aux marchés publics, je citerai un chiffre : en 2013 – mais la situation a peu évolué depuis –, les PME européennes obtenaient 60 % des marchés en nombre et environ 30 % en montant global. Il nous faut évidemment être plus ambitieux. Pour cela, premièrement, les procédures doivent être simplifiées et, deuxièmement, les pouvoirs publics doivent être exemplaires en matière de délais de paiement, car les difficultés que les entreprises rencontrent dans ce domaine ont des répercussions sur leur trésorerie et les empêchent de se projeter dans l'avenir. Je citerai un troisième enjeu : la numérisation des marchés. Nous travaillerons sur ces différentes questions dans le cadre qui sera défini par la loi « PME ». M. Bruno Le Maire vous a invités à alimenter notre réflexion dans ce domaine. Toutes les bonnes idées sont donc les bienvenues. En tout état de cause, l'accès des PME aux marchés publics est un enjeu essentiel qui aura toute sa place dans ce texte.
Un mot sur la politique du logement. Cette question a été peu abordée lors des récentes élections. C'est, du reste, assez incompréhensible car, quel que soit le territoire, elle revient de manière récurrente dès que l'on aborde les questions sensibles. C'est particulièrement vrai dans les zones dites « tendues » et, ayant été élu à Paris, je pourrais vous en parler pendant des heures. Dans ce domaine, il nous faut accroître l'offre de logements. Nous dépensons grosso modo deux fois plus que nos voisins dans le cadre de notre politique du logement, avec une efficacité somme toute relative. Par ailleurs, la France figure parmi les pays européens où les prix de l'immobilier sont les plus élevés. Nous examinerons le dispositif « Pinel » dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Mais le secteur du bâtiment se porte bien ; il crée des emplois et l'investissement des ménages dans le logement n'a jamais été aussi élevé depuis environ dix ans. Cette politique relève du ministère de la cohésion des territoires. Il est en effet important que le logement soit associé à cette problématique, car il doit contribuer à retisser les liens entre les territoires. La question a été abordée dans le cadre de la Conférence nationale des territoires et c'est une des priorités du Gouvernement.
Monsieur Dominique Potier, vous avez évoqué le devoir de vigilance et l'enracinement. Tout d'abord, je veux bien croire que l'on peut être à la fois enraciné et d'une incroyable agilité – pour éviter d'employer un mot qui semble vous écorcher les oreilles. Je suis certain, du reste, que tout en étant enraciné, vous êtes un député extrêmement mobile. Quant aux entreprises, si elles sont durablement enracinées, c'est parce qu'elles sont également mobiles. C'est le cas de celle que vous avez évoquée, et je m'y rendrai avec grand plaisir si vous m'y invitez.
Sur le devoir de vigilance, la loi du 27 mars 2017, adoptée à la fin de la précédente législature, a fait couler beaucoup d'encre. Les grandes entreprises doivent relever le défi de la responsabilisation des chaînes de sous-traitance. Ce défi créera des opportunités mais aussi de la complexité. C'est donc avec le souci de préserver un équilibre qu'il nous faudra aborder la question. Il conviendra de faire le bilan de ces textes au terme de leur première année d'application afin de réaliser éventuellement les ajustements nécessaires, et puis il faudra porter la question au niveau européen.
Je comprends que M. Benjamin Griveaux veuille, à la faveur du Brexit, attirer sur la place de Paris les entreprises actuellement présentes à Londres, mais attention au miroir aux alouettes ! La haute finance crée de l'argent mais pas de richesses. N'oublions pas qu'elle a inventé les emprunts toxiques, à l'origine de la crise financière de 2008 qui a tant marqué le mandat de M. Nicolas Sarkozy. Ne pensez-vous pas que nous sommes à la veille d'une nouvelle crise financière ? La remontée des taux d'intérêt et la défaillance de la Grèce, qui a été évoquée, pourraient avoir de graves conséquences pour notre pays.
Ma seconde question porte sur le maintien de l'immobilier dans l'assiette de l'ISF. Dans un qui pays souffre d'un sous-investissement dans l'immobilier neuf, une telle décision n'est-elle pas un mauvais signal ?
Monsieur le ministre, vous paraît-il opportun et pertinent de développer des modes de financement alternatifs et innovants tels que le financement participatif ?
Je suis élu de la deuxième circonscription de l'Yonne, qui comprend Vézelay et Chablis – la spiritualité et le vin de messe. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le champ de compétences de votre ministère vous permettait d'intervenir sur tout ; vous serez donc bientôt le dernier détenteur de la clause de compétence générale (Sourires)…
Vous avez évoqué le risque du retour à une forme de protectionnisme et rappelé que vous aviez exercé la noble mission de ministre de l'agriculture. Or, s'il est un secteur économique qui a su faire preuve de son adaptabilité, c'est bien ce dernier, dont les performances en matière de productivité ont été rarement égalées. La France est ainsi, dans le domaine agricole, la première puissance européenne. Ce secteur présente un excédent commercial, son activité est créatrice d'emplois et il est ancré dans l'ensemble du territoire. Cependant, l'agriculture est malade. Les prix agricoles ont en effet été divisés par deux en vingt-cinq ans, de même que le nombre d'exploitants – et je ne parle pas des retraites de misère que ces derniers perçoivent. Or, la France est contributrice nette au budget de l'Union européenne.
J'en viens à mes questions, qui sont au nombre de trois. Tout d'abord, quel regard portez-vous sur l'agriculture et l'agroalimentaire ? Ensuite, quelle France rurale le Gouvernement veut-il construire ? Autrement dit, quel est son modèle agricole ? Enfin, le coût de sortie du Royaume-Uni intègre-t-il le « cadeau » de 1984 ? On dit chez nous que « lorsqu'on perd son portefeuille quelque part, on retourne le chercher… ».
Ma question porte sur les inégalités territoriales et sur les défis de la croissance inclusive, de l'emploi et du développement durable que nous aurons à relever. Comment combiner la croissance actuellement réservée aux métropoles avec une réduction des inégalités dans les territoires déclassés ? Un quart des Français estiment vivre dans un territoire en difficulté. Ce sont ces territoires qui connaissent les taux de pauvreté et de chômage les plus élevés. Les citoyens touchés par la précarité peuvent bien entendu déménager vers les métropoles, mais cela entraîne la concentration des activités au sein de ces dernières. En outre, les trois quarts des Français préfèreraient réaliser leur projet de vie dans de tels territoires, notamment dans le mien, le Périgord. Comment concilier ces deux réalités ? Certes, nous avons le tourisme, mais il ne suffit pas. Ainsi, les commerces de centre-ville sont en perdition – ce sujet fait du reste la une de Libération aujourd'hui. Je me suis d'ailleurs rendu à Bercy pour discuter des moyens de les soutenir.
Monsieur le ministre, vous parlez de croissance, mais elle ne se décrète pas. Regardez les États-Unis : depuis des dizaines d'années, le pays de la révolution technologique enregistre une croissance molle !
Vous évoquez aussi la financiarisation. M. Warren Buffett a été clair à ce sujet : les riches ont gagné la lutte des classes. Aujourd'hui, en une seconde, des ordinateurs peuvent traiter 24 000 affaires de change. Cela suffit à déstabiliser un État, comme nous l'avons vu avec la Grèce. Qu'entendez-vous faire pour remédier à cette situation ?
Vous avez donné votre position sur le protectionnisme. Dont acte ! Vous choisissez en conséquence l'ultralibéralisme. Dans ces conditions, comment vous opposer au rachat d'entreprises dans le cadre d'opérations de rachat avec effet de levier (LBO) destinées à dépecer ces dernières et à liquider leurs travailleurs ?
Vous mettez en avant la fiscalité. Vous prétendez donner davantage de pouvoir d'achat à certains. Mais, vous savez comme moi que la recette fiscale dépend de l'évolution du PIB. S'il n'augmente pas, le gâteau reste le même, ce qui oblige à mettre en oeuvre le principe des vases communicants : ce que vous donnerez aux uns sera retiré aux autres.
Quant à ce qui concerne la finance verte, il ne faudrait pas ouvrir à nouveau la porte à l'écoblanchiment (greenwashing). Nous avons un exemple malheureux avec le marché du CO2. Vous devez prendre des dispositions afin d'éviter que cela ne se reproduise.
Monsieur José Évrard, vous avez une drôle de conception de l'ultralibéralisme. Je vous présenterai des ultralibéraux ; je suis sûr que vous verrez la différence. Je ne suis pas certain qu'ils voudront sauver GM&S, ni qu'ils lutteront contre le dumping fiscal, ni qu'ils vous parleront de réciprocité en matière de commerce, ou qu'ils souhaiteront s'attaquer aux marchés publics chinois – et ils ne mettront pas davantage en avant les investissements stratégiques de l'État. Je crois que vous n'utilisez pas la bonne définition de l'ultralibéralisme, et je vous recommande de vérifier dans votre dictionnaire à quoi correspondent les mots que vous employez.
Je me tourne maintenant vers le député de la « colline éternelle » de Vézelay. Le Gouvernement compte un excellent ministre de l'agriculture, M. Stéphane Travert. Je vous recommande de l'inviter pour qu'il réponde à vos questions sur l'agriculture.
S'agissant du Brexit, je dirai au Royaume-Uni ce que Margaret Thatcher disait autrefois à l'Europe : We want our money back ! Le reste à payer du Royaume-Uni au budget de l'Union s'élève à 100 milliards d'euros. Le règlement de ce reste à payer constitue un préalable non négociable à toute discussion sur l'avenir de nos relations. Nous pouvons toujours échanger sur le montant, mais le paiement de ce qui est dû à l'Union européenne est un préalable pour commencer les discussions.
Monsieur Philippe Bolo, je suis personnellement très favorable aux modes de financement alternatifs. Au-delà de ce que vous avez évoqué, il est possible de faire appel à des financements d'entreprise à entreprise, mais également de mettre en place du financement participatif (crowdfunding) européen. Je vous invite à faire des propositions dans le cadre de la préparation de la future loi sur les TPE et les PME.
Monsieur Éric Straumann, la finance représente 800 000 emplois directs et indirects en France, et nous n'aurions rien contre le fait d'en compter davantage. Le mot « finance » fait souvent peur, mais, sur le terrain, le secteur emploie un grand nombre de salariés, de la personne qui vous renseigne au guichet à celle qui traite vos chèques en passant par les personnels du back-office.
Je suis totalement d'accord avec vous : nous devons exercer une grande vigilance à l'égard du risque de nouvelle crise financière. Tous les instruments prudentiels que nous avons mis en place ont précisément pour vocation de nous prémunir contre une nouvelle crise. La régulation financière doit continuer d'être un enjeu majeur des réunions du G20. Personne n'est à l'abri d'une nouvelle crise de cette nature, et tous les instruments de protection et de régulation doivent être développés.
Dans nos prévisions budgétaires sur cinq ans, nous avons tablé sur une remontée des taux d'intérêt, car avec l'amélioration de la situation économique d'un certain nombre d'États européens, la politique de la Banque centrale européenne (BCE) consistant à mettre beaucoup de liquidités sur le marché va cesser. Cette remontée est attendue, autant l'anticiper !
S'agissant de la défaillance de la Grèce, je rappelle que le travail mené par la France a permis de trouver une solution de compromis. Avec le FMI, la Commission européenne, nos partenaires européens, et la BCE, nous avons pu trouver un accord et débourser, en juillet, plus de 8 milliards d'euros pour permettre à la Grèce de sortir de la situation difficile dans laquelle elle se trouve. Je rends hommage au courage du gouvernement grec, même s'il n'est pas de mon bord politique : il a su prendre des décisions politiquement très difficiles qui ont permis de régler le problème de la dette pour les mois à venir.
Quels dispositifs d'aide à l'investissement envisagez-vous de mettre en place ? Le manque de soutien en la matière a été très pénalisant pour un certain nombre d'entreprises dont les outils de production sont trop anciens. Cela a conduit à des délocalisations vers d'autres sites en France, mais aussi vers l'étranger. Dans ma circonscription, je pense à Ascométal à Leffrinckoucke, et à l'entreprise TIM de Quaëdypre.
Le CICE ne s'est pas traduit par une augmentation de l'investissement dans les entreprises. Ne craignez-vous pas que la baisse de charges que vous proposez soit aussi peu productive en matière d'investissement ?
Le port d'État de Dunkerque souffre aujourd'hui d'un manque d'accompagnement en matière de stratégies commerciales, et de la lourdeur des procédures, ce qui le pénalise par rapport à ses voisins belges et hollandais. Quelle est votre position en matière de stratégie pour les ports d'État ?
Monsieur Michel Delpon, vous avez abordé le sujet essentiel des commerces des centres-villes et de la dévitalisation des villes moyennes et des centres-bourgs. Le problème est multifactoriel : l'implantation de grands centres commerciaux en périphérie fait partie du problème, mais elle n'en est pas la cause unique. Comme cela a été rappelé à la Conférence nationale des territoires, les difficultés d'accès aux soins, la baisse de la qualité des logements, les défaillances du tissu éducatif, et le recul de l'offre culturelle participent aussi de la dévitalisation de centres-villes.
Certaines collectivités locales ont pris le problème à bras-le-corps et mis en place des dispositifs qui, parfois, fonctionnent assez bien. Nous vous invitons à nous faire remonter les expériences réussies en la matière. Un rapport du Sénat devrait par exemple proposer de développer la location-vente en centre-ville et de travailler sur la commercialité des espaces.
La question de la transmission est majeure ; elle devra figurer dans le futur projet de loi. De même, l'appropriation par les TPE d'outils numériques innovants constitue un enjeu considérable – même s'il est vrai qu'aujourd'hui le e-commerce ne représente, en valeur, que 8 à 10 % du marché alors que Jeff Bezos, le président d'Amazon, promettait, il y a vingt ans, que le commerce physique aurait disparu de nos jours. Le commerce physique reste aujourd'hui pourvoyeur d'emplois, et il s'agit du secteur qui recrute le plus grand nombre de jeunes peu qualifiés de moins de vingt-cinq ans. Il permet de plus aux salariés d'effectuer de véritables parcours professionnels en progressant grâce à leur travail.
Un « plan artisanat » ambitieux se prépare en concertation avec les professionnels, comme l'a annoncé M. Bruno Le Maire devant l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, le 27 juin dernier.
Monsieur Paul Christophe, différents mécanismes d'aide à l'investissement sont en place. La baisse de l'IS permettra aux entreprises de dégager des marges pour investir – l'objectif est de parvenir à un taux d'IS proche de 25 % en fin de quinquennat. Par ailleurs, le capital productif réinvesti dans l'économie et dans les entreprises sortira de l'assiette de l'ISF parce qu'il permet de créer de la richesse et des emplois. Citons encore la réussite de Bpifrance : une enveloppe de plusieurs centaines de millions d'euros est consacrée au PIA 3, en particulier aux prêts « industrie du futur ». J'ai rencontré, il y a quelques jours, des responsables de PME accompagnées par Bpifrance qui ont réussi à passer le cap, parfois difficile, des cinq cents salariés et des 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Nous lancerons des initiatives pour la transformation numérique de nos PME. L'enjeu est primordial au regard du retard pris par rapport à certains de nos voisins européens. Si nous avons autrefois pris déjà du retard, par exemple en matière de robotisation, comme le rappelait M. Bruno Le Maire, j'ai la certitude que nous serons au rendez-vous de la transformation numérique, en particulier celle de nos PME – en la matière, nous pourrons même marquer des points et affirmer notre avance par rapport à notre partenaire et néanmoins concurrent allemand.
Je vous remercie pour la qualité de vos questions et la sérénité d'un débat qui fait honneur à l'idée que l'on peut se faire de notre démocratie et de notre République.
Monsieur le ministre, Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie à mon tour pour la qualité de vos réponses. J'ai apprécié leur ton direct et leur franchise. De plus, vous avez pris le soin de répondre à chacun des orateurs.
Vous avez dressé un programme de travail enthousiasmant par son volume et la variété des sujets traités. Nous serons heureux de vous inviter à nouveau pour vous entendre sur des thèmes plus précis, et nous entreprendrons prochainement ensemble, vous l'avez annoncé, un travail législatif sur les entreprises. Notre commission se penchera aussi prochainement sur la désertification des centres-villes, sujet qui lui tient particulièrement à coeur.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 19 h 05
Présents. – M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Anne Blanc, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Alain Bruneel, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Paul Christophe, Mme Michèle Crouzet, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, Mme Sophie Errante, M. José Evrard, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers
Excusés. – M. Dino Cinieri, M. Philippe Huppé
Assistaient également à la réunion. – M. Éric Girardin, M. Fabien Gouttefarde, Mme Nicole Le Peih