Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du vendredi 4 février 2022 à 9h00
Respect éthique du don d'organes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Malgré tout, par la présente proposition de loi, nous contribuons à une prise de conscience s'agissant d'un système institutionnalisé de prélèvements forcés et de trafic d'organes, organisé par un État. En effet, si la Chine a officiellement interdit le prélèvement d'organes de prisonniers exécutés en 2015, des enquêtes indépendantes concluent à la persistance de telles pratiques. Pire, les prisonniers dits de conscience – Tibétains, Ouïghours, chrétiens – sont aussi les victimes de ces actes odieux. L'an passé, en commission, la majorité a rejeté cette proposition de loi. Depuis, la situation n'a pas changé et les preuves se sont accumulées.

Il n'est plus permis de douter. Les enquêtes du journaliste Ethan Gutmann démontrent l'existence de « passages verts », qui permettent d'acheminer les organes vers les hôpitaux directement depuis les camps de rééducation. Les témoignages du China Tribunal font état de tests médicaux subis par les pratiquants du Falun Gong et les Ouïghours emprisonnés dans les camps. D'après ce groupe de juristes constitué en tribunal indépendant, que la commission des affaires étrangères a récemment auditionné, l'existence de prélèvements forcés d'organes est incontestable.

La Chine ne s'en cache guère : la promotion du tourisme de transplantation existe. Elle promet des délais de transplantation défiant toute concurrence : douze jours en moyenne, et 150 000 euros pour un cœur – il y a quelque chose de terrifiant à prononcer ces mots. Récemment, des institutions se sont enfin emparées de ce sujet. Le 31 janvier 2020, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a voté une résolution qui recommande aux États de faire preuve d'une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec les autorités chinoises. Et en juin dernier, c'est l'ONU qui s'est dit très alarmée des rapports reçus sur la pratique de prélèvements forcés d'organes en Chine.

Les accusations sont gravissimes, les éléments sont concordants. Et nous devrions rester muets pour ne pas froisser un partenaire et une grande puissance ? Nous mesurons bien la gravité de nos propos. La prudence nous commande de veiller à ne pas accuser à tort un État, mais notre conscience doit aussi nous conduire à ne pas détourner le regard lorsque de telles violations sont avérées.

La proposition de loi que nous vous soumettons est évidemment de portée générale, mais le cas de la Chine est particulier. Contrairement à d'autres pays où ces pratiques sont le fait d'organisations criminelles et mafieuses, ce phénomène y est massivement organisé et encouragé par les autorités.

Face à l'accumulation des preuves rappelée par ma collègue Frédérique Dumas, les principes de « doute certain », de « précaution » doivent s'appliquer au nom du devoir de vigilance.

Ce devoir nous commande d'abord de dénoncer. Nous l'avons fait en adoptant la résolution condamnant le génocide et les crimes contre l'humanité perpétrés par la Chine à l'égard des Ouïghours. Mais que vaut cette condamnation si elle n'est pas suivie d'actions ?

Le dispositif que nous proposons a le mérite de ne tomber ni dans l'ingérence ni dans l'accusation arbitraire. Il est un outil simple qui repose sur un principe simple : pas de coopération scientifique et médicale en cas de non-respect des principes éthiques de dignité humaine.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les exactions en cours : les soupçons d'hier sont devenus des faits avérés. Face à ces actes barbares et inhumains, rester silencieux, c'est être complaisant ; ne pas agir, c'est être complice. Avec ce texte, nous vous proposons d'agir, modestement certes, mais d'agir en responsabilité. C'est notre devoir de parlementaires de le dire du haut de cette tribune.

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