La proposition de loi défendue par Frédérique Dumas nous donne l'occasion de revenir sur deux problématiques abordées par notre assemblée au cours des quinze derniers jours : les exactions commises à l'endroit des populations ouïghoures ; la lutte contre le trafic d'organes humains.
Le 20 janvier dernier, nous avons en effet adopté une proposition de résolution reconnaissant et condamnant les violences commises à l'égard des Ouïghours, déclarant ainsi solennellement notre soutien à ces victimes de persécutions systématiques.
Une semaine plus tard, nous avons adopté à l'unanimité le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, instrument juridique déterminant dans le cadre de la lutte contre cette abominable activité criminelle.
Madame la rapporteure, si l'examen de votre proposition de loi vient chronologiquement s'inscrire dans le prolongement de ces deux textes, il ne s'agit en réalité que d'une apparence de continuité : ils permettaient une véritable avancée, alors que votre proposition de loi se situe en deçà des ambitions qu'elle se fixe.
Ainsi que j'avais eu l'occasion de le faire remarquer en commission des affaires sociales, le droit d'initiative parlementaire ne saurait être confondu avec la liberté qu'a chacun d'entre nous de communiquer publiquement les messages politiques qui l'animent. Une proposition de loi a vocation à faire évoluer la législation, non à remplir l'office d'une tribune qui pourrait paraître dans n'importe quel quotidien.
En outre, et au-delà du seul risque d'inflation législative, l'adoption de la proposition de loi de notre collègue Dumas ne permettrait pas à notre assemblée de se substituer aux conclusions d'une mission internationale d'observateurs indépendants. Pire, en dévoyant ainsi les moyens d'action qui sont les nôtres, nous obérerions sensiblement l'efficacité d'efforts par essence collectifs.
La France dispose des moyens opérationnels nécessaires afin de lutter contre les fléaux que constituent les manquements à l'éthique médicale et le trafic d'organes humains.
L'article L. 6134-1 du code de la santé publique, qu'entend réformer cette proposition de loi, conditionne d'ores et déjà la conclusion de partenariats en matière sanitaire au respect des engagements internationaux souscrits par l'État français.
Au premier rang de ces engagements se trouve la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, dite convention d'Oviedo, signée par la France en 1997 et ratifiée en 2011, qui contient des stipulations extrêmement claires quant au respect des principes éthiques en matière de prélèvement et de transplantation d'organes.
Plus récemment, la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, rappelée par plusieurs orateurs, est venue parfaire l'arsenal juridique des États en matière de coopération et de lutte contre ces pratiques. Ainsi que je l'indiquais précédemment, notre assemblée s'est honorée en autorisant à l'unanimité la ratification de ce traité qui jouera à n'en pas douter un rôle déterminant à l'échelle internationale.
Au demeurant, la présente proposition ne serait pas seulement superfétatoire. Elle serait également inopérante en pratique, puisque tant le texte d'origine que la réécriture proposée exigent des établissements concernés que ceux-ci procèdent eux-mêmes à la vérification du respect de nos principes éthiques par leurs partenaires potentiels afin d'en justifier à l'Agence de la biomédecine.
Cette exigence laisse entendre que l'impossibilité matérielle pour un établissement de procéder à cette vérification conduira à présumer la violation de nos propres principes éthiques. Dès lors, si le risque de porter préjudice aux équipes scientifiques françaises est certain, la chance d'enrayer effectivement les pratiques intolérables visées par ce texte est pratiquement nulle.
Nous en sommes convaincus : seule une approche multilatérale concertée, mobilisant à la fois des dispositifs juridiques adéquats et l'ensemble des leviers d'influence à la disposition de notre diplomatie, permettra de mettre un terme aux pratiques dénoncées dans le texte que nous examinons.
Vous l'aurez compris : ce constat d'inefficacité annoncé, associé à la récente adoption par notre assemblée d'une résolution visant à condamner les violences commises à l'endroit des populations ouïghoures, nous conduit à considérer que cette proposition de loi, qui relève surtout d'une tribune contre les pratiques du régime de Pékin, ne présente aucun attribut justifiant son adoption. De ce fait, le groupe La République en marche ne votera pas en faveur de ce texte.