Je remercie notre collègue Charles de Courson de nous permettre de débattre de sa proposition de loi car elle nous donne l'occasion de rappeler ce qui a été réalisé en la matière au cours des cinq dernières années. Et nous constaterons très vite que cette proposition est superfétatoire.
Elle porte tout d'abord sur la question du plafonnement des frais bancaires. Or, depuis 2017, nous avons engagé une ambitieuse politique de réduction des frais bancaires, en ciblant particulièrement ceux de nos concitoyens qui sont les plus fragiles sur le plan financier.
Sous l'impulsion du Président de la République et après un long travail de concertation, les frais d'incidents bancaires ont été plafonnés à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les bénéficiaires de l'offre spécifique réservée à la clientèle fragile. Plus important encore, car cela concerne 3 millions de personnes, les banques ont accepté de plafonner ces frais à 25 euros par mois pour tous les clients pouvant bénéficier de l'offre spécifique mais qui n'ont pas souhaité y souscrire pour diverses raisons. Les premières évaluations de l'OIB montrent que cette politique porte déjà ses fruits.
La proposition de loi vise à aller plus loin en réduisant les frais des clients ayant souscrit à l'offre spécifique et en plafonnant les frais d'incidents à 40 euros par mois pour l'ensemble des ménages. Juste combat, monsieur le rapporteur, mais à notre avis, il manque sa cible.
Comme le souligne l'OIB et comme l'a rappelé notre collègue Philippe Chassaing, spécialiste de ce sujet, nous devrions faire de l'amélioration de la détection des personnes en situation de fragilité bancaire notre principal cheval de bataille, pour les protéger encore mieux. En 2020, nous avons su davantage définir cette catégorie, en créant en cas de procédure de surendettement une présomption de fragilité financière. Mais d'autres critères de présomption pourraient être prévus.
De nouveaux travaux doivent être menés pour améliorer l'efficacité de cette politique. Je pense, monsieur le secrétaire d'État, aux concertations que mènent vos administrations avec les grands facturiers pour réduire les frais d'incidents liés aux rejets de prélèvement, en travaillant sur les systèmes d'échange de données entre les établissements bancaires et les grandes entreprises comme Orange, Engie ou EDF. Nous espérons que ces travaux aboutiront au plus vite.
D'autres pistes pourraient être explorées, notamment la mise en place par les banques de dispositifs gratuits de prévention, par exemple des dispositifs d'alerte par SMS ou sur les applications des téléphones modernes, en cas de paiement risquant d'entraîner un incident bancaire avec les frais afférents.
Au reste, les principales avancées en la matière ne sont pas le résultat de nouvelles lois que nous aurions pu voter dans l'hémicycle. Elles sont le fruit d'un large travail de concertation mené avec les parties prenantes – État, régulateur, consommateurs et établissements bancaires. Elles ont fait l'objet d'engagements volontaires des banques, puis d'un contrôle du régulateur.
Les pistes de travail que je viens de tracer, peut-être plus encore que les avancées déjà effectives, doivent elles aussi faire l'objet de discussions et d'engagements de ce type. Adopter cette proposition de loi en l'état, de façon complètement unilatérale, pourrait éteindre la confiance dans laquelle se tiennent ces concertations et conduire les banques à y mettre fin, voire à revenir sur certains engagements, comme le plafonnement des frais à 25 euros par mois pour tous les clients éligibles à l'offre spécifique – ils se retrouveraient alors dans la catégorie des clients ordinaires, avec un plafond de frais à 40 euros par mois. Avouez que ce serait une drôle d'idée !
S'agissant du deuxième volet du texte sur le droit au compte, la moitié du travail a été fait. La proposition de loi dite Rixain permet à tout titulaire d'un compte joint d'ouvrir un compte individuel dans le cadre de la procédure du droit au compte, même en l'absence de violences conjugales. Je saisis l'occasion pour saluer le travail accompli à cet égard par les députés et les sénateurs, particulièrement notre collègue Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a défendu ce texte très important.
Nous vous rejoignons sur la question de la coordination entre les dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et le droit au compte. Toutefois, en ces matières si sensibles pour la sécurité nationale, nous ne pouvons légiférer sans une étude d'impact présentant une analyse poussée des enjeux. Nous ne pouvons pas non plus nous exonérer d'une plus large concertation avec les acteurs du secteur bancaire mais aussi – et surtout – avec les autorités de régulation, les autorités judiciaires et les services de renseignement.
Tout en saluant l'esprit qui l'inspire, les députés du groupe Démocrates s'opposeront à ce texte.