Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 21h30
Activité professionnelle indépendante — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Après une navette parlementaire riche de plusieurs lectures mais relativement pauvre en avancées, la commission mixte paritaire a trouvé le 25 janvier un terrain d'entente. Vous l'avez rappelé : l'activité indépendante peut apparaître à notre époque comme séduisante, flexible, plus souple que les formes traditionnelles de salariat. Néanmoins, elle se révèle parfois un mirage, voire un miroir aux alouettes. En tant que législateurs, cela doit nous engager à créer le cadre de protection nécessaire et utile en cas d'échec du projet de développement d'une activité professionnelle indépendante.

Celle-ci recouvre d'ailleurs des réalités très différentes : professions libérales, artisanat, commerce, sans compter les travailleurs des plateformes, dont nous savons tous fort bien qu'elles entretiennent en réalité avec eux un lien de subordination en leur imposant le statut d'indépendant pour se dispenser de cotisations sociales, jugées accessoires dans ce nouveau monde où les risques sanitaires, sociaux, économiques tendent pourtant à s'accroître. À cet égard, nous saluons la décision de la Commission européenne qui instaure une présomption de salariat pour les travailleurs du numérique : restons toutefois vigilants concernant son application effective au cours des prochains mois.

En septembre, lors des rencontres de l'Union des entreprises de proximité (U2P), le Président de la République avait annoncé un grand plan de soutien aux 2,9 millions de travailleurs indépendants. Ce plan, visant à répondre non seulement à des revendications anciennes ou récentes de ces derniers, mais aussi à la crise des gilets jaunes et aux grèves suscitées fin 2019 par la réforme des retraites, a été partiellement décliné au sein de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et, enfin, de ce projet de loi. Il importe donc maintenant de savoir si ce dernier satisfait les attentes. De ses quatorze articles, dont trois prévoient d'habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance dans des délais allant au-delà de la fin du quinquennat, je me permettrai de retenir principalement deux.

D'une part, l'article 1er , qu'évoquait M. le ministre délégué, instaure d'un même mouvement un principe général de protection intégrale du patrimoine privé de l'entrepreneur individuel et la faculté de renoncer à cette protection, ce qui nous amène à nous interroger sur l'effectivité de celle-ci. C'est pourquoi, au rebours de votre logique d'affichage, nous avions proposé de supprimer cette possibilité de renonciation et de garantir, là encore sans renonciation possible, l'insaisissabilité de la résidence principale d'un entrepreneur individuel.

D'autre part, l'article 9 élargit à la marge l'accès à l'allocation des travailleurs indépendants tout en restreignant son cumul dans le temps. Le Président de la République avait promis cette allocation aux indépendants ayant perdu leur emploi ; très peu en auront réellement bénéficié, en raison de ses critères restrictifs et d'une nature administrative sans rapport avec ce que devient rapidement le quotidien d'un entrepreneur indépendant en difficulté. De manière plus générale, l'ouverture de l'assurance chômage aux travailleurs indépendants reste une promesse non tenue.

Par ailleurs, le projet de loi intègre des dispositions sans rapport avec l'activité professionnelle indépendante. Ainsi, l'article 12 inverse l'ordre procédural en matière d'élections syndicales et de négociation de la convention collective des personnels de droit privé au sein du réseau des CCI, sans que le dialogue social ait pu être mené à terme. L'entrée en vigueur d'une convention non aboutie, alors qu'elle porte sur des sujets majeurs – égalité entre les femmes et les hommes, congé de paternité, forfait jour –, a de quoi laisser dubitatif. Ces dispositions ne remédieront pas au blocage du dialogue social entre les directions des CCI et la représentation du personnel : nous souhaitions au contraire supprimer les entraves à un dialogue social de qualité.

Mieux protéger le patrimoine, créer des filets de sécurité qui permettent à tous les travailleurs indépendants de rebondir au plus vite après un coup dur, faciliter l'accès à la formation et assurer le dialogue social au sein des CCI : la ligne du groupe Socialistes et apparentés était claire. En raison tant du petit nombre d'avancées sociales que de reculs ou d'évolutions négatives, ainsi que de l'absence de mesures concernant spécifiquement les travailleurs des plateformes, ses membres ne pourront voter pour ce texte.

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