Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 21h30
Activité professionnelle indépendante — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei :

Quel chemin parcouru depuis 1985, date de création de l'EURL et de la SARL – société à responsabilité limitée – unipersonnelle ! Le texte que nous nous apprêtons à adopter est d'une importance toute particulière pour les entrepreneurs de France. Il a le mérite de la simplicité. Je tiens à saluer l'esprit constructif qui a présidé à l'aboutissement de la commission mixte paritaire, et qui devrait permettre à cette réforme majeure d'entrer en vigueur avant la fin de la législature. Je remercie l'ensemble des collègues qui se sont investis dans ce travail, notamment les rapporteurs Marie-Christine Verdier-Jouclas et Jean-Noël Barrot, qui ont su animer un dialogue fructueux tant à l'Assemblée qu'avec le Sénat.

Après les réponses urgentes que nous avons apportées, avec le Gouvernement, depuis le début de la crise sanitaire, pour protéger l'activité et l'emploi, c'est un engagement de plus que nous tenons ce soir : faciliter la vie des entrepreneurs. Le texte provoque en effet un électrochoc juridique en créant un régime légal de la séparation des patrimoines, qui porte atteinte au principe d'unicité prévu par les articles 2284 et 2285 du code civil.

Désormais, la séparation des patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur sera la règle, et la renonciation à cette protection l'exception. L'entrepreneur individuel aura le choix, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La défaillance d'une entreprise, dont l'entrepreneur est bien souvent davantage victime que coupable, ne sera plus synonyme de ruine personnelle et familiale. La CMP a cependant veillé à permettre à ceux qui le souhaitent de gager du patrimoine pour lever des fonds : le délai de réflexion a ainsi été réduit de sept à trois jours, et le montant a été encadré pour éviter tout dévoiement.

L'article 1er sort renforcé de la navette parlementaire, qui lui a apporté des précisions juridiques indispensables. Je formulerai toutefois un regret : le texte prévoit la réunification automatique des patrimoines au moment du décès, alors même que le décès de l'entrepreneur individuel entraîne, dans de nombreux cas, de très fortes difficultés financières et humaines pour l'entreprise. Malgré l'important travail que nous avons mené en séance, il n'a pas été possible d'intégrer la notion de cessation de paiement lors du décès de l'entrepreneur. Ce nouveau cadre juridique risque de confronter les praticiens à des difficultés lors des successions. Il nous appartiendra de suivre précisément cet aspect, et de le corriger si nécessaire.

Je me réjouis cependant que le projet de loi facilite l'évolution de l'entreprise individuelle vers la forme sociétaire – vous l'avez souligné, monsieur le ministre délégué. Outre une meilleure sécurisation du patrimoine personnel de l'entrepreneur, il permettra à ce dernier de recourir à des capitaux extérieurs, notamment au travers d'interventions en fonds propres, et ainsi de faire grandir son entreprise. Il sera plus aisé de passer du stade de la TPE individuelle à une organisation plus développée, dotée d'une meilleure division du travail ainsi que de surfaces financières et productives plus efficaces. Le passage en société permettra aussi de démocratiser de nouvelles façons de partager la valeur, en recourant aux dispositifs d'intéressement et de participation des salariés.

Nous devrons également poursuivre à l'avenir la sécurisation juridique apportée par ces changements naturels en prenant en compte la situation de l'entrepreneur individuel assujetti à l'impôt sur les sociétés. L'observation des effets concrets des dispositions que nous votons ce soir nous aidera à en améliorer les éventuelles imperfections à l'avenir. Il conviendra en outre de remédier, dans le cadre de futures lois de finances, au frottement fiscal résultant de la mise en société, difficulté qui ne peut rester éternellement sans réponse.

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite, au nom du groupe Dem, à voter le texte de compromis que nous examinons ce soir. Il constitue le dernier jalon du quinquennat d'Emmanuel Macron et de sa majorité en matière économique, pour libérer la croissance et l'activité. Nous pouvons nous en féliciter. Il occupera demain une place centrale dans le quotidien de nos concitoyens et de tous les entrepreneurs qui débuteront leur activité sous la forme individuelle.

Il nous reste maintenant à expliquer, sur l'ensemble du territoire, à chacun de nos concitoyens, l'intérêt de ces réformes pour promouvoir l'entrepreneuriat en France, seule façon durable de soutenir la croissance et l'emploi.

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