Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 21h30
Protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière de signalement d'alerte — Présentation commune

Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement :

Vous examinez aujourd'hui une proposition de loi qui vise à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et une proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte. Ces deux textes ont été examinés successivement par l'Assemblée nationale et le Sénat, selon une procédure, certes accélérée, mais qui vient couronner des années de travail. Ils viennent de faire l'objet d'un accord en commissions mixtes paritaires.

Je ne vous cache pas ma profonde satisfaction de voir ce texte aboutir à l'issue d'un travail exemplaire de coconstruction conduit par le Parlement et le Gouvernement et d'un dialogue constructif entre les deux assemblées, la société civile et les associations, débouchant sur un texte équilibré et ambitieux.

Cela n'était franchement pas gagné d'avance tant la législation sur les lanceurs d'alerte constitue un défi complexe pour notre temps. Il faut protéger ceux qui œuvrent au bien commun, sans encourager ceux dont les déclarations sont malhonnêtes et n'ont pour objectif que de nuire à l'organisation qu'elles ciblent. Un texte sur les lanceurs d'alerte est ainsi le point d'un équilibre délicat : organiser un cadre pour recueillir efficacement les alertes, sans encourager les règlements de comptes ; accorder une protection effective à ceux dont le comportement est vertueux.

Je voudrais de nouveau exprimer ici la conviction et la satisfaction du Gouvernement : les textes qui sont présentés aujourd'hui permettront d'assurer ce juste équilibre avec un très haut degré d'ambition, d'efficacité et de sécurité juridique. Avant de m'arrêter sur les aspects les plus marquants de ces avancées, j'aimerais, en mon nom et au nom du Gouvernement, rendre hommage au travail particulièrement remarquable réalisé ces derniers mois par le Parlement. Ces textes font partie de ceux dont on se souviendra.

On ne partait certes pas d'une feuille blanche. De nombreux dispositifs spécifiques permettent déjà de lancer des alertes sur des sujets particuliers. Surtout depuis la loi de décembre 2016, dite Sapin 2, la France dispose d'un dispositif d'alerte général et ambitieux. De même, la directive européenne du 23 novembre 2019, qui a été adoptée grâce au soutien actif du Gouvernement et à l'exemple de la loi française, a fixé de nouveaux objectifs impératifs à notre cadre national.

S'ils assurent une complète transposition de la directive, les textes qui nous sont présentés vont même bien au-delà des objectifs européens. C'est la fierté de ce parlement que de le rappeler. Ils permettent ainsi de maintenir notre régime d'alerte national à l'avant-garde de la protection des lanceurs d'alerte en Europe, voire dans le monde.

Cette réussite est d'abord le fruit du travail du rapporteur, tant sur le fond que sur la méthode. Il a su inscrire ses propositions dans ce cadre normatif complexe, et travailler à un texte équilibré tout en conservant le souci, à la fois, d'une juste transposition des dispositions de la directive et d'une avant-garde si française. Il a su, à cette fin, non seulement s'appuyer sur son expérience personnelle, mais aussi se nourrir des idées et des préoccupations exprimées par l'ensemble des parties prenantes, ainsi que de la qualité du travail parlementaire accompli sur tous ces bancs. La protection des lanceurs d'alerte est un débat qui concerne notre société et le Gouvernement se félicite qu'il ait trouvé sa place au sein de notre parlement.

Le Gouvernement lui-même a contribué à le faire vivre, en lançant une grande consultation publique au début de l'année dernière, sur le site internet du ministère de la justice. Tous les participants doivent être à nouveau remerciés d'avoir pleinement contribué à l'équilibre de ce texte si important.

Votre écoute, monsieur le rapporteur, a permis d'intégrer toutes les idées constructives, puis de convaincre et de rassembler autour de vos propositions bien au-delà de notre famille politique, jusqu'à aboutir à l'adoption à l'unanimité en première lecture au sein de cet hémicycle. Ce travail constructif a su trouver un écho favorable auprès du Sénat, et en particulier de Mme la rapporteure Catherine Di Folco, qui a recherché, avec beaucoup d'ouverture d'esprit, à améliorer ce texte et y est parvenu sur de nombreux aspects. Le Gouvernement se réjouit que les commissions mixtes paritaires aient su retenir les meilleurs éléments du travail de chaque assemblée, et pu aboutir à des textes encore meilleurs que ceux adoptés ici en première lecture.

J'aimerais rappeler les aspects les plus marquants de ces deux propositions de lois, d'abord la simplification des procédures d'alerte et la transposition qui conduit à abandonner la hiérarchie des canaux interne et externe qui soulevait tant de difficultés. Le droit français continuera d'encourager le recours au canal interne, parce que l'alerte y est généralement traitée plus efficacement, mais il ne sera plus un préalable obligatoire pour le lanceur d'alerte.

En deuxième lieu, la réforme étend la protection au-delà du seul lanceur d'alerte : les proches du lanceur d'alerte, sa famille, ses collègues, les personnes morales qui lui sont liées, et toute personne qui l'aide au cours de la procédure, c'est-à-dire les « facilitateurs », pourront bénéficier de la même protection. Cette extension dessinera un véritable cercle de protection autour du lanceur d'alerte et contribuera à rompre son isolement.

Le Gouvernement se réjouit que la commission mixte paritaire ait retenu la possibilité pour les personnes morales à but non lucratif d'être considérées comme des facilitateurs, et leur offre ainsi cette protection, qui correspond à un véritable besoin.

En troisième lieu, la réforme simplifie le paysage des dispositifs d'alerte. Elle pose un cadre unique et accessible au traitement des alertes, internes comme externes. Ces dernières seront désignées par décret, ce qui permettra au lanceur d'alerte de savoir à qui s'adresser.

Grâce aux modifications de la loi organique, le Défenseur des droits pourra également jouer pleinement son rôle de conseil et d'orientation. Sur ce point, le Gouvernement vous soumettra un amendement pour sécuriser l'institution d'un adjoint au Défenseur des droits chargé des lanceurs d'alerte, que le Sénat a introduit dans la loi organique.

Par ailleurs, la réforme permet de supprimer plusieurs procédures sectorielles et d'harmoniser un dispositif général, avec pour seul objectif de faciliter l'organisation du traitement des alertes internes.

Enfin, le texte met en place des outils efficaces pour lutter contre les procédures dites bâillons, qui consistent à instrumentaliser la justice pour intimider ou réduire au silence les lanceurs d'alerte. Désormais, ces derniers pourront obtenir du juge, dans un délai très bref et au début du litige, une prise en charge par leur adversaire de leurs frais de justice. Ces procédures bâillons seront également très sévèrement sanctionnées.

Mesdames et messieurs les députés, la directive européenne ne nous imposait pas une réforme aussi ambitieuse, mais c'est finalement l'honneur de ce Parlement que d'être allé aussi loin et de répondre avec cette proposition d'avant-garde. Votre travail a permis, avec beaucoup de cohérence, de poser et, je l'espère, d'adopter ces protections. Cette réforme précise et réaffirme clairement le modèle français, modèle singulier et qui nous fait honneur, tracé d'abord par la loi Sapin 2 : celui du juste équilibre permettant d'écarter ceux qu'on peut appeler des opportunistes mais, surtout, d'accorder une protection effective à ceux qui ont le courage de défendre l'intérêt général. Le Gouvernement apporte à nouveau son entier soutien à ce texte.

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