Intervention de Philippe Latombe

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 21h30
Protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière de signalement d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Latombe :

Ces dernières années, les lanceurs d'alerte se sont imposés comme de véritables vigies de la démocratie et de l'État de droit. Les réseaux sociaux, l'exploitation massive des données ou les enjeux environnementaux leur donnent, aujourd'hui plus que jamais, une importance particulière. Il est impératif de leur assurer un niveau de protection élevé, à la hauteur de ce que nous leur devons.

La France a pendant plusieurs années été en pointe sur cette question grâce à la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, qui a marqué un tournant en faisant du droit d'alerte une véritable liberté fondamentale. Au nom de la transparence et de la préservation des droits et libertés, il est à présent indispensable d'assurer une remise à niveau de notre droit.

C'est pourquoi je tiens à saluer, au nom du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, le remarquable travail de Sylvain Waserman sur le sujet. Ses propositions de loi ordinaire et organique contribueront à créer un cadre juridique clair et cohérent, qui permettra de nouveau à la France d'être à la hauteur des enjeux liés à la protection du droit d'alerte.

Nous nous félicitons qu'un accord ait pu être trouvé avec les sénateurs, qui, après avoir adopté une version en recul par rapport au texte issu de l'Assemblée, ont su entendre les préoccupations des lanceurs d'alerte, des associations qui les accompagnent et de nos concitoyens. De l'aveu même de la Maison des lanceurs d'alerte, la version issue de la commission mixte paritaire est plus aboutie encore que celle que nous avions adoptée en première lecture. Désormais, nous voici dotés d'un socle commun pour la protection des lanceurs d'alerte signalant une violation du droit de l'Union européenne.

Nous avons aussi opté, et je m'en félicite, pour une définition étendue des lanceurs d'alerte, plus adaptée aux réalités et aux enjeux de leur protection.

De même, les personnes morales à but non lucratif entrent dans la catégorie des facilitateurs, ce qui constitue une avancée indéniable pour les associations de protection du droit d'alerte. Le retrait des sanctions pour alerte abusive introduit par les sénateurs est aussi une bonne chose. C'est un signal de confiance que nous envoyons aux lanceurs d'alerte, qui ne doivent pas agir dans la crainte permanente d'une sanction, dès lors que leur action est légale et légitime.

La CMP a également permis d'atteindre un compromis sur les critères de la divulgation publique. La rédaction trouvée permet de limiter le risque d'abus de la part d'activistes à l'affût d'informations à faire fuiter, tout en demeurant dans le champ de la directive et en assurant un niveau de protection particulièrement élevé en milieu professionnel.

Le texte offrira par ailleurs au juge la possibilité de décider, à tout moment d'une procédure impliquant un lanceur d'alerte, que la provision versée à ce dernier pour assurer sa défense lui est définitivement acquise. Il était très important de prendre en compte la marge de manœuvre matérielle concrète du lanceur d'alerte, afin d'assurer sa sécurité financière et de le placer à l'abri des procédures bâillons.

Concernant l'irresponsabilité pénale, qui est un sujet particulièrement complexe, puisqu'elle permet de protéger les lanceurs d'alerte qui auraient recours aux infractions de soustraction, de détournement ou de resserrement d'information, nous avons là aussi pu atteindre un compromis équilibré. Le texte prévoit que le lanceur d'alerte devra avoir eu connaissance de manière licite de l'information en cause. Il s'agit d'une clarification bienvenue qui, tout en évitant d'inciter à la commission d'infraction pour obtenir des informations, permettra au lanceur d'alerte d'apporter les preuves qu'il détient.

Il est enfin à noter que le Sénat a également su apporter des améliorations au texte, en prévoyant notamment une protection des lanceurs d'alerte anonymes, dont l'identité serait par la suite révélée, ou encore en renforçant le rôle du Défenseur des droits.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est particulièrement fier des deux textes de Sylvain Waserman, qui sauront trouver, à n'en pas douter, un large consensus dans cet hémicycle. Ils portent aussi une grande ambition : faire de la France le pays le plus protecteur des lanceurs d'alerte en Europe, si ce n'est dans le monde.

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