L'échec des discussions de la CMP sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport emporte une conséquence pratique : le texte ne pourra être définitivement adopté par notre assemblée que dans la dernière semaine de session de cette législature, dans quinze jours. Un vote in extremis, dans les ultimes secondes de la législature, un peu comme une session de rattrapage pour le sport, à seulement deux ans et demi des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. C'est une sacrée performance pour un texte examiné en procédure accélérée et adopté à la quasi-unanimité en première lecture, ici même, le 19 mars 2021 et qui, dans le cadre de la navette parlementaire, n'a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat qu'au début du mois de janvier 2022, à l'issue d'une course de lenteur incompréhensible.
Cet examen tardif en pleine campagne présidentielle a eu une autre conséquence fâcheuse : la transformation à des fins politiques, par le groupe Les Républicains, majoritaire au Sénat, et par son homologue de l'Assemblée, d'un texte visant à développer la pratique sportive en une tribune sur la seule question du voile dans le sport. Fort heureusement, la nouvelle lecture en commission a permis, la semaine dernière, de revenir à l'équilibre de la proposition de loi adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale.
Certains enrichissements du texte par le Sénat ont été conservés, comme l'élargissement des possibilités de prescription d'activités physiques adaptées aux malades chroniques ou présentant des facteurs de risque, le développement des activités physiques dans les établissements sociaux et médico-sociaux ou la définition dans la loi des maisons sport-santé, autant de préconisations figurant dans notre rapport sur la sédentarité, rédigé avec Marie Tamarelle-Verhaeghe en juillet 2021. Le groupe Socialistes et apparentés est également favorable à l'adoption de l'amendement gouvernemental à l'article 1er bis élargissant la possibilité de prescription d'activités physiques adaptées aux personnes en perte d'autonomie. Nous soutenons par ailleurs la possibilité d'allonger de façon encadrée le premier contrat des jeunes sportifs professionnels de trois à cinq ans, comme nous l'avions préconisé en décembre 2021, avec Cédric Roussel, dans notre rapport sur les droits audiovisuels du sport.
Malgré les ambitions limitées du texte dans son ensemble, le groupe Socialistes et apparentés a joué, dès le début, le jeu de l'enrichissement de la proposition de loi, considérant que le sport ne devait pas être l'otage de joutes politiciennes. Nous avons par exemple fait adopter un article sur le recensement des équipements sportifs dans les établissements scolaires, lequel n'existe pas actuellement. Avec d'autres, nous avons inséré une disposition prévoyant la parité au sein du bureau du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) – et, nous l'espérons, tout à l'heure, au sein du Comité paralympique et sportif français (CPSF). Nous avons aussi fait adopter des amendements visant à encadrer la création d'une société commerciale par les ligues professionnelles ou à permettre à des clubs sportifs constitués en société coopérative d'intérêt collectif de bénéficier de subventions de l'Agence nationale du sport (ANS) – sur ce dernier point, nous aurions pu aller plus loin en autorisant également les associations sportives à se constituer en SCIC. Au Sénat, des avancées ont été obtenues, notamment à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Lozach, comme l'inclusion, dans les déclarations de performances extrafinancières des grandes sociétés, des actions de promotion des activités physiques et sportives, ainsi que l'assouplissement et la simplification pour les personnes majeures du certificat d'absence de contre-indication à la pratique sportive.
En revanche, certaines avancées conquises par les groupes socialistes et écologistes du Sénat ont été supprimées lors de la nouvelle lecture en commission, comme l'intégration du développement de l'activité physique et sportive pour les salariés dans le champ de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, ou bien l'obligation pour toute personne qui construit un bâtiment à usage industriel ou tertiaire sur un lieu de travail de le doter de douches et de vestiaires. Nous redéposons en séance publique les deux amendements visant à insérer ces dispositions car le texte de loi ne contient pas de dispositions de nature à favoriser l'activité physique et sportive en milieu professionnel.
Nous regrettons également que nos amendements visant à mieux reconnaître les missions de coordination et d'évaluation des enseignants en activité physique adaptée, qu'ils assument depuis quarante ans dans nos territoires, aient été déclarés irrecevables ; la loi ne reconnaîtra pas ces professionnels alors que les masseurs-kinésithérapeutes obtiennent la possibilité de renouveler des prescriptions d'activité physique adaptée.
Enfin, nous ne pouvons voter en l'état l'article 3 bis B car sa rédaction ne mentionne pas explicitement l'obligation de création d'une association sportive dans les établissements scolaires du premier degré, à l'instar de celle qui existe pour ceux du second degré. La possibilité inscrite dans le texte de créer des alliances éducatives territoriales aux contours flous, dans le cadre de projets culturels, sportifs, artistiques et citoyens, nous paraît de nature à diluer l'objectif de développement des activités physiques et sportives à l'école et à fragiliser les associations sportives existantes au sein de l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (USEP), alors qu'il faudrait les renforcer.