Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mercredi 9 février 2022 à 15h00
Démocratiser le sport en france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Nous examinons en nouvelle lecture la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Dès la première lecture, j'ai exprimé ma déception, tant était grand l'écart entre les promesses du titre et la réalité. Les dispositions proposées me paraissaient déjà loin des enjeux et ô combien lacunaires. Après un passage au Sénat puis, la semaine dernière, en commission à l'Assemblée nationale, le texte, malgré son intérêt limité, comporte quatre-vingt-dix articles, au lieu de douze.

Une disposition particulièrement controversée a été ajoutée. Il s'agit d'autoriser les ligues professionnelles à créer une société commerciale, ce qui accentuera forcément la financiarisation du sport. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles.

La nouvelle version du texte est vidée du peu d'avancées qu'il contenait, après l'adoption d'amendements issus de la majorité présidentielle. Je pense en particulier à la suppression du dispositif tendant à installer des vestiaires et des douches dans les nouveaux bâtiments à usage professionnel, afin notamment de favoriser l'usage du vélo pour les trajets entre le domicile et le travail. Je pense également au renoncement à élargir la retransmission en accès libre des compétitions féminines comme masculines.

Malgré ses quatre-vingt-dix articles, votre texte ne prévoit rien pour améliorer la retransmission des événements de handisport, rien pour garantir aux sportives une rémunération égale à celle de leurs homologues masculins, rien pour limiter les effets de l'argent dans le sport, rien sur la représentation des supporters et de leurs associations, rien enfin pour simplement permettre au plus grand nombre de suivre à la télévision les grandes compétitions sportives sans souscrire une multiplicité d'offres – bref, rien pour démocratiser le sport en France.

Le bilan de votre majorité en matière de politique sportive est catastrophique. Le ministère chargé des sports est encore plus soumis aux intérêts du secteur privé, notamment depuis la création de l'Agence nationale du sport. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) participe à la gouvernance de ce groupement d'intérêt public, dont le seul financeur est pourtant L'État. Les pouvoirs publics ont délégué une partie de leurs compétences à cette agence ; or elle mène une politique ultra-élitiste, qui vise à obtenir des résultats à court terme, au détriment de la structuration d'un ensemble diversifié de disciplines sportives, qui constitue pourtant l'ADN du sport en France.

En conséquence, les constats établis en 2017 sont toujours valables. Les équipements sportifs de proximité, lorsqu'ils existent, sont vétustes, inadaptés, voire en fin de vie pour la moitié d'entre eux. L'engagement bénévole n'est pas reconnu, et le manque de moyens financiers empêche les associations de procéder aux embauches nécessaires. Les besoins des populations en situation de handicap ne sont pas suffisamment pris en considération.

Pourtant, outre les enjeux dans le domaine de la santé, le soutien au sport relève de l'intérêt général. Le mouvement sportif constitue la seconde plus grande force associative française, avec 16 millions de licenciés, 286 000 emplois, un réseau de clubs et 3,5 millions de bénévoles, investis dans 317 000 associations qui représentent 24 % des associations françaises.

Je plaide pour une politique sportive à rebours de votre logique libérale, laquelle assigne le sport à la culture de la compétition poussée à son paroxysme. Le sport relève d'une mission de service public. Sans sport amateur, il n'y aura pas de championnes, ni de champions. Il est donc temps de sortir le sport des logiques de marché, de concurrence et de marchandisation à l'extrême, afin de permettre à chacun de développer ses capacités créatrices et son estime de soi, dans le respect des autres – je dis bien : dans le respect des autres.

Il faut garantir à toutes et à tous l'accès au sport et à l'activité physique de son choix, et ce tout au long de la vie, quels que soient les revenus, le sexe, l'âge, la couleur de peau, la religion, le handicap même. Il est temps de faire du sport santé un élément essentiel du bien-être humain, en soutenant le sport sur ordonnance et la rénovation d'équipements sportifs.

Le texte n'est pas à la hauteur de ces grandes ambitions. Il ne rompt en aucune manière avec la situation du mouvement sportif. Vous considérez que l'accès au sport et aux activités physiques est une chance davantage qu'un droit véritable. Tout cela constitue un immense gâchis – cinq ans de perdus pour le service public du sport.

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