Que ce soit par l'expérience du milieu scolaire, par les retours de terrain ou dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, je crois que chacun d'entre nous comprend aujourd'hui que le harcèlement scolaire est un phénomène complexe, qui frappe les élèves de toutes les écoles, toutes les classes sociales, tous les âges. Il était donc urgent que la représentation nationale se penche sur cette question de manière sérieuse et appliquée afin d'avoir des débats qui permettent d'enrichir les idées proposées.
Je voudrais vous remercier, monsieur le rapporteur, de nous donner l'occasion de faire avancer la protection de nos enfants. Aujourd'hui, de nombreux parents se sentent démunis face à ce phénomène qui prend de l'ampleur et qui reste parfois encore tabou alors que de nombreux enfants souffrent. Ne banalisons jamais leurs maux et leurs mots !
La CMP (commission mixte paritaire) a mis en lumière des divergences de vue qui montrent clairement que le sujet du harcèlement scolaire n'est pas encore bien compris de tous. Ainsi, tout comme les membres du groupe UDI et indépendants, je ne souscris pas à l'ensemble des modifications apportées au texte par le Sénat, à commencer par la définition du harcèlement scolaire qui exclurait les professeurs et personnels encadrants – étant précisé qu'il ne s'agit évidemment pas d'une défiance à l'égard des enseignants, dont je salue ici le constant travail.
Je profiterai d'ailleurs d'un commentaire de votre rapport pour revenir sur une problématique que nous avons déjà soulevée en commission : je suis d'accord avec vous pour considérer qu'il serait incohérent qu'un adulte exerçant au sein de l'établissement soit moins sanctionné qu'un élève pour des faits de harcèlement similaires. Mais de la même manière, des faits de harcèlement ou de cyberharcèlement commis par un groupe de jeunes dont certains ne sont pas dans le même établissement que la victime ne doivent pas conduire à une punition différente, et c'est pourtant ce qui risque d'arriver.
Le phénomène du harcèlement prend finalement de nombreuses formes et c'est ce qui le rend difficile à appréhender dans le cadre d'une action juridique qui doit être bien calibrée.
Cela dit, les outils à notre disposition sont nombreux, le premier d'entre eux devant être la prévention. Je regretterai une fois encore le manque d'infirmiers, de médecins et de psychologues scolaires qui seraient à même d'écouter et d'accompagner les enfants en souffrance. Je me félicite cependant que le Sénat ait ajouté la CDIsation des assistants d'éducation que nous avions évoquée il y a quelques semaines seulement. Ce délai est encore très long, mais je crois qu'il s'agit d'une première avancée ouvrant des perspectives à ceux qui souhaitent s'engager, notamment dans les établissements en zone rurale où les étudiants ne sont pas légion.
Les personnes qui entourent chaque jour nos enfants doivent pouvoir remplir ce rôle d'écoute, et sur ce point l'article 3 évoque très justement la formation, qui est très importante. Mais il faut surtout briser un tabou dans l'éducation nationale : oui, il y a du harcèlement dans les établissements et même dans la très grande majorité des classes ! Il faut donc inciter les établissements à encore plus de vigilance et demander aux directeurs de relever chaque fait qu'on lui aura rapporté, afin qu'il soit en mesure d'adapter la stratégie de lutte de son établissement. Il faut aussi et surtout que les établissements soient eux-mêmes accompagnés.
Enfin, puisque j'évoque les outils qui peuvent être mis à disposition de la lutte contre le harcèlement scolaire, je voudrais rapidement revenir sur la seule modification que je défendrai ce matin, à savoir la possibilité pour un élève harcelé de changer d'établissement sans tenir compte des problématiques de la carte scolaire. Je connais votre position, monsieur le rapporteur – partagée par certains de nos collègues –, consistant à affirmer que ces changements sont déjà possibles. Certes, on peut toujours trouver des exemples en ce sens, mais il n'existe ni dans notre code de l'éducation, ni dans les règlements et décrets, la moindre disposition écrite indiquant qu'en cas de harcèlement, un élève peut changer d'établissement en dérogeant à la carte scolaire.
À l'inverse, nous avons inscrit dans la loi confortant le respect des principes de la République la possibilité pour un enfant harcelé de poursuivre en urgence la suite de son cursus dans le cadre d'une scolarisation à domicile, par dérogation au principe d'autorisation – d'une mise en œuvre un peu longue – mis en place dans cette loi, ce que je salue par ailleurs.
Quoi qu'il en soit, le groupe UDI et indépendants aborde favorablement la discussion de ce texte, en espérant que les avancées qu'il contient permettront d'aider le plus d'enfants possible.