Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • IVG
  • avortement
  • délit
  • harcèlement
  • harcèlement scolaire

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement (4976, 4997).

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La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Michel Blanquer, en déplacement avec le Président de la République.

Le bien-être des enfants, des adolescents et des étudiants, quels qu'ils soient et quels que soient leurs besoins éducatifs particuliers, est indispensable non seulement à leur épanouissement mais aussi à leur réussite. C'est pourquoi, depuis 2017, nous avons beaucoup fait pour améliorer ce sentiment de bien-être. En élevant le « respecter autrui » au rang de savoir fondamental, en luttant contre toutes les formes de discrimination, dont celles relatives à la question du handicap, en créant un vrai service public de l'école inclusive, en proposant des internats d'excellence ou encore des petits déjeuners gratuits, nous avons voulu offrir à nos élèves des conditions optimales d'apprentissage et de réussite.

Nous ne nous habituerons jamais à ce que des vies d'enfants et d'adolescents soient brisées, parfois de façon irrémédiable, par ce fléau du quotidien qu'est le harcèlement scolaire.

Bien sûr, en tant que secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, ce débat me tient particulièrement à cœur. La discrimination liée au handicap est le premier motif de saisine du Défenseur des droits. Les enfants avec des troubles, un handicap, une particularité sont les cibles privilégiées du harcèlement scolaire, comme vous le savez. Nous combattrons sans relâche le harcèlement à l'école, partout où il se trouve.

Si les actions menées depuis 2017 ont permis de contenir le harcèlement physique, la progression rapide et exponentielle du harcèlement en ligne doit aujourd'hui nous alerter et nous conduire à redoubler d'efforts. C'est pourquoi nous avons pris de nouvelles mesures fortes, conscients cependant que celles-ci ne suffiront évidemment pas à éradiquer un phénomène qui dépasse largement le cadre scolaire et qui nécessite une mobilisation de la société tout entière.

Dès 2017, pour combattre le harcèlement à l'école, nous avons lancé un plan volontariste et ambitieux structuré autour de trois grands axes : prévenir, intervenir, former.

Nous avons inscrit dans la loi « qu'aucun élève ne doit subir, de la part d'autres élèves, des faits de harcèlement » – loi pour une école de la confiance. Nous avons interdit l'usage du téléphone portable au collège et renforcé l'éducation aux médias et à l'information avec le Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (CLEMI). Nous avons noué des collaborations avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et les plateformes de réseaux sociaux pour améliorer la prévention du cyberharcèlement. Par ailleurs, nous avons lancé cinq campagnes de prévention centrées sur le revenge porn, le rôle des témoins, les dynamiques de groupe, le premier degré et le cyberharcèlement. Nous avons également créé plusieurs catégories au sein du prix « Non au harcèlement », dont le prix contre le cyberharcèlement, dès 2017, et le prix spécial « école élémentaire », depuis deux ans.

Aucun élève ne doit être laissé seul face à ces agissements.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

C'est pourquoi le ministère finance un numéro d'écoute, le 3020, et un numéro dédié à la lutte contre le cyberharcèlement, le 3018, en partenariat avec l'association e-Enfance. Le 3020 va bénéficier des services de la plateforme Acceo, plateforme connue utilisée par le ministère, qui facilite l'accessibilité téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes. Nous allons également publier des guides pour les personnels, les élèves et leurs familles.

La lutte contre le harcèlement est l'affaire de tous et, à l'initiative de la France, une journée mondiale de lutte contre le harcèlement a été instaurée le premier jeudi de novembre.

En cette rentrée 2021, un nouveau cap a été franchi avec la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l'école (PHARE) et la mise en place du « carré régalien » dans les rectorats. La mobilisation de la communauté éducative autour de ce programme devrait avoir des effets significatifs sur le climat scolaire, le bien-être des élèves et, plus largement, sur les performances de notre système éducatif.

La proposition de loi du député Erwan Balanant s'inscrit dans la droite ligne de l'action que nous avons menée jusqu'ici. Elle apporte une nouvelle pierre à l'édifice, notamment en élargissant la base légale du harcèlement scolaire et en créant un délit spécifique de harcèlement scolaire. Je connais l'engagement et le travail de tout un chacun ici.

Nous pouvons faire reculer le harcèlement scolaire, qui n'est pas une fatalité. Certains pays, certains établissements, certains professeurs y parviennent tous les jours. La lutte contre ce phénomène suppose la mobilisation de chacun des membres de la communauté éducative et, au-delà, de l'ensemble de la société.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LT et sur les bancs des commissions.

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La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

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Nous nous retrouvons ce matin pour l'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Ce texte nous était revenu du Sénat dans une rédaction sensiblement différente de celle que nous avions adoptée le 1er décembre dernier. Sur deux points qui me semblent fondamentaux, nous avons, en commission, rétabli le texte issu de la première lecture.

À l'article 1er , tout d'abord, le Sénat avait souhaité restreindre le champ d'application du droit à une scolarité sans harcèlement aux seuls rapports entre pairs. Pourtant, l'objet de l'article du code de l'éducation n'est pas de réprimer des comportements, il est de conférer un droit à l'ensemble des élèves et des étudiants de ce pays : celui de ne pas subir de faits de harcèlement au cours de leur formation. C'est pourquoi la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture ne vise aucune catégorie particulière en matière d'auteurs ; elle ne saurait par conséquent s'analyser comme une manifestation de défiance à l'égard de qui que ce soit et surtout pas des enseignants, qui exercent, dans l'immense majorité des cas, leur métier avec passion et bienveillance. C'est pourquoi la commission, réunie lundi dernier, a souhaité rétablir le texte issu de notre assemblée.

Par ailleurs, à l'article 4, le Sénat a substitué au délit de harcèlement scolaire que nous avions créé une circonstance aggravante du délit de harcèlement moral, tout en restreignant, là aussi, la qualification aux seuls rapports entre pairs. Ces modifications comportent plusieurs inconvénients au regard des objectifs poursuivis et de la cohérence de notre droit pénal.

En premier lieu, l'intelligibilité et la clarté de la loi ne s'en trouvent pas améliorées, tant s'en faut. Or, en droit pénal, que celles-ci soient optimales est un impératif constitutionnel et un gage d'efficacité, a fortiori lorsqu'il s'agit de s'adresser à des mineurs. Comment défendre ses droits quand on ne les comprend pas ? Comment percevoir l'interdit quand il est peu lisible ? Nul n'est censé ignorer la loi, certes, mais le dispositif adopté par le Sénat rend ce présupposé impossible à remplir pour des enfants de 10 ou 12 ans. À l'évidence, une circonstance aggravante qui s'ajoute à une infraction déjà très complexe dans sa rédaction ne saurait permettre au droit pénal de remplir sa fonction expressive.

Il me semble que le délit autonome de harcèlement scolaire, tel que nous l'avons défini en première lecture, est plus clair, plus pédagogique, plus expressif en somme, qu'une circonstance aggravante du délit de harcèlement moral dit général, dont le champ d'application excède très largement le milieu scolaire et universitaire. Je crois que nous sommes tous convaincus que l'action pédagogique est le plus sûr moyen de lutter contre le harcèlement scolaire. C'est pourquoi le code pénal, qui est le recueil des interdits fondamentaux d'une société, constitue bien l'un des supports indispensables du message que nous devons transmettre.

Par ailleurs, l'application de cette circonstance aggravante aux seuls élèves renforce les distorsions de répression que j'ai soulignées dans mes différents rapports sur le sujet. En effet, les mêmes actes seront moins réprimés s'ils sont commis par un adulte de l'établissement, ayant donc a priori autorité sur la victime, que par un élève. Une telle différence dans le quantum des peines applicables me paraîtrait difficilement acceptable.

En outre, chose qui peut paraître anecdotique mais qui a son importance, la circonstance aggravante ne permettra pas d'établir des statistiques précises sur le harcèlement scolaire : or nous en avons besoin pour bien quantifier ce phénomène. Il faut savoir qu'aujourd'hui, lorsque vous déposez une plainte pour ce motif dans un commissariat ou dans une gendarmerie, aucune catégorie spécifique n'est prévue, ce qui rend les données peu fiables.

Nous avons également rétabli, dans la rédaction issue de nos travaux, l'article 3 relatif à la formation des personnels, l'article 3 ter donnant une nouvelle mission au réseau des œuvres universitaires, l'article 6 relatif au stage de sensibilisation, ainsi que l'article 7, qui traite des responsabilités des plateformes.

Plusieurs apports du Sénat nous ont toutefois semblé bienvenus et ont donc été conservés dans le texte adopté par la commission. C'est notamment le cas de l'article 3 bis D, relatif au rôle des visites médicales dans l'identification des enfants victimes de harcèlement scolaire, ou encore de l'article 2 bis relatif aux établissements français de l'étranger.

Nous avons également maintenu la demande de rapport de l'article 3 bis E, relative à la prise en charge des frais de consultation et de soins engagés par les victimes de harcèlement scolaire, formulée ici en première lecture par de nombreux collègues. Je n'étais pas favorable à cet ajout, puisqu'il s'agissait de demander une fois de plus un rapport, mais je me dois de respecter sur ce point la volonté sénatoriale partagée par plusieurs collègues sur nos bancs.

Je souhaiterais aussi saluer le travail de Mme Victory et de la majorité s'agissant de l'article 3 quater relatif aux assistants d'éducation (AED), introduit par le Sénat sur la base du texte adopté par l'Assemblée nationale le 20 janvier dernier. Ces personnes pourront désormais accéder à un contrat à durée indéterminée leur permettant de poursuivre leurs missions au-delà de la durée maximale d'exercice de six années actuellement en vigueur. J'ai pu mesurer, au cours de mes travaux sur le harcèlement scolaire, combien ces professionnels étaient des acteurs essentiels de la lutte contre ce fléau. Du fait de leur bonne connaissance des élèves, de leur expérience du milieu scolaire et de leur grande polyvalence, les assistants d'éducation sont particulièrement à même de détecter les situations de harcèlement à un stade précoce.

Je déplore cependant que les dispositions du texte de Mme Victory relatives aux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) n'aient pas été intégrées à la présente proposition de loi au cours de la navette parlementaire. Professionnels indispensables à la réalisation de l'école inclusive que nous appelons de nos vœux, les AESH sont bien placés pour identifier les situations de harcèlement dont souffrent de nombreux élèves en situation de handicap.

En somme, mes chers collègues, le texte soumis à votre examen repose sur un travail collectif de longue haleine, qui a permis d'atteindre un équilibre satisfaisant entre les trois piliers que constituent la prévention, l'accompagnement et la protection.

La prévention est la base de la lutte contre le harcèlement scolaire. Sans prévention, nous ne parviendrons pas à juguler ce phénomène. Sans prévention, nous ne parviendrons pas à faire émerger une école de la bienveillance et de la confiance. C'est tout l'enjeu des articles 1er et 3 de cette proposition de loi.

Cette lutte passe aussi par l'accompagnement. Nous allons donner des droits nouveaux aux élèves, au premier rang desquels le droit à suivre, dans le cadre d'une école de la confiance et de la bienveillance, une scolarité sans harcèlement. Cela suppose de les accompagner. C'est le sens de l'article 3 qui donne de nouveaux moyens à diverses catégories de professionnels, notamment pour traiter le plus rapidement possible les cas de harcèlement scolaire.

Pour ériger le dernier pilier de cette proposition de loi, la protection, nous procédons de la même manière que dans les années 2000 où a été construite la législation permettant de lutter contre le harcèlement moral au travail. Nous créons un droit dans le code de l'éducation et nous posons un interdit dans le code pénal.

Ces trois piliers que sont la prévention, l'accompagnement et la protection ne nous permettront pas de résoudre tous les problèmes – nous sommes bien conscients du fait que des politiques publiques fortes sont nécessaires –, toutefois, avec ce texte, nous comblons des lacunes juridiques, ce qui était indispensable.

Nous arrivons au terme d'un processus de longue haleine, que l'on pourrait qualifier d'exemplaire de ce que le travail parlementaire collectif permet, en mêlant rapport au Gouvernement, proposition de loi et riche débat parlementaire. Un large consensus en faveur de ces dispositions s'était manifesté lors de la première lecture. Je souhaite qu'il en aille de même aujourd'hui.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM et LT et sur les bancs des commissions.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Béatrice Descamps.

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Que ce soit par l'expérience du milieu scolaire, par les retours de terrain ou dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, je crois que chacun d'entre nous comprend aujourd'hui que le harcèlement scolaire est un phénomène complexe, qui frappe les élèves de toutes les écoles, toutes les classes sociales, tous les âges. Il était donc urgent que la représentation nationale se penche sur cette question de manière sérieuse et appliquée afin d'avoir des débats qui permettent d'enrichir les idées proposées.

Je voudrais vous remercier, monsieur le rapporteur, de nous donner l'occasion de faire avancer la protection de nos enfants. Aujourd'hui, de nombreux parents se sentent démunis face à ce phénomène qui prend de l'ampleur et qui reste parfois encore tabou alors que de nombreux enfants souffrent. Ne banalisons jamais leurs maux et leurs mots !

La CMP (commission mixte paritaire) a mis en lumière des divergences de vue qui montrent clairement que le sujet du harcèlement scolaire n'est pas encore bien compris de tous. Ainsi, tout comme les membres du groupe UDI et indépendants, je ne souscris pas à l'ensemble des modifications apportées au texte par le Sénat, à commencer par la définition du harcèlement scolaire qui exclurait les professeurs et personnels encadrants – étant précisé qu'il ne s'agit évidemment pas d'une défiance à l'égard des enseignants, dont je salue ici le constant travail.

Je profiterai d'ailleurs d'un commentaire de votre rapport pour revenir sur une problématique que nous avons déjà soulevée en commission : je suis d'accord avec vous pour considérer qu'il serait incohérent qu'un adulte exerçant au sein de l'établissement soit moins sanctionné qu'un élève pour des faits de harcèlement similaires. Mais de la même manière, des faits de harcèlement ou de cyberharcèlement commis par un groupe de jeunes dont certains ne sont pas dans le même établissement que la victime ne doivent pas conduire à une punition différente, et c'est pourtant ce qui risque d'arriver.

Le phénomène du harcèlement prend finalement de nombreuses formes et c'est ce qui le rend difficile à appréhender dans le cadre d'une action juridique qui doit être bien calibrée.

Cela dit, les outils à notre disposition sont nombreux, le premier d'entre eux devant être la prévention. Je regretterai une fois encore le manque d'infirmiers, de médecins et de psychologues scolaires qui seraient à même d'écouter et d'accompagner les enfants en souffrance. Je me félicite cependant que le Sénat ait ajouté la CDIsation des assistants d'éducation que nous avions évoquée il y a quelques semaines seulement. Ce délai est encore très long, mais je crois qu'il s'agit d'une première avancée ouvrant des perspectives à ceux qui souhaitent s'engager, notamment dans les établissements en zone rurale où les étudiants ne sont pas légion.

Les personnes qui entourent chaque jour nos enfants doivent pouvoir remplir ce rôle d'écoute, et sur ce point l'article 3 évoque très justement la formation, qui est très importante. Mais il faut surtout briser un tabou dans l'éducation nationale : oui, il y a du harcèlement dans les établissements et même dans la très grande majorité des classes ! Il faut donc inciter les établissements à encore plus de vigilance et demander aux directeurs de relever chaque fait qu'on lui aura rapporté, afin qu'il soit en mesure d'adapter la stratégie de lutte de son établissement. Il faut aussi et surtout que les établissements soient eux-mêmes accompagnés.

Enfin, puisque j'évoque les outils qui peuvent être mis à disposition de la lutte contre le harcèlement scolaire, je voudrais rapidement revenir sur la seule modification que je défendrai ce matin, à savoir la possibilité pour un élève harcelé de changer d'établissement sans tenir compte des problématiques de la carte scolaire. Je connais votre position, monsieur le rapporteur – partagée par certains de nos collègues –, consistant à affirmer que ces changements sont déjà possibles. Certes, on peut toujours trouver des exemples en ce sens, mais il n'existe ni dans notre code de l'éducation, ni dans les règlements et décrets, la moindre disposition écrite indiquant qu'en cas de harcèlement, un élève peut changer d'établissement en dérogeant à la carte scolaire.

À l'inverse, nous avons inscrit dans la loi confortant le respect des principes de la République la possibilité pour un enfant harcelé de poursuivre en urgence la suite de son cursus dans le cadre d'une scolarisation à domicile, par dérogation au principe d'autorisation – d'une mise en œuvre un peu longue – mis en place dans cette loi, ce que je salue par ailleurs.

Quoi qu'il en soit, le groupe UDI et indépendants aborde favorablement la discussion de ce texte, en espérant que les avancées qu'il contient permettront d'aider le plus d'enfants possible.

M. Maxime Minot applaudit.

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Nous savons tous le caractère central de l'école dans la construction des individus. Malheureusement, l'expérience de la violence en fait partie et les conséquences de cette violence ne s'arrêtent pas toujours à l'école : elles se poursuivent au-delà du cadre scolaire et perdurent. Il faut donc, dès le plus jeune âge, la repérer, la combattre, la désamorcer.

Je le disais lors de la première lecture, nous avons enfin les mots pour décrire ce que nous avons longtemps cherché à dénoncer sans pouvoir le faire : le harcèlement scolaire. Nous avions tendance jusqu'alors à le sous-estimer, à n'y voir que des querelles sans conséquences entre élèves. Or le harcèlement n'est pas une petite violence sans conséquences. Il gâche la vie de nos enfants, empêche leur scolarité heureuse à un âge où l'insouciance devrait paraître éternelle. Parfois même, il tue.

Il faut le dire : la présente proposition de loi ne réglera pas à elle seule le harcèlement scolaire, mais elle contribuera à le rendre visible, à mieux l'appréhender pour, je l'espère, le faire reculer.

Je regrette qu'un accord n'ait pu être trouvé avec le Sénat. Les divergences entre les textes de chacune des deux assemblées ne me paraissaient pourtant pas insurmontables. Sur un certain nombre de points, le Sénat avait même pu l'enrichir : je pense par exemple au rôle de la visite médicale dans la détection du harcèlement.

Je pense également à la possibilité de CDI ouverte aux assistants d'éducation, une disposition reprenant celle que nous avions adoptée dans le cadre de la proposition de loi de Michèle Victory. Cette avancée sera, je l'espère, une première étape vers une plus grande stabilité pour ces personnels essentiels et pourtant trop souvent oubliés. Assurément, ils sont précieux pour l'accompagnement de nos élèves au quotidien, et la lutte contre le harcèlement scolaire doit évidemment s'appuyer sur eux. Or aujourd'hui, ils n'exercent pas dans des conditions satisfaisantes.

Un regret cependant, celui que la deuxième disposition du texte de Michèle Victory n'ait pas été intégrée. Je veux parler de la CDIsation des accompagnants d'élèves en situation de handicap. Ces élèves sont malheureusement souvent les cibles de harcèlement. Améliorer leur inclusion passe nécessairement par la garantie d'un environnement bienveillant.

Il fallait en revanche revenir sur la suppression par le Sénat du stage de sensibilisation. Les mesures doivent avant tout être éducatives, et c'est le sens de cette disposition.

Des mesures éducatives, oui, mais il faut parfois aller au-delà. C'est ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, avec la création d'un délit autonome de harcèlement scolaire. Comme nous le disions en première lecture, notre groupe n'a pas d'opposition de principe à la création de ce délit spécifique.

Le véritable enjeu réside selon nous dans la définition précise qui est donnée du harcèlement scolaire, et celle adoptée par notre assemblée nous paraît plus adaptée. Elle a en effet le mérite de cibler également les étudiants et les personnes majeures, qui peuvent être concernés en tant que victimes comme en tant que bourreaux. Mais il faut être clair : si définir un délit spécifique de harcèlement scolaire peut avoir un effet dissuasif, cela ne suffira pas. Je crois surtout au rôle des acteurs au sein des établissements, dans leur devoir de protection des élèves.

Au-delà de la querelle juridique, le groupe Libertés et territoires rappelle la nécessité d'avoir une échelle des peines proportionnées. L'article 4 n'y répond pas tout à fait.

S'agissant du cyberharcèlement, il nous semble que le Sénat a eu raison d'insister et nous regrettons que la commission ait fait le choix de ne pas maintenir certains de ses apports, notamment ceux visant à contraindre davantage les plateformes. Au-delà de l'école, le harcèlement scolaire se prolonge désormais sur internet par les réseaux sociaux, qui constituent une caisse de résonance inouïe pour les actes d'intimidation et de violence. Or le présent texte ne comporte qu'un article à ce sujet, alors même qu'il nous semble être un axe majeur sur lequel agir.

Comme en première lecture, nous voterons ce texte. Je veux cependant insister sur un point : donnons-nous réellement les moyens d'agir, faute de quoi l'obligation de protection imposée aux établissements demeurera un vœu pieux. Il faudra, bien sûr, mieux former et sensibiliser la communauté éducative et la médecine scolaire à la prévention du harcèlement : c'est un préalable et certainement la clé d'une lutte efficace.

Cela implique d'investir, dès aujourd'hui, pour se donner davantage de moyens. Et c'est précisément ce qui a manqué ces dernières années.

M. Maxime Minot applaudit.

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Nous voici à nouveau réunis pour examiner en nouvelle lecture une proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire.

Elles s'appelaient Marion, Chanel ou Dinah : les prénoms de ces jeunes, tragiquement victimes de harcèlement, ont été cités plusieurs fois sur ces bancs. Mais comme trop souvent ici, les noms, les situations auxquelles on se réfère et les chiffres pourtant éloquents perdent de leur chair.

J'ai le sentiment qu'on légifère non pour se donner les moyens de faire cesser le harcèlement scolaire, mais pour se donner bonne conscience, en se satisfaisant d'opérations de communication quand les drames qu'il occasionne font irruption dans le champ médiatique.

C'est bien de drames qu'il s'agit et, de la brimade quotidienne aux sévices physiques, du racket à la diffusion d'image sur les réseaux, le harcèlement, protéiforme dans ses expressions, est un véritable fléau.

Si le phénomène est difficile à appréhender, force est de constater qu'il est massif : d'après la direction de l'évaluation des politiques publiques (DEPP), ce sont près de 700 000 de nos élèves qui chaque année sont victimes de harcèlement en milieu scolaire ; selon l'UNICEF, le phénomène concernerait 22 % des élèves. Les données manquent et des enquêtes devraient être réalisées tous les ans ; il faudrait même en faire, au sein du programme 230 Vie de l'élève du budget de l'enseignement scolaire, un indicateur de son premier objectif de performance – je regrette que M. Blanquer ne soit pas présent.

Mais hélas, trois fois hélas, cette proposition évoquée dans le rapport du Sénat n'est pas reprise, pas plus que la quasi-totalité des modifications qu'il avait apportées au texte, le faisant évoluer positivement.

Le Sénat avait ainsi restreint la qualification même du harcèlement aux seuls pairs, excluant adultes et personnels encadrants du dispositif : le harcèlement d'un adulte sur un enfant ressortit en effet à autre chose qu'à du harcèlement scolaire.

En plus de cette mesure de sagesse, nos collègues sénateurs ont également supprimé le nouveau délit de harcèlement, qui constituait une véritable surenchère sécuritaire et démagogique.

Sécuritaire d'abord, car en confondant sanction pénale et sanction éducative, on délaisse prévention, sensibilisation et identification des faits de harcèlement. D'ailleurs, comme le soulignait l'excellent rapport de notre collègue sénatrice Colette Mélot, notre arsenal juridique est suffisant, mais encore faut-il que les textes soient connus et appliqués, ce qui nécessite des moyens humains et financiers.

Démagogique ensuite, car malgré la dureté des peines qu'on voudrait imposer, dont l'effet dissuasif reste à prouver, les harceleurs sont pour l'essentiel de jeunes mineurs échappant à la justice ordinaire des adultes. Cela dit, je ne nie pas qu'il faille sévir contre les harceleurs. Nous ne sommes pas naïfs et nous savons que nos enfants ont besoin de repères stables et de sanctions variées, comme le fait remarquer le sociologue Benjamin Moignard.

Mais même l'association HUGO ! – l'une des rares à soutenir ce nouveau délit – confirme qu'il ne s'agit pas de « tirer à boulets rouges sur les harceleurs, qui ont souvent un vécu de mal-être ou de violences intrafamiliales ».

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C'est faux ! Toutes les associations sont pour à l'exception d'une seule ! Arrêtez de mentir !

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Punir pour punir n'est donc pas une solution et, avant de sanctionner, il faut identifier les causes du harcèlement en amont pour être le plus à même de prévenir ces tragédies. Vous l'avez redit, monsieur le rapporteur : on ne parviendra pas à lutter contre le harcèlement sans prévention. Sur ce sujet précisément, qu'il me soit permis d'évoquer rapidement ici la grande lacune de ce texte, qui se borne à des formules incantatoires.

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Je veux parler du manque flagrant de moyens humains et financiers dont bénéficie l'éducation nationale pour remplir ses missions, notamment pour prévenir le harcèlement. Comment voulez-vous qu'avec un médecin pour 12 000 élèves, un infirmier pour 1 500 élèves et un conseiller principal d'éducation (CPE) pour 700 élèves, nos personnels soient en nombre suffisant pour se mettre à l'écoute de nos enfants ? C'est bien de vouloir les former, comme le propose ce texte, mais il faudrait déjà les recruter.

Comment voulez-vous que l'on vous prenne au sérieux, madame la secrétaire d'État, alors qu'à l'occasion du dernier projet de loi de finances de la législature vous avez refusé mordicus de recruter davantage d'AED ? Ceux-ci pourraient pourtant être aux avant-postes de la détection du harcèlement. D'ailleurs, en ouvrant un droit à la CDIsation des AED le 20 janvier dernier, vous avez implicitement reconnu le rôle ainsi que l'utilité sociale et éducative de ce corps de métier.

Que dire enfin quand vous allez jusqu'à transformer l'obligation de formation continue relative à la prévention, à la détection et à la prise en charge du harcèlement scolaire et universitaire, en une simple proposition, en une possibilité ? Vous faites bien en réalité, car vous savez déjà qu'elle ne sera jamais effective, tant les possibilités de formation continue dans l'éducation nationale sont devenues indigentes.

Certes, le texte voté par le Sénat n'était pas exempt de défauts, à nos yeux du moins : on pouvait s'interroger sur la pertinence qu'il y avait à relancer le débat sur l'instruction en famille par le biais de ce véhicule législatif ou bien sur les dérogations à la carte scolaire prévues en cas de harcèlement. Quoi qu'il en soit, la position du groupe La France insoumise sera rigoureusement identique à celle qu'il avait eue en première lecture : à moins que les débats ne fassent encore évoluer le texte, nous nous abstiendrons.

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Chaque année en France, 700 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire – même si vous avez raison de dire, monsieur le rapporteur, que ce nombre est certainement plus élevé en réalité. C'est donc un sujet qui nous touche toutes et tous, au travers de nos proches et de nos familles. Il est urgent de proposer des mesures efficaces pour lutter contre ce fléau et mieux le prévenir. Il s'agit d'être une société meilleure, une société qui lutte collectivement contre le harcèlement, en particulier scolaire. Je profite de cette tribune pour exprimer ma solidarité à l'égard des familles qui ont été touchées et de celles qui sont en deuil, dont les enfants ont été les cibles de faits de harcèlement scolaire – lequel se double souvent de cyberharcèlement.

Ce texte – du moins, le sujet qu'il aborde – est donc le bienvenu ; nous l'avons déjà dit en première lecture. L'article 1er , qui consacre un droit à la protection contre le harcèlement scolaire dans le code de l'éducation, va dans le bon sens à nos yeux. Le fait de dire que les enfants doivent être protégés, qu'ils ont le droit à une protection au sein de l'école, peut être une réelle avancée : l'école doit être un lieu sécurisant pour les élèves. Mais cela restera un vœu pieux si les moyens nécessaires, ciblés, ne sont pas mis en œuvre.

L'article 3, qui prévoit la prise en charge des enfants harcelés par la médecine scolaire, est évidemment un bon signal, je le répète. Mais vous savez, chers collègues, dans quel état se trouve aujourd'hui la médecine scolaire : elle souffre d'un manque considérable de financements…

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…ainsi que d'un défaut d'attractivité auprès des personnels. Il y a un seul médecin scolaire en poste pour 12 500 élèves et les infirmiers et infirmières scolaires, seuls représentants de la médecine scolaire au sein des établissements, sont également en sous-effectif. Les attaques répétées contre cette profession, notamment la départementalisation de la médecine scolaire prévue par la loi 3DS – différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification –, fragilisent le repérage et l'accompagnement des enfants victimes ou responsables de harcèlement. Rappelons en effet – je pense que vous en conviendrez, chers collègues – que les victimes comme les auteurs de faits de harcèlement sont des enfants ; des mesures éducatives et un accompagnement particulier sont donc nécessaires. La crise sanitaire a davantage mis en lumière le manque de moyens, qui conduit les professionnels à délaisser des missions aussi essentielles que celles qui participent à l'école inclusive ou qui permettent le suivi des enfants les plus fragiles. Les conditions ne sont certainement plus réunies pour qu'ils puissent assumer leurs missions.

Il en va de même pour les psychologues scolaires, qui sont des acteurs clés dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Le concours de recrutement des psychologues de l'éducation nationale offre peu de places. La France est en situation de sous-effectif. Selon le rapport Moro-Brison, publié en 2016, il y avait alors en France un psychologue pour 1 600 élèves alors que la moyenne européenne s'établissait à un psychologue pour 800 élèves. L'attractivité de la profession doit être renforcée, à travers notamment une revalorisation des rémunérations et des carrières et une augmentation du nombre d'ouvertures de postes. Cette mesure doit s'accompagner d'un engagement financier clair de la part des ministres.

Je souhaite également faire part de mes doutes sérieux quant à l'opportunité de consacrer un délit de harcèlement scolaire au sein du code de procédure pénale. Ce doute est d'ailleurs partagé non pas seulement par les sénateurs et sénatrices, mais aussi par une partie des associations de lutte contre le harcèlement scolaire. Aujourd'hui, les articles L. 222-33-2 et suivants peuvent s'appliquer au harcèlement scolaire : ils offrent une assise indispensable à la lutte contre ce phénomène.

J'ai trouvé – et nous aurions pu en discuter plus largement – que la proposition sénatoriale consistant à supprimer la peine pour la remplacer par une circonstance aggravante était intéressante. Elle me semblait aller dans le bon sens. Selon les dires de bon nombre d'associations, la prévention accompagnée de moyens est plus efficace que la sanction pénale. Surtout, nous savons combien les mesures éducatives font défaut lors des décisions de justice qui concernent les enfants. Tout comme notre collègue Sabine Rubin, nous considérons que la création de ce nouveau délit occulte en réalité tout ce que nous aurions à faire en termes de prévention, d'éducation, d'accompagnement – mais aussi de sanction, à la mesure des enfants et de leur développement.

Vous trouverez peut-être qu'il n'est pas courageux de s'abstenir, monsieur le rapporteur mais, comme je l'ai indiqué, s'il semble au groupe de la Gauche démocrate et républicaine que certaines mesures vont dans le bon sens, il considère que le nouveau délit créé n'est pas à mesure d'enfant.

Mme Michèle Victory applaudit.

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Il y a quelques semaines, j'étais venue dire les noms d'enfants et d'adolescents ayant mis fin à leur vie, mettre des visages sur ce ratio effroyable : un élève sur dix – sûrement beaucoup plus, même – est harcelé au cours de sa scolarité. J'étais venue vous parler de Hugo, de Marion, de Dinah, de Thybault, de Marie et de bien d'autres encore – et je parlerai d'eux à nouveau. Derrière ces noms se cachent des histoires singulières mais toujours une enfance, une scolarité, une estime de soi, une vie – des vies – brisées par le harcèlement scolaire. Il se cache surtout une réalité trop longtemps restée taboue.

Dans cet hémicycle, nous nous étions mis à hauteur d'enfants, harcelés et harceleurs, pour comprendre les ressorts complexes de ce fléau et pour y trouver des réponses adaptées et rapidement opérantes. À l'issue des débats, nous nous étions félicités des avancées permises par la proposition de loi défendue par notre collègue Erwan Balanant – que je remercie –, tant en matière de prévention que d'amélioration du traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire.

Nous étions alors loin d'imaginer qu'elle serait largement remise en question par les sénateurs, qui transformeraient un texte ambitieux et vecteur d'espoir en une compilation de demi-mesures. Notre devoir de législateurs, mais aussi de parents, est de continuer à essayer de mieux protéger les enfants. Cela peut nécessiter une évolution du droit, pour que la société dans son ensemble puisse agir fermement devant ces faits.

À ceux qui pensent que ce texte vient uniquement renforcer l'arsenal pénal de la lutte contre le harcèlement scolaire, je réponds qu'il appelle avant tout à renforcer le travail d'accompagnement des enfants harcelés et de sensibilisation des harceleurs et des témoins, dans toutes les écoles de France. Je réponds que ce texte entend inscrire, au sein du projet d'établissement, une attention réaffirmée à la prévention et à la détection des faits constitutifs de harcèlement.

Oui, le harcèlement scolaire est désormais au cœur des préoccupations des élèves, de leurs parents, des enseignants, des acteurs associatifs et des pouvoirs publics, et il est fort heureusement possible de traiter ce sujet en dehors des tribunaux. Nous continuerons bien évidemment d'encourager cet élan civique de responsabilité qui dit non au harcèlement scolaire. Je remercie aussi, et surtout, toutes les associations qui œuvrent au quotidien auprès de nos enfants pour lutter contre ce phénomène.

Mais ces progrès ne doivent pas nous conduire à ignorer les situations dramatiques car chaque acte d'humiliation, de violence morale ou physique, en est un de trop. Je m'adresse donc à ceux qui souhaitent la suppression du délit autonome de harcèlement scolaire : aurions-nous avancé si le harcèlement scolaire restait encore un fait mal défini, mal compris, et que son caractère répréhensible n'était pas spécifiquement et clairement affirmé ? Que dire aux familles quand, après un aveu collectif d'échec, on conseille finalement à l'enfant épuisé de changer d'établissement pour échapper à ses harceleurs qui, eux, ne sont pas mis devant leur responsabilité et restent impunis ? Que disons-nous aux parents qui vivent le changement d'établissement de leur enfant comme un second revers qui lui est infligé ?

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C'est une double peine pour les enfants qui subissent le harcèlement scolaire. Pour qu'ils puissent se reconstruire et témoigner après l'isolement, la dépression, la déscolarisation, nous devons leur donner confiance en la société. Nous devons leur montrer que nous reconnaissons pleinement leurs souffrances et qu'il n'y aura désormais plus aucune tolérance pour l'acharnement dont ils ont été les victimes. Pour tenir cet engagement, il faut un délit autonome de harcèlement scolaire : j'en reste intimement persuadée. Les outils qu'instaure cette proposition de loi permettront, avec les politiques publiques mises en place au cours des cinq dernières années et grâce à l'action essentielle des acteurs de terrain, d'endiguer ce fléau.

Nous voulons également une harmonisation des sanctions que ne permet pas la législation actuelle, dans laquelle le harcèlement scolaire est puni au titre du harcèlement moral. La création du délit de harcèlement scolaire permettra également, lorsque cela est nécessaire, d'ordonner la confiscation des téléphones, tablettes ou ordinateurs ayant été utilisés pour commettre l'infraction. C'est donc également sur le cyberharcèlement et l'accès non régulé de nos enfants aux réseaux sociaux, souvent constitutifs du harcèlement scolaire, que nous allons agir. Les réseaux sociaux sont une jungle et leurs dangers sont encore trop méconnus.

J'appelle enfin votre attention, chers collègues, sur un point fondamental : le délit autonome de harcèlement scolaire, complété du stage de responsabilisation à la vie scolaire que nous instaurons, aura également une valeur d'exemple, pédagogique et éducative. Je le répète : nous ne sommes pas dans l'obsession pénale. Nous souhaitons simplement poser un cadre juridique clair, afin de pouvoir inculquer à nos enfants ce qui relève de l'interdit : pour faire société, il faut des droits, des devoirs, des libertés et des interdits. Pour éviter les situations extrêmes, pour inciter les témoins à sortir de leur silence, pour que nos enfants sachent que le harcèlement est un fait un grave qui n'a pas sa place dans notre société, nous posons aujourd'hui cet interdit. Nous apportons une nouvelle pierre à l'édifice de la lutte contre le harcèlement scolaire. Aujourd'hui, nous ne ferons pas machine arrière. Le groupe La République en marche votera ce texte afin de s'engager pour nos enfants.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

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Nous manquons de chiffres exacts, mais nombreux seraient les enfants victimes de harcèlement scolaire chaque année : on estime leur nombre entre 800 000 et 1 million, soit 10 % des élèves scolarisés en France. Ces chiffres donnent le tournis, ils révoltent et ils écœurent lorsque l'on sait les drames auxquels le harcèlement peut conduire. Car non, le harcèlement n'est pas une chamaillerie d'enfants, loin de là. Il nous faut briser la loi du silence ; il nous faut permettre aux enfants d'avoir la parole, de crier et de demander de l'aide. Permettez-moi d'avoir une pensée pour tous les enfants et leurs familles dont les destins ont été brisés parfois jusqu'à l'irréparable, et dont certains porteront à vies les stigmates des humiliations et des violences physiques ou psychologiques. Je tiens aussi à saluer l'engagement de toutes les associations qui leur apportent un soutien inestimable.

Non, ces faits ne sont pas anodins. Il nous appartient, comme citoyens, d'entendre la détresse des victimes et des parents et, comme législateurs, de leur apporter la certitude que toutes les réponses juridiques ont été prévues pour combattre efficacement ce fléau.

Le groupe Les Républicains s'est résolument engagé dans ce combat il y a une dizaine d'années, lorsque Luc Chatel, alors ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, s'est saisi le premier de la question : cherchant à mettre en place une réponse institutionnelle pour mettre fin au harcèlement scolaire, il a permis une prise de conscience des institutions. À sa suite, tous les ministres de l'éducation nationale ont apporté leur pierre au rempart qu'il faut construire face au harcèlement scolaire.

Mais de nombreux points sont perfectibles, comme la formation des enseignants.

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Seulement 20 % d'entre eux indiquent avoir reçu une formation contre le harcèlement scolaire. À peine un enseignant sur trois se sent suffisamment armé pour repérer les cas de harcèlement et accompagner les victimes et les harceleurs. Alors que le harcèlement scolaire touche tous les milieux et tous les établissements scolaires, la lutte contre le harcèlement scolaire rencontre pourtant aujourd'hui des difficultés structurelles, s'agissant en particulier de la prise en charge des victimes. En 2017, l'Académie de médecine dénonçait dans un rapport les nombreuses lacunes et les disparités territoriales dont souffre la médecine scolaire – et qu'a rappelées ma collègue Elsa Faucillon.

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C'est un point important que le Gouvernement doit corriger sans attendre. Les établissements doivent avoir les moyens des résultats que nous attendons d'eux.

Bien entendu, les gouvernements successifs de ce quinquennat ont pris des mesures en lançant un plan de lutte contre les violences scolaires, en interdisant les téléphones portables au collège et en prenant notamment l'initiative du programme PHARE. Mais, comme les numéros d'appel – dont l'utilité est réelle –, ces dispositifs restent parfois trop méconnus. Il faut absolument renforcer et rendre la plus large possible la communication à leur sujet.

Le Sénat a aussi fourni un important travail sur le harcèlement scolaire, au travers d'une mission d'information ayant abouti à la proposition de trente-cinq mesures concrètes et opérationnelles. Je pense également au rapport de l'Institut Montaigne, « Internet : le péril jeune ? » auquel a contribué Raphaël Muller, recteur de l'académie d'Amiens, que je salue et avec lequel j'ai évoqué ce sujet.

Devant chaque texte qui nous est soumis, en tant que législateurs, nous devons nous poser une seule question : résout-il le problème soulevé ? De celui-ci, je le crois, en dépit de l'échec de la commission mixte paritaire. Au-delà des coups de projecteur, les mesures prévues semblent pouvoir faire la différence dans le combat que nous menons collectivement, même si la portée de certaines d'entre elles demeure symbolique.

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C'est pourquoi, sans surprise, le Sénat a voulu y apporter sa contribution. La qualité de ses modifications n'est pas à démontrer : je pense entre autres à l'extension de la définition du harcèlement scolaire au milieu universitaire ainsi qu'au cyberharcèlement ; au nécessaire renforcement de la formation que je viens d'évoquer ; à la prise en considération des témoins. Le désaccord entre les chambres s'est principalement concentré sur l'article 4, réécrit par les sénateurs, qui considèrent que la création d'un délit spécifique de harcèlement scolaire risque de faire primer le symbole au détriment de l'efficacité du droit.

C'est là un argument qui doit s'entendre. Néanmoins – et bien que j'imagine la déception de mon collègue de l'Oise, rapporteur du texte au palais du Luxembourg –, les membres du groupe Les Républicains, assumant leurs responsabilités et jugeant que ce désaccord relève plutôt de la forme que du fond, voteront une nouvelle fois en faveur de la proposition de loi. Nous le ferons pour les victimes, qui n'ont pas voix au chapitre et comptent sur nous ; nous le ferons parce que nous sommes tous concernés, quels que soient notre circonscription et notre parcours personnel ; nous le ferons car, rappelait la dernière campagne contre le harcèlement, « ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on a des petits problèmes ».

Applaudissements sur les bancs des groupes LR et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.

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Cher Erwan Balanant, qui soutenez cette cause depuis si longtemps, dans le monde, deux jeunes sur trois déclarent craindre la violence à l'école ou à ses abords. « Nous demandons à être protégés et épargnés de toutes les formes et de tous les degrés de violence à l'école. Pour cela, nous demandons que les écoles soient régies par des règles, des réglementations et des plans d'action clairs permettant l'application de réformes et de recours afin d'offrir à tous les élèves un environnement d'apprentissage sûr. » C'est à cette demande simple, formulée par une centaine de jeunes dans le cadre d'un manifeste de l'UNICEF, que nous souhaitons répondre grâce à la proposition de loi.

Celle-ci ne porte pas sur la violence physique, intolérable, évidemment, mais plus facile à identifier : elle traite d'une violence plus insidieuse, pernicieuse, celle qui se chuchote dans le dos des victimes, celle qui prend souvent sa source dans une différence, un handicap, un sexting – l'envoi de textos à caractère sexuel – malencontreux, voire tout simplement dans le fait que tel ou tel est jugé trop réservé, trop studieux, trop « fort en thème » ; celle qui se répète chaque jour, encore et encore, et dont l'amplification numérique ne laisse aucun répit à la victime, poursuivie jusque dans sa chambre ; celle qui, dans les cours d'école ou de collège, partant d'un cercle restreint, s'élargit très vite, à tel point qu'un élève se retrouve parfois ostracisé par tout l'établissement avant qu'aucun enseignant ait eu vent de la chose ou puisse en évaluer l'ampleur – de même que nombre de parents découvrent des années plus tard, voire jamais, ce que leur enfant a subi, ce dont il garde des séquelles indélébiles, ce qui, souvent, l'a poussé à des actes tragiques.

Il faut en finir avec cette loi du silence, avec le tabou et la victimisation qui entourent le signalement du harcèlement : c'est pourquoi nous créons un délit de harcèlement scolaire. Il s'agit non pas de mettre des enfants en prison, mais de proclamer que l'école, le collège sont des sanctuaires, où l'on apprend la vie, libre et serein.

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Il s'agit de permettre à la communauté enseignante de mettre un nom sur ce fléau, d'en discuter, d'organiser la lutte avec et pour les enfants, avec les parents, avec les associations, au besoin d'ériger l'épouvantail des risques encourus, afin de faire prendre conscience aux familles des conséquences gravissimes que pourraient avoir certains actes commis par leur enfant et que trop d'entre elles ignorent ou même estiment anodins.

Pour toutes ces raisons, considérer le harcèlement scolaire comme une simple aggravation du délit de harcèlement moral, ainsi que le souhaitait le Sénat, ne présente aucun sens : un enfant ne peut encourir deux ans de prison pour en avoir harcelé un autre, quand les mêmes faits ne feraient risquer à un adulte qu'une année d'incarcération. En revanche, poser un interdit strict, ferme, une ligne rouge infranchissable, est plus que nécessaire.

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L'échec de la commission mixte paritaire a en outre une seconde cause : le Sénat voulait exclure du dispositif les adultes intervenant dans l'enceinte de l'école. Sans stigmatiser personne, il est de notre devoir de reconnaître que le harcèlement peut être lancé, prolongé ou simplement ignoré par des adultes intervenant en milieu scolaire – enseignants, surveillants, membres du personnel administratif ou médical, par exemple –, en vue de garantir aux enfants, par une définition large, qu'ils seront à l'abri de ce fléau.

Vous l'aurez compris, notre ambition en la matière est grande. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés espère ainsi que les débats qui vont suivre nous permettront de faire avancer ce texte absolument essentiel à la protection de nos enfants.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – M. le rapporteur applaudit également.

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L'examen de ce texte a démontré que la lutte contre le harcèlement scolaire transcende les clivages politiques : pour protéger nos enfants, nous sommes tous mobilisés. Le problème n'est certes pas nouveau, et les gouvernements successifs ont déjà pris des mesures, par exemple la création en 2012, au début du quinquennat de François Hollande, d'une ligne nationale d'écoute téléphonique gratuite, ou encore le dispositif des ambassadeurs lycéens contre le harcèlement. Cependant, force est de constater que l'amplification du phénomène par les réseaux sociaux a fait prendre au harcèlement des formes nouvelles qui rendent le calvaire des victimes, des familles, interminable. Des drames récents, insupportables, continuent de susciter l'émotion : nous avons une pensée émue pour ces foyers meurtris.

Pour autant, la viralité des réseaux sociaux ne doit pas masquer le fait que le harcèlement dit beaucoup du climat scolaire dans son ensemble. Affirmer le droit des enfants à être protégés, comme le fait votre texte, est essentiel. C'est pourquoi la lutte contre le harcèlement passe par le rétablissement d'un climat scolaire parfois dégradé : il convient de rendre de la considération aux enseignants, aux AED, aux AESH, d'améliorer les conditions dans lesquelles les élèves grandissent, de concevoir dès l'école primaire des actions de sensibilisation qui soient plus en lien avec le collège, de donner à la communauté éducative des moyens à la hauteur de son investissement. L'école étant le lieu du collectif, les dispositifs doivent tenir compte de l'effet de groupe, à l'exemple du dispositif Sentinelles et référents, permettant de travailler avec toutes les parties prenantes, qui a inspiré le programme PHARE.

Tout cela est avant tout du ressort de la prévention et de la formation. Ainsi, monsieur le rapporteur, bien que les propositions du Sénat se soient éloignées de votre travail très engagé, plusieurs d'entre elles allaient dans notre sens. Le fait que le harcèlement scolaire devienne une circonstance aggravante du harcèlement moral, et non plus une infraction autonome, était plus adapté à la perspective de notre droit pénal : un mécanisme de sanction proportionné et adapté à chaque situation. Nous l'avions dit en première lecture : le harcèlement scolaire étant déjà, fort heureusement, réprimé par la loi, alourdir le code pénal risque de se révéler contreproductif. Sur ce point, vous ne nous avez pas convaincus, même si nous avons pris note de votre argument majeur : le fait que l'instauration de ce nouveau délit permettrait de disposer de chiffres plus précis et donc de mieux appréhender l'ampleur du phénomène.

Les faits de harcèlement font rarement l'objet de poursuites, la caractérisation matérielle de l'infraction étant difficile à établir. C'est cette piste qu'il nous faut suivre, en dotant la justice des moyens nécessaires et en favorisant la libération de la parole des victimes. Sur la proposition du groupe Socialistes et apparentés, les stages de sensibilisation aux risques ont été à juste titre renommés : ils constitueront l'une des pièces maîtresses du dispositif, à condition, là encore, que les fonds nécessaires soient attribués. Nous sommes évidemment favorables à l'élargissement de cette lutte aux établissements hors contrat ; à l'élargissement des catégories de personnels formés, dont nous avions souligné l'importance ; à celle du rôle que doivent jouer les plateformes numériques. Les facteurs du harcèlement sont complexes : nous ne pourrons progresser qu'en jouant sur tous ses ressorts. En outre, le Sénat a introduit dans la proposition de loi, au sujet des AED, une disposition d'un texte récent dont j'étais rapporteure – je vous remercie de l'avoir souligné, monsieur Balanant.

En revanche, je regrette terriblement et sincèrement que les AESH n'aient pas été intégrés au dispositif.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Sabine Rubin applaudit également.

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Leur rôle est d'autant plus important que seule une mobilisation encore plus grande de l'institution peut faire espérer aux élèves en situation de handicap, souvent harcelés, une scolarité exempte de violences de tous ordres. Le courrier que j'ai dernièrement envoyé en ce sens au ministre chargé de l'éducation nationale étant resté sans écho ni réponse, je vous le demande une nouvelle fois de vive voix, madame la secrétaire d'État, car vous seule pouvez en décider à ce stade : donnez aux AESH la possibilité de CDIsation après trois ans d'exercice. Celle-ci est d'ailleurs prévue par ma proposition de loi visant à lutter contre la précarité des AESH et des AED, telle qu'issue de son examen par l'Assemblée. Une telle avancée ne serait certes pas à la mesure de l'engagement des intéressés auprès des élèves, mais pour elles – car ce sont principalement des femmes –, chaque geste compte : nous leur devons celui-ci, madame la secrétaire d'État, ne serait-ce que pour corroborer vos discours.

En attendant, je me réjouis que la situation des AED ait été examinée. Piliers des établissements scolaires, ils participent quotidiennement à l'instauration du climat scolaire serein que nécessite l'épanouissement des élèves ; ils accueillent, écoutent, prennent en charge ces derniers. Ces adultes référents, qui désamorcent les conflits éclatant hors des heures de cours proprement dites, n'en sont pas moins les invisibles de l'éducation nationale. L'accroissement de leurs missions, encore accéléré par la crise sanitaire, dégrade leurs conditions de travail ; pire, il leur faut renoncer au bout de six ans à un emploi que, de toute manière, ils pouvaient ne pas retrouver d'une rentrée à l'autre. La situation n'est plus tenable. Nous n'aurons guère l'occasion d'y revenir au cours de nos discussions, puisque les amendements que j'avais déposés afin de sécuriser davantage les contrats des AED ont été déclarés irrecevables, mais je réitère mon appel : nous avons besoin d'eux, les élèves en ont besoin. Ils sont non pas de simples pions mais des acteurs essentiels à nos écoles : accordons-leur enfin la reconnaissance qu'ils méritent. Madame la secrétaire d'État, lorsque le texte aura été promulgué, vous engagez-vous à ce que le décret permettant la CDIsation des AED après six ans d'exercice soit publié avant la fin de la législature ?

Le reste de la proposition de loi demeure quelque peu insuffisant. Nous regrettons encore et toujours l'absence de crédits destinés aux personnels éducatifs, ainsi qu'aux personnels de santé scolaire, dont nous ne cessons de dénoncer la pénurie. Comment imaginer associer les infirmières, médecins et psychologues scolaires à la lutte contre le harcèlement quand nous savons tous que, faute de moyens, ils ne parviennent pas à remplir leurs missions quotidiennes ? Le législateur ne peut pas tout ; nous souscrivons toutefois à l'intention qui inspire ce texte et, souhaitant qu'il apporte de vraies réponses à la communauté éducative, malgré nos réserves, nous voterons en sa faveur.

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Nous sommes de nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Les profondes transformations introduites par le Sénat ont en effet rendu inéluctable l'échec de la commission mixte paritaire, ce que nous regrettons sincèrement. Néanmoins, la suppression du délit autonome et l'exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire constituaient des lignes rouges que notre majorité ne pouvait se résoudre à franchir. C'est pourquoi nous avons entériné leur rétablissement en commission.

Comme lors de la première lecture, les membres du groupe Agir ensemble soutiendront avec vigueur cette proposition de loi, que nous avons cosignée. Il est en effet des drames individuels qui sont aussi collectifs et qui nous poussent à agir dans un esprit de responsabilité : le suicide de la jeune Dinah, qui a mis fin à ses jours le 5 octobre dernier à l'âge de 14 ans en est un.

Agressions physiques, insultes racistes, homophobes ou sexistes : la violence qui cessait autrefois à seize heures trente franchit désormais la grille de l'école et se poursuit de plus belle dans le confort de l'anonymat des réseaux sociaux.

Dinah n'est malheureusement pas un cas isolé : au moins dix-neuf élèves ont mis fin à leurs jours l'année dernière, sous la pression de leurs camarades harceleurs. Dinah est le triste visage d'un fléau qui toucherait 6 à 10 % des élèves, soit entre 700 000 et 1 million d'enfants ! Aucune région, aucune ville, aucun établissement, aucune classe sociale n'est épargné.

Trop souvent, la souffrance des victimes est pourtant invisibilisée, passée sous silence. L'isolement, la honte, la peur d'en parler à ses parents ou à ses professeurs sont autant de verrous qu'il faut briser pour que cesse enfin la loi du silence. Car là est le véritable enjeu : libérer et mieux recueillir la parole des victimes. Pour le harcèlement scolaire, comme pour toutes les autres formes de violence qui gangrènent la société, la logique est la même : la peur doit changer de camp.

Or, il faut bien le reconnaître, notre pays a tardé à prendre conscience du phénomène et à bâtir une réelle politique publique de lutte contre les violences scolaires. Depuis 2017, nous avons agi pour faire évoluer dans la pratique quotidienne de la vie scolaire la prévention des faits de harcèlement et la prise en charge des victimes. Je pense bien sûr à l'inscription du « droit à une scolarité sans harcèlement » dans la loi pour une école de la confiance votée en 2019, ainsi qu'à la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet dont notre collègue Laetitia Avia était la rapporteure. Mais en matière de harcèlement scolaire, comme dans beaucoup d'autres domaines, de nombreux leviers d'action relèvent du réglementaire. C'est le sens de la généralisation du programme PHARE à partir de la rentrée 2021.

Notre groupe se réjouit par ailleurs des récentes annonces du Président de la République qui se sont concrétisées cette semaine par le lancement de l'application 3018, qui permettra à chaque élève de signaler des faits de cyberharcèlement. Il s'agit d'une réelle avancée qui faisait partie des mesures préconisées par Timothé Nadim, ancien élève harcelé qui a su relever la tête et qui milite aujourd'hui pour que les choses changent – je salue ici son engagement.

La présente proposition de loi permettra d'aller plus loin encore. Elle repose sur le triptyque suivant : prévention, accompagnement, protection.

Il convient de prévenir les situations de harcèlement, d'abord, en consacrant un droit à une scolarité sans violence dans tous les établissements publics et privés. Lors de la première lecture du texte, les membres du groupe Agir ensemble avaient précisé le contenu des mesures que devront prendre les établissements pour insister sur la prévention, qui doit être améliorée.

Ensuite, il faut accompagner les victimes, les auteurs de faits de harcèlement scolaire et les adultes qui les prennent en charge en renforçant la formation de ces derniers. Sur ce point, notre groupe se réjouit que la commission ait conservé l'article 3 bis E, introduit par la chambre haute, relatif à la prise en charge des soins psychologiques non seulement pour les victimes mais aussi pour les auteurs. Nous avions défendu ce sujet en première lecture et nous nous réjouissons qu'il ait trouvé un écho favorable au Sénat.

Enfin, il faut protéger. L'article 4 crée à cette fin un délit autonome de harcèlement scolaire. Mais parce qu'au-delà des sanctions pénales la première réponse doit être éducative, nous avons soutenu le rétablissement de l'article 6 supprimé par le Sénat, qui crée un stage de sensibilisation visant à responsabiliser les élèves harceleurs.

Mes chers collègues, l'école doit rester un lieu d'émancipation par le savoir bien sûr, mais aussi par l'apprentissage du civisme et de la citoyenneté. Ce texte y contribue et je remercie chaleureusement son rapporteur Erwan Balanant pour son engagement constant en faveur de la lutte contre les violences scolaires. Je le répète : nous voterons donc cette proposition de loi avec conviction.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire a tout d'abord une visée pédagogique importante, tant le fléau du harcèlement scolaire touche de très nombreux enfants et adolescents. Le harcèlement scolaire constitue une agression répétée, délibérée, souvent effectuée en groupe : il n'est pas qu'un conflit entre deux individus : c'est souvent le fait d'un groupe contre un individu.

Chaque année, entre 800 000 et 1 million de jeunes en sont victimes, soit plus de 5 % des élèves. En 2021, une vingtaine d'enfants et d'adolescents sont décédés en raison du harcèlement qu'ils subissaient. En amont de ces drames, ce sont les parcours scolaires et la vie sociale des enfants concernés qui sont brisés avec des conséquences psychologiques indéniables. Il est bien là question du bien-être de nos enfants à l'école.

Le harcèlement scolaire est pris en considération depuis une dizaine d'années. Ce fléau n'est pas nouveau mais il est désormais aggravé par l'usage des réseaux sociaux qui offrent de nouveaux moyens pour harceler en groupe et dans un pseudo-anonymat. Je salue à cet égard le travail de terrain des associations qui œuvrent chaque jour dans les écoles pour réaliser de la prévention, ainsi que l'action des directions académiques qui se sont saisies du sujet à bras-le-corps et développent de manière continue le programme PHARE dans chaque milieu scolaire.

Les dispositions que vous proposez, monsieur le rapporteur, pourraient s'inscrire en complément du programme Sentinelles et référents instauré en 2010 et du programme PHARE que je viens d'évoquer. J'emploie toutefois le conditionnel car, si les enjeux principaux de votre texte sont la prévention des faits, la prise en charge des victimes et la création d'un délit de harcèlement scolaire, force est de constater que les moyens pour y parvenir ne sont pas pleinement déployés : 900 médecins scolaires pour 12 millions d'élèves. Voilà la réalité du constat !

Le manque de moyens, de médecins et d'infirmiers scolaires, d'assistants sociaux a d'ailleurs été évoqué par la Cour des comptes dans son rapport d'avril 2020, qui pointe « une performance très en deçà des objectifs de dépistages obligatoires, [moments clés du parcours de santé de l'élève], due à une organisation défaillante ». Elle ajoute qu'une « réorganisation complète du dispositif, assortie d'une révision des méthodes de travail, s'avère indispensable ». Un tiers des postes de médecins seraient vacants dans l'éducation nationale ; 18 % seulement des visites prévues aux 6 ans de l'enfant ont été réalisées en 2018 contre 26 % en 2013.

Vous proposez à l'article 3 la prise en charge par la médecine scolaire des enfants harcelés. C'est un très bon signal. Mais comment cette prise en charge serait-elle possible sans moyens ? Le Gouvernement a un temps songé à transférer la médecine scolaire aux départements dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale que nous venons d'adopter. Cette disposition n'a toutefois pas été retenue.

Dans de nombreux établissements de ma circonscription, l'infirmier n'est présent que deux jours par semaine. Combien de témoignages de victimes de harcèlement ou de parents de victimes font part du fait que les premiers signes physiques ressentis dans les cas de harcèlement sont les maux de ventre ? Or que fait un élève qui a mal au ventre et qui ne veut pas se rendre en classe ou rester dans la cour de récréation ? Il se rend à l'infirmerie. Mais c'est bien là que le bât blesse : il n'y a personne pour l'accueillir, pour identifier les premiers signaux et tirer la sonnette d'alarme.

Les enseignants peuvent être alertés par des résultats scolaires en baisse ; toutefois, seulement 20 % d'entre eux indiquent avoir reçu une formation contre le harcèlement scolaire. C'est pourquoi il est nécessaire de proposer aux personnels de l'éducation nationale des outils afin de prévenir, de détecter et de prendre en charge les victimes de harcèlement. L'article 3 va, à ce titre, dans le bon sens. Je regrette cependant qu'il ne prévoit pas d'accorder également aux parents la possibilité de suivre une formation sur le harcèlement scolaire. Ces derniers se retrouvent souvent seuls et démunis face à la détresse de leur enfant. Ils ignorent s'ils peuvent le changer d'établissement en cours d'année, lui proposer l'instruction à domicile en attendant que la situation s'apaise et ne savent pas vers quel interlocuteur se tourner. Les familles doivent être réellement accompagnées et soutenues.

Enfin, au-delà de la création d'un nouveau délit pour les auteurs de faits de harcèlement, délit qui se contente de réprimer et non de prévenir les souffrances, il me semble que nous aurions dû débattre et renforcer le dispositif juridique contre le cyberharcèlement. Je sais que vous y êtes sensible, monsieur le rapporteur. Ce sujet est essentiel pour la protection de la vie privée de nos enfants, dans la mesure où un jeune sur cinq de 18 à 24 ans déclare avoir été harcelé sur les réseaux sociaux.

La présente proposition de loi devrait imposer la levée de l'anonymat aux plateformes qui devraient être contraintes de faire cesser le harcèlement. Or l'article 7 se contente d'inscrire la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les objectifs assignés aux plateformes et aux fournisseurs d'accès.

Bien qu'elle comporte à mes yeux de nombreuses lacunes, je voterai la proposition de loi. Nous ne pouvons rejeter les dispositions supplémentaires qu'elle comporte alors qu'il y va de la santé mentale et physique de nos enfants.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur, qui souhaite intervenir.

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Je souhaite tout d'abord revenir sur le cheminement du texte, afin d'apporter des éléments de réponse à quelques interrogations émanant de la gauche extrême de l'hémicycle.

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Pas extrême gauche ! Nous sommes, à gauche, à l'extrême de l'hémicycle.

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Pas extrême gauche ! Nous sommes, à gauche, à l'extrême de l'hémicycle.

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Géographiquement, vous êtes à l'extrême gauche de l'hémicycle. C'est précisément parce que je ne voulais pas employer l'expression d'extrême gauche que j'ai parlé de gauche extrême. Mais là n'est pas le sujet.

L'objectif de la présente proposition de loi est de protéger l'enfant tout au long de son apprentissage scolaire et universitaire. C'est aussi simple que cela. Pour ce faire, nous devons instaurer les outils juridiques qui manquaient.

Vous avez raison, ce texte ne résoudra pas tout. Néanmoins, il donne aux pouvoirs publics des leviers d'action supplémentaires qui faisaient défaut jusqu'à présent. Jusqu'à la loi pour une école de la confiance, le terme de harcèlement scolaire ne figurait ni dans le code de l'éducation ni dans le code pénal.

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Le mal n'existait pas. Or comment voulez-vous lutter contre un mal qui n'est même pas nommé ? Tel est l'enjeu de l'article 1er de la proposition de loi qui confère un droit à une scolarité dans la confiance, sans violence et sans harcèlement – nous sommes tous d'accord sur ce point. Accorder ce droit à un enfant, c'est tout simplement libérer sa parole face à une menace. Tant que l'enfant ne dispose pas de ce droit ou n'en perçoit pas l'existence, il ne peut pas libérer sa parole. Cette faculté est également rendue possible grâce à l'article 3, qui prévoit la formation de tous les adultes référents en lien avec l'enfant : non seulement les enseignants, les AED, les personnels exerçant à l'école, mais également les forces de l'ordre, les médecins scolaires, les infirmiers et tous ceux qui, dans leur vie professionnelle, travaillent auprès de l'enfant.

Cette libération de la parole permet d'intervenir le plus rapidement possible sur les cas de harcèlement. Or plus une situation est perçue tôt, plus il sera possible de stopper le cycle infernal.

C'est pourquoi il est nécessaire de définir cet interdit. Je comprends vos réticences, mesdames Rubin et Faucillon, dans la mesure où je les partageais moi-même au départ. Il ne me semblait pas utile de transformer le code pénal. Toutefois, après avoir travaillé pendant deux ans sur le sujet, après avoir auditionné près de 200 personnes intervenant dans ce domaine, après avoir rencontré la majorité des associations qui traitent du harcèlement scolaire en France et que je tiens à remercier pour le travail remarquable qu'elles accomplissent – il y en a tellement que je ne pouvais bien sûr pas toutes les entendre –, je constate que toutes ou presque sont favorables à la présente proposition de loi. Certaines associations y étaient favorables à l'origine, mais ne le sont plus ; c'est la vie. Mais je voulais lever cette contrevérité : les associations et les personnels de l'éducation nationale que j'ai auditionnés se sont, dans leur ensemble, prononcés en faveur du texte.

Avançons donc dans le sens de ce triptyque : prévention, accompagnement, protection pour, comme l'a dit Guillaume Chiche, la santé mentale et physique de nos enfants et leur réussite à l'école. Nous le savons, un enfant qui n'a pas confiance dans l'école est un enfant en situation d'échec. Je le répète, pour nos enfants, adoptons ce texte.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

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Le harcèlement scolaire est un fléau que nous devons combattre. Les statistiques qui en évaluent l'ampleur sont particulièrement inquiétantes : plus d'un jeune Français sur dix subirait une forme de harcèlement scolaire, soit plus de 750 000 enfants chaque année. Il est du devoir du législateur de réagir et de s'emparer du problème. La liste des jeunes qui mettent fin à leurs jours parce qu'ils subissent du harcèlement scolaire est bien trop longue ; ces faits divers effroyables doivent cesser.

Le harcèlement scolaire se caractérise par de la violence et des agressions régulières, qu'elles soient verbales, physiques ou psychologiques : les enfants sont insultés, bousculés menacés, battus ou injuriés. Cette réalité insoutenable n'a pas sa place à l'école de la République __ nous en convenons tous. Nous devons l'affirmer clairement dans le code de l'éducation : l'article 1er y procède, en inscrivant le principe du droit à la protection contre le harcèlement scolaire dans les dispositions générales du droit de l'éducation. Nous devons également conserver l'ajout de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, qui étend la définition du harcèlement scolaire aux faits qui ne surviennent pas nécessairement dans l'établissement, mais qui sont en lien avec la vie scolaire.

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Je veux rendre hommage à la mémoire de la jeune Dinah, qui s'est donné la mort le 5 octobre 2021 à Wittenheim, à quelques kilomètres de ma permanence : son geste a suscité un véritable choc de conscience, et il est certainement à l'origine de notre mobilisation accrue contre le harcèlement. J'ai aussi une pensée pour toutes les victimes de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement. Je me félicite que nous réagissions avec force et détermination contre ce phénomène.

La présente proposition de loi constitue une avancée importante, qui contribuera à faire reculer ce fléau. Je salue la création d'un délit de harcèlement scolaire et l'instauration de nouveaux outils, comme le stage de sensibilisation prévu à l'article 6, et l'information délivrée chaque année aux élèves et aux parents, prévue à l'article 1er .

J'exprimerai toutefois une frustration : je regrette que la proposition de loi n'embrasse pas un champ plus large, et qu'elle traite principalement du harcèlement dans le cadre de l'école, de surcroît sous l'angle judiciaire. De nombreuses situations de harcèlement y échappent, car elles se déroulent en dehors de l'école ou sur les réseaux sociaux. Nous devons mettre en mouvement toutes les parties prenantes, à commencer par les associations et les collectivités territoriales mobilisées contre le harcèlement. En la matière, nous devrions nous inspirer de l'approche transversale développée par le Danemark et la Suède, reposant sur une implication forte des collectivités et de tous les acteurs concernés. Nous devrions aussi nous appuyer davantage sur les forces de l'ordre et renforcer leur rôle de prévention auprès des jeunes, car les policiers et les gendarmes ont des initiatives très pertinentes en la matière __ l'expérimentation menée à Bourtzwiller, dans ma circonscription, en témoigne.

Si nous pouvons nous féliciter des avancées que nous réalisons aujourd'hui, prenons garde de ne pas nous en contenter : les victimes et leurs familles nous jugeraient alors sévèrement.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 11 .

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Il a un objet rédactionnel et vise à clarifier la proposition de loi. À l'alinéa 3, dans la phrase : « Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l'établissement […] » je propose de supprimer les termes « de faits de harcèlement résultant ». En simplifiant ainsi la rédaction, nous viserions des faits de harcèlement plus larges. Nous rendrions la loi plus lisible et plus facilement compréhensible, et elle serait ainsi mieux acceptée par les Français.

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Si nous ne nommons pas clairement les choses, nous n'avancerons pas. Vous ajoutez au contraire de la confusion en supprimant le mot « harcèlement », qui désigne précisément le phénomène que nous combattons. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi la rédaction actuelle pèche sur le plan grammatical. Mon avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

L'amendement n° 11 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement n° 22 .

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Avant de présenter cet amendement d'appel, je souhaite saluer le travail et la proposition de loi d'Erwan Balanant. Je me dois d'y associer Hugo Martinez, président de l'association HUGO !, qui s'est fortement engagé dans ce projet, ainsi que Matthieu Meriot, un habitant de l'Indre qui, après avoir fait partie de la longue liste des gens harcelés, a relaté son expérience dans un livre. Je salue enfin la petite Dinah, victime de harcèlement qui a mis fin à ses jours en octobre.

Madame la secrétaire d'État, quelle doctrine tirerez-vous du présent texte ? Dès lors que la proposition de loi pénalise le harcèlement __ ce dont je me réjouis __, elle doit préciser qu'il appartient à l'ensemble des personnes concernées de faire la preuve de l'accomplissement de leurs diligences normales dans l'exercice de leurs fonctions pour lutter contre le harcèlement scolaire, afin d'éviter d'être condamnées pour manquement à une obligation de dénonciation et d'alerte. Tel est l'objet de mon amendement. Vous me répondrez probablement qu'il est satisfait, et que cette précision fera l'objet d'une circulaire. Toutefois, comment les personnels des établissements devront-ils agir et conserver les preuves d'accomplissement de leurs diligences normales ? Y seront-ils formés ? Lorsqu'on est entendu par un procureur, en effet, sa première demande est toujours : « Comment cela fonctionne-t-il chez vous ? »

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Je vous remercie pour vos encouragements, cher collègue. Précisons qu'outre l'association que vous avez citée, toutes celles qui luttent contre le harcèlement scolaire ont été impliquées dans l'élaboration du texte.

Comme pour tout délit ou crime, l'absence d'accomplissement des diligences normales peut être invoquée dans le cadre d'une procédure judiciaire portant sur des faits de harcèlement scolaire. Votre amendement est donc pleinement satisfait. Par ailleurs, il semble opportun de dissocier, d'une part, l'établissement d'une obligation de moyens à la charge des pouvoirs publics, qui doit relever du code de l'éducation, et d'autre part, la répression judiciaire des faits de harcèlement scolaire, qui trouve sa place dans le code pénal. Notre intention n'est pas de judiciariser le harcèlement scolaire car, en la matière, la judiciarisation témoigne de l'échec du système : elle doit être l'ultime recours face à des faits très graves et nous devons tout faire pour l'éviter. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

L'amendement n° 22 est retiré.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 8 .

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C'est encore un amendement rédactionnel, qui peut toutefois avoir quelques conséquences sur la responsabilité des établissements en cas de harcèlement. À l'alinéa 4, plutôt que d'indiquer que les établissements « prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement », je propose d'écrire qu'ils « se donnent les moyens de lutter contre le harcèlement ». Les établissements doivent être soumis à une obligation de moyens et non de résultat car, dans ce domaine, le risque ne peut jamais être totalement éradiqué.

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Votre dernière remarque est contradictoire avec votre amendement, qui semble vouloir imposer une obligation de résultat __ or nous savons que c'est impossible dans un sujet comme le harcèlement. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Seule une obligation de moyens peut être mise à la charge des établissements d'enseignement et des pouvoirs publics.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Tout a été dit : même avis.

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Mon amendement vise bien une obligation de moyens, et non de résultat, puisque je propose d'écrire que les établissements « se donnent les moyens de lutter contre le harcèlement ».

L'amendement n° 8 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 19 .

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Cet amendement d'appel vise à préciser que les établissements sont tenus de prendre les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement « en fonction du peu de moyens dont ils sont dotés ». Il faut en effet rappeler à quel point les établissements manquent de moyens humains, tant en médecine scolaire qu'en personnels de vie scolaire et en assistants sociaux – et j'en passe. Dans ces conditions, je n'envisage pas qu'ils puissent prévenir, combattre ni même cerner le nouveau phénomène du harcèlement. Du reste, ce n'est pas parce qu'un phénomène est reconnu qu'il nécessite forcément de créer un nouveau délit. Vous créez un délit pour nommer une réalité, mais celle-ci existe indépendamment de la qualification de délit !

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, la majorité parlementaire a rejeté tous nos amendements visant à augmenter le nombre de personnels de médecine scolaire et de vie scolaire, d'infirmiers scolaires, de CPE, d'AED et d'assistants sociaux. J'ai défendu tous ces amendements. Pour nos enfants, votez les budgets nécessaires plutôt que de créer un nouveau délit !

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Les deux aspects ne sont pas indissociables, bien au contraire. Vous estimez que les moyens sont en constante régression ; or je vous rappelle que 300 CPE seront recrutés : ce sont autant de moyens supplémentaires. Nous partons d'une situation difficile et délicate mais, depuis le début de la législature, le budget de l'éducation nationale a augmenté chaque année, dans des proportions parfois importantes __ les lois de finances en témoignent.

Enfin, je le répète : l'inscription d'un délit dans le code pénal définit certes un interdit, mais engage aussi la société. C'est en inscrivant une règle précise dans le code pénal, qui recense les interdits, que nous pouvons avancer et que nous engageons toute la société. Ce faisant, nous donnons des obligations de moyens à l'ensemble des acteurs pour traiter le phénomène du harcèlement scolaire. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, des moyens supplémentaires ont été accordés. Avis défavorable.

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Nous sommes toutes deux membres de la commission des finances, madame Rubin. Vous savez donc que, pour la première fois depuis fort longtemps, nous avons créé des postes supplémentaires de personnel médicosocial et de CPE __ ils seront 300 cette année. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais vous ne pouvez pas dire que rien n'a été fait. Il faut augmenter les moyens humains, et nous le faisons ; mais au-delà des budgets, encore faut-il trouver les personnes qui acceptent d'occuper les postes ! Le message exprimé par l'article 1er est clair : nous sommes tous responsables, et nous devons tous nous engager dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Indépendamment des moyens humains, nous avons la volonté d'agir sur le terrain ; cette détermination est partagée par les associations et la communauté éducative, ainsi que par les parents, qui s'impliquent de plus en plus dans ce sujet. Vous ne pouvez donc pas affirmer que nous n'agissons pas et que nous nous contentons de mesures répressives.

M. Jean-Jacques Bridey et Mme Blandine Brocard applaudissent.

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On ne peut pas assumer une responsabilité si on ne dispose pas des moyens d'y faire face. Or vous ne vous imposez pas à vous-mêmes une obligation de moyens. Vos 300 postes de CPE ne sont rien du tout, tant la carence que subissent les établissements est profonde ! Cela vaut aussi pour les AED. Quant à la médecine scolaire, nous en parlons depuis cinq ans, mais rien n'est fait : on ne trouve pas les médecins. Il est difficile de trouver les personnels, dites-vous, mais encore faudrait-il les payer correctement ! On tourne en rond. L'augmentation du budget de l'éducation nationale est insignifiante au regard des besoins massifs des établissements.

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La hausse est tout de même de 1,6 milliard en 2022 !

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C'est insignifiant. L'école est tellement appauvrie que tout le monde y est maltraité, depuis les enseignants jusqu'aux élèves, en passant par les inspecteurs d'académie. Ne me parlez pas de votre obligation de moyens ! Puisque vous créez un délit au regard d'une obligation de moyens, vous devrez traduire celle-ci dans le projet de loi de finances pour 2023.

L'amendement n° 19 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 9 .

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Le message adressé à des harceleurs qui ne mesurent pas toujours la portée de leurs actes doit être très clair : leurs agissements sont absolument illicites et ils peuvent être punis, y compris par la justice de notre pays.

En première lecture, vous m'aviez dit, monsieur le rapporteur, que cet amendement était satisfait parce que les services extérieurs à l'établissement vers lesquels orienter les victimes incluent évidemment les services de police et de justice, mais vu l'ampleur du phénomène, il me semble très utile, même si c'est symbolique – il est bon parfois d'inscrire dans la loi des formules symboliques – de rappeler que, dans le cas de harcèlement scolaire, c'est toute la société qui est derrière les victimes, y compris les forces de l'ordre et la justice.

Je finirai mon intervention en vous citant les propos d'une mère publiés en novembre dernier dans la presse régionale d'Occitanie : « Quand une meute s'en prend à un enfant souffrant d'hyperactivité, de troubles de l'attention, les conséquences peuvent être désastreuses, surtout quand l'enfant est stigmatisé également par une partie du corps enseignant. T'es gros, tu t'habilles à la déchetterie, t'es malade, on joue pas avec toi : voilà ce que mon enfant entendait. Il a fallu qu'un policier municipal intervienne et prenne notre défense et qu'on le scolarise finalement dans le privé pour que les choses s'arrangent. »

Voilà un témoignage qui en dit long. Il a fallu que la police municipale intervienne – mais cela aurait pu être la gendarmerie ou la police nationale – pour qu'on commence à prendre l'enfant au sérieux et qu'on prenne des mesures, en l'occurrence qu'on le retire de son établissement.

C'est pourquoi il me semble important que les forces de l'ordre et la justice soient spécifiquement mentionnées dès le quatrième alinéa de cet article.

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Je vais vous donner le même avis défavorable, madame Ménard. Si nous commençons à préciser les services appropriés, c'est sans fin, puisque cela dépend de la situation particulière : parfois ce seront la justice et les forces de l'ordre, mais cela pourra être les services départementaux de l'enfance. Si nous voulons en dresser la liste exhaustive, nous en oublierons immanquablement. Gardons donc cette rédaction plus large et plus sécurisante.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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Je voulais souligner la pertinence de cet amendement, à la lumière d'une expérimentation associant les collèges et le commissariat qui est en cours à Bourtzwiller, dans ma circonscription : la police est alertée de tout incident, menace ou cas qui risque de se développer et elle vient faire des séances de prévention d'une extrême efficacité. Rappeler, à un moment où on crée un délit pénal, la force non seulement de la loi, mais aussi de la police, est judicieux. L'opportunité de cet amendement à cet endroit du texte est complètement corroborée par mon expérience de terrain.

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Je voudrais abonder dans le sens de M. le rapporteur. Il existe déjà des référents police et grâce à ce texte, le délit de harcèlement scolaire sera enfin caractérisé. Depuis plus de dix ans, les établissements scolaires ont l'habitude de traiter ces cas et, comme M. Fuchs vient de le dire, cela fonctionne très bien. M. le rapporteur l'a dit, le texte ne peut pas préciser quels services seront appropriés. Dans certains cas, ce pourra être ceux d'une association de proximité, dans d'autres ceux d'associations en lien avec la justice, comme c'est le cas chez moi dans le Val-d'Oise. Ce pourra être dans d'autres départements les référents police, qui sont très bien formés. La création d'un délit de harcèlement scolaire permettra précisément aux référents police d'être formés et d'être encore plus efficaces.

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Je vous avoue que je ne vous comprends pas : alors que ce texte fait du harcèlement scolaire un délit, vous ne voulez pas que ce quatrième alinéa mentionne explicitement les forces de l'ordre ou la justice, comme il le fait pour les associations. Je ne demande absolument pas que les victimes soient orientées immédiatement et exclusivement vers les forces de l'ordre, mais il me semble que créer un délit sans mentionner les forces de l'ordre et la justice, c'est s'arrêter au milieu du gué. Ce n'est pas envoyer un bon signal. Je ne m'oppose bien évidemment pas à la possibilité qu'une simple association règle le problème, mais pourquoi s'interdire ainsi, dans un texte qui crée un nouveau délit, de préciser que les forces de police ou de justice peuvent être également saisies du problème ?

L'amendement n° 9 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 25 .

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Alors que le code de l'éducation déborde de délivrances d'informations, nous en ajoutons de nouvelles dans chaque texte concernant l'éducation. Les législateurs que nous sommes auraient intérêt à s'interroger sur la pertinence de ce mode d'intervention. La recherche en santé publique nous alerte depuis très longtemps sur le fait que la délivrance d'information n'est pas efficace en elle-même. Il faut plutôt s'intéresser aux actions individuelles et collectives, dont l'efficacité est confirmée par l'expertise existante, notamment celle de Santé publique France. Je vous encourage à vous appuyer sur celle-ci, plutôt que de multiplier les obligations d'information.

D'autres voies existent pour améliorer le climat scolaire et lutter contre le harcèlement scolaire : développer les compétences psychosociales, domaine dans lequel nous n'avons pas atteint nos objectifs ; s'appuyer sur les ressources et expertises en santé publique déjà existantes, non seulement dans les ARS – agences régionales de santé – ou à Santé publique France, mais également dans la sphère éducative – je pense aux médecins scolaires ; réorganiser les missions de la santé scolaire pour la rendre efficace, comme de multiples rapports le recommandent depuis dix ans ; évaluer qualitativement les actions déjà menées pour les corriger ou les développer : en bref diffuser une culture de santé publique. L'approche que nous retenons doit non pas nous donner seulement le sentiment d'agir mais bien s'inscrire dans une logique d'action efficace, globale et cohérente.

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C'est précisément le sens du texte, chère collègue, que de permettre une telle action, globale et cohérente : pour lutter contre un phénomène aussi protéiforme que le harcèlement scolaire, il faut pouvoir travailler sur tous les sujets.

En revanche, je suis totalement en désaccord avec votre idée de supprimer l'obligation d'informer les parents et les élèves sur le harcèlement scolaire, alors que c'est souvent ce qui fait défaut. Ayant, comme beaucoup d'entre vous, l'habitude de me rendre aux réunions de rentrée entre parents et professeurs, j'ai pu constater combien les questions du harcèlement scolaire, du cyberharcèlement et de l'utilisation des téléphones portables sont ignorées : il y a un vrai besoin d'information en la matière, car la sensibilisation à ces questions est primordiale. De nombreux parents n'ont pas du tout conscience de ce que sont le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement avant d'y avoir été confrontés, et non seulement en tant que parents d'un enfant harcelé : si tous les enfants peuvent être harcelés, ils peuvent aussi être harceleurs. Il est nécessaire de dire aux parents qu'ils doivent donner à leurs enfants les codes de la bonne éducation et leur apprendre qu'il ne faut pas harceler son camarade.

L'avis est donc très défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Je m'inscris totalement dans la ligne du rapporteur : il est capital d'informer les parents d'élèves. Vous l'avez dit, monsieur le député Minot, trop peu de personnes savent tout ce qui se passe. Nous avons là l'occasion de prévoir une information simple, claire et lisible sur tous ces dispositifs très importants qui visent à « aller vers ». Je m'oppose donc totalement à cette proposition.

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Qu'on ne se méprenne pas : je ne dis pas que le sujet n'est pas important et qu'une prise de conscience n'est pas nécessaire, mais l'information n'est pas forcément la manière la plus efficace de lutter contre ces problèmes de comportement. Pourquoi sinon ne pas faire aussi de l'information de masse sur l'éducation à la sexualité, l'alimentation, les addictions et tous les nombreux risques qui menacent le développement des jeunes ? Seul un vrai travail de fond et de long terme est susceptible de porter ses fruits. Je vous mets en garde contre le sentiment qu'il suffit d'imposer une information pour que les enfants adoptent les bons comportements : cela ne marche pas comme ça.

L'amendement n° 25 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, n° 24 et 4 , pouvant être soumis à une discussion commune. L'amendement n° 24 de M. François Jolivet est défendu.

La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 4 .

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La prévention est le meilleur moyen de lutter contre le harcèlement, qu'il ait lieu prioritairement au sein de l'établissement scolaire ou sur internet, le second étant souvent lié au premier. Nous proposons par cet amendement qu'une réunion d'information sur le harcèlement scolaire soit organisée au sein des établissements scolaires pour les élèves et les familles dans un but de prévention et d'éducation aux risques de harcèlement scolaire.

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L'avis est défavorable à ces amendements, qui sont complètement satisfaits par la rédaction actuelle. De plus, imposer une réunion d'information n'est peut-être pas la meilleure des solutions : il y a plein d'autres moyens d'informer, via par exemple un site en ligne, des applications ou encore des messages aux parents. En limitant l'information à une réunion, on risque de réduire les capacités d'information sur ces sujets.

Les amendements n° 24 et 4 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 10 .

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Je ne suis pas du tout opposée à l'information sur le harcèlement scolaire, bien au contraire, mais il faut qu'on en fasse un tout petit peu plus et que l'information délivrée porte non seulement sur les risques liés au harcèlement scolaire mais aussi sur les peines encourues, si on veut marquer les esprits. Parfois les jeunes harceleurs n'ont pas l'impression de mal agir : il s'agit plutôt d'un jeu envers leur petit camarade, un mauvais jeu, certes, et qui peut avoir des conséquences tragiques, mais celui qui commet le harcèlement n'est pas forcément complètement conscient des conséquences que des propos ou des gestes répétés peuvent avoir.

Si une telle session d'information, qu'elle ait lieu à l'école ou ailleurs, est l'occasion d'alerter sur ce qui constitue un harcèlement et sur les peines encourues, elle peut avoir un effet dissuasif non négligeable.

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Défavorable. Il faut laisser à l'équipe pédagogique la liberté d'informer comme bon lui semblera et ne pas l'obliger à détailler les peines encourues, d'autant que la justice pénale des mineurs est complexe et que ces peines ne sont pas nécessairement vouées à être appliquées. L'important est de dire aux enfants : « C'est interdit. Tu nuis à ton camarade, tu détériores le climat de la classe, tu n'es pas dans la bienveillance. » Quant aux peines encourues, laissons au professeur ou à la personne chargé de délivrer l'information la liberté de décider s'il convient d'en parler ou non. N'accumulons pas les contraintes en la matière.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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Il est malheureux de vous entendre dire que les peines pour les mineurs ne sont pas forcément appliquées et qu'il faut laisser tout ça au libre arbitre du professeur, car c'est comme ça qu'on assomme les victimes.

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Mais si ! En donnant l'impression que celui qui commet un fait de harcèlement ne fera l'objet d'aucune sanction, puisque ce sera laissé au libre arbitre de tout le monde, notamment des professeurs, vous enfoncez encore un peu plus la victime, qui a l'impression de ne pas être prise en considération.

Je présenterai tout à l'heure un amendement à l'article 4, dont nous avons déjà discuté et que vous avez refusé lors de la précédente lecture du texte. J'y explique que ce n'est pas la victime qui doit être sortie de l'établissement quand elle est harcelée,…

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…mais plutôt l'élève qui commet le fait de harcèlement. Vous n'en avez pas voulu, et vous m'expliquez maintenant que les sanctions sont laissées au libre arbitre de qui veut bien.

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Vous envoyez là un très mauvais message. On ne peut pas créer un délit de harcèlement et dire ensuite que cela n'aura finalement que peu d'efficacité et ne sera guère opératoire. C'est un mauvais signal.

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Madame Ménard, c'est de la mauvaise foi intégrale ! D'un côté, on nous reproche de faire du judiciaire et vous, vous nous dites que tout cela est inutile. Nous voulons définir un interdit fort, puissant, en inscrivant dans le code pénal que le harcèlement scolaire est interdit, que c'est quelque chose de très mal.

Mme Emmanuelle Ménard s'exclame.

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…car cette réunion d'information peut également être organisée par le CPE, le conseiller principal d'éducation. Votre demande est donc pleinement satisfaite.

Nous connaissons votre capacité de travail et votre sens du détail, mais le détail pourrait se traduire par des risques juridiques. Soyons donc simples et écrivons la loi de façon claire et précise, au lieu d'ajouter toujours des choses qui détériorent le message final.

L'amendement n° 10 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 26 .

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Il s'agit d'un amendement de repli. Si je ne me suis pas assez bien fait comprendre par l'Assemblée et que celle-ci maintient l'obligation de délivrer une information, il est préférable que celle-ci s'inscrive dans une démarche de projet du comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté, instance qui, au sein de nos établissements, réfléchit pour porter des projets de fond et qui embrasse l'ensemble des problématiques de santé concernant nos jeunes.

Le harcèlement fait partie d'une problématique de santé sociale, qui doit être portée d'une manière continue et ne peut pas être traitée seulement par l'information. Du reste, les études démontrent qu'une information est efficace sur ceux qui sont déjà convaincus, et ne touche pas ceux qui ne le sont pas, en particulier les adolescents, pour qui les interdits ne sont pas le levier le plus efficace – même si je comprends bien qu'on veuille rappeler ces interdits. Ce n'est cependant pas cela qui jouera sur leur comportement.

Rendre les élèves acteurs, responsables, capables d'un acte critique face à des faits de violence engagera davantage dans une démarche de fond, efficace, que peut favoriser un comité d'éducation à la santé et la citoyenneté.

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Je vous demande de retirer cet amendement, car il est pleinement satisfait par l'article 1er bis qui sera appelé dans quelques instants et qui traite précisément du rôle du comité d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement dans la lutte contre le harcèlement scolaire. À défaut de retrait, l'avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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On ne saurait trop insister sur le fait qu'une telle information s'inscrit automatiquement dans le projet du comité.

L'amendement n° 26 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir les amendements n° 31 et 32 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Le nombre d'amendements déposés montre bien que la rédaction de l'alinéa 5 pose problème. Nous tournons autour de suggestions visant à en améliorer la rédaction, mais il ne faut pas le supprimer : il faut, au contraire, le renforcer.

De fait, une information sur les risques n'est pas suffisante, et ce n'est pas ce que nous demandons en début d'année à un établissement qui accueille des enfants et des parents d'élèves : il doit expliquer clairement le schéma de résolution et les points d'appui sur lesquels un élève ou un parent d'élève peut se fonder. Il s'agit donc plutôt pour l'établissement de se prononcer sur un plan de prise en charge des questions de harcèlement, et de le rédiger. Une information sur le risque est certes utile mais n'est pas suffisante.

J'en viens à mes deux amendements n° 31 et 32 , dont la rédaction est très simple. Le premier prévoit que l'information présente les différentes solutions de prise en charge des auteurs et des victimes. L'autre, un peu plus complet, mais qui revient au même dans sa formulation, vise à ce que soient précisés, au-delà des risques, les dispositifs que l'établissement met concrètement en place, par exemple à quelle personne s'adresser ou quels numéros de téléphone appeler. On se situe là sur un plan beaucoup plus opérationnel et concret, et c'est ce que nous demandons au titre de cette information, qui doit être plus qu'une énième réunion consacrée aux risques.

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Je rappelle tout d'abord qu'il s'agit ici d'information, et non pas d'une réunion. Deuxièmement, les amendements proposés sont tout à fait satisfaits. Relisez en effet, cher collègue, le quatrième alinéa, qui impose aux établissements des obligations de moyens, en leur demandant d'adopter des plans d'action prévoyant des solutions contre le harcèlement scolaire : l'information qui s'ensuivra portera évidemment sur ce qui vient d'être mis en place. L'amendement est pleinement satisfait et j'en demande donc le retrait. À défaut, avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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Dans ce cas, tout est induit et il suffit de s'arrêter au premier alinéa de l'article 1er ! Si cette mesure figure à l'alinéa 4, pourquoi ne pas prévoir à l'alinéa 5, en référence à l'alinéa 4, une information portant sur ce plan ? Les textes de loi doivent avoir une logique. Or, il est ici question d'une information sur les risques. Peut-être que tout est induit, mais écrivons plutôt les choses d'une façon plus simple et plus cohérente. Vu le nombre d'amendements déposés, en effet, l'alinéa 5 n'est visiblement pas rédigé d'une manière assez précise ni incitative.

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Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous intervenir à nouveau ?

Sourires.

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Le projet d'école, évoqué à l'article 3, consiste précisément à définir des actions dans des domaines très divers et qui doivent faire l'objet de cette information. Tout est parfaitement satisfait.

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C'est aujourd'hui ma dernière journée au perchoir de cette législature. Je préside donc avec une bienveillance infinie, mais n'en abusez pas !

Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Les amendements n° 31 et 32 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 1er est adopté.

Les articles 1er bis , 2 et 2 bis sont successivement adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, inscrite sur l'article 3.

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La lutte contre le harcèlement scolaire nécessite la mobilisation de l'ensemble des acteurs. Outre les établissements scolaires et leurs équipes pédagogiques, il est nécessaire que l'ensemble des personnels intervenant dans les écoles, les collectivités territoriales, les associations, les réseaux sociaux, les parents d'élèves et les élèves s'impliquent également. La prévention du harcèlement scolaire doit en effet être l'affaire de tous, comme nous en convenons depuis de nombreux mois dans le cadre de l'examen et de l'élaboration de ce texte.

Dans ce cadre, la médecine scolaire a pleinement son rôle à jouer. Au-delà des formations, qui seront désormais proposées aux médecins et aux infirmiers et psychologues scolaires afin de leur permettre d'assurer une première prise en charge des élèves subissant des faits de harcèlement scolaire, au-delà également de la participation de ces personnels à l'élaboration des lignes directrices et des procédures destinées à prévention, il est nécessaire de consacrer des moyens nouveaux.

La médecine scolaire est actuellement dans une situation préoccupante, comme cela a déjà été dit à de nombreuses reprises avant moi. C'est ce qu'a d'ailleurs révélé un rapport de l'Académie nationale de médecine, rendu par le professeur Bégué en 2017. Le manque de personnel qualifié ne permet pas à la médecine scolaire de répondre efficacement aux impératifs de la prévention chez les élèves. Pour assurer l'efficacité de la lutte contre le harcèlement scolaire, il faut donc veiller également à renforcer ses moyens.

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La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 29 .

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J'espère que je ne vais pas vous paraître désagréable, mais les amendements que je défends pour la santé des enfants dans les écoles reposent sur treize ans d'expérience en santé scolaire : c'est le médecin de santé publique qui s'efforce de vous faire partager sa compétence et son expérience.

Le premier frein est la difficulté rencontrée pour appliquer effectivement les formations pluriprofessionnelles en protection de l'enfant, et c'est là que nous devrions d'abord porter notre attention, afin de faciliter cette démarche. Peut-être se pose-t-il une question de moyens, et peut-être est-ce aussi une question d'organisation, mais c'est vraiment la première étape à franchir avant d'organiser une nouvelle formation sur un thème interprofessionnel. En effet, nous n'en sommes pas encore à la protection de l'enfant.

C'est ce que me disent des infirmières scolaires, qui regrettent de ne pas avoir eu de formation, et des directeurs d'école, qui déclarent se sentir parfois un peu démunis, ne sachant pas trop de quel côté se tourner. Voilà quelques instants, une principale de collège me disait qu'elle venait de prendre ses fonctions sans avoir reçu de formation.

Il ne me paraît ni cohérent ni efficace d'ajouter dans un article supplémentaire, en plus de l'article L. 542-1 du code de l'éducation, une formation sur le harcèlement scolaire, même si je suis tout à fait convaincue, comme vous tous, que c'est une vraie question, et une question de santé publique.

Les professionnels concernés par la formation prévue à l'article L. 542-1 sont précisément ceux que cite l'actuel article 3. Il est donc proposé de ne pas multiplier les dispositifs et d'intégrer la prévention des faits de harcèlement à la formation déjà existante.

Arrêtons de découper la santé des enfants en morceaux – comme l'éducation en matière de sexualité ou d'addictions. L'approche doit être globale, sans quoi nous risquons d'affaiblir la formation en multipliant les injonctions.

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Vous évoquez le prisme de votre expérience, mais il s'agit ici de donner à tous les adultes qui travaillent autour de l'enfance les moyens d'accompagner les enfants. Or votre rédaction exclurait, par exemple, les magistrats ou les forces de l'ordre qui, aux dernières nouvelles – et j'espère qu'il en sera longtemps ainsi –, ne relèvent pas de l'éducation nationale. Avis défavorable, donc, à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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Il ne suffit pas d'assurer une formation interne à l'éducation nationale : il faut former l'ensemble des acteurs. Protéger les enfants, c'est aussi les protéger contre le harcèlement. À force de démultiplier les dénominations, on affaiblit les formations globales.

L'amendement n° 29 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 21 .

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Comme l'a relevé ma collègue, il est très difficile de former les personnels nommés dans cet article, notamment ceux de l'éducation nationale : dans le primaire, les formations continues sont centrées sur le « lire, écrire, compter » et, dans le secondaire, puisqu'il n'y a, faute de moyens, pas de remplaçants, les professeurs se voient interdits de formation, comme les CPE et tous les acteurs de la vie scolaire. Avant de les former, il faut les recruter !

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Vous n'en avez pas assez de dire n'importe quoi ?

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Vous avez été très prudent en inscrivant, à l'article 3, qu'il s'agira d'une possibilité, alors que la rédaction adoptée par le Sénat faisait état d'une obligation. Nous souhaitons, par cet amendement, revenir à cette obligation, parce que, comme vous le dites vous-même pour les autres articles, inscrire dans la loi que c'est une obligation permettra peut-être d'engager les moyens nécessaires. Écrire qu'une formation pourra être proposée est assez vague et signifie qu'elle ne sera jamais faite puisqu'elle n'est pas obligatoire. Tel est le sens de cet amendement.

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J'ai beaucoup apprécié votre démonstration légèrement orthogonale par rapport à ce que vous nous avez dit tout à l'heure, à savoir que la loi ne servait à rien. Là, vous nous donnez la preuve par l'exemple que la loi peut servir.

Je partage votre préoccupation sur la formation continue. La première version de mon texte faisait état d'une obligation de formation continue, mais regardons la réalité en face et ne faisons pas des textes qui soient des injonctions législatives sans aucune portée. La formation continue du million de personnels de l'éducation nationale ne se fera pas d'un claquement de doigts.

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Commençons déjà par faire la formation initiale, inscrivons un module sur la question du harcèlement scolaire, du climat, de la confiance et continuons, via le programme PHARE dont c'est précisément le sens, à former des personnes qui seront ensuite elles-mêmes en mesure d'en former d'autres. Par capillarité, nous arriverons, au fil du temps, à donner les moyens d'action à tous les personnels de l'éducation nationale.

L'amendement n° 21 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 30 .

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J'ai entendu M. le rapporteur dire que je voyais les choses à travers mon prisme professionnel et ma formation. Je pense qu'il vaut mieux ne pas les voir à travers ce prisme.

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Le présent amendement vise à réintroduire l'alinéa ajouté par le Sénat qui concerne la connaissance réciproque des acteurs qui interviennent dans la prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire. Les situations de harcèlement scolaire, comme nombre de situations qui concernent la santé et la protection des enfants, se heurtent souvent au manque d'interconnaissance des différents professionnels au sein et en dehors de l'éducation nationale, donc de communication entre les professionnels.

Où sont les lieux où ces acteurs peuvent travailler en parfaite connexion ? Je connais des exemples où la PMI (protection maternelle et infantile) et la médecine scolaire se passent les dossiers mais ne peuvent pas se parler. C'est d'ailleurs pour pallier ce manque que la loi d'Adrien Taquet prévoit l'expérimentation de maisons de l'enfant et de la famille où l'ensemble des acteurs et des protagonistes de l'enfance se retrouvent et travaillent autour d'un projet de santé, comme on le fait dans les maisons et pôles de santé. Tel est l'objet de cet amendement.

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L'adjectif « réciproque » que vous souhaitez introduire est impropre et ne veut rien dire. Je crois comprendre que la disposition adoptée par le Sénat et supprimée par la commission en nouvelle lecture concerne en réalité les compétences « respectives » de chacun.

Au-delà de cette question lexicale, le contenu de la formation me paraît relever du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement n° 30 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 7 .

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Il permet surtout de demander à Mme la secrétaire d'État qu'elle prenne des engagements en matière de médecine scolaire. J'imagine en effet que toutes celles et ceux qui sont favorables au délit pénal instauré dans la présente proposition de loi sont également favorables à la prévention et à l'accompagnement psychologique, médical et social, qui font cruellement défaut dans les établissements scolaires.

Une fois que le délit aura été créé, que se passera-t-il entre le moment où la plainte aura été déposée, et l'instruction et le jugement ? Sûrement pas grand-chose pendant des mois et des mois, tant pour la victime que pour celle ou celui qui aura harcelé. C'est pourquoi, outre que je suis opposée à l'instauration de ce délit, je parle d'un déséquilibre dans cette proposition de loi. Des gens pourront porter plainte pour harcèlement scolaire, mais nous manquerons toujours autant de médecins, d'infirmiers et d'infirmières, de psychologues, d'assistants sociaux dans les établissements scolaires.

Vous pouvez me répondre en dressant la liste de ce qui a déjà été fait, mais c'est insuffisant, et nous sommes tous d'accord ici pour le dire. C'est pourquoi, je le répète, cet amendement s'adresse essentiellement à vous, madame la secrétaire d'État : quels engagements prenez-vous devant la représentation nationale en matière de médecine de prévention dans les établissements ?

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Nous partageons toutes et tous le même constat, et nous avons toutes et tous cette préoccupation. D'ailleurs, le ministre de l'éducation nationale, qui était au banc en première lecture, l'avait admis et rappelé les chiffres : sur les 1 505 postes de médecins scolaires, seuls 631 sont pourvus, si mes souvenirs sont bons. Il s'agit de rendre ce métier attractif et de pouvoir recruter des médecins.

Vous avez parlé de ce qui se passe lors d'un dépôt de plainte ; c'est, en effet, un sujet préoccupant. Je souhaite qu'il y ait le moins de dépôts de plainte possible, et c'est pourquoi il existe un volet d'accompagnement et de prévention.

En cas de plainte, on sort souvent du temps de l'enfance. Je vous rappelle néanmoins que nous avons réformé la justice pénale des mineurs et que les délais sont désormais beaucoup plus courts, qu'une réponse beaucoup plus rapide est apportée. C'est aussi le sens des dispositifs sur les liens qui doivent être faits entre la justice et les services pédagogiques, éducatifs dans chacune des écoles. En la matière, nous nous inspirons du modèle finlandais, qui associe tous les acteurs.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Le ministre de l'éducation nationale a rappelé les avancées qui avaient été faites. Lorsqu'on dit que le harcèlement est l'affaire de tous, c'est bien le service public de l'école inclusive qui permet de faire entrer dans l'école des professionnels qui n'y étaient pas. La coopération avec le secteur médico-social fait que, de plus en plus les forces et les ressources se conjuguent pour travailler sur les alertes et accompagner les professionnels de la communauté éducative au sens large du terme.

Oui, nous mettons en place les ressources. Bien sûr, il faut encore former, bien sûr des postes sont toujours en attente de recrutement, et l'enjeu est bien de pouvoir accompagner la reconnaissance de ces métiers si importants.

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Madame la secrétaire d'État, je n'ai entendu aucun chiffre et aucune date de votre part sur les engagements dont vous parlez et, pour le moment nous ne constatons aucune amélioration.

Quant à la médecine scolaire, vous savez bien qu'il ne suffit pas de dire qu'elle n'est pas attractive ; vous en connaissez les raisons. Je me souviens que, lorsque j'étais conseillère départementale dans les Hauts-de-Seine, la majorité nous avait expliqué que les postes de médecins scolaires dans les PMI étaient ouverts mais qu'elle n'arrivait pas à recruter. Nous avions proposé plusieurs mesures, notamment l'augmentation du barème. Elle a fini par y venir et il y a aujourd'hui un peu plus de médecins de PMI.

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Je veux soutenir l'amendement de ma collègue Elsa Faucillon sur ce sujet important. Définir des objectifs pour améliorer notre système scolaire en matière de lutte contre le harcèlement en lien avec la médecine scolaire ne sert à rien si on ne se donne pas les moyens de le faire. Effectivement, on sait que vous avez déjà fait des choses, mais lorsque nous disons qu'il faut faire beaucoup mieux, nous demandons clairement quels sont les moyens que nous nous donnons pour rendre ces mesures effectives.

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Madame Faucillon, tout à l'heure vous avez dit que, après avoir déposé plainte, en attendant l'instruction et le jugement, il ne se passait rien. Si on met en place ces mesures, c'est qu'à un moment donné les parents, les professeurs et toute la communauté éducative sont assez dépourvus et ne savent pas quoi faire en cas de situation de harcèlement scolaire. Très souvent, on a le droit à un discours du genre « c'est une histoire d'enfants, ça va passer tout seul », alors que la situation peut être grave, voire empirer jusqu'au dépôt de plainte à la police. Reconnaître qu'il y a un problème, c'est déjà aller de l'avant, c'est essayer de trouver une solution. Il est important de prendre acte qu'en cas de problème il ne faut pas fermer les yeux mais essayer de trouver une solution.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons voté la possibilité pour les enfants de pouvoir consulter gratuitement un psychologue. Mme Rubin considère que ce n'est pas assez ; certes, mais c'est une avancée. Il est important de dire et de redire que c'est une belle avancée de pouvoir détecter tout de suite qu'il y a un problème et que le harceleur comme l'enfant harcelé peuvent être immédiatement pris en charge par un psychologue, être suivis et accompagnés.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

L'amendement n° 7 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 23 .

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Il vise à rétablir une mesure pertinente ajoutée par le Sénat et que nous avions d'ailleurs défendue en première lecture : la possibilité pour les familles de changer leur enfant d'établissement sans tenir compte de la carte scolaire, lorsque celui-ci est victime de harcèlement et qu'il lui devient malheureusement impossible de rester au sein de son établissement.

Bien sûr, me direz-vous, nous pouvons trouver quelques exemples d'enfants qui ont pu changer d'établissement, y compris hors secteur, à la suite d'un harcèlement, mais il n'est inscrit nulle part, ni dans le code de l'éducation ni dans les décrets ou arrêtés, qu'un élève victime de harcèlement scolaire peut obtenir une telle dérogation pour changer d'établissement. Les informations données sur le site du ministère de l'éducation nationale ne mentionnent d'ailleurs pas les cas de harcèlement scolaire lorsqu'elles évoquent les possibilités d'obtenir une dérogation. En revanche, la loi prévoit qu'en cas de faits avérés de harcèlement scolaire, un enfant peut être déscolarisé pour suivre l'instruction en famille, sans attendre la validation de son dossier.

Cette mesure a été inscrite par le groupe MODEM dans la loi confortant le respect des principes de la République, ce qui est très bien. Mais il est incohérent que soit inscrite dans notre code de l'éducation la déscolarisation mais pas le changement d'établissement en cas de harcèlement scolaire. Il ne s'agit pas ici d'encourager les familles à changer leur enfant d'école au moindre problème, bien au contraire, et nous laissons d'ailleurs au Gouvernement le soin de définir les modalités de ce changement, mais certaines situations de harcèlement scolaire sont trop graves pour ne pas donner aux parents plus de visibilité sur les solutions qu'ils ont pour aider leur enfant.

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Je vous remercie d'avoir rappelé que c'est notre groupe qui avait présenté cette mesure dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République. J'avais défendu un amendement qui offrait la possibilité à un enfant harcelé de suivre l'instruction en famille, et je crois que c'est effectivement parfois nécessaire. Mais, chaque fois, c'est une double sanction pour l'enfant. La plupart du temps, un enfant harcelé a envie de rester dans son école et surtout de ne plus être harcelé. C'est, autant que faire se peut, au sein de l'école qu'il faut trouver des solutions, pour le bien-être de l'enfant mais aussi pour les autres enfants, sinon on n'envoie pas un très bon signal.

Comme vous l'avez dit, il existe des dérogations. On sait qu'un enfant peut être changé d'école. Nous devons en rester à la situation actuelle, qui prend en compte la plupart des cas. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Je comprends l'inquiétude de Mme la députée, mais c'est plutôt sur l'environnement scolaire qu'il faut agir. Ce n'est pas en inscrivant officiellement dans la loi qu'il est possible de changer d'établissement que nous y parviendrons.

En revanche, nous devons appliquer une tolérance zéro – ce que les inspections académiques font déjà – et créer un environnement bienveillant. L'instruction, à domicile doit certes être possible, mais le plus souhaitable est de faire changer l'environnement scolaire dans lequel évolue l'enfant. Il est possible de le faire en travaillant en bonne intelligence avec tous les acteurs. Nous devons combattre le mal à la racine en agissant in situ dans l'école, le collège, le lycée ou l'université, car ce n'est pas à l'enfant de devoir subir un déplacement.

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Je suis complètement d'accord avec vous, madame la secrétaire d'État – vos propos corroborent d'ailleurs les arguments que j'ai développés en défense de mon amendement. En revanche, je ne comprends pas l'idée de double sanction évoquée par M. le rapporteur. Pour ma part, je veux que l'enfant soit bien et qu'il le soit à l'école.

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Il y a des cas où malheureusement – j'insiste sur ce terme – il est nécessaire de changer l'enfant d'école. Mais, je le répète, mon seul souhait est que l'enfant soit bien à l'école et n'ait pas à en changer. C'est pourquoi je regrette un peu la formulation de votre réponse, monsieur le rapporteur.

Mme Sylvia Pinel applaudit.

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Soyez assurée, madame Descamps, que nous sommes tous soucieux du bien-être de nos enfants, et que nous n'avons pas envie de laisser dans un établissement un enfant qui s'y sent mal. Notre objectif est de faire en sorte qu'il puisse y rester car, répétons-le, ce n'est pas à l'enfant harcelé de changer d'établissement.

Cela étant, je voudrais vous poser une question, madame Descamps. Lorsque vous êtes allée à l'inspection académique pour demander le changement d'établissement d'un enfant harcelé de manière très grave, vous a-t-on déjà opposé un refus ? Si vous me répondez par l'affirmative, il s'agit d'un cas où il faut en effet régler le problème et expliquer l'importance pour l'enfant de changer d'établissement. Pour ma part, en cinq ans de mandat, il ne m'est pas arrivé une seule fois d'être confrontée à un refus de l'inspection académique dans ce genre de situation.

Mme Véronique Brocard applaudit.

L'amendement n° 23 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Les articles 3 bis D et 3 bis E sont successivement adoptés.

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La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 36 .

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Il vise à rétablir une disposition que nous avions adoptée en première lecture, afin de faire en sorte que tous les acteurs de l'éducation soient informés de la manière dont ils peuvent travailler avec les associations.

Il existe en effet de très nombreuses associations – Les Papillons ou l'Association Hugo !, par exemple – qui connaissent parfaitement le harcèlement scolaire, peuvent aider nos enfants mais aussi proposer des outils aux adultes qui les entourent, notamment aux enseignants et aux autres professionnels de l'enfance, qui peuvent se sentir démunis.

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Finalement, je pense du bien de cette disposition vis-à-vis de laquelle j'étais plutôt réticent lors de nos débats en première lecture. Il nous fallait trouver les voies et moyens. Partant du constat que les associations jouent un rôle primordial dans la lutte contre le harcèlement, il fallait trouver le cadre pour qu'elles puissent intervenir à l'école et que cela se passe bien.

La nouvelle rédaction de l'article 3 bis , que vous proposez dans cet amendement, va permettre d'avancer dans le bon sens. Avis favorable.

L'amendement n° 36 , accepté par le Gouvernement, est adopté. En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rétabli.

L'article 3 ter est adopté.

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Sur l'article 3 quater , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Sylvia Pinel, inscrite sur l'article.

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Cet article reprend une disposition qui avait été adoptée dans le cadre de l'examen, lors de la niche du groupe Socialiste et apparentés en janvier dernier, d'une proposition de loi de notre collègue Michèle Victory. Il s'agit de rendre possible le recrutement d'assistants d'éducation en CDI après six années d'exercice.

Le groupe Libertés et territoires s'en satisfait, compte tenu des difficultés de recrutement et des conditions de travail des AED. Rappelons que le profil des AED a changé : il ne s'agit plus seulement d'étudiants désireux de contrats courts, mais de personnes qui veulent s'investir à long terme et voir leurs perspectives de carrière s'ouvrir, ce qui n'est pas possible actuellement en raison de la limitation de leur engagement à six ans et en CDD uniquement.

Les établissements, qui peinent à recruter des AED, nous alertent sur la nécessité de renforcer l'encadrement. Il est donc pertinent d'intégrer cette disposition à ce texte, sachant que les AED sont essentiels au bon fonctionnement des établissements et à la vie scolaire. Ils sont en première ligne dans la lutte contre le harcèlement scolaire.

Comme nous le disions en discussion générale, nous regrettons néanmoins que la deuxième disposition de la proposition de loi de notre collègue Michèle Victory, relative à la CDIsation des accompagnants d'élèves en situation de handicap, n'ait pas été intégrée, et ce, alors que les élèves en situation de handicap sont malheureusement souvent les cibles de harcèlement. Il faut pouvoir mieux les protéger et les accompagner. C'est un préalable à leur bonne inclusion en milieu ordinaire.

Finalement, avec cet article, on touche du doigt l'un des enjeux majeurs de la lutte contre le harcèlement scolaire : les moyens et les ressources – en premier lieu en personnels.

M. Michel Castellani applaudit.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 12 .

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Cet article concerne l'article L. 916-1 du code de l'éducation, qui précise que des assistants d'éducation peuvent être recrutés, notamment pour l'encadrement et la surveillance des élèves.

Vous voulez rendre ces recrutements obligatoires. Très bien. Pour ma part, je suis absolument d'accord avec cela, mais j'aimerais m'assurer que c'est l'éducation nationale qui prendra financièrement en charge ces recrutements et non pas la collectivité dont les assistants d'éducation dépendent, c'est-à-dire les communes pour les écoles, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées. On m'a posé la question et j'avoue que je n'ai pas pu apporter une réponse claire.

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Oui, je peux vous rassurer sur ce point. C'est pourquoi je demande le retrait de votre amendement. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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Si j'ai bien l'assurance que c'est l'éducation nationale qui prend financièrement en charge les recrutements, je retire mon amendement.

L'amendement n° 12 est retiré.

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La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l'amendement n° 2 .

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Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer le renvoi à décret concernant la possible CDIsation des assistants d'éducation ayant exercé leurs missions pendant six ans.

Lors de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation, la majorité a introduit, contre l'avis de la rapporteure, le passage par décret pour la CDIsation des AED.

Les auteurs de cet amendement jugent qu'il n'est pas nécessaire que le pouvoir réglementaire fixe les modalités de CDIsation, dans la mesure où le législateur a prévu la possibilité d'une CDIsation pour les AED après six années, en vue de poursuivre leurs missions.

La clarté légistique de cette disposition ne mérite donc pas d'être embrouillée par des conditions qui pourraient retarder le processus de CDIsation et en restreindre encore la possibilité, ce qui serait contraire à l'intention du législateur.

En outre, nous savons que le temps législatif est long et que certains décrets sont parfois pris plusieurs mois après la promulgation de la loi. Or la crise sanitaire a rappelé que les besoins de renforcer la vie scolaire sont colossaux.

Le ministre de l'éducation nationale a lui-même indiqué qu'il était nécessaire de recruter encore plus d'AED à la rentrée 2022. Nous ne pouvons pas prendre le risque que les délais administratifs ne permettent pas l'embauche d'AED à la rentrée prochaine, pénalisant ainsi les élèves et plaçant de fait des AED au chômage. Nous aimerions que vous preniez un engagement sur ce point, madame la secrétaire d'État.

Au passage, je veux remercier Mme Pinel pour son intervention. Profitant de la présence de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, je tiens aussi à réitérer ma demande concernant l'amélioration du statut et du sort des AESH. Vous seule pouvez le faire, madame la secrétaire d'État. Si nous ne le faisons pas maintenant, nous le ferons dans deux ou trois ans, alors que ces personnes attendent une réponse. Nous leur devons vraiment plus que des paroles, nous leur devons des actes forts.

Mmes Marie-Noëlle Battistel, Elsa Faucillon, Sylvia Pinel et Béatrice Descamps applaudissent.

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Une fois encore, madame Victory, je tiens à vous remercier pour votre travail concernant les AED. Après avoir rencontré ceux de ma circonscription, j'ai trouvé que leur situation était effectivement un peu incongrue : ils avaient envie de continuer à travailler dans des établissements où ils se plaisaient, mais ils ne pouvaient pas le faire car nous en étions toujours à l'idée que ces emplois étaient destinés à des étudiants désireux de financer leurs études.

Notre vision a évolué. Les AED se sont professionnalisés et ils rendent un service remarquable dans les écoles, car ils ont une connaissance très fine de l'établissement et des élèves. Nous avançons. Cela étant, nous allons garder le recours à un décret. Comptez sur moi, madame Victory, pour mettre une pression amicale sur le ministre pour que ce décret soit pris très vite.

S'agissant des AESH, je partage votre préoccupation, mais je vous ferai remarquer qu'une partie du volume horaire des AESH dépend des collectivités puisqu'elle est effectuée sur le temps périscolaire. Il est un peu délicat de prendre ici une décision qui aurait des conséquences sur les collectivités.

Avançons sur les AED et poursuivons le travail sur les AESH – dont Mme la secrétaire d'État ne va pas manquer de vous parler – qui sont nécessaires dans notre système éducatif.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Soyez rassurée, madame la députée, nous faisons en sorte que le décret de CDIsation des AED puisse sortir très vite car c'est vraiment important. Le ministre s'engage à rendre la disposition opérationnelle le plus vite possible.

En ce qui concerne le statut des AESH, il ne vous aura pas échappé qu'il est l'objet de toutes nos attentions : il n'y en a plus aucun en contrat aidé ; ils sont tous en contrat avec l'éducation nationale. Lors du dialogue social entrepris dans le cadre du Grenelle de l'éducation, ils ont fait l'objet de toute l'attention du ministre et ils ont obtenu une revalorisation de leur grille salariale ainsi que la possibilité d'augmenter leurs horaires hebdomadaires en travaillant en dehors du temps scolaire.

Nous travaillons avec les collectivités locales, notamment sur la création d'AESH ressources au sein de pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Nous améliorons aussi leur formation, notamment les formations conjointes avec le secteur médico-social, afin d'avoir des regards croisés qui répondent aux besoins éducatifs particuliers de nombre d'élèves.

Je puis vous assurer, madame la députée, que nous travaillons à l'amélioration du statut des AESH, des personnels remarquables dont l'accompagnement est essentiel pour les élèves en situation de handicap.

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Tout d'abord, je voudrais remercier Mme Victory qui est à l'origine de cette mesure. Si nous avons besoin de décrets, c'est parce que les contrats AED vont devoir changer de support juridique pour être transformés en CDI. Actuellement, les AED sont pour la plupart des étudiants surveillants. Pour transformer leurs contrats en CDI, il faudra caractériser leurs types de mission et préciser, par exemple, s'ils sont rattachés à la vie scolaire ou plutôt impliqués dans la lutte contre le harcèlement. Le recours à des décrets permet cette transformation.

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En fait, madame Rilhac, seulement 30 % des AED sont des étudiants, autant dire qu'ils sont loin d'être majoritaires.

Je ne veux pas rouvrir le débat que nous avons eu lors de l'examen de ma proposition de loi, ni prétendre que rien n'a été fait. Cependant, il faut rappeler la situation des AESH à qui leur contrat de travail impose une période d'essai qui peut aller de trois à six ans. J'ai bien entendu votre rappel de ce qui a déjà été fait, mais je vous parle de l'attente de ces personnes.

Je n'ai pas l'habitude d'insister de la sorte mais, très franchement, lorsque je travaillais sur mon projet de loi, j'ai reçu 400 à 500 longs mails de la part d'AESH. Elles me disaient qu'il fallait absolument franchir ce pas, même si c'est un tout petit pas, car elles ne peuvent pas rester dans cette situation, avec des contrats aussi précaires.

Il faut prendre conscience qu'une AESH est souvent une maman seule avec ses enfants. Je tiens à préciser que, contrairement à ce qui a été dit par certains, il est très rare qu'elle ait choisi son temps partiel – ce cas de figure est très minoritaire. En outre, elle-même est souvent mère d'un enfant en situation de handicap et connaît donc très bien le problème. Elle a été engagée pour un contrat qu'aucun de nous ici n'accepterait, avec une période d'essai de trois à six ans. J'aimerais vraiment que vous avanciez très vite sur cette question.

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Je sais que le débat porte sur les AED. Cependant, dès 2018 je vous avais interpellé sur la question des AESH et, aujourd'hui, je me joins au chœur formé par mes collègues pour évoquer ce problème.

Malgré les avancées réalisées, la situation de ces personnels reste un enjeu important. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe des difficultés dans de nombreux départements. Dans le mien, par exemple, le Val-de-Marne, les notifications de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) ont augmenté de 30 %, on en compte 1 330 pour une aide individualisée et 400 pour une aide mutualisée. Des problèmes se posent à différents niveaux : la formation des AESH, la quotité horaire ou encore les contrats de travail.

Après avoir entendu vos propos, j'espère que nous pourrons travailler tous ensemble pour améliorer la situation. Je vous remercie d'avoir mis à l'ordre du jour de nos travaux le dossier du harcèlement scolaire alors que notre assemblée accueille aujourd'hui des lycéens de ma circonscription, très investis sur cette question.

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 76

Nombre de suffrages exprimés 76

Majorité absolue 39

Pour l'adoption 74

Contre 2

L'article 3 quater est adopté.

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Nous tenons à saluer la création, dans le cadre de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, d'un article spécifique consacré au harcèlement scolaire au sein du code pénal.

Cette mesure, soutenue de longue date par notre collègue Emmanuelle Anthoine, constitue une évolution particulièrement attendue pour que le harcèlement scolaire soit identifié comme une infraction pénale et reconnu comme tel par la société.

Ce n'est qu'une fois que la loi sanctionnera spécifiquement ce phénomène que celui-ci pourra être pleinement reconnu et nommé par la société et que les consciences seront ainsi éveillées à ce sujet.

Par ailleurs, nous souscrivons pleinement à la création d'un stage de sensibilisation au harcèlement scolaire. Nous nous inquiétons toutefois, avec notre collègue déjà citée, du fait que ce stage ne soit pas systématiquement prescrit pour les auteurs de harcèlement scolaire. Une mesure éducative doit en effet accompagner la sanction pour que la lutte contre le harcèlement scolaire soit pleinement efficace.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 6 et 18 , tendant à supprimer l'article 4.

L'amendement n° 6 de Mme Elsa Faucillon est défendu.

La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 18 .

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Eh oui, nous insistons. Nous demandons la suppression de cet article. Pour commencer, les arguments employés par le rapporteur pour justifier la mise en place d'un nouveau délit ne sont pas convaincants.

Ce n'est pas moi qui le dis mais la présidente de l'association Marion La main tendue. « Allez chercher de l'argent, formez les gens », a-t-elle déclaré au journal Libération, qui a publié le 18 novembre dernier un article sur le sujet, dans lequel figure également cette réaction de Jean-Pierre Bellon, directeur du centre Resis – Ressources et études systémiques contre les intimidations scolaires : « Punir les élèves… comme si c'était de ça qu'on avait besoin. C'est vraiment une loi pour rien. » Ces personnes, qui savent de quoi elles parlent, pensent qu'une telle mesure est inutile.

Avec cette disposition, qui concerne également les adultes, vous faites le choix d'augmenter les peines. Nous aimerions bien savoir en quoi une telle surenchère punitive serait efficace. Car, je le rappelle, des peines pour harcèlement existent déjà. Il suffirait donc – on vous demande par ailleurs d'y veiller – que les mesures en question soient connues et appliquées. Pour cela, il faut des moyens. Commençons donc par appliquer ces sanctions avant d'en créer de nouvelles.

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Je ne vous comprends pas, madame Rubin. D'un côté, vous dites qu'il faut se contenter d'appliquer les peines qui existent déjà. Mais de l'autre, vous voulez créer une circonstance aggravante, ce qui ferait de ce texte et de la partie du code pénal relative à ce sujet un méli-mélo incompréhensible pour nos enfants.

Je vous l'ai déjà dit : je n'étais pas complètement convaincu au départ de la nécessité de créer un délit pénal autonome. Puis j'ai lu le discours prononcé en 1985 par Robert Badinter – cela fait partie des lectures que j'affectionne – sur la réforme du code pénal. C'est ce qui m'a convaincu.

Voici ce qu'il disait alors : « Tout code pénal doit remplir une double fonction. La première, évidente, est la fonction répressive. La loi pénale a pour finalité première la défense de la société civile et de ses membres. À cette fin, la loi édicte des peines qui frappent ceux qui attentent à l'ordre social. La seconde fonction de la loi pénale est plus secrète. Toute société repose sur certaines valeurs reconnues par la conscience collective. Ces valeurs se traduisent par des interdits. Et ces interdits à leur tour engendrent des peines contre ceux qui les méconnaissent. Ainsi la loi pénale exprime-t-elle par les sanctions qu'elle édicte le système de valeurs d'une société. C'est la fonction expressive de la loi pénale. »

Les amendements identiques n° 6 et 18 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 14 .

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Je défends cet amendement d'appel car il me tient vraiment à cœur. J'avais d'ailleurs déjà eu l'occasion de le défendre en première lecture.

Il vise à compléter l'alinéa 3 par la phrase suivante : « Les élèves qui harcèlent d'autres élèves sont exclus de l'établissement d'enseignement pour une durée qui reste à la libre appréciation du directeur de l'établissement concerné. »

Comme l'expliquait notre collègue Chiche pendant la discussion générale, les parents, les familles se retrouvent le plus souvent totalement démunies lorsque leur enfant est harcelé à l'école. Ils se posent alors de nombreuses questions : l'enfant peut-il changer d'établissement en cours d'année ? Peuvent-ils le scolariser à domicile le temps que le calme revienne ?

Je vous propose d'inverser la logique en excluant momentanément, le temps que le calme revienne, l'enfant harceleur de l'établissement. Cela permettrait à l'enfant harcelé de souffler mais aussi et surtout d'afficher clairement que la victime, elle, est rétablie dans ses droits, qu'elle est soutenue par l'établissement et que c'est le harceleur qui doit être neutralisé, avant d'être pris en charge par la justice le cas échéant, si les faits sont suffisamment graves et le nécessitent.

Monsieur le rapporteur et madame la secrétaire d'État, vous avez vous-mêmes rappelé à plusieurs reprises, et à juste titre, au moment de la discussion sur l'article 3, qu'avec cette proposition de loi votre objectif était que l'enfant harcelé reste au sein de l'établissement.

Il se trouve que, parfois, dans des situations très précises, lorsque les actes sont graves – ce qui est bien évidemment à l'appréciation du directeur de l'établissement –, il est nécessaire, pour que l'enfant puisse rester au sein de l'établissement, d'exclure de celui-ci l'enfant harceleur, pendant une période qui peut même être très courte, deux ou trois jours par exemple, le temps de calmer le jeu.

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L'avis est encore une fois défavorable. J'ajouterai cependant un élément de réponse : en général, dans une situation de harcèlement scolaire, il n'y a pas un seul auteur. Il arrive hélas que toute une classe se ligue contre un élève. Dans ce cas, devrait-on exclure tous ces élèves harceleurs pendant deux jours ? Le problème est un peu plus complexe que ce que vous dites.

Des méthodes existent déjà. Des protocoles ont été mis en place et fonctionnent. Tout à l'heure, Mme Rubin a cité M. Bellon, qui a mis au point une méthode très efficace lorsqu'on l'applique dès qu'un cas de harcèlement scolaire se présente.

En outre, une sanction administrative, sans limite de durée, prononcée et décidée par une seule personne, alors qu'il existe des conseils de discipline dans un établissement, ne me semble pas conforme aux principes du droit administratif et constitutionnel. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Défavorable également. Tout a été dit par M. le rapporteur.

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J'ai parfois l'impression d'assister à un dialogue de sourds. Si un enfant est harcelé par tous les autres élèves de sa classe, ce n'est évidemment pas cette mesure que l'on adoptera.

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Dans ce cas il faut formuler différemment votre amendement ! Car, avec cette rédaction, la mesure est automatique !

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Non, car il s'agit seulement de donner la possibilité au directeur de l'établissement de retirer momentanément l'enfant harceleur. Évidemment, si l'on compte trente harceleurs pour une seule victime, on peut choisir la méthode inverse.

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Ce n'est pas ce que vous avez écrit ! Vous avez écrit que les élèves harceleurs « sont exclus » !

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Si vous trouvez que mon amendement n'est pas parfaitement rédigé, vous pouvez le sous-amender. Mais vous êtes hostile à toutes les propositions que je formule depuis tout à l'heure.

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Vous m'avez par exemple déjà dit que, de toute façon, ce n'était pas une bonne idée de mettre les forces de police dans la boucle parce que les sanctions étaient rarement appliquées.

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Je vous dis simplement que l'adoption de cet amendement enverrait un signal très fort à la communauté éducative mais aussi aux familles, en leur faisant comprendre que ce n'est pas l'enfant harcelé qui est coupable et que, par conséquent, ce n'est pas lui qui doit être puni et retiré de l'école. C'est bien l'élève harceleur qui, à la discrétion du directeur de l'établissement, doit pouvoir être mis à l'écart, neutralisé pendant quelque temps, en accord évidemment avec la communauté éducative.

Ce n'est pas une révolution mais simplement une mesure pratique et pragmatique permettant de répondre à certaines situations urgentes.

L'amendement n° 14 n'est pas adopté.

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Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et Agir ensemble d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'article 4 est adopté.

Les articles 4 bis , 4 ter et 5 sont successivement adoptés.

L'amendement n° 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir l'amendement n° 35 .

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Les travaux sur le harcèlement scolaire montrent que ces situations connaissent un prolongement quasi systématique sur les réseaux sociaux. Il serait donc souhaitable d'ajouter, à propos du stage auquel l'auteur de harcèlement devrait se soumettre, qu'il doit comprendre un volet de sensibilisation aux risques « liés à l'usage des réseaux sociaux ».

Il paraît évident qu'un stage au cours duquel cette question est abordée ne réclame pas les mêmes ressources. Par conséquent, il semble nécessaire d'apporter une telle précision dans la loi.

Je tire d'ailleurs mon raisonnement du rapport d'Erwan Balanant « Comprendre et combattre le harcèlement scolaire ».

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Nous avons poussé ce raisonnement jusqu'au bout puisque nous avons inclus dans la notion de harcèlement scolaire le volet numérique. Votre amendement est donc totalement satisfait. Avis défavorable.

L'amendement n° 35 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir les amendements n° 17 et 15 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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L'amendement n° 17 vise à compléter l'alinéa 3 de l'article 6. À mon avis, le fait de commettre des actes de harcèlement scolaire ne doit pas seulement être puni par un stage de sensibilisation à la vie scolaire mais devrait également, le cas échéant, faire l'objet d'un rappel à l'ordre devant le maire. C'est ce que prévoit cet amendement.

Une telle mesure est symbolique mais il faut savoir qu'à l'occasion d'un tel rappel à l'ordre, le maire peut être accompagné de différentes personnes, y compris le commissaire de police ou un représentant de la gendarmerie, lorsque la situation le permet. Cela pourrait donc être utile.

L'amendement n° 15 , quant à lui, prévoit que le stage de formation civique doit mettre en lumière les peines encourues en cas de harcèlement scolaire. Il renvoie à la discussion que j'avais engagée en défendant l'amendement n° 10 , en début de séance : il me semble important de rappeler très fermement que tout acte de violence peut être condamné par l'autorité compétente et que l'impunité n'a pas sa place dans ces situations. Il faut rappeler aux enfants, qui n'ont souvent pas conscience de la gravité des actes qu'ils commettent, que le harcèlement est punissable et peut donner lieu à des sanctions parfois très lourdes.

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Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

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Il est défavorable, d'autant que le rappel à l'ordre d'un mineur par le maire est déjà parfaitement possible.

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Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Même avis.

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J'allais apporter la même précision que le rapporteur. Pour avoir été précédemment adjointe au maire de ma commune, je peux témoigner du fait que, lorsqu'un cas de harcèlement scolaire survenait, le maire recevait systématiquement l'enfant et les parents concernés. Cette démarche a d'ailleurs des conséquences fortes, pour l'enfant comme pour les familles.

Le dispositif que vous proposez existe donc déjà. Il est évidemment important de rappeler cette possibilité : vous avez raison sur ce point. En revanche, l'inscrire dans la loi ne me semble pas nécessaire.

Les amendements n° 17 et 15 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 est adopté.

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La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 5 .

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Il vise à rétablir le titre originel de la proposition de loi, en précisant qu'elle vise « à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ». En effet, le harcèlement scolaire est très souvent accompagné de cyberharcèlement : le second est, dans la grande majorité des cas, le relais du premier. Il serait incompréhensible de prétendre lutter contre le harcèlement scolaire sans y intégrer le cyberharcèlement.

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Le titre initial de la proposition de loi concernait uniquement le harcèlement scolaire : ce sont les sénateurs qui y ont ajouté le cyberharcèlement. Je suis défavorable à une telle mention, qui laisserait penser que le harcèlement et le cyberharcèlement sont deux choses différentes, alors même que, comme nous n'avons cessé de le répéter au cours de nos échanges, le harcèlement scolaire est protéiforme et inclut le harcèlement numérique, qu'il nous faut combattre.

L'amendement n° 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Dans les explications de vote, la parole est à Mme Béatrice Descamps.

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Je tiens à remercier le rapporteur d'avoir porté la question du harcèlement scolaire à l'attention de cet hémicycle. Nous voterons en faveur de ce texte.

Toutefois, j'insiste sur le fait que je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur estime que le fait de permettre à un enfant de changer d'école lorsqu'il lui est devenu impossible de rester dans son établissement constituerait une « double sanction », alors que vous avez vous-même défendu l'amendement permettant l'instruction en famille en cas de harcèlement. Une telle décision est certes toujours un échec, et nous devons tout faire pour ne pas en arriver là, mais elle est malheureusement parfois incontournable.

Pour répondre à Mme Park, je confirme que nous travaillons bien avec les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) – je le fais en tout cas fréquemment dans mon département du Nord. Mais je vous retourne la question : pensez-vous que tous les parents d'enfants harcelés s'adresseront à leur député pour qu'il porte leur voix auprès du DASEN ? Je suis loin d'en être certaine.

Je conclurai en répétant à la secrétaire d'État qu'il importe de mieux reconnaître les AESH – vous savez que je suis investie sur cette question depuis des années –, car cela permettra aussi de mieux lutter contre le harcèlement scolaire.

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Badinter pour Badinter, voici ce que disait le garde des sceaux en 1984 :…

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…« L'emprisonnement lui-même est un mal plutôt qu'un remède. Cela fait prendre conscience au mineur qu'il est traité de délinquant, et par là même il se sent délinquant. Il devient délinquant. »

Suivant l'esprit de ce propos, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi,…

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…en ce qu'elle crée un délit nouveau et accroît les sanctions infligées aux mineurs, sans créer d'obligation ou accorder de moyens susceptibles d'éviter des drames, plutôt que de les punir une fois commis.

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On pourra reparler des AESH, si vous le souhaitez !

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Comme vous, chers collègues, je suis toujours meurtrie d'entendre s'exprimer la souffrance d'enfants victimes de harcèlements incessants, qui leur font vivre un calvaire à l'école, mais aussi à la maison – car, comme vous le savez, le harcèlement scolaire ne s'arrête malheureusement pas aux grilles de l'école, mais se poursuit très souvent sur les réseaux sociaux. Au-delà de ces terribles histoires, le harcèlement scolaire touche près d'un enfant sur dix. C'est beaucoup trop. Les enfants qui en sont victimes n'en ressortent jamais indemnes : les conséquences psychiques et physiques sont importantes, et la reconstruction personnelle peut prendre plusieurs années.

En instaurant un délit de harcèlement scolaire, nous apportons enfin une réponse aux victimes, mais aussi aux auteurs. Les souffrances endurées par les victimes seront réellement reconnues et entendues, et les auteurs de violences scolaires pourront être lourdement sanctionnés, mais surtout accompagnés afin qu'ils comprennent la gravité de leurs actes et ne deviennent pas des adultes harceleurs. Nous ne voulons pas instaurer une politique du tout répressif, mais poser un cadre juridique clair, pour inculquer à nos enfants ce qui relève de l'interdit, tout en faisant œuvre d'éducation et de pédagogie. C'est tout le sens de cette proposition de loi.

Pour conclure, j'adresse une pensée particulière à la jeune Évaëlle et à ses parents, mais aussi aux élèves et aux professeurs de son collège d'Herblay, dans ma circonscription, qui ont vécu le drame du harcèlement. C'est pour lutter contre ces tragédies que le groupe La République en marche est très heureux d'apporter une réponse juridique satisfaisante aux enfants victimes de harcèlement scolaire. Nous sommes donc favorables à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Nous avons eu l'occasion, tout au long de nos débats, de rappeler l'ampleur des faits de harcèlement scolaire et leurs effets souvent dramatiques sur la santé tant physique que psychique ou émotionnelle des enfants, sur leurs familles et sur leurs camarades de classe. Le constat est sans appel : tous, à titre personnel, nous avons côtoyé le harcèlement, qu'il touche nos propres enfants ou ceux de nos proches.

Même si le Gouvernement a eu à cœur, ces dernières années, de renforcer la lutte contre ce fléau, l'adoption de ce texte restait essentielle, et même nécessaire. À ce titre, je tiens à saluer une nouvelle fois l'investissement et le travail de longue haleine mené par mon collègue Erwan Balanant : son engagement en la matière a été sans faille et a permis de concrétiser les recommandations qu'il avait formulées dans son rapport en une proposition de loi ambitieuse et attendue.

Je me réjouis d'ailleurs que cette ambition ait été maintenue tout au long de nos travaux. Il était notamment nécessaire de conserver les deux dispositions ayant causé l'échec de la commission mixte paritaire. Je n'en rappellerai pas ici le détail, mais permettez-moi de revenir un instant sur la création du délit autonome de harcèlement scolaire. Cette mesure nous semble très importante – n'en déplaise à Mme Rubin : il ne s'agit évidemment pas de stigmatiser à outrance les enfants harceleurs, dont on sait qu'ils ont bien souvent été harcelés eux-mêmes. En revanche, la création d'un délit permet, comme nous avons été nombreux à le dire et à le répéter, de poser un interdit strict. Je sais que cela ne vous convient pas, mais notre société ne peut se définir que par des interdictions strictes et des lignes rouges à ne pas franchir.

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Ces interdits-là ne relèvent pas du pénal !

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Nous sommes donc fiers de rétablir la création de ce délit autonome.

Vous l'aurez compris : notre ambition n'a pas faibli. Le groupe Démocrates salue l'équilibre auquel nous sommes parvenus pour garantir une meilleure protection à nos enfants et leur assurer une scolarité sereine et accomplie.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Merci, cher Erwan Balanant, de nous avoir permis, grâce à cette proposition de loi, de débattre du harcèlement scolaire, qui – nous l'avons dit – représente un véritable fléau, puisqu'il touche plus de 700 000 enfants en France, soit autant de familles et d'enseignants, confrontés chaque année à des situations difficiles et parfois dramatiques. L'école doit rester un lieu d'émancipation, un sanctuaire du savoir et de l'apprentissage, au sein duquel la violence n'a pas sa place. Ce texte y contribue. Les élus du groupe Agir ensemble y sont très favorables et voteront bien sûr en sa faveur.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 93

Nombre de suffrages exprimés 90

Majorité absolue 46

Pour l'adoption 90

Contre 0

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Je tenais simplement à vous remercier d'avoir pris à bras-le-corps cette question si importante pour les élèves, leurs familles et la République dans son ensemble, afin que nous construisions ensemble une société apaisée et bienveillante, au bénéfice des jeunes, dont je salue la présence, ce matin, dans nos tribunes.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures.

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L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement (4929, 4985).

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Nous poursuivons aujourd'hui les débats sur ce sujet sensible et éminemment important qu'est le renforcement du droit à l'avortement. Les attaques et remises en cause de ce droit n'ont pas cessé dans le monde ces derniers mois, notamment aux États-Unis, mais aussi au sein même de plusieurs pays de l'Union européenne.

Nous fallait-il encore des exemples pour nous rappeler que le droit à l'avortement est loin d'être garanti pour toutes les femmes et que, chèrement acquis il y a tout juste quarante-sept ans, il doit toujours être affirmé, protégé, renforcé ? En outre, la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant deux ans nous impose une plus grande vigilance encore pour que les droits sexuels et reproductifs soient garantis, et pour que le droit inaliénable à l'avortement soit pleinement effectif.

L'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement est l'occasion pour le Gouvernement de réaffirmer son engagement plein et entier à défendre sans relâche le droit des femmes à avorter en toute sécurité, dans le respect de leur choix, éclairé par un accès à des informations fiables et objectives, et au plus près de leur lieu de vie. Le ministère des solidarités et de la santé a ainsi mis en avant la nécessité de renforcer sans cesse l'accès à l'offre d'IVG – interruption volontaire de grossesse – en tout point du territoire, afin de ne laisser aucune femme sans possibilité d'exercer son droit. En la matière, je souhaite vous dire où en sont les engagements pris devant la représentation nationale.

Les délais pour réaliser une IVG médicamenteuse en ville seront prolongés jusqu'à sept semaines de grossesse, et le parcours pourra être réalisé, en fonction du choix et de l'état de santé des femmes, par téléconsultation. Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, s'était engagé à faire entrer ces mesures dérogatoires, prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dans le droit commun : le processus est sur le point d'aboutir. La Haute Autorité de santé (HAS), saisie au mois de septembre 2020, a actualisé ses recommandations en avril dernier sur le parcours d'IVG médicamenteuse, en confirmant la prolongation des délais et le recours à la téléconsultation. Le décret d'application, qui vient d'être examiné par le Conseil d'État, devrait donc pouvoir être publié très rapidement.

Les IVG instrumentales en centre de santé sont désormais possibles, le décret en précisant les conditions ayant été publié en avril dernier. Le cadre de l'expérimentation pour la réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé a fait l'objet d'une concertation et a été finalisé avec les professionnels médecins et sages-femmes. Le décret d'application, publié le 31 décembre 2021, précise notamment la formation et l'expérience requises de la part des sages-femmes ainsi que l'organisation spécifique exigée des établissements de santé expérimentateurs. Il est accompagné d'un arrêté qui organise l'appel national à candidatures auprès des établissements de santé volontaires. Cette démarche, qui doit conduire à la sélection d'une cinquantaine d'équipes, constitue une étape importante pour poser les bases d'une pratique qui facilitera sans nul doute l'organisation des équipes hospitalières pour répondre aux demandes d'IVG, et apportera aux femmes un nouvel interlocuteur possible dans leur parcours.

Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, le tiers payant intégral obligatoire sur les dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire est dorénavant prévu pour toutes les femmes, cela correspond à 100 % des frais liés à l'IVG, dans le cadre de forfaits de prise en charge. À ce tiers payant, s'ajoute la garantie du respect du secret de la prise en charge de ces frais pour toutes les femmes.

Vous avez également défendu à plusieurs reprises, mesdames et messieurs les députés, la nécessité de faire progresser l'information et l'éducation à la vie intime, affective et, globalement, celle de promouvoir plus fortement la santé sexuelle. Je souhaite saluer à cet égard les travaux et l'engagement de votre délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes, sous la présidence de Mme Marie-Pierre Rixain. Le Gouvernement partage en effet pleinement ces objectifs. Ainsi, la feuille de route 2021-2024 de déclinaison de la stratégie nationale de santé sexuelle, qui a fait l'objet d'une coconstruction avec l'ensemble des parties prenantes, a été publiée le 1er décembre dernier.

Elle comporte des actions concrètes pour renforcer la promotion, l'information et l'éducation à la santé sexuelle, notamment par la conception et la diffusion d'outils de promotion de la santé sexuelle, accessibles aux publics en situation de handicap ou allophones, et par le renforcement des connaissances en santé sexuelle des jeunes dans le cadre du service national universel (SNU). Elle réaffirme la nécessité d'une offre en santé sexuelle « accessible », « lisible et en proximité des lieux de vie », et comprend une action dédiée au renforcement de l'accès à l'IVG, car nous devons toujours conforter l'exercice effectif de ce droit en tout point du territoire.

Les premières mesures concrètes ont été adoptées dans le cadre de la LFSS pour 2022. Je pense à l'extension de la « consultation longue santé sexuelle » à tous les jeunes jusqu'à 25 ans, pour que la santé sexuelle ne continue pas d'être vue comme une affaire de femmes. Je pense également à l'accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu'à 25 ans, afin de tenir compte des vulnérabilités économiques et sociales des jeunes adultes.

Enfin, je souhaite rappeler la place essentielle des sages-femmes dans nos politiques de prévention et de santé à l'égard des femmes mais aussi des hommes. Qu'il me soit permis à cet effet de souligner les avancées de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, qui prévoit que les sages-femmes peuvent désormais prescrire à leurs patientes et à leurs partenaires le dépistage d'infections sexuellement transmissibles et les traitements de ces infections. Vous le savez, nous avons également signé, en novembre dernier, un protocole d'accord avec la profession, fruit d'un long travail de concertation. Je le répète, le Gouvernement est fier de jouer un rôle essentiel aujourd'hui dans cette reconnaissance tant attendue par les quelque 20 000 personnes que compte cette profession, pour renforcer comme jamais l'attractivité de ce métier et sa place dans nos politiques publiques, tout particulièrement en matière de santé sexuelle et reproductive.

En décembre 2020, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), que le Gouvernement avait souhaité saisir sur la question de l'allongement du délai légal, qui met en jeu le droit des femmes, leur santé, aussi bien que le rôle des professionnels et l'accès à l'IVG, a rendu son avis. Il rappelle l'importance des mesures de protection des femmes et de prévention des grossesses non désirées, mais également la nécessité de renforcer l'éducation affective à la santé sexuelle et reproductive. Le CCNE précise que, si la réalisation des IVG comporte des risques qui augmentent avec l'âge gestationnel, ils sont néanmoins faibles et diffèrent peu entre douze et quatorze semaines de grossesse. Enfin, le CCNE, en axant sa réflexion sur les principes d'autonomie, de bienfaisance, d'équité et de non-malfaisance à l'égard des femmes, a considéré qu'il n'y avait pas d'objection éthique à allonger le délai d'accès à l'IVG de deux semaines.

Cependant, pour faire progresser concrètement le droit des femmes à disposer de leur corps, il faut résolument poursuivre l'amélioration de leur parcours, pour que les IVG dites tardives soient mieux prises en charge, et sans délai. C'est un droit des femmes, et c'est notre devoir et notre responsabilité à tous de permettre à chacune son plein exercice, selon son choix, sa situation et son lieu de vie. Ces éléments ont été clairement identifiés par le CCNE parmi les obstacles qui conduisent, dans les faits, les femmes à dépasser le terme légal actuel.

Le texte dont nous débattons appelle donc un débat qui touche à l'exercice d'un droit fondamental, et il est essentiel qu'il se poursuive devant la représentation nationale avec le respect, la sérénité et l'humilité qu'il appelle. Je l'ai dit, le Gouvernement défend farouchement le droit des femmes, ce droit humain tout simplement, garanti par notre Constitution. Notre devoir est de le renforcer et d'améliorer sans cesse son effectivité. Cet engagement, le Président de la République l'a réaffirmé avec force devant le Parlement européen, le 19 janvier dernier, en appelant de ses vœux la reconnaissance du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Quant à la question posée par ce texte, elle relève pleinement de la représentation nationale. Le Gouvernement s'en remettra ainsi à votre délibération, tout en créant les conditions pour que vos travaux puissent définitivement aboutir avant la fin de la législature.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens et LT.

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La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission des affaires sociales.

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« En définitive, si la liberté d'avorter en France n'est pas remise en cause à ce jour, un faisceau de facteurs […] peut contribuer à la difficulté de sa réalisation durant le délai légal autorisé, conduisant ainsi des femmes à ne pas pouvoir réaliser leur décision personnelle, sauf à solliciter un déplacement à l'étranger. » Par ces mots, le CCNE est venu corroborer le constat qui a conduit au dépôt de la présente proposition de loi : certaines difficultés existent encore pour accéder à l'IVG dans notre pays, et le législateur doit agir pour y remédier.

Cécile Muschotti et moi-même avions fait le même constat dans le rapport d'information sur l'accès à l'IVG que nous avions rédigé en 2020 au nom de la délégation aux droits des femmes de notre assemblée. Je tiens à saluer l'engagement de sa présidente, Marie-Pierre Rixain, sur le sujet dont nous débattons.

Quelles sont ces difficultés que nous avons identifiées et qui justifient de légiférer aujourd'hui ? Je n'ai pas le temps de toutes les présenter en détail, mais certaines me semblent devoir être évoquées pour comprendre ce qui nous rassemble et ce qui nous motive.

On constate tout d'abord des difficultés pour trouver les informations adéquates et un interlocuteur compétent sur le sujet de l'IVG. Il n'est en effet pas toujours simple de connaître les praticiens acceptant d'en réaliser, ce qui complique l'orientation ou la réorientation des femmes. De plus, certains professionnels de santé, tout particulièrement lorsqu'ils sont opposés à l'IVG, peuvent, de manière plus ou moins consciente, contribuer à ralentir l'orientation, à retarder la prise en charge des femmes.

De même, la géographie et la démographie médicales peuvent avoir de lourdes conséquences car l'engorgement de certains centres hospitaliers d'une part, et la désertification médicale dans plusieurs régions d'autre part, nuisent également à l'accès à l'IVG. Ces difficultés ne touchent pas uniformément toute la France : on observe de fortes disparités territoriales dans le taux de recours à l'IVG. S'il n'existe pas de véritable zone blanche en termes d'accès, il y a bien, en revanche, des zones de tension, et les délais de prise en charge varient ainsi du simple au quadruple selon les régions.

Une dernière difficulté enfin, que nous avons évoquée à plusieurs reprises : la crise sanitaire. Celle-ci a eu un impact clair et délétère sur l'accès des femmes à l'IVG et a renforcé les problématiques de dépassement des délais.

Ces difficultés et ces inégalités territoriales nuisent à la rapidité de la prise en charge des femmes souhaitant recourir à un avortement. Ainsi, quand une femme comprend tardivement qu'elle est enceinte, quelle que soit la raison – déni de grossesse, mauvaise information due à son jeune âge, notamment si elle est mineure, inégalités d'accès aux soins –, ou quand elle change d'avis sur la poursuite de sa grossesse, tous les obstacles que j'ai mentionnés ralentissent son parcours et peuvent conduire à un dépassement du seuil des douze semaines. Et ce sont avant tout les femmes les plus vulnérables qui en sont victimes, les très jeunes, les plus éloignées du système de soins, les femmes qui ont le moins accès à l'information sanitaire, celles qui n'ont pas de moyen de locomotion ou encore celles victimes de violences…

Ce sont toutes ces femmes qui subissent le plus souvent les conséquences de ces difficultés et qui sont les plus exposées au risque de dépassement des délais légaux. Elles se retrouvent alors contraintes de se rendre à l'étranger pour faire valoir ce droit fondamental qu'est l'IVG. On estime que c'est le cas d'au moins 2 000 femmes chaque année. Et, si elles ne le font pas parce que cela est compliqué à organiser et que cela coûte cher et n'est pas remboursé, quel choix leur reste-t-il ? Elles ne peuvent que poursuivre une grossesse non désirée ou avoir recours à une IVG clandestine au péril de leur santé. Nous ne pouvons pas appeler cela un choix. Nous ne pouvons pas accepter de telles situations. En France, en 2022, une femme doit pouvoir avorter si elle le souhaite. C'est un droit.

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Pour répondre à ces difficultés, notre rapport proposait plusieurs évolutions : l'allongement du délai de recours à l'IVG, la suppression de la clause de conscience spécifique, l'extension de la compétence des sages-femmes à la pratique d'une IVG par voie chirurgicale, la mise en place d'un répertoire des professionnels pratiquant cet acte, un bilan sur l'application de la législation relative au délit d'entrave ou encore l'amélioration de l'information des femmes sur leur droit au choix de la méthode d'IVG. À l'exception notable et regrettable, madame la ministre, du retrait de la suppression de la clause de conscience spécifique, l'ensemble de ces recommandations sont aujourd'hui intégrées à la présente proposition de loi, contribuant ainsi à renforcer le droit à l'avortement dans notre pays en le rendant pleinement effectif.

Je tiens à saluer l'aboutissement de ces travaux transpartisans qui ont permis depuis deux ans d'évaluer les dispositifs en vigueur, d'analyser en profondeur la situation sur le terrain et d'auditionner les professionnels de santé et les associations des droits des femmes. Même si on ne doit jamais baisser la garde sur un tel sujet, je me réjouis de voir que nous sommes nombreux et nombreuses à nous mobiliser pour renforcer le droit à l'avortement dans notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens, LT et GDR.

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La parole est à Mme Albane Gaillot, rapporteure de la commission des affaires sociales.

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Cette proposition de loi continue aujourd'hui son parcours… atypique. Cosignée par des députés provenant de huit groupes parlementaires, soutenue initialement par le groupe Écologie démocratie solidarité, qui y a consacré son unique journée d'initiative parlementaire, elle a ensuite été, grâce à ces nombreux soutiens, successivement inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée par le groupe Socialistes et apparentés, puis par le groupe majoritaire, et enfin par le Gouvernement.

Sans une telle mobilisation, cette proposition de loi n'en serait pas là ; sans votre volonté, mes chers collègues, de faire progresser le droit des femmes à disposer de leur corps, nous n'en serions pas à la troisième lecture. Je remercie donc tous les parlementaires qui ont permis à ce texte de poursuivre son chemin législatif, malgré l'opposition de certains députés qui s'est matérialisée par le dépôt massif d'amendements répétitifs, qui n'avaient d'autre but que de ralentir les débats, certains considérant encore aujourd'hui que le droit à l'avortement est un problème et devrait être restreint.

Ces mouvements conservateurs nous montrent que le combat entamé en 1974 par Simone Veil, poursuivi sans relâche depuis, n'est toujours pas terminé. Nous devons toutes et tous demeurer extrêmement vigilants quant à la pleine effectivité du droit à l'avortement. Qu'ils sachent que ce droit n'est pas un problème, mais bien une solution pour les femmes !

C'est pourquoi je tiens aujourd'hui à saluer toutes celles et tous ceux ici présents et qui se sont ainsi investis depuis le début sur cette proposition de loi, qui l'ont soutenue et qui ont ainsi défendu les valeurs et les mesures de progrès qu'elle promeut. En saluant cet engagement transpartisan en faveur des droits des femmes, je veux également porter une parole d'espoir : les principes de ce texte sont fondamentaux, et nous sommes ici majoritaires à nous retrouver autour des mêmes valeurs, qui constituent l'un des socles de notre société.

Nous en arrivons donc aujourd'hui à la nouvelle lecture, faute d'être parvenus à un texte commun avec le Sénat lors de la commission mixte paritaire (CMP). Mais, grâce au travail transpartisan mené dans notre assemblée, ce texte comprend aujourd'hui sept dispositions visant à renforcer le droit à l'avortement afin d'en garantir l'accès effectif dans notre pays, pour toutes les femmes.

Rappelons rapidement quelles sont ces différentes mesures.

Tout d'abord, l'article 1er allonge le délai légal d'IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. Cet article constitue sans doute le cœur de la proposition de loi car il est évidemment crucial pour permettre un meilleur accès à l'IVG ; il ne doit pas cependant occulter les autres dispositions du texte.

En effet, l'article 1er bis tient lui aussi une place très importante dans le dispositif, en étendant le champ de compétences des sages-femmes à la pratique de l'IVG instrumentale. Plus nombreuses que les médecins en France, elles peuvent pratiquer les IVG par voie médicamenteuse depuis 2016, et leur champ de compétences comprend d'ores et déjà un certain nombre de gestes intra-utérins. Dès lors, leur permettre de pratiquer l'IVG instrumentale favorisera l'accès à l'avortement et contribuera à combler le manque de professionnels de santé dans certains territoires.

Troisièmement, l'article 1er ter supprime le délai obligatoire de deux jours de réflexion avant de confirmer une demande d'IVG, un délai imposé aux femmes ayant réalisé une consultation psychosociale préalable. Car l'avortement est un choix de la femme, qui doit disposer du temps de réflexion dont elle a besoin, mais ce n'est ni à vous ni à moi de le lui imposer.

L'article 2 prévoit la création d'un répertoire recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé ainsi que l'ensemble des structures pratiquant l'IVG. Si je suis très favorable à cette mesure, je ne peux toutefois que regretter la suppression, en deuxième lecture, de la première partie de cet article qui supprimait la clause de conscience spécifique.

D'autres articles sont également très intéressants et nous les détaillerons au cours du débat.

Tels sont les sujets très concrets qui nous réunissent aujourd'hui. Voilà l'ergonomie générale de cette proposition de loi que nous examinons à présent, en nouvelle lecture. Voilà les mesures que nous proposons pour garantir dans notre pays le droit à l'avortement et le droit de chaque femme à disposer de son corps.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC, Agir ens, FI, LT et GDR.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sylvia Pinel.

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Nous assistons, au sein de l'Union européenne et à ses frontières, à un recul du droit des femmes, à commencer par le droit à l'avortement. Depuis un an, les Polonaises défilent dans les rues pour contester la nouvelle législation de leur pays, ultra-restrictive sur l'avortement, une législation qui tue : en janvier, une femme est encore décédée à l'hôpital, après un refus d'avortement en dépit de complications médicales ; une victime de plus, une victime de trop.

De tels drames surviennent aujourd'hui dans des pays voisins et aux États-Unis, où le droit à l'avortement passait pourtant pour acquis. Ces faits obligent à une vigilance permanente en nous rappelant que partout les droits des femmes peuvent reculer à tout moment. Le Président de la République, prenant la tête de la présidence de l'Union européenne, a déclaré vouloir inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette proposition restera certainement lettre morte du fait de l'unanimité requise pour amender ladite charte, mais elle est malgré tout bienvenue.

Encore faut-il déjà défendre le droit à l'avortement dans notre propre législation, encore faut-il le garantir dans notre propre pays. C'est l'objectif de cette proposition de loi, dont le parcours aura été bien difficile. Je tiens, encore une fois, à remercier Albane Gaillot et Marie-Noëlle Battistel pour leur persévérance, et à saluer le travail de la délégation aux droits des femmes, grâce à laquelle le texte initial a pu être enrichi.

Je constate que l'ordre du jour de notre assemblée devrait nous permettre d'aller au bout de l'examen de ce texte – ce qui n'était pas gagné d'avance – et je m'en réjouis. Je regrette cependant l'attitude de la majorité sénatoriale qui, depuis le début, se contente de rejeter purement et simplement la proposition de loi, même si cela ne nous empêchera pas de continuer de débattre et d'avancer, pas plus que l'obstruction d'une poignée de députés n'a réussi à le faire jusqu'ici.

Pourtant, même si je me réjouis des avancées obtenues, je veux insister sur un regret par rapport à la rédaction du texte initial. Je rappelle en effet que celui-ci comportait deux dispositions majeures : l'allongement du délai d'IVG mais aussi la suppression de la double clause de conscience. Or aujourd'hui, il m'apparaît que la première mesure a été obtenue en sacrifiant la seconde et que, comme en 1974, c'est sur le même objet que le compromis a été obtenu. Il s'agit pourtant d'une disposition symbolique qui n'enlèverait aucun droit aux professionnels de santé, lesquels demeureraient toujours libres de refuser de pratiquer un avortement, comme n'importe quel autre acte médical.

La suppression de cette double clause de conscience est une manière de dire que cet acte ne doit plus être l'objet de tant de tabous, de non-dits, voire de stigmatisation. Tant que l'on n'aura pas compris que ce sont ces tabous qui participent à la désinformation, c'est toute notre politique en matière de santé sexuelle féminine qui en pâtira ! Il ne s'agit en aucun cas de banaliser l'acte de l'IVG, mais uniquement de ne pas tomber dans un discours culpabilisant. J'espère que nos débats permettront de rétablir cette disposition.

Enfin, si je me réjouis de l'allongement du délai d'IVG et de l'extension de sa pratique aux sages-femmes, gardons-nous de penser que ces dispositions seront suffisantes. Car ce sont les plus jeunes, les plus précaires, les plus fragiles, qui pâtissent des inégalités d'accès aux soins et qui arrivent de ce fait tardivement dans les parcours d'IVG, parfois hors délai.

Allonger les délais ne résoudra pas le problème structurel du sous-investissement dans la santé sexuelle des femmes ! En dix ans, le nombre de gynécologues a chuté de 40 %, et les fermetures de maternité et de centres d'orthogénie se poursuivent ; l'acte médical de l'IVG demeure peu valorisé économiquement, et les praticiens trop peu formés ; les subventions publiques au Planning familial ont tendance à baisser dans certains départements. Quant à la prévention, elle n'est toujours pas suffisante : les séances d'éducation à la sexualité sont encore loin d'être appliquées, et les infections sexuellement transmissibles ont augmenté de 30 % depuis 2020. Investir dans ce champ conduit pourtant à faire progresser la société dans son ensemble, sachant que c'est le levier principal pour garantir le droit à l'avortement, et plus largement les droits des femmes et des hommes en matière de santé sexuelle, vous l'avez rappelé, madame la ministre.

Comme lors des précédentes lectures, les membres du groupe Libertés et territoires se prononceront en conscience. Pour ma part, comme pour une majorité d'entre nous, je voterai résolument en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC, Agir ens, FI, LT et GDR.

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Pour celles et ceux qui n'ont jamais vécu de grossesse non désirée, il est difficile d'imaginer la détresse, la culpabilité, la peur que certaines femmes peuvent ressentir. Dès lors, si la crainte empêche d'en parler ou si la grossesse est découverte tardivement, le délai d'un mois et demi est régulièrement dépassé pour nombre de nos concitoyennes.

Pour peu que la possibilité d'avorter soit retardée pour cause d'engorgement ou de médecins absents, ce qui n'est pas rare de nos jours, vous en conviendrez, ce délai est encore raccourci. Ainsi 3 000 à 5 000 Françaises subissent-elles les conséquences d'une loi qui les empêche d'avorter, alors qu'un avortement par aspiration est encore possible. C'est considérable.

Le coût dans les cliniques étrangères peut facilement atteint les 1 000 euros, non remboursés, bien entendu, pour celles qui voudraient franchir la frontière. Un fardeau de plus pour les femmes qui doivent bien souvent assumer seules les conséquences d'un rapport sexuel impliquant pourtant quelqu'un d'autre, et qui s'est parfois produit sans leur consentement. Un fardeau de plus pour celles qui vivent les situations les plus complexes, les plus violentes ou qui sont les plus précaires, les plus jeunes et les plus isolées, premières concernées par les difficultés d'accès à l'avortement.

Chers collègues, combien de fois cette question a-t-elle été abordée dans cet hémicycle depuis le début du mandat ? Elle l'a été à de nombreuses reprises. Combien de temps ont consacré à cette question de nombreux députés, notamment Mmes Gaillot, Battistel, Muschotti ? Combien d'avis avons-nous reçu sur le sujet ? D'ailleurs, le Comité consultatif national d'éthique a encore une fois donné son feu vert à l'extension du délai légal d'accès à l'interruption volontaire de grossesse.

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Aujourd'hui, chacun d'entre nous a largement pu se faire une idée sur le sujet. Il est donc grand temps que nous avancions et que nous votions cette loi.

Je le répète une fois de plus, le passage du délai de douze à quatorze semaines de grossesse est parfaitement cohérent dans la mesure où jusqu'à quatorze semaines il est encore possible de procéder à un avortement par aspiration.

De nombreuses femmes sont en attente de ce projet de loi. Le Planning familial, qui dénonce le fait que des milliers de femmes sont forcées de se rendre à l'étranger chaque année, milite pour cet allongement de douze à quatorze semaines depuis très longtemps.

Par ailleurs, je regrette profondément, comme d'autres collègues, que le Sénat ait maintenu la double clause de conscience. Je ne reviendrai pas sur le non-sens de cette clause, qui a déjà été largement démontré. La maintenir, c'est s'arc-bouter sur un symbole culpabilisant, stigmatisant, sans aucune justification au regard de la clause de conscience qui existe déjà dans le droit commun.

Il me semble ensuite plus que nécessaire de permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales. Depuis 2015, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise l'intervention autonome des sages-femmes dans l'IVG instrumentale, au premier trimestre de la grossesse. C'est une demande de nombreuses associations de sages-femmes mais aussi de l'Association des centres de régulation des naissances de l'AP-HP, de l'Association nationale des centres d'IVG et de contraception, du Planning familial, du Syndicat de la médecine générale, de l'Association pour une médecine engagée unie et féministe, du Réseau de santé sexuelle publique (RSSP) et du Réseau entre la ville et l'hôpital pour l'orthogénie (REVHO) en Île-de-France, ou encore du Réseau régional pour favoriser la prise en charge de l'interruption volontaire de grossesse et la contraception en région Occitanie (REIVOC). Vous avez compris que de nombreuses structures le revendiquent.

Regardons la réalité en face, les sages-femmes pratiquent déjà seules des accouchements en maternité.

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La question n'a pas à se poser pour les avortements. Il est en revanche urgent de répondre aux besoins de la population. À l'heure où la désertification médicale gagne chaque jour un peu plus de terrain, nous ne pouvons pas renoncer aux compétences de certaines professions médicales.

L'essayiste et spécialiste de la condition féminine Mona Chollet observait dans une interview : « Les forces conservatrices ont de nouveau une grande influence sur le pouvoir : il y a des attaques contre les droits des femmes, le droit à l'avortement, on essaie de contrôler toujours plus les corps féminins. Ce débat a une forte résonance avec l'époque des chasses aux sorcières, puisqu'elles étaient guérisseuses mais aussi avorteuses, et que le sabbat était considéré comme la fête de la stérilité. » Alors prouvons que nous ne participons pas de ce mouvement rétrograde. Votons cette loi pour que ce droit soit enfin effectif.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et de la commission. – Mme Annie Chapelier applaudit également.

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Nous examinons aujourd'hui pour la troisième fois ce texte sur l'allongement du délai d'IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. Depuis le début de ce débat, l'espace politique et médiatique se trouve, quant à lui, saturé par les propos sexistes et nauséabonds. Ce serait une belle réponse qu'ensemble nous leur opposions une décision aussi importante pour le respect et l'avancée des droits des femmes.

Nous avons vu combien le premier confinement en particulier mais, au-delà, la crise sanitaire dans sa durée avait compromis l'accès à l'IVG pour toutes les femmes. De nombreuses raisons expliquent la baisse significative des avortements en temps de confinement : la fermeture physique d'un grand nombre de structures d'accueil, la peur de sortir de chez soi, la profusion de fausses informations sur le sujet via les sites internet « pro-vie » qui continuent de pulluler.

Encore aujourd'hui, malgré le travail de terrain de très nombreux professionnels, l'IVG demeure un tabou. Le magazine Causette en parlait il y a quelques mois, par le biais de portraits de femmes qui disaient qu'elles avaient elles-mêmes avorté.

Le confinement a mis en lumière la discrétion qu'exige cet acte médical. Le travail et les études sont les deux motifs invoqués par les femmes pour parvenir à avorter en toute discrétion, et l'arrêt de ces deux activités a mis en péril leur projet. Elles sont alors sorties du cadre légal des douze semaines de grossesse. Les chiffres sont alarmants : le numéro vert du Planning familial a enregistré une hausse de 184 % des demandes d'interruption au-delà de douze semaines.

La demande des associations et de nombreux professionnels de santé est simple : rallonger le délai d'IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. L'allongement de ce délai, rappelons-le, se calque sur la technique d'avortement utilisée : à douze ou quatorze semaines, il est encore possible de procéder à un avortement par aspiration.

Sans cette mesure d'urgence, certains médecins se retrouveront dans l'illégalité pour faire face à cette détresse. Rappelons que beaucoup de demandes d'IVG après le délai légal de douze semaines de grossesse concernent des femmes victimes de violences. Elles sont souvent dans des situations conjugales ou administratives complexes.

L'allongement des délais permet également d'éviter de creuser les inégalités sociales entre les femmes : aller faire une IVG à l'étranger coûte trois à cinq fois plus cher pour les femmes qui ne peuvent la faire en France.

Rallonger ce délai n'est pas non plus antithétique avec le fait de mieux accompagner en amont. Encore faut-il doter les structures qui font cette prévention, et je pense évidemment en premier lieu aux Plannings familiaux.

Le risque majeur est que les femmes pratiquent leur avortement seules. Ce retour aux années soixante-dix soulève une problématique sanitaire de grande ampleur. Les femmes qui veulent avorter trouvent des solutions, parfois au prix de leur santé et de leur vie. L'avortement est une intervention médicale urgente. La remise en cause de l'IVG n'est ni plus ni moins que la remise en cause des droits des femmes. Une fois encore, nous constatons que les droits sexuels et reproductifs des femmes ne sont pas considérés comme des droits fondamentaux. J'espère que nous y arriverons très vite.

Nous avons également demandé par voie d'amendement de supprimer la clause de conscience spécifique à l'avortement. Chaque médecin bénéficie d'une clause de conscience générale, qui lui permet de refuser de pratiquer tout acte médical. En plus de cette dernière, et depuis la promulgation de la loi Veil, chaque médecin bénéficie en plus d'une clause de conscience spécifique qui lui permet de refuser de pratiquer une intervention volontaire de grossesse. C'était le résultat d'un équilibre. Après tant d'années, il nous faut dire que cet équilibre n'est plus nécessaire et qu'il résulte de ce tabou qui entoure l'IVG.

Nous affirmons que rien ne justifie le maintien de cette clause aujourd'hui. Cette clause de conscience spécifique constitue une entorse au principe de neutralité du service public. C'est aussi la manifestation du terrain cédé à la morale par le droit et, plus généralement, le peu d'intérêt juridique porté aux droits des femmes.

Cette proposition de loi – et je remercie Marie-Noëlle Battistel, Albane Gaillot et bien d'autres – est sérieuse et réaliste. Elle est soutenue par bon nombre de professionnels de la santé et de l'accompagnement dans la prévention.

Nous voterons pour cette loi et nous espérons que vous serez nombreux et nombreuses à le faire.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et de la commission. – Mme Annie Chapelier applaudit également.

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Nous entamons la dernière ligne droite pour enfin adopter cette proposition de loi qui aura suivi un parcours législatif chaotique mais aura néanmoins abouti. La lecture définitive par notre assemblée interviendra mercredi 23 février, après son probable rejet par le Sénat qui aura, à deux reprises, opposé la question préalable à ce texte et ne l'aura ainsi jamais examiné en séance publique. Je le regrette mais c'est ainsi : le conservatisme de la chambre haute sur ce sujet n'est plus à démontrer, et il est assez grand pour refuser le débat parlementaire.

Nous nous retrouvons donc à examiner de nouveau le texte que nous avions adopté dans cet hémicycle en deuxième lecture. Je le dis tout de go au nom du groupe La République en marche : il va s'agir de respecter l'équilibre trouvé le 30 novembre dernier, équilibre qui a été confirmé en commission mercredi 2 février. Notre commission, outre quelques amendements d'ordre rédactionnel, a seulement introduit, à mon initiative et à celle des membres de mon groupe, une disposition à l'article 1er bis , qui prévoit que, lorsqu'une IVG est réalisée dans un établissement de santé, public ou privé, les consultations peuvent, le cas échéant, s'effectuer à distance.

Je partage avec les rapporteures, Marie-Noëlle Battistel et Albane Gaillot, que je veux remercier chaleureusement pour leur opiniâtreté, le même combat en faveur du renforcement et de l'élargissement du droit à l'avortement dans notre pays, instruite de l'examen de notre réalité sociale. Cela a été dit, chaque année, des milliers de femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger pour avorter. L'allongement du délai de douze à quatorze semaines est une mesure phare de ce texte, qui vise à mieux garantir la prise en charge des femmes à un stade de leur grossesse qui est encore précoce et ne pose pas de problème d'ordre éthique. Nous avons déjà discuté de cette question, nul besoin d'y revenir.

Les lectures successives de la proposition de loi à l'Assemblée nationale ont permis d'enrichir son contenu : obligations d'information étendues ; extension de la compétence des sages-femmes pour pratiquer des IVG chirurgicales – qui devront s'exercer dans un établissement de santé ; pérennisation de l'allongement du délai de recours à l'IVG médicamenteuse ; suppression du délai de réflexion de deux jours imposé aux femmes ayant préalablement consulté avant de pouvoir confirmer leur demande d'IVG ; publication par les agences régionales de santé d'un répertoire libre d'accès recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels et structures pratiquant l'IVG ; clarification de l'obligation faite aux professionnels de délivrer un moyen de contraception en urgence ; évaluation de la mise en œuvre du délit d'entrave à l'IVG. Précisons enfin que la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l'IVG et la protection du secret sont prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Ces enrichissements ont été introduits à l'initiative de plusieurs groupes parlementaires, illustration du caractère transpartisan de ce texte qui est, comme la plupart des textes législatifs, le fruit d'un compromis politique.

Ce compromis politique, nous devons le sauvegarder et prendre ainsi nos responsabilités, comme le Gouvernement a pris les siennes en souhaitant voir ce texte aboutir. Nous pouvons nous féliciter collectivement de notre pugnacité et nous devons savoir gré au Gouvernement d'avoir fait sienne la volonté exprimée, à deux reprises, par la représentation nationale de voir étendu et protégé le droit fondamental à l'IVG. Volonté exprimée, le 19 janvier dernier, alors qu'il inaugurait à Strasbourg la présidence française de l'Union européenne, par le Président de la République, qui souhaite inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Ce compromis politique implique de ne pas rétablir les quatre premiers alinéas de l'article 2, et donc de maintenir la clause de conscience spécifique à l'IVG. Qui peut le plus, peut le moins. On peut le regretter, mais on peut surtout se féliciter que, grâce à ce texte qui sera bientôt la loi de la République, le droit à l'IVG progresse tout en apportant des garanties suffisantes aux patientes et aux professionnels de santé. Mes chers collègues, ne fragilisons pas l'édifice construit patiemment depuis août 2020 et le dépôt du texte. Adoptons-le !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur les bancs des commissions. – Mmes Annie Chapelier et Pascale Fontenel-Personne applaudissent également.

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Nous voilà réunis une troisième fois dans cet hémicycle pour discuter de ce texte. Nous avons toutes et tous à cœur de défendre les droits des femmes, et en particulier ce droit devenu inaliénable pour chaque femme de disposer librement de son corps. Je tiens à insister : il n'est pas question pour nous de revenir sur ce droit ; je voudrais que ce soit très clair.

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C'est justement parce qu'il est de notre devoir de garantir à toutes les femmes les moyens de disposer de ce droit, que je porte aujourd'hui cette position : l'allongement du délai d'interruption volontaire de grossesse n'est pas la solution.

Nous sommes d'ailleurs d'accord sur les dispositifs qui manquent et qui doivent être mis en place. Madame la ministre déléguée, je vous remercie d'avoir rappelé le travail qui a déjà été fait. Je pense notamment à l'éducation à la sexualité. Pourquoi ne pas s'y intéresser davantage, quand on sait qu'un établissement scolaire sur quatre ne dispense pas de cours d'éducation à la sexualité, et que plus d'un établissement sur deux ne respecte pas les trois séances annuelles obligatoires ? Ces cours sont pourtant indispensables…

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…pour que les enfants – les garçons et les filles – soient sensibilisés en matière de prévention, d'apprentissage et d'écoute de leurs corps. C'est ainsi que l'on contribuera largement à limiter le nombre d'IVG.

Je pense aussi à l'accès aux structures territoriales, comme cela a été rappelé. La loi de modernisation de notre système de santé a autorisé en 2016 la pratique des IVG instrumentales en dehors des établissements de santé ; ce fut une avancée importante. Les centres de santé et les centres de planification et d'éducation familiale (CPEF) peuvent désormais accueillir la pratique des IVG. Mais que constate-t-on depuis 2016 ? Très peu de communes ont investi pour se doter de salles équipées pour la pratique des IVG. Voilà encore un exemple concret de difficulté d'accès à l'IVG qui devrait nous interpeller. Pourquoi les communes ne s'emparent-elles pas de cette mission ? Est-ce un problème de moyens financiers, de ressources humaines, de méconnaissance du dispositif ? Quel levier mettre en œuvre pour que les territoires participent à l'égal accès des femmes à l'IVG ?

Vous avez préféré vous focaliser et communiquer haut et fort sur l'ajout de deux semaines au délai légal, comme si c'était la réponse à tous ces maux bien réels. Aide-t-on les femmes par cette réforme lorsque, année après année, le nombre d'établissements de santé pratiquant l'IVG se réduit, créant ainsi, dans nos campagnes, de véritables déserts médicaux ? En vingt ans, 50 % des maternités ont fermé, or l'accès effectif à l'IVG dépend encore principalement de la carte hospitalière – les hôpitaux pratiquent près de 80 % des IVG. Lorsqu'on sait cela, on ne peut qu'être inquiet de ce qu'est la réalité du terrain. Aujourd'hui, quarante départements connaissent une pénurie de gynécologues et treize n'ont plus un seul gynécologue médical. Concrètement, en 2022, les femmes doivent se rendre dans un autre département pour aller chez le gynécologue ; est-ce normal dans la France du XXIe siècle ?

Enfin, ces deux semaines supplémentaires sont-elles la solution pour éviter à 2 000 Françaises de partir chaque année à l'étranger pour avorter ? Là encore, je pense que la réponse n'est pas adaptée. Pour 70 % de ces femmes, la cause d'un avortement tardif, hors délai légal, est l'ignorance dans laquelle elles étaient de leur état de grossesse, tout simplement liée au fait qu'elles connaissent mal ou n'écoutent pas leur corps. La prise en charge médiane de ces femmes par des structures étrangères se fait à dix-huit semaines de grossesse, et le premier contact trois semaines avant, aux alentours de quinze semaines de grossesse. Pour elles, l'allongement de deux semaines du délai légal pour le porter à quatorze semaines ne changera donc malheureusement rien.

Dans cet hémicycle, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui servent l'émancipation des femmes et, de l'autre, ceux qui limitent leurs droits. Une IVG est un événement marquant pour une femme, elle marquera une Française sur trois dans sa vie. Je pense pourtant, très sincèrement, que ce texte ne va pas permettre de faire évoluer la situation. Vous vous détournez des vrais obstacles au libre accès à l'IVG en choisissant la facilité et en abandonnant ainsi les femmes à leur solitude. Dans quelques mois, il appartiendra à une nouvelle majorité d'apporter des solutions pérennes pour permettre à toutes les femmes de disposer librement de leur corps.

Mmes Nathalie Bassire et Valérie Six applaudissent.

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Après presque un an et demi de débats intenses et nourris, cette proposition de loi revient devant notre assemblée pour une nouvelle lecture, à la suite de son rejet sans examen au Sénat et de l'échec de la commission mixte paritaire.

Débattre de l'avortement au sein de cet hémicycle n'est pas anodin ; cela impose une certaine forme de hauteur de vue mais aussi, et surtout, de la responsabilité : responsabilité à l'égard de ce droit acquis de haute lutte, il y a près de cinquante ans ; responsabilité à l'égard des milliers de femmes – près de deux cent mille – qui y ont recours chaque année dans notre pays.

Si ce droit est désormais bien ancré en France, malgré quelques soubresauts conservateurs, nous constatons qu'il est fragilisé dans de nombreux pays, au sein même de l'Union européenne, ou encore dans certains États américains.

C'est pourquoi il nous faut saisir chaque occasion pour affirmer, protéger, voire renforcer ce droit. C'est d'ailleurs ce qui nous est proposé dans le texte. La mesure phare consiste à allonger de deux semaines le délai légal d'accès à l'IVG, le faisant passer de douze à quatorze semaines. Cet allongement vise à répondre à une problématique bien identifiée : chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger pour avoir recours à un avortement, car elles ont dépassé le délai ; on ne peut pas l'accepter.

Si cet allongement pouvait susciter quelques interrogations au début du cheminement législatif du texte, il apparaît qu'aucune objection éthique ou scientifique ne peut s'y opposer. Cette affirmation ne sort pas de nulle part, mais émane du CCNE qui, je le crois, doit faire référence dans ce débat. Félicitons-nous d'ailleurs de disposer d'organes indépendants de cette nature qui permettent d'éclairer la décision politique, quand d'autres pays se réfèrent à toute autre chose que la science sur ces questions.

Toutefois, l'allongement des délais d'accès à l'IVG ne peut être l'alpha et l'oméga de notre politique de santé sexuelle et reproductive. Celle-ci doit être soutenue par deux piliers indispensables : l'accès à l'information partout et pour toutes, et l'accès aux professionnels de santé. Ces deux piliers sont aujourd'hui fragilisés pour des raisons reposant essentiellement sur les inégalités territoriales de santé : accéder à une information claire et lisible sur la législation ou obtenir un rendez-vous rapidement auprès des structures ad hoc peut se révéler extrêmement difficile pour certaines de nos compatriotes.

Il est donc impératif de consolider la diffusion de l'information et son accessibilité, mais aussi tout le pan de notre politique de prévention relative aux grossesses non désirées, et ce dès le plus jeune âge.

En outre, le second pilier – à savoir la possibilité d'accéder à des professionnels de santé appropriés – souffre des conséquences de la désertification médicale. Il s'agit là d'un enjeu qui a fait l'objet de nombreux débats dans cet hémicycle, et nombreuses sont les solutions qui ont été proposées. Notre groupe s'était saisi de cette question dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 en faisant adopter une expérimentation permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales. La présente proposition de loi consolide et entérine cette initiative qui nous apparaît opportune à plus d'un titre : elle conforte les avancées majeures obtenues ces derniers mois par la profession, et renforce l'offre de soins sur les territoires.

La proposition de loi aborde donc l'ensemble de ces questions, tentant d'y apporter des réponses, au plus près de la réalité du terrain.

Bien sûr, les dispositions contenues dans le texte ne sont pas consensuelles – nous l'avons constaté au cours de ces dix-huit mois de débat. Ces oppositions politiques et sociétales doivent être entendues dans la mesure où elles demeurent respectueuses et argumentées. Néanmoins, le législateur doit, in fine, décider. Il doit le faire en pesant chaque mot et chaque argument, plus que sur n'importe quel autre sujet ; il s'agit là d'un impératif démocratique.

La discussion qui s'engage sera contrastée, il est évident que nous ne parviendrons pas à un consensus sur l'ensemble des bancs. Au sein même des groupes, les positions divergeront. C'est le cas au sein du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui laissera à chacun de ses membres, selon sa conscience, une liberté totale de vote.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.

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Je suis très fière, au nom du groupe Socialistes et apparentés, de soutenir un texte qui touche à un droit fondamental des femmes : le droit d'avoir le choix. Près d'un demi-siècle après l'adoption de la loi Veil, ce droit si chèrement acquis reste encore d'une grande fragilité. Sa pleine effectivité n'est toujours pas garantie sur l'ensemble du territoire français – les débats houleux sur ce texte dans nos assemblées parlementaires depuis de longs mois le confirment. Les reculs historiques récents partout dans le monde, comme en Pologne ou au Texas, démontrent que nous devons encore et toujours défendre le droit à l'avortement car, lorsque nous défendons les droits des femmes, c'est de notre vision de la société qu'il est question. Lorsque des régimes peu respectueux des libertés s'attaquent au libre choix des femmes à disposer de leur corps et au droit de revendiquer leur intégrité, ce sont bien des principes fondamentaux qui sont remis en cause.

Chaque année, 3 000 à 5 000 Françaises sont encore contraintes de se rendre à l'étranger pour pratiquer l'IVG. Elles y sont obligées, d'une part, à cause du nombre insuffisant, dans de nombreux territoires, de professionnels de santé ou de services adaptés pratiquant cet acte et, d'autre part, à cause du délai légal de recours à l'IVG, qui est beaucoup plus court chez nous que chez nos voisins. Chez moi, en Ardèche, 40 % des femmes qui ont recours à une IVG doivent ainsi changer de département, ce qui traduit l'insuffisance de l'offre de praticiens, phénomène particulièrement vrai dans les territoires ruraux.

Comment pouvons-nous accepter que des femmes, parfois en détresse ou qui veulent tout simplement faire un autre choix, se voient dans l'obligation d'engager des sommes importantes pour que soit pratiquée une interruption de grossesse en dehors du territoire national ? Le rôle de notre État ne devrait-il pas être de protéger les citoyens et de leur donner les moyens d'assumer leurs choix ? D'autant plus qu'on le sait : les difficultés d'accès à l'IVG touchent majoritairement les plus fragiles – jeunes filles mineures, femmes isolées en zone rurale, femmes enceintes à la suite d'un viol ou ne disposant que de faibles ressources.

Au cours des débats, certains ont dit qu'il fallait absolument éviter que les femmes puissent subir des pressions concernant leur prise de décision. N'oublions pas que les pressions peuvent se faire dans les deux sens : pour pratiquer une IVG, mais aussi pour garder l'enfant, même lorsque les conditions nécessaires ne sont pas réunies. C'est pour cela que nous devons accompagner les femmes, mais ne jamais parler à leur place.

Certes, l'amélioration de l'accès à l'IVG ne se limite pas aux mesures contenues dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui – des réponses d'ordre structurel dans le pilotage et l'organisation de nos offres de soins en orthogénie restent nécessaires, comme l'a très bien souligné notre collègue Sylvie Pinel. Reste que ce texte permet d'avancer sur des questions majeures, en allongeant de deux semaines le délai légal de recours à l'IVG, en augmentant le nombre de praticiens par l'habilitation des sages-femmes, en renforçant la formation des femmes et en supprimant le délai de réflexion de deux jours.

Ainsi, pour toutes ces femmes, un espoir est né il y a maintenant près d'un an et demi, avec l'adoption en première lecture de cette proposition de loi portée par Albane Gaillot, puis par Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Je salue leur travail et leur ténacité car, depuis, le parcours du texte aura été semé d'embûches : obstruction de la droite conservatrice à l'Assemblée, rejet systématique du texte par le Sénat, position ambiguë de la majorité, qui aura mis dix mois avant d'inscrire le texte…

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Si le texte est inscrit à l'ordre du jour, c'est que la position n'est pas ambiguë.

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…et qui aura permis la suppression d'une avancée majeure concernant la double clause de conscience.

L'examen du texte a montré la frilosité de la majorité sur ce sujet, en particulier sur la question de la double clause de conscience, alors que cette clause n'apporte en réalité aucune protection supplémentaire aux professionnels de santé par rapport à la clause de conscience générale dont ils bénéficient déjà et qui leur permet de refuser de pratiquer un acte contraire à leur position morale.

Elle ne fait qu'entretenir la stigmatisation de l'IVG comme un acte culpabilisant pour les femmes. L'IVG est ainsi le seul acte médical pour lequel cette double clause serait proposée, ce qui en ferait un acte toléré plutôt qu'un droit à part entière.

En commission, le nom de Simone Veil a souvent été prononcé pour justifier cette position, à nos yeux rétrograde. Mes chers collègues, chacun comprend bien ici que le contexte dans lequel la loi avait été votée en 1975 est, fort heureusement, bien différent de celui d'aujourd'hui. Je ne crois pas qu'il soit de bon aloi de ramener sans cesse nos débats actuels à ce que fut, dans une société encore corsetée et sourde aux droits des femmes, la bataille acharnée et courageuse d'une femme que nous admirons, ici et par-delà l'hémicycle.

L'IGAS – Inspection générale des affaires sociales – l'a d'ailleurs souligné : la pratique de l'IVG reste très dépendante d'équations personnelles et locales, entravant souvent la libre décision des femmes. Il s'agit bien de rendre effectif un droit difficilement acquis. Nous demandons donc à la majorité de bien vouloir lever ce frein à l'avortement que représente la double clause de conscience, et défendrons un amendement en ce sens.

Cependant, le pas essentiel a été franchi et, si les tabous sur les questions liées aux droits des femmes et à leur sexualité sont toujours présents dans notre société, mieux vaut tard que jamais : il est temps pour nous, chers collègues, de concrétiser la progression des droits des femmes.

Rappelons-le, le présent texte est issu de deux groupes d'opposition mais surtout d'un travail transpartisan mené dans le cadre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, envers qui va toute notre confiance. C'est donc avec fierté et conviction que le groupe Socialistes et apparentés votera pour le texte.

Applaudissements sur les bancs des commissions et du groupe Agir ens.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra