Intervention de Benoit Potterie

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 9h00
Combattre le harcèlement scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Potterie :

Nous sommes de nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Les profondes transformations introduites par le Sénat ont en effet rendu inéluctable l'échec de la commission mixte paritaire, ce que nous regrettons sincèrement. Néanmoins, la suppression du délit autonome et l'exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire constituaient des lignes rouges que notre majorité ne pouvait se résoudre à franchir. C'est pourquoi nous avons entériné leur rétablissement en commission.

Comme lors de la première lecture, les membres du groupe Agir ensemble soutiendront avec vigueur cette proposition de loi, que nous avons cosignée. Il est en effet des drames individuels qui sont aussi collectifs et qui nous poussent à agir dans un esprit de responsabilité : le suicide de la jeune Dinah, qui a mis fin à ses jours le 5 octobre dernier à l'âge de 14 ans en est un.

Agressions physiques, insultes racistes, homophobes ou sexistes : la violence qui cessait autrefois à seize heures trente franchit désormais la grille de l'école et se poursuit de plus belle dans le confort de l'anonymat des réseaux sociaux.

Dinah n'est malheureusement pas un cas isolé : au moins dix-neuf élèves ont mis fin à leurs jours l'année dernière, sous la pression de leurs camarades harceleurs. Dinah est le triste visage d'un fléau qui toucherait 6 à 10 % des élèves, soit entre 700 000 et 1 million d'enfants ! Aucune région, aucune ville, aucun établissement, aucune classe sociale n'est épargné.

Trop souvent, la souffrance des victimes est pourtant invisibilisée, passée sous silence. L'isolement, la honte, la peur d'en parler à ses parents ou à ses professeurs sont autant de verrous qu'il faut briser pour que cesse enfin la loi du silence. Car là est le véritable enjeu : libérer et mieux recueillir la parole des victimes. Pour le harcèlement scolaire, comme pour toutes les autres formes de violence qui gangrènent la société, la logique est la même : la peur doit changer de camp.

Or, il faut bien le reconnaître, notre pays a tardé à prendre conscience du phénomène et à bâtir une réelle politique publique de lutte contre les violences scolaires. Depuis 2017, nous avons agi pour faire évoluer dans la pratique quotidienne de la vie scolaire la prévention des faits de harcèlement et la prise en charge des victimes. Je pense bien sûr à l'inscription du « droit à une scolarité sans harcèlement » dans la loi pour une école de la confiance votée en 2019, ainsi qu'à la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet dont notre collègue Laetitia Avia était la rapporteure. Mais en matière de harcèlement scolaire, comme dans beaucoup d'autres domaines, de nombreux leviers d'action relèvent du réglementaire. C'est le sens de la généralisation du programme PHARE à partir de la rentrée 2021.

Notre groupe se réjouit par ailleurs des récentes annonces du Président de la République qui se sont concrétisées cette semaine par le lancement de l'application 3018, qui permettra à chaque élève de signaler des faits de cyberharcèlement. Il s'agit d'une réelle avancée qui faisait partie des mesures préconisées par Timothé Nadim, ancien élève harcelé qui a su relever la tête et qui milite aujourd'hui pour que les choses changent – je salue ici son engagement.

La présente proposition de loi permettra d'aller plus loin encore. Elle repose sur le triptyque suivant : prévention, accompagnement, protection.

Il convient de prévenir les situations de harcèlement, d'abord, en consacrant un droit à une scolarité sans violence dans tous les établissements publics et privés. Lors de la première lecture du texte, les membres du groupe Agir ensemble avaient précisé le contenu des mesures que devront prendre les établissements pour insister sur la prévention, qui doit être améliorée.

Ensuite, il faut accompagner les victimes, les auteurs de faits de harcèlement scolaire et les adultes qui les prennent en charge en renforçant la formation de ces derniers. Sur ce point, notre groupe se réjouit que la commission ait conservé l'article 3 bis E, introduit par la chambre haute, relatif à la prise en charge des soins psychologiques non seulement pour les victimes mais aussi pour les auteurs. Nous avions défendu ce sujet en première lecture et nous nous réjouissons qu'il ait trouvé un écho favorable au Sénat.

Enfin, il faut protéger. L'article 4 crée à cette fin un délit autonome de harcèlement scolaire. Mais parce qu'au-delà des sanctions pénales la première réponse doit être éducative, nous avons soutenu le rétablissement de l'article 6 supprimé par le Sénat, qui crée un stage de sensibilisation visant à responsabiliser les élèves harceleurs.

Mes chers collègues, l'école doit rester un lieu d'émancipation par le savoir bien sûr, mais aussi par l'apprentissage du civisme et de la citoyenneté. Ce texte y contribue et je remercie chaleureusement son rapporteur Erwan Balanant pour son engagement constant en faveur de la lutte contre les violences scolaires. Je le répète : nous voterons donc cette proposition de loi avec conviction.

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