Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission des affaires sociales :

« En définitive, si la liberté d'avorter en France n'est pas remise en cause à ce jour, un faisceau de facteurs […] peut contribuer à la difficulté de sa réalisation durant le délai légal autorisé, conduisant ainsi des femmes à ne pas pouvoir réaliser leur décision personnelle, sauf à solliciter un déplacement à l'étranger. » Par ces mots, le CCNE est venu corroborer le constat qui a conduit au dépôt de la présente proposition de loi : certaines difficultés existent encore pour accéder à l'IVG dans notre pays, et le législateur doit agir pour y remédier.

Cécile Muschotti et moi-même avions fait le même constat dans le rapport d'information sur l'accès à l'IVG que nous avions rédigé en 2020 au nom de la délégation aux droits des femmes de notre assemblée. Je tiens à saluer l'engagement de sa présidente, Marie-Pierre Rixain, sur le sujet dont nous débattons.

Quelles sont ces difficultés que nous avons identifiées et qui justifient de légiférer aujourd'hui ? Je n'ai pas le temps de toutes les présenter en détail, mais certaines me semblent devoir être évoquées pour comprendre ce qui nous rassemble et ce qui nous motive.

On constate tout d'abord des difficultés pour trouver les informations adéquates et un interlocuteur compétent sur le sujet de l'IVG. Il n'est en effet pas toujours simple de connaître les praticiens acceptant d'en réaliser, ce qui complique l'orientation ou la réorientation des femmes. De plus, certains professionnels de santé, tout particulièrement lorsqu'ils sont opposés à l'IVG, peuvent, de manière plus ou moins consciente, contribuer à ralentir l'orientation, à retarder la prise en charge des femmes.

De même, la géographie et la démographie médicales peuvent avoir de lourdes conséquences car l'engorgement de certains centres hospitaliers d'une part, et la désertification médicale dans plusieurs régions d'autre part, nuisent également à l'accès à l'IVG. Ces difficultés ne touchent pas uniformément toute la France : on observe de fortes disparités territoriales dans le taux de recours à l'IVG. S'il n'existe pas de véritable zone blanche en termes d'accès, il y a bien, en revanche, des zones de tension, et les délais de prise en charge varient ainsi du simple au quadruple selon les régions.

Une dernière difficulté enfin, que nous avons évoquée à plusieurs reprises : la crise sanitaire. Celle-ci a eu un impact clair et délétère sur l'accès des femmes à l'IVG et a renforcé les problématiques de dépassement des délais.

Ces difficultés et ces inégalités territoriales nuisent à la rapidité de la prise en charge des femmes souhaitant recourir à un avortement. Ainsi, quand une femme comprend tardivement qu'elle est enceinte, quelle que soit la raison – déni de grossesse, mauvaise information due à son jeune âge, notamment si elle est mineure, inégalités d'accès aux soins –, ou quand elle change d'avis sur la poursuite de sa grossesse, tous les obstacles que j'ai mentionnés ralentissent son parcours et peuvent conduire à un dépassement du seuil des douze semaines. Et ce sont avant tout les femmes les plus vulnérables qui en sont victimes, les très jeunes, les plus éloignées du système de soins, les femmes qui ont le moins accès à l'information sanitaire, celles qui n'ont pas de moyen de locomotion ou encore celles victimes de violences…

Ce sont toutes ces femmes qui subissent le plus souvent les conséquences de ces difficultés et qui sont les plus exposées au risque de dépassement des délais légaux. Elles se retrouvent alors contraintes de se rendre à l'étranger pour faire valoir ce droit fondamental qu'est l'IVG. On estime que c'est le cas d'au moins 2 000 femmes chaque année. Et, si elles ne le font pas parce que cela est compliqué à organiser et que cela coûte cher et n'est pas remboursé, quel choix leur reste-t-il ? Elles ne peuvent que poursuivre une grossesse non désirée ou avoir recours à une IVG clandestine au péril de leur santé. Nous ne pouvons pas appeler cela un choix. Nous ne pouvons pas accepter de telles situations. En France, en 2022, une femme doit pouvoir avorter si elle le souhaite. C'est un droit.

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