Nous savons tous le caractère central de l'école dans la construction des individus. Malheureusement, l'expérience de la violence en fait partie et les conséquences de cette violence ne s'arrêtent pas toujours à l'école : elles se poursuivent au-delà du cadre scolaire et perdurent. Il faut donc, dès le plus jeune âge, la repérer, la combattre, la désamorcer.
Je le disais lors de la première lecture, nous avons enfin les mots pour décrire ce que nous avons longtemps cherché à dénoncer sans pouvoir le faire : le harcèlement scolaire. Nous avions tendance jusqu'alors à le sous-estimer, à n'y voir que des querelles sans conséquences entre élèves. Or le harcèlement n'est pas une petite violence sans conséquences. Il gâche la vie de nos enfants, empêche leur scolarité heureuse à un âge où l'insouciance devrait paraître éternelle. Parfois même, il tue.
Il faut le dire : la présente proposition de loi ne réglera pas à elle seule le harcèlement scolaire, mais elle contribuera à le rendre visible, à mieux l'appréhender pour, je l'espère, le faire reculer.
Je regrette qu'un accord n'ait pu être trouvé avec le Sénat. Les divergences entre les textes de chacune des deux assemblées ne me paraissaient pourtant pas insurmontables. Sur un certain nombre de points, le Sénat avait même pu l'enrichir : je pense par exemple au rôle de la visite médicale dans la détection du harcèlement.
Je pense également à la possibilité de CDI ouverte aux assistants d'éducation, une disposition reprenant celle que nous avions adoptée dans le cadre de la proposition de loi de Michèle Victory. Cette avancée sera, je l'espère, une première étape vers une plus grande stabilité pour ces personnels essentiels et pourtant trop souvent oubliés. Assurément, ils sont précieux pour l'accompagnement de nos élèves au quotidien, et la lutte contre le harcèlement scolaire doit évidemment s'appuyer sur eux. Or aujourd'hui, ils n'exercent pas dans des conditions satisfaisantes.
Un regret cependant, celui que la deuxième disposition du texte de Michèle Victory n'ait pas été intégrée. Je veux parler de la CDIsation des accompagnants d'élèves en situation de handicap. Ces élèves sont malheureusement souvent les cibles de harcèlement. Améliorer leur inclusion passe nécessairement par la garantie d'un environnement bienveillant.
Il fallait en revanche revenir sur la suppression par le Sénat du stage de sensibilisation. Les mesures doivent avant tout être éducatives, et c'est le sens de cette disposition.
Des mesures éducatives, oui, mais il faut parfois aller au-delà. C'est ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, avec la création d'un délit autonome de harcèlement scolaire. Comme nous le disions en première lecture, notre groupe n'a pas d'opposition de principe à la création de ce délit spécifique.
Le véritable enjeu réside selon nous dans la définition précise qui est donnée du harcèlement scolaire, et celle adoptée par notre assemblée nous paraît plus adaptée. Elle a en effet le mérite de cibler également les étudiants et les personnes majeures, qui peuvent être concernés en tant que victimes comme en tant que bourreaux. Mais il faut être clair : si définir un délit spécifique de harcèlement scolaire peut avoir un effet dissuasif, cela ne suffira pas. Je crois surtout au rôle des acteurs au sein des établissements, dans leur devoir de protection des élèves.
Au-delà de la querelle juridique, le groupe Libertés et territoires rappelle la nécessité d'avoir une échelle des peines proportionnées. L'article 4 n'y répond pas tout à fait.
S'agissant du cyberharcèlement, il nous semble que le Sénat a eu raison d'insister et nous regrettons que la commission ait fait le choix de ne pas maintenir certains de ses apports, notamment ceux visant à contraindre davantage les plateformes. Au-delà de l'école, le harcèlement scolaire se prolonge désormais sur internet par les réseaux sociaux, qui constituent une caisse de résonance inouïe pour les actes d'intimidation et de violence. Or le présent texte ne comporte qu'un article à ce sujet, alors même qu'il nous semble être un axe majeur sur lequel agir.
Comme en première lecture, nous voterons ce texte. Je veux cependant insister sur un point : donnons-nous réellement les moyens d'agir, faute de quoi l'obligation de protection imposée aux établissements demeurera un vœu pieux. Il faudra, bien sûr, mieux former et sensibiliser la communauté éducative et la médecine scolaire à la prévention du harcèlement : c'est un préalable et certainement la clé d'une lutte efficace.
Cela implique d'investir, dès aujourd'hui, pour se donner davantage de moyens. Et c'est précisément ce qui a manqué ces dernières années.