Intervention de Cécile Muschotti

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Muschotti :

Nous entamons la dernière ligne droite pour enfin adopter cette proposition de loi qui aura suivi un parcours législatif chaotique mais aura néanmoins abouti. La lecture définitive par notre assemblée interviendra mercredi 23 février, après son probable rejet par le Sénat qui aura, à deux reprises, opposé la question préalable à ce texte et ne l'aura ainsi jamais examiné en séance publique. Je le regrette mais c'est ainsi : le conservatisme de la chambre haute sur ce sujet n'est plus à démontrer, et il est assez grand pour refuser le débat parlementaire.

Nous nous retrouvons donc à examiner de nouveau le texte que nous avions adopté dans cet hémicycle en deuxième lecture. Je le dis tout de go au nom du groupe La République en marche : il va s'agir de respecter l'équilibre trouvé le 30 novembre dernier, équilibre qui a été confirmé en commission mercredi 2 février. Notre commission, outre quelques amendements d'ordre rédactionnel, a seulement introduit, à mon initiative et à celle des membres de mon groupe, une disposition à l'article 1er bis , qui prévoit que, lorsqu'une IVG est réalisée dans un établissement de santé, public ou privé, les consultations peuvent, le cas échéant, s'effectuer à distance.

Je partage avec les rapporteures, Marie-Noëlle Battistel et Albane Gaillot, que je veux remercier chaleureusement pour leur opiniâtreté, le même combat en faveur du renforcement et de l'élargissement du droit à l'avortement dans notre pays, instruite de l'examen de notre réalité sociale. Cela a été dit, chaque année, des milliers de femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger pour avorter. L'allongement du délai de douze à quatorze semaines est une mesure phare de ce texte, qui vise à mieux garantir la prise en charge des femmes à un stade de leur grossesse qui est encore précoce et ne pose pas de problème d'ordre éthique. Nous avons déjà discuté de cette question, nul besoin d'y revenir.

Les lectures successives de la proposition de loi à l'Assemblée nationale ont permis d'enrichir son contenu : obligations d'information étendues ; extension de la compétence des sages-femmes pour pratiquer des IVG chirurgicales – qui devront s'exercer dans un établissement de santé ; pérennisation de l'allongement du délai de recours à l'IVG médicamenteuse ; suppression du délai de réflexion de deux jours imposé aux femmes ayant préalablement consulté avant de pouvoir confirmer leur demande d'IVG ; publication par les agences régionales de santé d'un répertoire libre d'accès recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels et structures pratiquant l'IVG ; clarification de l'obligation faite aux professionnels de délivrer un moyen de contraception en urgence ; évaluation de la mise en œuvre du délit d'entrave à l'IVG. Précisons enfin que la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l'IVG et la protection du secret sont prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Ces enrichissements ont été introduits à l'initiative de plusieurs groupes parlementaires, illustration du caractère transpartisan de ce texte qui est, comme la plupart des textes législatifs, le fruit d'un compromis politique.

Ce compromis politique, nous devons le sauvegarder et prendre ainsi nos responsabilités, comme le Gouvernement a pris les siennes en souhaitant voir ce texte aboutir. Nous pouvons nous féliciter collectivement de notre pugnacité et nous devons savoir gré au Gouvernement d'avoir fait sienne la volonté exprimée, à deux reprises, par la représentation nationale de voir étendu et protégé le droit fondamental à l'IVG. Volonté exprimée, le 19 janvier dernier, alors qu'il inaugurait à Strasbourg la présidence française de l'Union européenne, par le Président de la République, qui souhaite inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Ce compromis politique implique de ne pas rétablir les quatre premiers alinéas de l'article 2, et donc de maintenir la clause de conscience spécifique à l'IVG. Qui peut le plus, peut le moins. On peut le regretter, mais on peut surtout se féliciter que, grâce à ce texte qui sera bientôt la loi de la République, le droit à l'IVG progresse tout en apportant des garanties suffisantes aux patientes et aux professionnels de santé. Mes chers collègues, ne fragilisons pas l'édifice construit patiemment depuis août 2020 et le dépôt du texte. Adoptons-le !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.