Je suis très fière, au nom du groupe Socialistes et apparentés, de soutenir un texte qui touche à un droit fondamental des femmes : le droit d'avoir le choix. Près d'un demi-siècle après l'adoption de la loi Veil, ce droit si chèrement acquis reste encore d'une grande fragilité. Sa pleine effectivité n'est toujours pas garantie sur l'ensemble du territoire français – les débats houleux sur ce texte dans nos assemblées parlementaires depuis de longs mois le confirment. Les reculs historiques récents partout dans le monde, comme en Pologne ou au Texas, démontrent que nous devons encore et toujours défendre le droit à l'avortement car, lorsque nous défendons les droits des femmes, c'est de notre vision de la société qu'il est question. Lorsque des régimes peu respectueux des libertés s'attaquent au libre choix des femmes à disposer de leur corps et au droit de revendiquer leur intégrité, ce sont bien des principes fondamentaux qui sont remis en cause.
Chaque année, 3 000 à 5 000 Françaises sont encore contraintes de se rendre à l'étranger pour pratiquer l'IVG. Elles y sont obligées, d'une part, à cause du nombre insuffisant, dans de nombreux territoires, de professionnels de santé ou de services adaptés pratiquant cet acte et, d'autre part, à cause du délai légal de recours à l'IVG, qui est beaucoup plus court chez nous que chez nos voisins. Chez moi, en Ardèche, 40 % des femmes qui ont recours à une IVG doivent ainsi changer de département, ce qui traduit l'insuffisance de l'offre de praticiens, phénomène particulièrement vrai dans les territoires ruraux.
Comment pouvons-nous accepter que des femmes, parfois en détresse ou qui veulent tout simplement faire un autre choix, se voient dans l'obligation d'engager des sommes importantes pour que soit pratiquée une interruption de grossesse en dehors du territoire national ? Le rôle de notre État ne devrait-il pas être de protéger les citoyens et de leur donner les moyens d'assumer leurs choix ? D'autant plus qu'on le sait : les difficultés d'accès à l'IVG touchent majoritairement les plus fragiles – jeunes filles mineures, femmes isolées en zone rurale, femmes enceintes à la suite d'un viol ou ne disposant que de faibles ressources.
Au cours des débats, certains ont dit qu'il fallait absolument éviter que les femmes puissent subir des pressions concernant leur prise de décision. N'oublions pas que les pressions peuvent se faire dans les deux sens : pour pratiquer une IVG, mais aussi pour garder l'enfant, même lorsque les conditions nécessaires ne sont pas réunies. C'est pour cela que nous devons accompagner les femmes, mais ne jamais parler à leur place.
Certes, l'amélioration de l'accès à l'IVG ne se limite pas aux mesures contenues dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui – des réponses d'ordre structurel dans le pilotage et l'organisation de nos offres de soins en orthogénie restent nécessaires, comme l'a très bien souligné notre collègue Sylvie Pinel. Reste que ce texte permet d'avancer sur des questions majeures, en allongeant de deux semaines le délai légal de recours à l'IVG, en augmentant le nombre de praticiens par l'habilitation des sages-femmes, en renforçant la formation des femmes et en supprimant le délai de réflexion de deux jours.
Ainsi, pour toutes ces femmes, un espoir est né il y a maintenant près d'un an et demi, avec l'adoption en première lecture de cette proposition de loi portée par Albane Gaillot, puis par Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Je salue leur travail et leur ténacité car, depuis, le parcours du texte aura été semé d'embûches : obstruction de la droite conservatrice à l'Assemblée, rejet systématique du texte par le Sénat, position ambiguë de la majorité, qui aura mis dix mois avant d'inscrire le texte…