Intervention de Geneviève Levy

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Levy :

…pour que les enfants – les garçons et les filles – soient sensibilisés en matière de prévention, d'apprentissage et d'écoute de leurs corps. C'est ainsi que l'on contribuera largement à limiter le nombre d'IVG.

Je pense aussi à l'accès aux structures territoriales, comme cela a été rappelé. La loi de modernisation de notre système de santé a autorisé en 2016 la pratique des IVG instrumentales en dehors des établissements de santé ; ce fut une avancée importante. Les centres de santé et les centres de planification et d'éducation familiale (CPEF) peuvent désormais accueillir la pratique des IVG. Mais que constate-t-on depuis 2016 ? Très peu de communes ont investi pour se doter de salles équipées pour la pratique des IVG. Voilà encore un exemple concret de difficulté d'accès à l'IVG qui devrait nous interpeller. Pourquoi les communes ne s'emparent-elles pas de cette mission ? Est-ce un problème de moyens financiers, de ressources humaines, de méconnaissance du dispositif ? Quel levier mettre en œuvre pour que les territoires participent à l'égal accès des femmes à l'IVG ?

Vous avez préféré vous focaliser et communiquer haut et fort sur l'ajout de deux semaines au délai légal, comme si c'était la réponse à tous ces maux bien réels. Aide-t-on les femmes par cette réforme lorsque, année après année, le nombre d'établissements de santé pratiquant l'IVG se réduit, créant ainsi, dans nos campagnes, de véritables déserts médicaux ? En vingt ans, 50 % des maternités ont fermé, or l'accès effectif à l'IVG dépend encore principalement de la carte hospitalière – les hôpitaux pratiquent près de 80 % des IVG. Lorsqu'on sait cela, on ne peut qu'être inquiet de ce qu'est la réalité du terrain. Aujourd'hui, quarante départements connaissent une pénurie de gynécologues et treize n'ont plus un seul gynécologue médical. Concrètement, en 2022, les femmes doivent se rendre dans un autre département pour aller chez le gynécologue ; est-ce normal dans la France du XXIe siècle ?

Enfin, ces deux semaines supplémentaires sont-elles la solution pour éviter à 2 000 Françaises de partir chaque année à l'étranger pour avorter ? Là encore, je pense que la réponse n'est pas adaptée. Pour 70 % de ces femmes, la cause d'un avortement tardif, hors délai légal, est l'ignorance dans laquelle elles étaient de leur état de grossesse, tout simplement liée au fait qu'elles connaissent mal ou n'écoutent pas leur corps. La prise en charge médiane de ces femmes par des structures étrangères se fait à dix-huit semaines de grossesse, et le premier contact trois semaines avant, aux alentours de quinze semaines de grossesse. Pour elles, l'allongement de deux semaines du délai légal pour le porter à quatorze semaines ne changera donc malheureusement rien.

Dans cet hémicycle, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui servent l'émancipation des femmes et, de l'autre, ceux qui limitent leurs droits. Une IVG est un événement marquant pour une femme, elle marquera une Française sur trois dans sa vie. Je pense pourtant, très sincèrement, que ce texte ne va pas permettre de faire évoluer la situation. Vous vous détournez des vrais obstacles au libre accès à l'IVG en choisissant la facilité et en abandonnant ainsi les femmes à leur solitude. Dans quelques mois, il appartiendra à une nouvelle majorité d'apporter des solutions pérennes pour permettre à toutes les femmes de disposer librement de leur corps.

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