Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 17 janvier 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet, rapporteur :

Je profite de l'occasion pour adresser tous mes voeux aux membres de la Commission et au personnel qui nous entoure au quotidien.

Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à transposer une série de prescriptions européennes. C'est un ensemble relativement hétérogène puisqu'il s'agit de transcrire dans notre droit deux directives de 2016 et de 2017, et de tirer les conséquences d'une décision de 2011. Ces dispositions peuvent être rassemblées sous le thème de la sécurité.

Il s'agit d'abord de transposer la directive (UE) 20161148 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union, autrement dit à lutter contre la cybercriminalité au niveau européen et à garantir un niveau de sécurité élevé des réseaux et systèmes d'information des opérateurs de services dits essentiels – sur lesquels je reviendrai dans un instant.

Il s'agit ensuite de transposer la directive modifiant la directive 11042011UE relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes en mettant en place un système de contrôle de l'acquisition et de la détention des armes à feu, ce qui se traduit par un durcissement de la législation autour de ce socle commun.

Il s'agit enfin de tirer les conséquences de la décision européenne relative au fonctionnement du système mondial de radionavigation par satellite issu du programme GALILEO.

Ce projet de loi est assez intéressant, pour peu que l'on accepte de « payer un droit d'entrée » pour en comprendre les subtilités techniques… Mais c'est aussi un exercice relativement contraint, comme à chaque fois qu'il s'agit de transposer le droit européen : il faut échapper au double écueil de la surtransposition, que nous essayons de plus en plus systématiquement d'éviter, et d'une sous-transposition répréhensible au regard de nos engagements européens.

Ce texte a été examiné par le Sénat en première lecture, qui l'a amendé sur un plan technique et de façon constructive ; c'est la raison pour laquelle nous vous proposerons de conserver la plupart des modifications qu'il a introduites. Je voudrais vous en présenter la substance avant de reprendre brièvement les quelques sujets qui me semblent appeler un commentaire.

Pour ce qui concerne la lutte contre la cybercriminalité, il est de notoriété publique que la sécurité des réseaux informatiques et de l'information a pris un poids de plus en plus déterminant sur la société et sur l'économie. Nous sommes engagés dans une démarche pionnière qui vise à doter les États membres d'un dispositif commun afin de mieux résister aux assauts des organisations cybercriminelles et surtout de mieux collaborer. Pour ce faire, leur sont imposés un certain nombre d'exigences minimales communes, des mécanismes de prévention et de détection des incidents et de remédiation dans la mesure du possible.

Ainsi que je le disais tout à l'heure, l'exercice est limité dans la mesure où il existe déjà des exigences sectorielles au niveau européen, et car la France s'est dotée d'un dispositif normatif applicable aux organes d'importance vitale. En outre le projet de loi renvoie sur des points techniques à des dispositions réglementaires.

Concrètement, le but est d'imposer aux opérateurs dits « opérateurs de services essentiels à la société », dont la liste sera dressée par le Premier ministre, comme aux fournisseurs de services numériques – places de marché en ligne, moteurs de recherche en ligne, services d'informatique en nuage (cloud) – qui devront quant à eux se faire connaître auprès de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'informations (ANSSI), de prendre des mesures de sécurité et de se doter ainsi, au niveau européen, d'un socle commun de protection. Les incidents, lorsqu'ils surviennent, devront être déclarés aux autorités administratives compétentes, qui pourront rendre ces informations publiques. Les opérateurs sont invités à se soumettre à des contrôles, par des organes compétents, sur pièce et sur place, à leurs frais. Enfin, un certain nombre de sanctions sont prévues.

Seront concernés, pour faire simple, les fournisseurs de services numériques et les grandes entreprises de transport, de santé, d'industrie, d'énergie, d'alimentation, etc., ainsi que les grands services publics.

Le titre II, qui rassemble les dispositions relatives au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes, est directement lié à la lutte contre le terrorisme et s'inscrit dans le processus d'après-2015. Le but est d'harmoniser les règles au niveau européen.

Notre système de classification et de réglementation des armes reposait, jusqu'à présent, sur une structure en quatre catégories : les armes de catégorie A, interdites ; les armes de catégorie B, soumises à autorisation ; les armes de catégorie C, soumises à déclaration ; les armes de catégorie D, réparties en deux sous-catégories, les armes dites D1 soumises à enregistrement et les D2 dont l'acquisition et la détention sont libres. Cette classification est remaniée, en procédant au surclassement d'armes de catégorie B en catégorie A : leur acquisition devient interdite, à quelques dérogations près sur lesquelles nous reviendrons. Parallèlement, du fait de cette refonte de la classification, les armes qui appartenaient à la catégorie D1, autrement dit les armes soumises à enregistrement, intègrent la catégorie C.

Enfin, la directive n'assimile plus les reproductions d'armes historiques aux armes anciennes. Elle invite à prendre en considération les techniques modernes, dès lors qu'elles recourent à des techniques modernes susceptibles d'en améliorer la durabilité et la précision, ainsi que les armes neutralisées.

Sur le fond, plusieurs dispositions sont prévues. Le contrôle administratif sur les courtiers sera renforcé et leur régime juridique aligné sur celui des armuriers ; la livraison des armes à domicile est interdite et les transactions considérées suspectes seront signalées, une fois le refus signifié.

Le titre III regroupe les dispositions relatives au service public réglementé GALILEO. Le système européen de navigation par satellite a mis du temps à se mettre en place, mais il est devenu opérationnel et actif ; il impose désormais une forme de régulation. Ce système a vocation à être équivalent aux systèmes américain GPS, russe GLONASS (глобальная навигационная спутниковая система, « système global de navigation satellitaire ») et chinois COMPASS (Beidou 北斗).

GALILEO diffuse trois catégories de signaux : un signal libre de radionavigation par satellite utilisé par les particuliers que nous sommes ; un signal commercial qu'il était prévu, au départ, de rendre payant pour les opérateurs, mais dont la gratuité sera manifestement maintenue dans les années à venir ; enfin un système robuste et sécurisé, crypté, qui exige une réglementation particulière.

Pour ce dernier système, le projet de loi met en place un mécanisme d'autorisation préalable d'accès, de fabrication de récepteurs et de réception ; il impose, tout à fait logiquement, une déclaration des transferts à l'intérieur de l'Union européenne ; est enfin prévu un dispositif de sanction au cas où les deux prescriptions ne seraient pas respectées.

J'en viens à quelques commentaires sur ce projet de loi, pour éclairer nos débats,

S'agissant de GALILEO, nous sommes dans une situation complètement contrainte qui ne pose aucune difficulté particulière : le système d'autorisation, de déclaration et de sanction se nourrit de sa propre cohérence.

Pour ce qui est de la sécurité des réseaux et des systèmes d'information, les discussions qui se sont déroulées au fil des auditions, puis en commission et en séance publique au Sénat, ont mis en lumière la nécessité d'établir une distinction entre les opérateurs de services essentiels et leurs réseaux. Il arrive qu'un même opérateur ait différents réseaux dans sa structure, qui ne nécessitent pas tous le même degré de protection.

Ainsi, lorsque la SNCF – on m'a donné cet exemple pendant les auditions – déploie un réseau numérique pour gérer ses aiguillages, on comprend qu'il s'agit de quelque chose de vital, dans la mesure où une attaque pourrait avoir pour effet de provoquer des effets mortels ; lorsqu'il s'agit de gérer la billetterie, on a affaire à un service essentiel dans la mesure où une attaque pourrait perturber considérablement la fluidité des transports dans le pays ; mais une campagne promotionnelle sur un site internet relève d'une activité tout à fait normale, qui ne nécessite pas le même degré de protection.

Pour ce qui est des armes enfin, je reviendrai sur trois points qui ne manqueront pas de faire l'objet de débats.

Une préoccupation a pu s'exprimer au sujet des armes de chasse ; je voudrais rassurer les plus inquiets. La nouvelle législation ne changera absolument rien : les armes de chasse appartenaient à la catégorie D1 et faisaient l'objet d'un enregistrement ; désormais, elles devront faire l'objet d'une déclaration. Or les règles de la déclaration sont pratiquement les mêmes que celles de l'enregistrement. Quant à l'exigence du certificat médical, elle ne tient plus dès lors qu'on est en possession d'un permis de chasse.

Pour ce qui est du transport et de la possibilité de transporter librement les armes de chasse, le code de la sécurité intérieure, dans son article R. 315-2, répond aux inquiétudes exprimées : il dispose que le permis de chasse vaut titre de transport, dès lors qu'on se trouve sur une zone de chasse et en période de chasse. Il en va de même pour les tireurs sportifs.

Les armes de collection et les armes historiques, enfin, restent d'acquisition libre. Leur reproduction, en revanche, entre désormais dans le cadre de la directive, mais seulement dans le cas où leur précision et leur durabilité ont pu être améliorées par des techniques modernes.

Certains collectionneurs ont fait part de leurs inquiétudes à l'égard de ce projet ; vous pourrez les rassurer sans délai dans vos circonscriptions, puisque l'article R. 315-3 du code de la sécurité intérieure prévoit que « la justification de la participation à une reconstitution historique » est un motif légitime de port et de transport d'armes. Il n'y aura donc aucun souci pour organiser une reconstitution de la bataille d'Austerlitz ou du Débarquement.

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